Quelle place pour la PAC dans l’Europe de demain ?

Dans le cadre du Salon de l’Agriculture, TV AGRI, Groupama et Farm Europe animent une série de débat sur « quelle ambition pour la PAC 2020 ». Vous pouvez retrouver les débats sur le site évènement Ambition PAC 2020 avec nos invités Jean ARTHUIS, Député européen ; Jean-Yves DAGES, Président de Groupama ; Arnaud ROUSSEAU, Président d’Avril et Luc VERNET, Farm Europe.

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L’Union européenne est à la croisée des chemins.

Après s’être efforcée d’éviter le Brexit sans succès – avec, notamment, le slogan « big on big things, small on small things » et la volonté d’une Commission européenne plus « politique » – l’Europe est désormais concentrée sur une double priorité : organiser une sortie ordonnée du Royaume-Uni et relancer le projet européen autour d’une nouvelle dynamique fédératrice.

Le compte à rebours est lancé.

Au 29 mars 2019, l’Union ne devrait compter plus que 27 membres, contre 28 aujourd’hui. Le départ du Royaume-Uni sera alors effectif. Sauf échec des négociations UE/UK, une phase de transition mènera à une nouvelle relation avec les Britanniques. Un bon accord est crucial pour le secteur agro-alimentaire européen qui exporte massivement Outre-Atlantique – quelque 35 milliards d’euros par an !

Quelques semaines plus tard, en mai 2019, se tiendront les élections européennes. Elle sonneront le début d’un processus d’au moins 6 mois de renouvellement des institutions communautaires – le Parlement européen, puis la Commission européenne. Ces échéances pèseront lourdement dès 2018 sur l’agenda européen.

Malgré tout, la Commission européenne a indiqué qu’elle entendait faire de 2018 une année utile, en mettant sur la table non seulement une proposition de budget pour la période 2021-2028 comme elle est tenue de le faire, mais, en plus, un projet de réforme de la Politique agricole commune.

Etant donné le niveau inédit d’incertitude, tant sur le plan politique, économique et institutionnel, la période qui s’ouvre est donc forte de turbulences pour le projet européen, et en particulier pour les agriculteurs qui vivent l’Europe au quotidien à travers la PAC. Ils sont exposés d’une part à l’incertitude quant à un débouché majeur – le Royaume-Uni – et d’autre part aux tensions liées à la renégociation simultanée du budget européen et de la PAC.

Face à la montée de l’eurosceptiscime, la tentation de moins d’Europe, de davantage de flexibilité ou de subsidiarité se fait jour. Un affaiblissement de la dimension commune de la PAC ferait courir le risque d’une fragmentation du marché communautaire, de distorsions de concurrence, en particulier en matière de normes environnementales, et, à terme, de renationalisation de certaines décisions clefs associées à la PAC.

Les prochains mois seront donc décisifs pour définir les contours de la nouvelle Europe qui émerge, et au sein de cette nouvelle Europe, la place des « politiques traditionnelles » que sont la Politique Agricole Commune et la Politique de cohésion.

Décisifs pour répondre à la question : quelle ambition pour la PAC 2020 ?

PAC 2020: Une agriculture qui innove et investit

Dans le cadre du Salon de l’Agriculture, TV AGRI, Groupama et Farm Europe animent une série de débat sur « quelle ambition pour la PAC 2020 ». Vous pouvez retrouver les débats sur le site évènement Ambition PAC 2020 avec nos invités Jean-Baptiste MOREAU, Député LREM de la Creuse, Elli TSIFOROU, Directrice Affaires européennes de Gaia Epicheirein ; Frank GARNIER, Président Bayer France ; Jean-Marc BOURNIGAL, Directeur général AGPB (Association Générale des Producteurs de Blé), Luc VERNET, Farm Europe.

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Depuis ses origines, la Politique agricole commune a accompagné l’agriculture européenne sur le chemin de l’investissement et de la modernisation.

Elle a permis de faire de l’agriculture européenne une agriculture unique au monde, avec des structures diversités et à taille humaine, et en même temps performante et capables, de produire pratiquement de tout de façon compétitive.

De nombreux investissements sont aujourd’hui adossés aux aides de la PAC ou soutenus par des programmes de développement rural.

Mais l’agriculture européenne est arrivée au bout d’un cycle.

Elle est mise au défi de gagner encore en performance environnementale et en performance économique. Ce double défi auquel sont confronté les agriculteurs au quotidien est un défi pour la PAC post 2020.

Saura-t-elle une fois encore accompagner de l’agriculture européenne sur le chemin de l’innovation et de l’investissement ?

Un regain de compétitivité économique est nécessaire pour assurer la pérennité des exploitations agricoles. L’avenir du secteur agricole européen dépend de sa capacité à retrouver de la compétitivité alors que la productivité du capital est devenue négative depuis 10 ans.

Parallèlement, la performance environnementale est un impératif. L’Union européenne s’est fixée des objectifs ambitieux. Tout le monde a bien entendu en tête la COP21 et l’objectif de réduire d’au moins 40% en 2030 les émissions de gaz à effet de serre.

A travers l’Europe de nombreux projets voient le jour. Mais les freins à la diffusion d’une agriculture nouvelle sont nombreux. Le premier d’entre eux est la faible capacité d’investissement associée à des revenus agricoles en berne, le besoin de formation et d’accompagnement dans cette transition.

Les expérimentations menées à travers l’Europe montrent que les outils du numérique ne s’adressent pas seulement aux grandes exploitations. Y compris des espaces agricoles très fragmentés et frappés de plein fouet par les crises sont parfois aux avant-postes de la transition.

Prendre pleinement et maintenant le virage de l’agriculture digitale et de précision pour que l’Europe maintienne son haut niveau de technicité et de qualité est un véritable défi pour la PAC. L’enjeu : ne pas se faire distancer par nos concurrents qui font clairement de l’agriculture un enjeu stratégique pour le XXIe siècle.

