Paquet lait III : la nécessité d’agir pour réduire la production enfin reconnue

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La Commission européenne a présenté, le 18 juillet, aux ministres européens de l’agriculture, un nouveau paquet de mesure d’urgence pour venir en aide aux producteurs européens de lait frappés depuis près de 2 ans par un effondrement des cours. 

En bref: 

Si le principe de rééquilibrer le marché EU en incitant à recaler l’offre au regard de la demande semble acquis, la portée effective de ce paquet dépendra fortement : 

  • de la façon dont la Commission mettra en œuvre la mesure d’incitation à la réduction volontaire de production et en particulier du niveau d’aide à la tonne non produite qu’elle fixera; 
  • de la vigilance dont la Commission fera preuve quant aux mesures que les EM devront lui notifier au titre des enveloppes nationales d’aide conditionnelle à l’ajustement afin que ces mesures concourent bien à l’objectif premier de cette mesure conditionnelle qui est, ainsi que souligné par le Commissaire Hogan, « de rééquilibrer le marché par un gel ou une réduction de production ». 

Le Commissaire Hogan a présenté ce jour un nouveau paquet de mesures pour aider à sortir le secteur laitier européen de la crise dans laquelle il s’enfonce depuis bientôt deux ans.

Ces mesures font le constat qu’une sortie de crise passe nécessairement par un rééquilibrage du marché européen, rééquilibrage qui ne peut se faire que par une baisse de la production. La « hausse continuelle de la production n’est simplement pas supportable dans les conditions de marché actuels » ainsi que l’a souligné le Commissaire Hogan ce jour, rejoignant ainsi les analyses développées par Farm Europe depuis 2015 et les propositions avancées ces derniers mois pour y remédier.

Le paquet présenté par la Commission au Conseil se distingue par trois mesures :

  • un plan européen de réduction volontaire de production, doté de 150 millions d’euros. Le principe d’un tel plan apparaît, en effet, une réponse adéquate au déséquilibre du marché. Cependant, son succès dépendra du niveau de l’aide à la tonne non produite qui sera décidé par la Commission. Pour avoir un impact réel, impact urgentissime après un an de crise, ce niveau d’aide doit être incitatif, et tout particulièrement inciter les producteurs les plus compétitifs (qui ont participé le plus à la croissance de la production) à réduire volontairement leur production. Cette aide doit donc être supérieure à leur coût marginal de production d’un litre de lait. Parallèlement au budget de 150 millions €, l’objectif de réduction de 1,8 millions de tonnes a été évoqué ces derniers jours. Ces deux chiffres n’apparaissent pas compatibles. Un taux d’aide qui découlerait de ce rapport ne serait pas susceptible d’assurer l’efficacité attendue de cette mesure. L’incitation ne serait pas au rendez-vous. Avec l’enveloppe annoncée, il ne peut guère être envisagé de réduire la production volontaire de plus d’un million de tonnes, même en comptant sur des appuis nationaux. Aussi, de la cohérence totale de la seconde mesure annoncée avec l’objectif de réduction de la production dépendra l’efficacité d’ensemble du paquet présenté pour redresser la situation.
  • une aide conditionnelle à l’ajustement de 350 millions d’euros, répartie en enveloppes nationales selon la clé de répartition utilisée l’automne dernier par la Commission. La cohérence de cette mesure et son efficacité à concourir à stopper la crise actuelle dépendra de l’action de la Commission pour que les mesures que les EM mettront en œuvre dans ce cadre soient réellement conditionnées à l’atteinte de l’objectif d’ajustement et de rééquilibrage du marché. Les cinq orientations avancées par le Commissaire dans ce cadre (soutien des petites fermes, méthodes de production extensive, engagements environnementaux, projets de coopération, mesures qualité, formation aux instruments financiers) devront se décliner dans le cadre d’un rééquilibrage du marché par gel ou réduction de production. C’est l’objectif premier de cette mesure indiqué par le Commissaire Hogan. Les mesures que les EM déclineront dans le cadre de cette aide conditionnelle à l’ajustement devront être notifiées à la Commission. Il sera donc de la responsabilité de la dite Commission d’assurer la cohérence de ce paquet. En aucune manière elle ne devra tolérer que des dispositifs mis en œuvre en application de cette aide résultent en des aides financières permettant/incitant in fine des producteurs à continuer à augmenter leurs productions.
  • la faculté pour les EM de basculer des aides couplées versées à un producteur laitier en aides découplées qu’il continuera à percevoir sans obligation d’avoir le troupeau laitier initial. Cette mesure vise, certes, à garantir aux producteurs laitiers leur niveau d’aides au revenu (couplées plus découplées) historiques quand bien même ils arrêteraient pour tout ou partie leur production laitière. Elle doit aussi être analysée au regard de l’effet collatéral qu’elle pourrait avoir, tout particulièrement sur le secteur de la viande bovine. Une reconversion de producteurs laitiers en producteurs de bovins viande est d’ores et déjà en cours dans certains Etats membres. Quel sera l’impact sur les producteurs existant de bovins viande de cette arrivée de nouveaux producteurs bénéficiant d’aides PAC découplées « bonifiées » du niveau des aides couplées laitières qu’ils percevaient jusqu’en 2016. Le secteur viande bovine est très fragile. Tout facteur d’instabilité supplémentaire risque de le plonger encore plus dans une crise qui se profile déjà eu égard à l’afflux attendu de vaches laitières de réforme aux cours des prochains mois.