Espagne : Plan stratégique de la PAC 2023-27

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Mars 2022

Priorités stratégiques

L’Espagne a bâti un plan stratégique de la PAC 2023-2027 qui « vise le développement durable de l’agriculture, de l’alimentation et des zones rurales afin d’assurer la sécurité alimentaire de la société grâce à un secteur compétitif et un environnement rural vivant ».

Partant du principe que le secteur agroalimentaire est stratégique pour l’Espagne, le plan vise à jeter les bases pour qu’il continue de l’être au cours de la prochaine décennie. À cette fin, la PAC utilisera plus efficacement le budget en liant les aides à la réalisation d’objectifs, principalement dans trois domaines :

1. Une plus grande équité dans le soutien au revenu, grâce à une amélioration du système de distribution des aides directes ; 

2. Le respect des engagements et des objectifs environnementaux, en combinant des mesures réglementaires avec des paiements qui rémunèrent les efforts des agriculteurs au-delà de la ligne de base ; 

3. La mise en œuvre d’un large ensemble de mesures visant à contribuer à la durabilité environnementale, économique et sociale du secteur : investissements, innovation, formation et conseil, ainsi qu’un effort déterminé pour faciliter l’incorporation des jeunes et la réduction de l’écart entre les sexes dans le secteur.

Quant aux défis économiques, le plan prévoit d’aider les agriculteurs à améliorer la compétitivité de leurs exploitations grâce à des aides au revenu, des services de conseil agricole et des mesures de développement rural en faveur de l’innovation, de l’amélioration des connaissances, des investissements, de l’utilisation de la technologie et de la numérisation, entre autres. Il s’agira surtout nécessaire de ne laisser personne de côté, en particulier d’accompagner les petites et moyennes exploitations, qui sont jugées les plus importantes socialement, et celles qui maintiennent les zones rurales en vie dans une plus large mesure. Aussi, le plan fait appel à toutes les mesures de redistribution à sa portée : plafonnement, dégressivité et paiement redistributif. 

En ce qui concerne les défis environnementaux et climatiques, dans le cas spécifique de l’Espagne, la lutte contre la désertification et l’érosion, l’amélioration de la structure du sol et de la teneur en matière organique ou le maintien de la grande biodiversité liée aux habitats agricoles sont des besoins importants.

Cette plus grande ambition environnementale et climatique bénéficie d’un soutien budgétaire renforcé, puisque l’Espagne estime qu’environ 43 % du budget total de la PAC contribuera aux objectifs environnementaux et climatiques. Partant du principe d’une conditionnalité renforcée, la PAC vise à encourager les changements productifs par des paiements volontaires supplémentaires, tant au niveau national (éco-régimes) que régional (principalement des aides pour les engagements environnementaux et climatiques, mais aussi d’autres mesures dans le cadre du FEADER).

Les éco-régimes sont destinés à répondre aux besoins présents sur l’ensemble du territoire national pour lesquels une réponse relativement homogène est également adaptée. Pour les besoins plus spécifiques à certains territoires, ou présentant des caractéristiques particulières ou pour lesquels une réponse territoriale différenciée est plus efficace, la réponse proviendra des interventions du FEADER. Par ailleurs, un soutien accru sera apporté à la transition numérique, à l’innovation et au transfert de connaissances, considérés comme des compléments nécessaires à la transformation environnementale des exploitations agricoles.

Côté enjeux sociaux, par le biais du soutien au revenu, une sécurité est apportée favorisant le maintien de l’activité agricole avec les implications que cela a sur le maintien des communautés rurales. Des mesures de développement rural permettront aussi la revitalisation de ces zones, comme les aides à la création d’entreprises ou aux services de base. En outre, le Plan couvrira d’autres aspects de nature sociale particulièrement pertinents en Espagne, comme la réduction de l’écart entre les sexes et le soutien au remplacement des générations. De même, pour la première fois, la dimension droit social est intégrée à la PAC et l’Espagne, compte tenu de l’importance de la présence de salariés dans le secteur, entend le mettre en oeuvre à partir de 2024.

L’architecture verte 

L’Espagne utilisera de manière coordonnée trois types d’actions : les mesures réglementaires hors PAC, mais qui seront incluses dans la conditionnalité renforcée en augmentant le niveau de référence ; la conditionnalité PAC elle-même ; et les interventions environnementales du plan stratégique.

Plus précisément, la proposition du Plan espagnol, en termes quantitatifs, représente :

1. une dépense environnementale et climatique de 42,7% du total de son budget PAC ;

2. Une dépense pour les éco-régimes de plus de 1 107 millions d’euros par an, soit 23% de l’allocation de l’Espagne pour les paiements directs. 