Sécuriser les investissements, accompagner les prises de risques et valoriser les efforts financiers et humains sont trois ingrédients clefs d’une démarche de transition permettant aux acteurs d’investir et de s’impliquer pleinement dans des démarches de progrès pour l’ensemble des filières, végétales comme animales.

Trois ingrédients clefs pour la prochaine PAC.

La PAC peut faire face à un Brexit

Un éventuel Brexit ne porterait pas un coup fatal à la PAC d’un point de vue budgétaire, étant donné le rabais et le taux de retour britanniques. La PAC est la politique européenne pour laquelle la position de contributeur net du Royaume-Uni est la plus faible. L’impact d’un possible Brexit serait avant tout concentré sur le secteur agricole et alimentaire britannique et sur les flux commerciaux.

Le Royaume-Uni est un contributeur important du budget communautaire : il apporte 10,5% du budget total, mais une analyse fine de cette contribution permet de conclure qu’en matière de Politique Agricole Commune, cette contribution ne représente que 5% du budget.

En 2014, la contribution britannique a été de 14,1 milliards d’Euros, après déduction du rabais (6 milliards d’euros), alors que dans le même temps, les dépenses de l’Union européenne au Royaume-Uni se sont élevées à 7 milliards d’euros. Le Royaume-Uni est ainsi contributeur net au budget communautaire à hauteur de 7,1 milliards d’euros.

Toutefois, pour comprendre plus précisément l’impact d’un Brexit de façon spécifique sur le budget de la PAC en tant que tel, il est nécessaire de se pencher sur les moteurs de la négociation du cadre financier pluriannuel européen, et d’analyser, en particulier, la position de chacun des Etats membres, pour chacune des politiques prises individuellement.

Les priorités des Etats membres vis à vis du budget communautaire et les priorités politiques de ceux-ci peuvent se lire, pour une large part, à travers la performance spécifique de chacune de ses politiques pour leur propre équilibre budgétaire interne. C’est ce que l’on appelle le « taux de retour ». Chacune des politiques est analysées par les ministres des finances en fonction de sa capacité d’investissement au sein même de l’Etat membre considéré.

Cette approche permet de dessiner de façon plus précise et plus juste l’empreinte du Royaume-Uni sur le budget communautaire, et les implications d’une possible absence de contribution britannique dans un contexte post-Brexit – les implications du point de vue des ministres des finances, pour la PAC.

La performance du budget de la PAC pour le Royaume-Uni est de 0,57 cents. Cela signifie que le Royaume-Uni reçoit 0,57 cents pour 1 euro versé au budget de la PAC – ce qui est une performance bien meilleure que pour d’autres parties du budget communaitre : dans l’ensemble, le Royaume-Uni reçoit environ 0,39 cents pour 1 euros versé, étant donné le déséquilibre important lié en particulier  à la Politique régionale.

Une projection pour 2013, suivant cette approche, de la contribution du Royaume-Uni  au budget de la PAC amène donc à 6,8 milliards, 3,9 milliards d’euros reçus.

Cela signifie qu’en terme financier, l’impact d’un Brexit sur le budget de la PAC serait limité à moins de 5% du budget de la PAC – ou moins de 3 milliards par an.

Dans une certaine mesure, ces 5% pourraient être équilibrés dans l’éventualité d’une négociation financière post-Brexit, du fait de l’absence du Royaume-Uni qui est traditionnellement le principal avocat d’une baisse du budget de la PAC, dans le groupe des contributeurs nets.

Davantage d’éléments sur la performance budgétaire de la PAC ici.

Farm Europe lance le Wine Institute, section dédiée aux filières viticoles

Aujourd’hui, Farm Europe a lancé son Wine Institue. Cette nouvelle section du think tank va offrir un forum de réflexion et de débat spécifique sur l’avenir des filières viticoles européennes.

L’ambition clef du think tank sera de suivre les développements économiques en cours dans ces filières et de proposer des mesures politiques pour renforcer la position de leader de l’Union européenne dans ce secteur qui représente, à l’échelle de la planète, quelque 420 milliards d’euros de chiffre d’affaires total.

Avec le nouveau régime des droits de plantation, en place depuis le 1er janvier 2016, le secteur européen du vin entre dans une nouvelle ère en matière de gestion du potentiel de croissance des différents segments de marché, en Europe. L’ensemble des acteurs économiques a une responsabilité importante pour faire du nouveau système un mécanisme durable, efficient et efficace.

Le WI va suivre de près les développement en cours, tout en travaillant activement à la cohérence entre les défis et évolutions en cours dans le secteur et les politiques publiques mises en place à l’échelle européenne – en particulier en ce qui concerne les outils de promotion et de commerce, le changement climatique, l’innovation ou encore l’étiquetage.

 

RÉPONSE DE FARM EUROPE A LA CONSULTATION DE LA CHAMBRE DES LORDS BRITANNIQUE INTITULEE :RÉPONDRE A la volatilité des prix: Bâtir un secteur agricole plus résilient.

La Chambre des Lords du Parlement britannique a lancé avant Noël, une consultation sur la volatilité des prix et la résilience de l’agriculture. Un débat sur le sujet a été lancé dans le cadre de cette assemblée début janvier.

Farm Europe a été invité à contribuer au débat à travers une contribution écrite. Voici les réponses aux questions soulevées :

  • Quel est le rôle des politiques publiques dans l’atténuation de l’impact de la volatilité potentielle des prix? Dans quelle mesure la réponse devrait-elle être un effort partagé entre les institutions européennes et les gouvernements des États membres? Quels sont les différents rôles de l’industrie d’une part et les agriculteurs individuels sur l’autre?

Les moteurs de la volatilité des prix sont en effet multiples et complexes. Les évènements climatiques extrêmes sont rendus plus fréquents en raison du réchauffement climatique, de l’accroîssement de la demande alimentaire à la en lien avec l’évolution de population mondiale et des revenus, ainsi que les liens accrus entre les marchés financiers et les marchés des matières premières. L’ensemble de ces facteurs joue un rôle important.

