Les travaux

Croissance - 28 mai 2015

La PAC: politique européenne la plus efficace pour les ministres des finances

écrit par Yves Madre

Résumé :

Le champ de cette analyse se restreint volontairement à l’aspect strictement budgétaire des trois principales politiques communautaires pour les Etats Membres. Il donne une lecture des positions que pourront être tentés de développer les ministres des finances des 28 Etats membres et de leurs services lors des discussions préparatoires aux négociations de révision du cadre financier MFF de l’Union européenne en tirant les enseignements chiffrés des dernières négociations budgétaires.

Contexte:

Dans bon nombre d’Etats membres, ministres des finances et ministres de l’agriculture ne partagent pas nécessairement la même approche politique et stratégique en matière de PAC et de son évolution. L’approche strictement financière fait place à une démarche prenant en considération l’intérêt pour l’Union européenne d’investir dans un secteur répondant à des enjeux d’économie, territoriaux et de production de biens non marchands requis par la société dans son ensemble. Alors que les uns (ministres de l’agriculture) concentrent leurs efforts sur la mise en place d’outils le plus proche possible des spécificités de leurs agricultures, les autres (ministres des finances) se concentrent sur la préservation du retour financier national au sein d’une politique de transfert de l’effort des budgets nationaux vers le budget communautaire, tout en gardant à l’esprit la rigueur qui préside à l’ensemble de leurs délibérations.

Ce policy briefing analyse les effets de levier budgétaires des politiques européennes, par Etat membre, sur la base de ce qu’un euro investi (payé) pour financer le budget total communautaire rapporte en retour à chaque Etat Membre :

  • toutes politiques européennes confondues,
  • s’agissant de la PAC
  • quant à la Politique Régionale
  • au regard de la politique de croissance et emplois.

S’agissant du ratio paiements reçus de l’Union européenne toutes politiques confondues / contribution nationale au budget UE, les Etats membres se rassemblent en cinq groupes :

  • au sein des pays contributeurs nets :Net contributors versus Net beneficiaries
    • ceux qui reçoivent nettement moins de 50 % de ce qu’ils versent au budget UE, à savoir UK, Suède,
    • ceux dont le ratio est aux alentours de 50 % : Pays Bas, Allemagne, Danemark,
    • les autres contributeurs nets qui reçoivent autour de 60 % et plus de leurs contribution au budget communautaire : Autriche, France, Finlande, Italie.
  • Au sein des pays bénéficiaires nets :
    • Les Etats membres pour lesquels les aides communautaires reçues représentent entre 110 % et 200 % de leurs contributions nationales au budget UE (Chypre, Espagne, Irlande, Belgique, Slovénie)
    • Les Etats membres recevant de l’Union Européenne plus de 200 % de leurs contributions au budget UE (jusque 534 % pour la Hongrie) : Malte, Slovaquie, République tchèque, Grèce, Portugal, Roumanie, Pologne, Luxembourg, Lettonie, Estonie, Lituanie, Hongrie.

Lors des dernières négociations financières européennes, les positions prises par les Etats membres contributeurs nets ont été l’illustration d’un côté de ce coût budgétaire net, plus ou moins grand, et de leur implication dans une vision politique – et non purement économique-commerciale – de l’Union Européenne. De fait, alors que le Royaume-Uni et la Suède formulaient les demandes traditionnelles de contraction du budget communautaire et de leurs efforts financiers, Allemagne et Pays-Bas ont adopté une ligne de rigueur budgétaire (pas d’accroissement des dépenses européennes) tout en renouvelant leur demande d’une Union Européenne plus forte, plus soudée et de politiques européennes résolument tournées vers le défi de la croissance. Il s’est aussi agi, pour eux, de limiter le transfert d’efforts financiers vers les Etats membres dont la santé économique apparaissait alors plus fleurissante que celle de leurs voisins.

S’agissant de l’affectation du budget européen entre les trois grandes politiques communautaires, les priorités de négociations des divers gouvernements trouvent aussi, en grande part, une clé de lecture dans les leviers financiers de chacune d’entre elles au regard de la performance totale de l’EM en termes de retours sur contribution.

Par exemple pour l’Autriche, si la performance totale est de 0,59 euros reçus pour 1 euro de contribution au budget EU, elle est de 0,92 pour la PAC contre 0,58 pour les politiques de croissance et emplois et 0,28 pour les politiques régionales.