3. Une dépense environnementale dans le FEADER de plus de 47%, ce qui signifie une légère augmentation de la dépense actuelle, malgré le fait que dans la nouvelle période l’aide aux zones avec des limitations naturelles ne compte que pour 50% comme dépense environnementale.

4. Une augmentation de 40% du budget disponible pour l’aide à l’agriculture biologique.

Les éco-schémas inclus dans le plan stratégique espagnol :

  • Éco-régime Augmenter la capacité de puits de carbone et améliorer la biodiversité dans les zones de prairies humides.

Allocation financière annuelle indicative : € 103 168 071,00

  • Éco-régime Augmenter la capacité des puits de carbone et améliorer la biodiversité dans les prairies méditerranéennes.

Allocation financière annuelle indicative : € 115,305,912.00

  • Eco- régime dans les terres cultivées sèches

Allocation financière indicative annuelle : € 234,845,259.00

  • Eco- régime dans les zones humides pluviales

Allocation financière annuelle indicative : € 37,456,883.20

  • Eco- régime dans les terres cultivées irriguées.

Allocation financière indicative annuelle : € 171 471 478,40

  • Eco- régime de cultures forestières sur des terrains plats

Allocation financière annuelle indicative : € 73,205,212.00

  • Eco- régime de cultures forestières sur des terrains de pente moyenne

Allocation financière annuelle indicative : € 79,390,381.00

  • Eco- régime de cultures forestières sur les terres en haute pente

Allocation financière annuelle indicative : € 154,962,683.00

  • Sites de biodiversité du régime écologique sur les terres arables et les cultures permanentes (avec gestion durable de l’irrigation)

Allocation financière indicative annuelle : € 137 687 603,12

Le plan national espagnol prévoit, pour chacun de ces éco-régimes et paysages, toute une série de pratiques que les agriculteurs peuvent suivre pour s’intégrer au régime et bénéficier ainsi d’une aide. Cette approche offre une grande souplesse pour permettre au plus grand nombre d’agriculteurs possible de s’intégrer dans les éco-régimes.

Convergence interne

La convergence interne s ‘opérera comme suit :

Entre 2022 et 2026, il y aura cinq étapes égales, au cours desquelles, afin d’atteindre la valeur minimale de 85 % dans chaque région, ce seuil sera progressivement augmenté de 3 % à chaque étape, de sorte qu’en 2022, tous les droits atteignent au moins 73 % de la valeur moyenne régionale et 85 % en 2026. Les droits à l’aide de base dont la valeur unitaire initiale est inférieure à la valeur moyenne régionale seront augmentés à chaque étape d’un dixième de la différence entre leur valeur unitaire initiale et la valeur moyenne régionale.

Entre 2027 et 2029, la convergence se poursuivra de sorte que la convergence totale des valeurs nominales des droits vers la valeur moyenne régionale soit atteinte dans les demandes d’aide correspondant à l’année 2029.

Dégressivité, plafonnement et paiement redistributif

L’Espagne a décidé d’appliquer le paiement redistributif au niveau régional, en utilisant les territoires établis dans le soutien du revenu de base, étant donné les différences structurelles. Le montant total sera de 10 % du budget du premier pilier, soit environ 2, 414 milliards. Le montant sera distribué à chaque région et distribué aux agriculteurs selon certains seuils calculés en tenant compte des caractéristiques et de la structure des exploitations et du montant disponible. L’aide sera destinée en priorité aux exploitations moyennes les plus dépendantes du revenu agricole, sans nuire aux exploitations plus pluriactives. Les seuils ont été calculés, pour chaque région, en tenant compte des caractéristiques et de la structure des exploitations et du montant disponible.

L’Espagne propose une dégressivité dans la réduction des paiements, avec les pourcentages initialement proposés par la Commission européenne, à savoir :

Taux de réduction de 25% de 60 000 à 75 000 euros d’aide ;

Taux de réduction de 50% de 75.000 à 90.000 euros d’aide ;

Taux de réduction de 85% de 90.000 à 100.000 euros d’aide.

L’Espagne appliquera également une réduction de 100 % aux paiements reçus au-delà de 100 000 euros.

Le montant de l’aide au revenu de base à accorder sera réduit des coûts du travail lié à l’activité agricole effectivement payés et déclarés par l’agriculteur au cours de l’année civile précédente, y compris les impôts et les cotisations sociales liés à l’emploi. 

En tout état de cause, le montant maximal de l’aide au revenu de base qu’un agriculteur peut recevoir ne peut dépasser 200 000 euros.