Aucun des moteurs de la volatilité des prix présentés ci-dessus n’est susceptible d’être endigué de façon adéquate par les agriculteurs à un niveau individuel ou par d’autres acteurs des filières agro-alimentaires isolément. Par conséquent, il est du ressort des politiques publiques de répondre à ces enjeux de façon à en limiter les impacts négatifs.

La résilience du secteur agricole sous-tend l’approvisionnement des citoyens européens en aliments sûr, durable et à des prix abordables, de même qu’elle se doit d’assurer une certaine stabilité financière aux agriculteurs de l’UE. Un secteur agricole résilient est un secteur en mesure de faire face aux risques de manière efficace, et de prendre des mesures pour atténuer les effets plus importants de la volatilité des prix mondiaux.

La politique agricole étant une politique commune de l’Union européenne de longue date, à travers la Politique agricole commune (PAC), celle-ci devrait donc être le cadre adéquat pour des politiques permettant d’atténuer les effets négatifs de la volatilité des prix.

La PAC ne peut pas atteindre cet objectif sans engager un dialogue, et déléguer un certain nombre d’éléménts, aux autorités des États membres et à des acteurs du secteur privé. Une pallette large d’instruments doit être activée pour mener ce type de politique, qui, pour partie, seraient plus efficaces à l’échelle nationale ou régionale, ou avec des acteurs publics et privés. Les partenariats public-privé pourraient être un modèle dans ce domaine.

Les agriculteurs sont, de loin, le groupe le plus affecté et concerné. Ils devraient bénéficier des mesures d’atténuation mises en oeuvre. Les agriculteurs devraient également être appelés à contribuer à ces mesures de façon raisonnable et équilibrée.

Pour sa part, l’industrie doit également fournir autant que possible de la stabilité au secteur agricole. A cet égard, une répartition plus équilibrée des bénéfices à travers la chaîne de valeur ajoutée est nécessaire.

  • Les réponses politiques publiques doivent-elles faire une distinction entre le soutien à la résilience de l’industrie dans son ensemble, l’appui à la résilience des secteurs spécifiques et le soutien à la résilience des unités individuelles de l’activité?

Il est difficile de renforcer la résilience de l’ensemble des filières agro-alimentaire sans soutenir, en premier lieu, les unités économiques individuelles de l’amont que sont les exploitations agricoles.

De plus, des mesures ciblées à des secteurs qui font face à des difficultés spécifiques pourraient être un moyen d’accroître l’efficacité globale du mécanisme. Le « one size fits all » ne fonctinne pas en la matière – et des soutiens ciblés sont plus efficaces et pertinents que des politiques globales.

  • Actuellement, quels sont les éléments clés de la gestion du risque de prix de l’industrie? Quels outils sont en outre nécessaires?

Une gestion efficace des risques peut atténuer les effets négatifs de la volatilité des prix. Selon les propres mots de l’OCDE, «la gestion des risques en agriculture est maintenant un outil essentiel pour permettre aux agriculteurs d’anticiper, d’éviter et de réagir aux chocs. Un système de gestion des risques efficace pour l’agriculture permettra de préserver le niveau de vie de ceux qui dépendent de l’agriculture, de renforcer la viabilité des entreprises agricoles, et de créer un environnement qui soutient les investissements dans le secteur agricole « .

En réponse à cette question, il est donc utile de distinguer entre le niveau « exploitation agricole » et celui de l’industrie agroalimentaire. Il a actuellement de grandes différences d’un secteur à l’autre. Les secteurs qui ont des coopératives puissantes sont dans une position très différente de ceux qui ont seulement des acteurs privés. Les coopératives appartenant aux agriculteurs ont dans une certaine mesure plus de possibilités et de moyens pour atténuer l’impact de la volatilité des prix.

Au niveau des exploitations, des instruments sont disponibles dans le cadre de la PAC. Ils concernent les prix d’intervention publique pour certains produits (céréales, viande de bœuf, les produits laitiers), fixés à un niveau bas pour garantir qu’ils ne sont déclenchées que dans des situations extrêmes ; les soutiens au stockage privé lorsque les prix baissent en-deçà des niveaux établis (porc, produits laitiers) ; et les soutiens indirects aux organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes permettant de retirer du marché les excédents de production. En plus de ces instruments, existe la possibilité, pour les États membres, de soutenir les régimes d’assurance grâce à des fonds issus du «deuxième pilier».

Au niveau de l’agro-industrie et des coopératives, il existe également des mécanismes financiers de couverture des risques, disponibles pour quelques produits et marchés spécifiques. Actuellement, dans l’UE, les marchés à termes ne concernent que deux produits et sont disponibles seulement pour deux marchés – le blé (à Paris) et le sucre (à Londres). Les marchés à terme, même étendus à d’autres produits de base, ne peuvent couvrir que partiellement les productions agricoles. Il est, par exemple, concevable d’avoir un marché à terme pour le lait écrémé en poudre, mais pas pour la production de fromage très diversifiée. A ces limitations, inhérentes à l’instrument, doit être ajouté le fait qu’ils nécessitent pour être utilisés des connaissances hautement spécialisées.

Les mécanismes existants actuellement ont montré qu’ils sont insuffisants lorsqu’une crise de déclenche, comme en témoigne la récente crise dans le secteur laitier. Les mécanismes d’assurance sont trop peu nombreux, et trop faibles pour fournir un soutien approprié à la chute de prix d’un secteur donné.

À l’heure actuelle la PAC consacre 1% de son budget aux soutiens aux mécanismes d’assurance, alors qu’à l’inverse 60% des dépenses va aux aides directes au revenu (paiements directs), indépendamment des fluctuations de marché.

Un nouveau cadre pour le renforcement des mécanismes d’assurance, avec un soutien appriorié de la PAC, est un outil fondamental qui devrait être développé.