Ainsi mesurés, pour tous les Etats membres contributeurs nets – hormis le Royaume Uni la Suède et les Pays Bas, ainsi que l’Italie -, la politique présentant la « meilleure rentabilité » budgétaire est la PAC. Ceci est vrai à des degrés divers :

  • la PAC est ainsi de loin le meilleur investissement financier pour le Danemark (0,84 performance PAC contre 0,50 de performance globale), l’Autriche, la France (0,95 contre 0,60), la Finlande (0,93 contre 0,66).
  • C’est aussi vrai, mais dans des proportions moins marquées pour l’Allemagne (0,58 contre 0,49).
  • La performance budgétaire PAC est aussi meilleure que la performance globale pour le Royaume Uni (0,57 contre 0,39) et la Suède (0,55 contre 0,42) et l’Italie (0,74 contre 0,72). Toutefois, pour ces trois derniers Etats membres, le ratio est meilleur pour respectivement les politiques de croissance et emploi (0,67 tant pour UK que Suède) et pour les politiques régionales pour l’Italie (0,83).

Pour les Pays Bas, seuls, le taux de performance PAC est inférieur (de peu) à la performance globale à 0,43 contre 0,45 mais surtout au regard du taux de 0,98 pour les politiques de croissance.

Hormis pour le Danemark, l’engouement des gouvernements vis à vis des différentes politiques dans les discussions budgétaires se relit à ces taux de performance comparés.

Cependant, il est aussi intéressant de noter que tous les Etats membres contributeurs nets au budget global de l’Union Européenne se rejoignent désormais sur le fait qu’ils sont aussi, chacuns, contributeurs nets pour chacune des trois grandes politiques européennes. Que ce soit la PAC, la politique régionale ou les politiques de croissance, elles représentent toutes un coût net pour chacun des Etats membres contributeurs.

Ce point devra être noté et pesé dans les réflexions à venir sur les degrés de subsidiarité souhaitables ou non et leurs implications profondes et de long terme.

Côté Etats membres bénéficiaires nets au budget communautaire, hormis le Luxembourg, la Belgique, Malte et Chypre pour lesquels le taux de performance PAC est inférieur à 1, tous les autres EM ont des taux supérieurs (1 euro investi pour payer le budget PAC rapporte en retour plus d’un euro via la PAC).

  • Pour ces mêmes Etats membres, il convient de remarquer que les taux de performance de la politique régionale sont le double, voire le triple de ceux de la PAC, à l’exception marquante de l’Irlande.
  • Le taux de performance PAC pour l’Irlande dépasse en effet les 2,4, pour une performance budget UE global de 1,32 (et une performance sur les politiques régionales de 0,17 et 0,99 pour les politiques de croissance).
  • Pour l’Espagne et la Roumanie, la performance PAC est plus élevée que la performance globale, mais de peu. Pour l’Espagne, elle reste la plus élevée des performances sectorielles.

Les dernières négociations budgétaires pour la période 2014-2020 n’ont pas modifié ces équilibres et ressorts de négociations. Elles les ont tout au plus un peu accentuées et risquent d’être encore bel et bien d’actualité pour les services budgétaires de chacun des Etats membres, au delà de la construction des discours, quand les discussions sur les prochaines perspectives financières vont se préparer.

Dans ce context, les décideurs politiques agricoles pourraient tirer avantage du fait que la PAC est un “bon investissement” pour les ministres des finances d’un point de vue budgétaire et de performance en termes de retour sur contribution au budget communautaire.

Les ministres de l’agriculture ont, pour un temps certes compté, la possibilité de laisser de côté l’habituelle pression financière des négociations européennes et ne pas limiter leur actions à des justications budgétaires mais se concentrer sur l’efficacité politique et l’ambition économique à porter.

 

 

Performance

budgétaire PAC

Performance budgétaire politiques régionales Performance budgétaire politiques de croissance Performance budgétaire toutes politiques UE confondues Données 2013
2,46 0,17 0,99 1,32 Ireland
0,84 0,06 0,67 0,50 Denmark
0,92 0,24 0,58 0,59 Austria
0,95 0,28 0,49 0,60 France
0,57 0,10 0,67 0,39 United Kingdom
0,93 0,40 0,59 0,66 Finland
0,55 0,18 0,67 0,42 Sweden
0,58 0,44 0,44 0,49 Germany
1,37 1,23 0,61 1,17 Spain
4,95 4,95 1,60 4,28 Bulgaria
0,74 0,83 0,38 0,72 Italy
3,70 4,97 0,27 3,65 Romania
0,43 0,21 0,98 0,45 Netherlands
2,80 4,97 0,74 3,28 Greece
0,88 1,33 0,93 1,12 Cyprus
3,41 7,66 1,08 4,80 Latvia
3,97 7,79 2,35 5,23 Lithuania
2,69 6,24 0,28 3,68 Poland
3,79 9,06 1,20 5,34 Hungary
1,70 4,48 0,58 2,56 Slovakia
1,73 5,60 0,45 2,98 Czech Republic
1,95 6,31 0,51 3,41 Portugal
2,76 9,29 1,16 5,16 Estonia
1,10 3,42 0,91 2,01 Slovenia
0,38 0,30 1,86 1,66 Belgium
0,49 4,18 1,16 2,58 Malta
0,33 0,11 3,30 4,40 Luxembourg

 

 

 

 

écrit par Yves Madre