Le budget de la PAC se rétrécit rapidement, cassant tout levier d’investissement pour le Green Deal

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Après la présentation des propositions de la Commission européenne sur les stratégies Green Deal et Farm to Fork, il a trop souvent été entendu, y-compris de la part du Vice-Président Timmermans, que tout impact négatif sur les revenus des agriculteurs pouvait être compensé par la Politique agricole commune (PAC).

Le dernier exemple en date de cet argument se trouve dans la proposition de la Commission pour un Règlement sur l’Utilisation Durable des Pesticides (SUR). La Commission indique explicitement que les coûts réglementaires supplémentaires pourraient être compensés par le budget de la PAC. Le financement de l’ambition nouvelle de RePowerEU sur le biométhane pourrait aussi être mentionné. 

Cependant, il y a deux problèmes avec cette approche “la PAC payera tout”. 

Le premier est que le budget de la PAC est déjà alloué, donc le transfert de fonds vers de nouveaux soutiens implique nécessairement de retirer des fonds à des soutiens existants. 

Un problème moins évident, mais plus considérable encore, est la diminution rapide du budget de la PAC. Le responsable est l’inflation importante, qui réduit la valeur réelle du soutien apporté. 

Lorsque le nouveau budget de la PAC a été adopté, le scenario était encore celui d’une inflation basse, le taux maximum escompté étant l’objectif annuel de 2% de la BCE. Mais aujourd’hui l’inflation moyenne en UE est proche des 10%, et la BCE s’est vue obligée de revoir ses prévisions d’inflation à la hausse. 

Et pour ne rien arranger, l’inflation dans un certain nombre de pays se trouve bien au-dessus de la moyenne. Quant aux pays dont l’inflation est sous la moyenne de l’UE, celle-ci reste importante, bien au-dessus de l’habituel objectif des 2%.

En considérant les données de la BCE et les prévisions de l’inflation, qui pourraient être sous-estimées compte tenu de leurs récentes prévisions trop optimistes, la réelle valeur du budget de la PAC diminuera de 84,57 milliards d’euros en termes réels au cours de la période 2021-2027 par rapport à 2020. Pour mettre cela en perspective, la valeur réelle totale du budget de la PAC pour la période 2021-2027 diminuera de 21,95% par rapport à 2020. Plus d’un tier de soutien réel en moins en 2027. 

Le soutien direct perçu par les agriculteurs est directement, et lourdement impacté. Les aides à l’investissement sont, elles-aussi, impactées car les montants totaux disponibles diminuent avec l’inflation. Le premier pilier perdra 68,60 milliards d’euros, et le second pilier 15,97 milliards d’euros. 

Dans ces conditions, il est urgent de trouver une nouvelle voie politique pour réaliser le Green Deal en se basant sur une stratégie de croissance verte pour le secteur de l’agriculture, en passant d’une stratégie basée sur la réglementation visant à réduire les leviers traditionnels de productivité, à une stratégie d’investissement appropriée favorisant les approches agronomiques systémiques et l’innovation, et encourageant réellement les agriculteurs à se lancer sur une voie positive, pour l’économie et le climat.  

Le remède pour un financement de la PAC qui fond comme neige au soleil est de réévaluer le budget de la PAC en terme réel, c’est-à-dire de l’ajuster annuellement avec le niveau de l’inflation. Et parallèlement de construire un fonds d’investissements approprié à l’échelle de l’UE, ciblé sur les secteurs stratégiques qui ont besoin de transition, comme l’agriculture et l’énergie, au lieu de rester sur une approche désordonnée basée sur les aides de l’Etat. 

Les co-législateurs ajusteront-ils le budget sur l’inflation ? Les taxes perçues par les Etats Membres augmentent avec l’inflation, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les soutiens?