 

  • Quel effet a la marchandisation des produits agricoles UE sur la capacité des agriculteurs à réagir aux risques de manière efficace? Quels moyens actuels pour les agriculteurs pour atténuer les effets sur l’exploitation des marchés mondiaux de matières premières volatiles et des fluctuations monétaires?

La « commoditisation » des produits agricoles doit être analysée en lien avec le renforcement des relations d’une part entre les marchés financiers et marchés des matières premières, et d’autres part au sein même du marché des commodités entre l’agriculture et les autres matières premières (énergie, métaux).

Ces développements ont contribué à augmenter la volatilité des prix et donc à exposer davantage les agriculteurs à des fluctuations de prix plus fortes que ce qui devrait être la norme dans le cadre d’une relation normale entre l’offre et la demande. Les instruments dont disposent les agriculteurs pour faire face à ces risques sont actuellement plutôt limité – quelques régimes d’assurance dispersés, et encore moins d’instruments de couverture. La disponibilité d’informations pertinentes et précises sur les marchés est également un domaine où il y a encore une marge d’amélioration.

  • Quels sont les obstacles à une gestion des risques plus efficace à la ferme: mécanismes de fixation de prix à plus long terme, diversification, travail coopératif et crédit-bail, etc ? Comment ces obstacles peuvent être surmontés et quel est le rôle de l’UE et des politiques publiques nationales ?

La gestion des risques liés aux prix, à l’échelle des exploitations, est affaiblie par l’absence d’instruments suffisamment bien dotés, en particulier le manque de régimes d’assurance ad hoc.

La diversification des productions à l’échelle d’une exploitation contribue à limiter les risques. Toutefois, il y a des limites à ce qu’un agriculteur peut faire en la matière. Les contraintes liées aux sols, au climat, à la technologie et au capital sont bien connues.

Pour leur part, les coopératives peuvent aider à stabiliser les prix, mais seulement dans la limite de leurs capacités financières et contractuelles. Les contrats à terme sont également utiles, mais ils ont une portée très limitée.

Dès lors, l’UE et les politiques publiques nationales ont un rôle à jouer, en fournissant des régimes d’assurance appropriés entre les secteurs et les pays.

De plus, les politiques publiques à l’échelle européenne et nationale devraient également définir le cadre adéquat pour une meilleure transmission des prix et une répartition plus équilibrée de la valeur ajoutée au sein de la chaîne alimentaires.

  • Les instruments fondés sur le marché sont-ils adaptés aux situations actuelles? Comment l’introduction de nouveaux outils financiers pourrait elle être conçue pour éviter des effets spéculatifs indésirables ?

Des mécanismes d’assurance contre la baisse brutale et importante des prix  ou bien contre les mauvaises récoltes peuvent être apportés par le marché, avec un appui adéquat de fonds publics européens et nationaux de façon à garantir un système de couverture des pertes pour les assureurs privés et rendre le niveau des primes abordable pour les agriculteurs.

En raison des besoins financiers très conséquents associés aux régimes d’assurance des prix, ces mécanismes devraient être conçus et pris en charge au niveau de l’UE, à travers un financement de la PAC. Il est irréaliste, en effet, de s’attendre à ce que des mécanismes d’assurance-prix se construisent uniquement au niveau national ou régional, étant donné les besoins financiers nécessaires pour faire face des chutes de prix importantes.

Une autre voie ouverte aux acteurs du marché est d’étendre l’utilisation de contrats entre les agriculteurs ou leurs coopératives, et les acheteurs (agro-industrie, commerce de gros et de détail). Celle-ci pourrait également contribuer à augmenter la stabilité des prix et aider à anticiper l’évolution des cours.

  • Quel jugement sur les conditions actuelles d’accès au financement des investissements? Quel rôle pour la Banque européenne d’investissement pour soutenir l’investissement dans les exploitations? Quels autres instruments susceptibles d’améliorer l’accès au financement dans un environnement volatile?

L’investissement est la clé du développement d’une agriculture durable et compétitive. Un des plus grands problèmes auxquels sont confrontés les agriculteurs qui sont prêts à investir ou ont investi par le passé est : comment rembourser les prêts – et donc prendre des engagements financiers – dans un environnement de prix volatile?

La Banque européenne d’investissement pourrait s’engager et apporter un soutien financier aux prêteurs au sein de l’Union européenne. La BEI pourrait offrir du crédit aux prêteurs sur mesure pour améliorer les conditions et faciliter l’accès au crédit pour l’investissement des agriculteurs.

  • Quel est le niveau d’information disponible pour les agriculteurs afin qu’ils puissent utiliser des instruments d’arbitrage sur les marchés et voire envisager d’autres options au niveau de leurs fermes? Comment la disponibilité des connaissances pourrait être améliorée?

Les organes consultatifs nationaux sont des plateformes d’informations pour les agriculteurs. Des avancées devraient être réalisées pour fournir encore davantage de données pertinentes sur comment les agriculteurs peuvent bénéficier d’outils fondés sur le marché pour atténuer la volatilité et accroître la résilience, y compris les assurances, les contrats et les marchés futurs.

Aussi, les autorités nationales pourraient offrir des outils de formation aux agriculteurs ou à leurs représentants permettant de renforcer le niveau de compréhension sur le fonctionnement des mécanismes de contractualisation et des marchés à terme.

  • Quel devrait être le rôle de l’innovation dans la création d’un secteur agricole plus résilient? L’investissement dans la recherche scientifique et celui lui à la dissémination sont-ils suffisants?

L’innovation est une clé pour l’avenir du secteur agricole. Elle peut aider les agriculteurs à faire face à des événements météorologiques extrêmes, notamment à travers des semences plus résistantes ou meilleure gestion des sols.

Pour encourager l’innovation, les efforts de recherche sont primordiaux. Durant les dernières décennies, l’augmentation de la productivité s’est enrayé, ce qui compromet la capacité du secteur agricole à satisfaire une demande mondiale accrue venant d’une population plus nombreuse et plus riche, en particulier dans les pays émergents.

