L’ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE LE ROYAUME-UNI ET L’AUSTRALIE DEVASTATEUR POUR LE SECTEUR BOVIN DE L’UE

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Des informations ont circulé, ces derniers jours, selon lesquelles l’accord de libre-échange (ALE) entre le Royaume-Uni et l’Australie atteint les dernières étapes de la négociation.

Le Royaume-Uni aurait offert un libre accès total à son marché, y compris pour les viandes bovine et ovine, avec une élimination progressive des quotas et des droits de douane pour ces deux secteurs d’ici à 15 ans. Le bruit court également que le Royaume-Uni accepterait de réduire la suppression progressive à l’horizon de 10 ans seulement.

Nos amis britanniques nous excuseront, mais cette note se concentrera sur les conséquences de ces décisions sur l’agriculture européenne, et en particulier sur le secteur de la viande bovine, le plus exposé.

Une suppression progressive sur 10 ans de toutes les restrictions à l’importation consistera probablement en une augmentation graduelle des quotas initiaux, jusqu’à la libéralisation totale. L’impact dépendra de la taille des contingents (et, de manière moins significative, des taux de droits de douane dans les contingents) et de la réduction progressive ou non des droits de douane hors contingent.

Il convient de noter qu’à un certain moment, il deviendra rentable pour les Australiens d’exporter leur viande bovine hors contingent vers le Royaume-Uni, en payant le tarif plein, quel qu’il soit, car les volumes exportés dans le cadre du contingent rendront les exportations globales économiquement viables.

Ainsi, dans un délai plus court que les 10 années prévues, les quantités de bœuf australien vendues sur le marché britannique pourraient être similaires à celles du libre-échange total.

Qu’adviendra-t-il de nos exportations de viande bovine vers le Royaume-Uni ? Elles seront confrontées à la concurrence dramatique des morceaux australiens moins chers. Le marché britannique se réduira en conséquence.

Ceci est loin d’avoir un impact mineur. Car le Royaume-Uni est la première destination des exportations de bœuf irlandais, soit plus d’un milliard d’euros par an. L’Irlande sera ainsi confrontée à un reflux conséquent du marché britannique et aux difficultés à trouver d’autres marchés d’exportation en dehors de l’UE qui pourraient compenser ces pertes.

Inévitablement, une bonne partie des exportations britanniques antérieures pourraient atterrir en Europe continentale, en concurrence avec d’autres producteurs de l’UE sur un marché déjà fragile, soumis à des pressions de toutes parts ( F2F, émissions de méthane, régimes alimentaires recommandés).

Farm Europe a prévenu dès que le Royaume-Uni a voté pour le Brexit que, même avec un accord UE-Royaume-Uni à part entière, le secteur agroalimentaire de l’UE perdrait des parts de marché au Royaume-Uni du fait de l’ouverture du marché britannique à d’autres pays. Ce n’est donc pas une surprise. Mais l’impact négatif se rapproche avec un processus de réforme de la PAC qui s’achève sans intégrer pleinement ce défi économique majeur pour les années à venir.

Comme les mauvaises nouvelles arrivent rarement seules, le fait que le Royaume-Uni soit prêt à supprimer progressivement toutes les restrictions à l’importation de bœuf en Australie donnera le ton pour les autres accords de libre-échange britanniques en cours de négociation. En particulier, il sera logique que les États-Unis n’en acceptent pas moins. Par conséquent, ce que nous disons sur l’impact des importations australiennes sera encore aggravé par les exportations américaines à l’avenir.

Cette note se concentre sur le secteur de la viande bovine. Mais nous savons également que le Royaume-Uni est prêt à adhérer à l’accord de libre-échange du Partenariat Trans-Pacifique (TPP). D’autres secteurs, comme les produits laitiers, la volaille et le sucre, bénéficieraient dans ce cas de condition d’accès préférentielles au marché britannique. Les principaux exportateurs mondiaux font partie du TPP – la Nouvelle-Zélande pour les produits laitiers, pour ne citer qu’un exemple. Et encore une fois, cela aurait un effet d’entraînement négatif sur nos exportations vers le Royaume-Uni.

L’Union européenne ne peut pas faire grand-chose pour empêcher de telles décisions, prises indépendamment, au Royaume-Uni. La meilleure façon d’absorber le choc est de devenir plus compétitif, de conquérir davantage de marchés d’exportation, en d’autres termes d’être très fort et résilient sur le plan économique du côté européen. Or, ce que nous voyons comme propositions émanant de la Commission européenne pourrait avoir l’effet exactement inverse, empilant de nouvelles restrictions et augmentant les coûts de production. Il est urgent de changer de cap, et de s’attaquer aux défis environnementaux et autres en utilisant la science, et en mobilisant les technologies et les ressources pour atteindre nos objectifs sans nous appauvrir tous et, en fin de compte, dépendre davantage des importations.