L’exception prévue pour les coopératives, les sociétés de transformation agricole et les exploitations en propriété partagée sera appliquée à la dégressivité et au plafonnement.

Paiement couplé

L’Espagne consacrera environ 15 % du budget aux paiements directs, soit 3,461 milliards, à l’aide couplée. Les secteurs qui pourront bénéficier d’une aide couplée sont : la production durable de lait de vache, les éleveurs de bovins extensifs, les éleveurs de bovins qui engraissent leurs veaux dans l’exploitation de naissance, les éleveurs d’engraissement de veaux durables, la production extensive et semi-extensive de viande les éleveurs d’ovins et de caprins, la production durable de lait d’ovins et de caprins, le soutien couplé aux éleveurs d’ovins et de caprins extensifs qui pâturent des terres en jachère, les chaumes ou les résidus de cultures horticoles, les exploitations d’élevage extensif et semi-extensif sans pâturage disponible, la production durable de protéines végétales, la production durable de riz, la production durable de betteraves sucrières, la production durable de tomates destinées à la transformation, les producteurs de noix dans les zones menacées de désertification, la production traditionnelle de raisins secs.

Gestion des risques

La stratégie considérée comme la plus appropriée en Espagne en matière de gestion des risques agricoles pour la période 2023-2027 repose fondamentalement sur le maintien et l’amélioration de l’assurance agricole en tant que politique nationale financée par des aides d’État, complétée par des mesures spécifiques de gestion de crise destinées à certains secteurs, en application de l’Organisation commune des marchés agricoles.

Le système d’assurance agricole espagnol est l’un des plus développés au monde. Il compte actuellement 44 lignes d’assurance : 28 pour l’agriculture, 12 pour l’élevage, 3 pour l’aquaculture et 1 pour la sylviculture. Parmi les cultures végétales, le plus grand degré de mise en œuvre de l’assurance concerne les arbres fruitiers, le riz et les cultures herbacées extensives. Dans la production animale, les bovins laitiers et les volailles de ponte se distinguent.

Sa souscription est volontaire, bien qu’elle soit encouragée au moyen de subventions qui réduisent le coût des primes pour les producteurs, qui sont accordées tant par le ministre de l’Agriculture que par les régions autonomes (elles accordent des aides dans des pourcentages très variables selon les territoires et les productions).

Au cours de la période 2014-2020, le soutien public à l’assurance agricole était d’environ 2 000 millions d’euros. Ce chiffre maintient l’Espagne comme l’État membre qui consacre le plus de ressources à la gestion des risques agricoles.

Par conséquent, au cours de la prochaine période de programmation, l’Espagne entend continuer à fonder sa politique de gestion des risques sur le maintien et l’amélioration du système d’assurance agraire combiné en tant que politique nationale, financée par des fonds également nationaux.  Le Système d’Assurance Agraire Combiné en Espagne est un système très consolidé avec un haut degré de maturité. Il s’agit d’un régime d’assurance public-privé complexe. Le secteur des assurances apporte une valeur incontestable grâce aux techniques de souscription et en assumant le niveau de risque établi. Le secteur public joue un rôle de coordination et de planification. En outre, le rôle joué par l’entité publique Consorcio de Compensación de Seguros en tant que réassureur obligatoire du système est extrêmement important. Il convient également de souligner le rôle prépondérant du secteur agricole lui-même.

En outre, il est prévu de renforcer la prévention des risques au moyen d’instruments qui couvrent d’autres éventualités moins fréquentes, mais plus difficiles à gérer par l’agriculteur lui-même. Cette catégorie comprend les risques de production liés aux facteurs climatiques et biologiques. À cet égard, les prévisions relatives au changement climatique désignent l’agriculture comme l’un des secteurs les plus touchés par le changement climatique, en particulier dans les pays situés dans des zones de plus grande vulnérabilité, comme le bassin méditerranéen. En effet, les prévisions indiquent une tendance à la diminution des précipitations et à l’augmentation des températures dans une grande partie de l’Espagne, ce qui entraînera une réduction des rendements et, par conséquent, de la rentabilité agricole. De même, une augmentation de la volatilité de la production est prévisible en raison de la plus grande fréquence des événements climatiques extrêmes tels que la sécheresse, les vagues de chaleur ou la grêle. C’est pourquoi la politique de gestion des risques doit également viser à améliorer l’adaptation progressive des exploitations agricoles aux effets du changement climatique. En ce sens, l’assurance agricole est un outil utile pour permettre cette adaptation, comme le stipule le Plan national d’adaptation au changement climatique.