Il est important de souligner qu’en parallèle du tassement de l’augmentation de la productivité agricole, ces dernières décennies ont également vu une baisse des efforts en matière de recherche agricole. Cette tendance doit être inversée si nous voulons mettre la planète en position de fournir assez de nourriture pour population en augmentation.

Les organismes publics et privés au niveau de européen et nationaux devraient travailler de concert pour favoriser la recherche agro-alimentaire, et en diffuser les résultats.

  • Dans quelle mesure la politique agricole de l’UE aide-t-elle réellement les agriculteurs à atténuer l’impact de la volatilité potentielle des prix? La gestion du risque prix doit-il devenir un objectif explicite de la politique agricole commune, voire une priorité marquée avec des outils spécifiques ? Quels changements à long terme devraient être apportés à la politique agricole commune pour soutenir l’industrie agricole pour répondre au risque de prix plus efficacement? Les régimes d’assurance doivent-ils jouer un rôle plus important?

La PAC actuelle tente de stabiliser les revenus agricoles par le biais d’aides directes aux revenus, indépendamment de l’évolution des prix.

Comme mentionné précédemment, 60% du budget de la PAC va a ce type d’outils, et seulement 1% aux mécanismes d’assurance. A cela s’ajoute le fait que la PAC fournit un certain nombre de filets de sécurité pour certains secteurs clés : céréales, produits laitiers, bœuf, porc, fruits et légumes. Toutefois, ces mesures se sont révélées insuffisantes pour répondre aux chutes de prix les plus importantes, entraînant des pertes de revenus considérables pour les agriculteurs actifs sur les secteurs les plus touchés, effondrements qui mettent en péril la capacité des agriculteurs à investir, à moderniser leurs exploitations et à faire face à la volatilité des prix.

Pour renforcer le niveau de résilience du secteur agricole, des mesures explicites fortes devraient être mises en œuvre qui permettent de répondre aux risques de prix dans la PAC. En particulier, les régimes d’assurance devraient être dotés d’une réelle existance au sein de la PAC avec un niveau de financement adéquat.

Ces régimes d’assurance devraient être fournis au niveau national ou régional, par des organismes privés ou publics, et être bien adaptés aux besoins des agriculteurs. Ils devraient être disponibles au niveau européen, pour tous les agriculteurs qui souhaitent y souscrire. Comme évoqué précédemment, les fonds publics devraient fournir des incitants aux companies d’assurance et rendre ces régimes d’assurance viables pour les agriculteurs, ceci étant faisable uniquement avec des soutiens de niveau européen.

D’un côté, l’assurance devrait être abordable pour les agriculteurs et, de l’autre, les compagnies d’assurance devraient avoir des garanties appropriées quant à la couverture des pertes majeures.

Dès lors, des progrès en ce sens pourraient être réalisés en deux étapes.

A court terme, des ressources supplémentaires pourraient être transférées des aides directes vers un soutien accru aux régimes d’assurance. Cela nécessiterait un examen à mi-parcours de la PAC actuelle qui permettrait, en augmentant la part des aides directes au revenu «premier pilier», qui pourrait être transféré vers le «second pilier».

Toutefois, à moyen et à long terme, la PAC a besoin d’une révision plus fondamentale autour de trois principaux objectifs pour une politique commune : soutenir la résilience du secteur, promouvoir l’agriculture durable, et de stimuler la croissance par l’innovation et l’investissement en particulier. Il est difficile à défendre que d’orienter 60% des ressources sur l’aide directe aux revenus, indépendamment des fluctuations des prix du marché, soit la bonne voie à suivre.

Dans un second temps,­ la PAC pourrait être structurée autour de ces trois objectifs clés. Dans cette nouvelle perspective, les régimes d’assurance seraient un pilier important au sein de la PAC réformée, qui favoriserait la résilience.

Construire des idées innovantes pour renforcer la contribution de la chaine alimentaire aux politiques de santé

La lutte contre les maladies non-transmissibles est devenue un objectif central des politiques de santé publique à l’échelle globale, européenne, et des Etats membres, plaçant les politiques nutritionnelles sous les feux des projecteurs.
Cette semaine, Farm Europe a lancé un premier débat sur la chaine alimentaire de l’UE et sa contribution à la santé. Rassemblant des représentants de l’industrie alimentaire, des organisations agricoles, des ONGs, et des institutions européennes, la discussion s’est focalisée sur la fragmentation du paysage règlementaire en Europe, la perception différentes du sujet selon les maillons de la chaine, et la nécessité d’adopter des approches innovantes à l’avenir pour développer une politique de santé publique à la fois efficace et bien ciblée, et donner aux acteurs économiques de la visibilité.
Sur cette base, Farm Europe – en tant que fabrique de politiques alimentaires – va intensifier sa contribution aux débats, en offrant aux différents acteurs qui souhaitent investir dans la réflexion et le développement d’idées cohérentes et innovantes un terrain neutre. L’objectif sera de renforcer la contribution de la chaine alimentaire la santé publique, tout en préservant la cohérence sur marché intérieur de l’UE.
Les récents développements dans plusieurs pays de l’UE ont clairement montrés que la pression monte. Le tabac constitue désormais en laboratoire des mesures fiscales et règlementaires pour les avocats de la santé publique et les régulateurs la chaine alimentaire à l’échelle internationale, européenne et nationale, y compris à travers des mesures contraignantes telles que les taxes, ou les contraintes d’étiquetage qui ne sont pourtant pas toujours perçues comme les solutions les plus efficaces – de telles mesures tendent à provoquer des distorsions en matière de commerce, et éludent le role de l’éducation et de la responsabilité individuelle en matière de santé. Elles peuvent également être une source de discrimination.

Négociation UE/Etats-Unis : L’agriculture européenne mérite une approche globale et dynamique

 

Le 14 octobre, Farm Europe a organisé un débat public sur les négociations du Partenariat Transatlantique pour le Commerce et l’Investissement (TTIP) au Parlement européen, sous l’égide de Paolo de Castro, Membre du Parlement européen.

Alors que les négociations semblent entrer dans un cycle plus dynamique, Farm Europe a présenté 8 messages clefs à prendre en compte par les négociateurs pour défendre une approche solide du volet agricole de la négociation pour l’Union européenne. Globalement, la négociation commerciale avec les Etats-Unis n’est certainement pas en tant que telle une priorité pour l’agriculture européenne. Néanmoins, compte tenu des enjeux géopolitiques et de la contribution potentielle du TTIP pour l’économie européenne dans son ensemble, il est nécessaire pour l’agriculture européenne de se préparer et de s’insérer dans une approche dynamique.

Présentant le rapport, Joao Pacheco, Senior Fellow à Farm Europe, a indiqué:” L’Union européenne ne doit pas cantonner son agriculture à une approche défensive, ni faire profil bas en ne défendant que les produits de niche qui ont déjà des positions fortes sur le marché américain. Les indications géographiques sont bien entendu importantes pour le secteur agro-alimentaire de l’UE – en particulier celles qui jouent un rôle de locomotive sur les marchés mondiaux. Mais l’accès au marché de produits agro-alimentaires dans leur ensemble doit être traité de façon sérieuse pour trouver un équilibre gagnant-gagnant au sein même du volet agricole de la négociation. Enfin, plusieurs secteurs font potentiellement face à de réelles menaces à l’occasion de cette négociation, qui ne doivent pas être sous-estimées. Les lignes rouges de l’UE devront être traitées tant à travers de réelles mesures de protection introduites au fil de la négociation qu’avec des politiques internes européennes donnant aux secteurs affectés les outils pour s’adapter et rattraper leur retard de compétitivité par rapport aux producteurs américains ».

Farm Europe a identifié 8 dossiers clefs pour l’agriculture dans ces négociations et souligné les principales positions et recommandations pour chaque secteur:

  1. Viandes et produits carnés : il est crucial de négocier un TRQ (Tariff Rate Quota) limité plutôt qu’une élimination des protections tarifaires. Une période de mise en œuvre longue serait aussi nécessaire, pour s’assurer que le secteur a le temps de se structurer. De plus, la Commission européenne devrait présenter un plan d’action global pour soutenir et dynamiser ce secteur.
  2. Produits laitiers : le TTIP pourrait déboucher sur une libéralisation des échanges dans ce secteur et une élimination des barrières règlementaires. Toutefois, la protection de certaines Indications géographiques devrait faire l’objet d’une analyse économique précise pour s’assurer que les bénéfices équilibrent les coûts pour d’autres pans de la négociation agricole.
  3. Céréales et oléagineux : Farm Europe comprend que le TTIP pourrait déboucher sur élimination substantielle des protections tarifaires pour le secteur des céréales et oléagineux. Dans ce cas l’UE devrait aider au développement de son secteur des biocarburants, plutôt que de le limiter, pour lui permettre de se battre à armes égales avec son concurrent des Etats-Unis. Par ailleurs, un niveau de protection adéquat devrait être maintenu pour les produits les plus sensibles tels que le riz, et pour d’autres céréales pour tenir compte des distorsions naissant des mécanismes de soutiens internes aux Etats-Unis.
  4. Fécule et éthanol : L’industrie de l’UE a besoin de temps, d’un cadre règlementaire adéquat et de protections pour faire face à la concurrence étasunienne. De plus, la balance coût/bénéfice du bioéthanol devrait être évaluée de façon approfondie, et une étude objective de l’impact sur le déficit de l’UE en protéines devrait être menée, plutôt que de céder à des campagnes ciblées.
  5. Fruits et légumes, fruits à coque et huile d’olive : La libéralisation et l’élimination des barrières non tarifaires devrait généralement être bénéfique pour ces secteurs hautement diversifiés dès lors que les barrières SPS sont effectivement levées côté Etats-Unis.
  6. Vin et bières : L’UE devrait être offensive pour ce secteur, construisant sur son regain de compétitivité, et concentrant ses efforts sur l’élimination des barrières tarifaires dans la négociation plutôt que de focaliser exclusivement sur les indications géographiques.
  7. Sucre et aux produits transformés : L’élimination des quotas sucriers en Europe après 2017 oriente la négociation vers une position européenne forte pour le sucre et les produits à base de sucre sur le long terme, étant donné que cette réforme va renforcer la compétitivité de la production sucrière de l’UE. Néanmoins, une attention spécifique devrait être portée sur certains sucres spéciaux, et l’UE doit exiger un respect strict des règles d’origine.
  8. Aspects Sanitaires et Phytosanitaires (SPS) : Même en excluant les hormones et les OGMs, le dossier des SPS peut être discuté de façon constructive et des solutions négociées peuvent être dégagées.

L’analyse intégrale peut être téléchargée à l’adresse suivante :

http://www.farm-europe.eu/wp-content/uploads/2015/10/TTIP-final.pdf

Farm Europe va également poursuivre son travail sur les aspects internes de la politique agricole de l’UE. La capacité de l’UE à adapter sa Politique agricole commune aux défis économiques réels auxquels sont confrontés les agriculteurs va jouer un rôle décisif dans la compétitivité globale du secteur agro-alimentaire européen, et donc, avoir un impact décisif sur sa capacité à rester un acteur clef sur les marchés mondiaux.

 

L’UE doit réfléchir à la PAC de demain

Alors que se profile une nouvelle crise agricole, personne ne parle de la Politique Agricole Commune. Force est de constater que l’Europe n’est pas armée pour répondre à ce type de crise, écrivent Yves Madre et Luc Vernet chez Euractiv.

L’Union européenne a abordé la crise laitière, et plus largement la crise de ses filières de production animale (porc et bœuf compris) en ordre dispersé. Au total, plusieurs centaines de millions d’euros d’aides d’urgence ont été annoncées pendant l’été par les gouvernements de différents pays de l’UE, au premier rang desquels la Belgique, l’Espagne, l’Italie, la France, et l’Estonie. On aurait pu oublier qu’il existe une Politique agricole commune à l’ensemble des pays européens, si un Conseil des ministres de l’agriculture des 28 n’avait été convoqué, en urgence, le 7 septembre.

Même si la situation varie d’un pays à l’autre, d’un secteur à l’autre et d’une exploitation à l’autre, l’ensemble des producteurs européens passent par une mauvaise passe face à l’accumulation des mauvaises nouvelles : embargo russe sur les produits alimentaires, ralentissement chinois, qui avait créé une certaine euphorie, et persistance de la morosité sur le marché européen. La question qui se pose donc est « que fait l’Europe » ou « que peut faire l’Europe » au-delà du simple constat qu’il « y a trop de lait sur le marché », posé en juillet par le Commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan ?

D’ores et déjà, l’été l’a montré : au-delà des mesures de court terme, il s’agit désormais de réfléchir à des adaptations structurelles de la Politique agricole commune, elle-même, pour retrouver, à l’échelle européenne, une vision commune de l’avenir de l’agriculture et une stratégie collective. Ce chantier de grande ampleur est le seul à même de permettre à nos entreprises agricoles, partout en Europe, d’être plus résilientes face aux crises et d’éviter une renationalisation à grande vitesse de la gestion des aléas.

Face à des besoins alimentaires mondiaux en très forte croissance, et alors que les marchés communautaires, eux, sont matures, l’Europe a tous les atouts pour être un grand fournisseur. Elle dispose des technologies et d’un climat très favorable pour y parvenir. Toutefois, pour cela, elle devra apporter, à l’échelle européenne, les réponses pertinentes aux défis liés à cette croissance qui doit être durable sur tous les plans – environnemental, économique, et social. Et en particulier apprendre à mieux gérer les soubresauts des marchés. Cette crise n’est pas la dernière, loin de là. Les aléas météorologiques, économiques et géopolitiques sont de plus en plus fréquents, et violents.

Force est de constater qu’à ce jour, l’Europe n’est pas armée. Pire, l’absence d’outils efficaces de stabilisation du revenu agricole exacerbe la volatilité. Pleinement acteurs du marché, la plupart des producteurs sont poussés, pour répondre aux signaux du marché, à produire plus quand la demande est élevée pour profiter de bons prix, et à produire plus, aussi, quand les prix sont faibles, pour compenser les prix bas par le volume, en espérant que leur voisin, lui, produise moins ou disparaisse.

Cette spirale infernale risque fort d’alimenter une concurrence malsaine entre producteurs, faute de sursaut européen et de réinvestissement dans la Politique agricole commune. Il est urgent de répondre à l’enjeu économique majeur des prochaines années à savoir la gestion de la volatilité.

La dernière réforme de la PAC s’est concentrée sur un grand sujet, celui de la durabilité des pratiques agricoles – avec la mise en place du verdissement. Celui-ci devrait permettre d’investir près de 100 milliards d’euros en 7 ans dans l’amélioration de l’empreinte environnementale de l’alimentation produite en Europe. Il est nécessaire désormais de traiter sérieusement de la durabilité économique du secteur, à travers une sécurisation des revenus et une structuration de filières performantes. L’économie et l’environnement sont deux pans incontournables de la durabilité de l’agriculture européenne, deux éléments clefs pour attirer des jeunes vers ces métiers, et des investissements.

A court terme, faute d’avoir su anticiper, l’Europe devra gérer avec les moyens du bord: enrayer l’hémorragie, limiter la casse et le découragement de producteurs dynamiques, capables de structurer les économies rurales de demain, qui sont ceux qui manifestent aujourd’hui.

La palette de mesures ayant potentiellement un effet favorable est limitée. Il est possible de relever le prix de déclenchement du stockage public (intervention) de 21,7 cents à 25 cents, pour le mettre en phase avec la réalité économique du secteur, sans alimenter une surproduction artificielle, comme cela s’est vu par le passé.

D’aucuns attendent également de la Commission qu’elle dégage une « enveloppe financière » pour le secteur laitier. Ce serait également utile. Mais, pour éviter le saupoudrage budgétaire et l’affichage politique sans réel impact économique, les mesures devront être ciblées sur les zones et les défis rencontrés par les secteurs en difficultés : défi des charges financières liés aux prêts contractés par ceux qui ont investi récemment pour préparer l’avenir ; défi des exploitations modestes présentes en zones plus défavorisées et touchées par ricochet quand bien même leurs marchés sont beaucoup plus locaux ; défi de la prolongation de la fermeture du marché russe ; défi de la conquête de nouveaux marchés et donc des investissements de promotion à réaliser sachant que les bénéfices nécessitent a minima de 12 à 18 mois avant d’être tangibles.

C’est en gérant au mieux les prochains mois, et en ouvrant le chantier de la PAC de demain rapidement que l’Europe montrera son ambition pour l’économie agricole et agroalimentaire du continent, non seulement à travers son budget – qui reste conséquent – mais aussi à travers sa capacité à porter une vision et une stratégie pour ses agriculteurs, partout en Europe. Au-delà du signal économique, c’est aussi un signal politique qui est nécessaire pour redonner des perspectives d’avenir à ceux qui produisent quotidiennement l’alimentation des 500 millions d’Européens.

Farm Europe se réjouit d’accueillir l’Union centrale des agriculteurs finnois et propriétaires forestiers

Aujourd’hui, M. Juha Marttila, président du MTK (Union centrale des producteurs agricoles etIMG_1718 propriétaires forestiers finnois), a finalisé l’adhésion du MTK au think tank  FARM EUROPE, à Bruxelles.

A cette occasion, M. Marttila a déclaré : « L’agriculture et l’alimentation sont des responsabilités majeures de l’Union européenne à travers la Politique agricole commune, et aussi de nombreuses règlementations qui ont un impact sur les économies rurales. Dans un contexte de changements rapides et complexes à l’échelle internationale, il est important d’investir non seulement dans des priorités de court terme, mais aussi de prendre le temps de réfléchir et de préparer de façon proactive les stratégies de demain, au niveau européen, si nous voulons que l’Union européenne garde sa place de leader tant en termes de compétitivité que de durabilité du secteur agricole. C’est de cela qu’il s’agit au sein de Farm Europe et le MTK se réjouit de participer activement à ce processus de réflexion. »

M. Yves Madre, co-fondateur de Farm Europe a ajouté: « nous souhaitons la bienvenue à MTK en tant que nouveau membre et contributeur important du think tank. Cette coopération va renforcer la compréhension et la capacité du think tank à analyser les défis auxquels sont confrontés les systèmes agro-alimentaires du nord de l’Union européenne. Cette coopération avec le MTK et ses représentants va également permettre au think tank de renforcer ses relations avec des instituts de recherche en Finlande. »

Farm Europe entend résolument développer sa réflexion sur des solutions efficaces pour activer au planIMG_1721 européen des leviers politiques de façon à accroître tant la compétitivité que la durabilité des exploitations agricoles et du secteur agroalimentaire européen, et participer aux débats avec des propositions concrètes. Le think tank couvre l’ensemble des champs politiques ayant un impact sur les économies rurales, en mettant l’accent sur les politiques agricoles et agroalimentaires, la Politique agricole commune, mais aussi les normes alimentaires, la chaine alimentaire, l’environnement, l’énergie et les enjeux liés au commerce.


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Fin des quotas laitiers: Page blanche pour la PAC

L’Union européenne tourne la page des quotas laitiers, instaurés en 1984 pour endiguer les montagnes de beurre et de lait. La décision d’en finir avec les limites de production, prise en 2003, a été anticipée par beaucoup d’acteurs économiques à travers des investissements considérables. Mais elle n’a pas été véritablement préparée par les pouvoirs publics. Ceux-ci ont accompagné la fin des quotas avec le « soft landing », mais ils ont fait l’impasse sur deux éléments clefs pour l’avenir :

  • la mise en place d’un cadre politique clair sur l’accompagnement post-quotas de la filière, faute de consensus suffisant à l’échelle européenne ;
  • un exercice d’explication auprès des citoyens européens des changements en cours dans les exploitations : la ferme de demain ne peut pas être celle d’hier.

Politiquement, l’Union aborde donc la fin des quotas en ordre dispersé, avec, d’un côté, des zones de production ou des acteurs économiques qui se tournent vers le marché mondial et qui se doivent d’être offensifs et, de l’autre, des régions plus fragiles en quête de nouvelles stratégies pour valoriser leur production et défendre leur présence, demain, sur leurs marchés.

Pour ces deux types de réalités, des outils sont nécessaires pour que l’après quotas se fasse de façon sereine, et que l’Union fasse de cet après-quotas une véritable opportunité de croissance pérenne.

D’une part, il est nécessaire de disposer d’outils qui permettent aux opérateurs de partir à la conquête de nouveaux marchés avec des amortisseurs de crise efficaces – les producteurs les plus exposés à une crise dans les prochaines années ne seront pas forcément ceux auxquels on pense au premier abord. Reprendre ou moderniser une exploitation coûte extrêmement cher – à lui seul, un robot de traite, c’est environ 100.000 euros d’investissement pour 60 vaches laitières. Comment rembourser de tels emprunts en période de crise ?

La réserve de crise mise en place à l’occasion de la dernière réforme de la PAC est dotée de 400 millions d’euros. Elle n’est pas formatée pour faire face à une crise laitière d’une ampleur telle que celle de 2009. A l’époque, le budget communautaire avait déboursé plus de 600 millions d’euros, avec, en plus, des aides nationales massives dans certains Etats membres, notamment en France et en Allemagne. L’état des finances publiques laisse à penser que ce type de soutien national ne serait pas au rendez-vous en cas de nouvelle crise.

L’enjeu est de taille : l’Europe dispose d’atouts considérables pour répondre à la demande mondiale, mais elle n’est pas seule. La Nouvelle-Zélande, l’Australie ou les Etats-Unis sont à l’offensive. Ces dernières années, les parts de marché de l’Union européenne se sont effritées de 10 points, passant de 40% à 30% sur le marché mondial.

D’autre part, il est nécessaire de disposer d’outils pour soutenir la production dans les zones plus fragiles et accompagner les filières dans la mise en place de stratégies économiques durables. Dans ces régions, la production laitière n’a pas d’alternative véritable pour maintenir une présence économique agricole qui garantisse le maintien d’un environnement ouvert et porteur pour les autres secteurs économiques. Les productions de niche telles que certains fromages ou crèmes fraiches AOP à très forte valeur ajoutée ne peuvent pas être la réponse seule et unique pour l’ensemble de ces régions. Et il n’est pas sûr que le maintien d’aides couplées à la production laitière dans les zones de montagne soit suffisant pour convaincre une nouvelle génération d’agriculteurs de faire le pari de l’installation dans ces zones.

Là encore, les filières doivent pouvoir innover, investir, se structurer de façon efficace pour préserver, développer leurs marchés, et être prête à faire face aux coups durs. Elles doivent pouvoir compter sur une responsabilité politique européenne qui anticipe et prévoit comment limiter le risque de contagion d’une crise mondiale sur les commodities à leurs marchés régionaux.

En somme, les règles du jeu, aujourd’hui, sont loin d’être claires ou suffisantes pour faire face à une crise de façon efficace. En cas de crise grave, l’utilisation intégrale de la réserve de crise sous forme d’aide d’urgence aux producteurs conduirait, au mieux, à un chèque moyen de 600 euro par exploitation. Ce serait sans doute une réponse utile pour réduire la pression politique sur les institutions européennes, mais à l’impact économique quasi nul. Une réflexion et des clarifications sont nécessaires.