Paquet lait anti-crise II : quel espoir pour le secteur laitier ?

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Six mois après un premier train de mesures ayant mobilisé quelques 500 millions d’euros et aucune réponse tangible face aux crises frappant les secteurs laitiers et porcins, la Commission a annoncé hier un second paquet de mesures, à l’issue de la réunion du Conseil des ministres de l’agriculture.

Ces mesures sont-elles susceptibles de changer en quoi que ce soit la situation dégradée des marchés que subissent les agriculteurs européens depuis des mois ?

Contrairement à ses prédécesseurs, le Commissaire Hogan ne semble pas pouvoir compter sur un rebond providentiel des marchés mondiaux pour pallier au déficit de réponses de l’Union européenne. Les indicateurs économiques tant globaux que sectoriels sont en berne et aucun analyste ne voit les prémices d’embellie.

L’analyse du Commissaire Hogan est juste : la crise est globale, profonde et affecte l’ensemble des agriculteurs des 28 Etats membres. Face à ce constat, le secteur agricole était en droit d’attendre des réponses globales et coordonnées au niveau européen afin d’assurer le rebond nécessaire.

En effet, il est à acter que depuis les années 2007, les théories d’élasticité linéaire des prix et des productions ne fonctionnent plus dans l’intervalle du seuil d’équilibre entre offre et demande. Un déséquilibre de 2 à 3 % dans le secteur laitier génère des sauts de prix sur le marché européen, sans mesure avec les 5 à 6 % que d’aucuns pouvaient prévoir antérieurement.

Alors que le Commissaire avait montré lors de son audition à la Comagri son engagement à apporter des solutions et brosser plusieurs pistes d’intérêt pour ce faire, il faut convenir que ses marges de manœuvres au sortir du Conseil des ministres l’ont limité à avancer un nouveau paquet de mesures se résumant avant tout en :

  • une réaffirmation des mesures déjà décidées et annoncées il y a 6 mois,
  • le renvoi aux Etats membres qui le souhaitent du soin d’apporter une aide supplémentaire de trésorerie aux agriculteurs, à raison de 15 000 € par exploitation,
  • le recours à l’article 222 de l’OCM unique permettant momentanément aux acteurs économiques des EM qui demanderont à l’activer de gérer collectivement notamment les volumes, sans franchir la ligne rouge de toute discussion liée aux prix.

Au total donc, des mesures nationales et/ou locales, activées selon les choix des EM et leur moyens budgétaires.

Les aides nationales de trésorerie apporteront sans doute, là où elles seront mises en place, quelque bouffée d’oxygène, rapidement consommée, à des agriculteurs exsangues.

Quand à l’article 222, son impact est pour le moins hypothétique. Il convient sans doute de se souvenir que sa conception ne visait pas le type de situation dans laquelle se trouve le secteur laitier européen. Il visait à permettre à un groupe d’acteurs économiques ayant, ensemble, une capacité réelle et effective d’infléchir l’évolution de leur marché de s’organiser et gérer collectivement leur marché pour ce qui est des volumes et actions commerciales notamment. Pour qu’il soit efficace, l’article 222 doit viser par nature des productions évoluant sur des marchés d’envergure limitée.

Pour un secteur laitier dont la crise, dixit la Commission, est bel et bien globale et dont les produits en difficulté sont des commodités, quel avantage aurait un groupe individuel de producteurs de décider de façon autonome et unilatérale de réduire leur production, à leur propre frais et sans assurance, voir avec la quasi certitude qu’il ne parviendra pas à attendre le niveau suffisant pour provoquer un rebond du marché ?

Tout au plus, ce groupe de producteurs sera-t-il tenté d’utiliser le dit article 222 pour mener des campagnes de promotion plus agressives pour prendre la place de leurs voisins en agissant sur le couple promotion-prix de vente.

Faute d’incitation européenne forte (i.e. de volonté politique européenne mais aussi de décision de dégager des moyens financiers crédibles), il est donc à craindre que le retour à une spirale vertueuse pour le secteur laitier européen n’est pas encore à portée de mains avec les dernières mesures proposées et que celles-ci risquent de s’apparenter à un second coup d’épée dans l’eau.

Il s’agit pour le moins d’un pari hasardeux sur l’avenir, alors que des mesures simples seraient envisageables, finançables sur la réserve de crise, et sans revenir en arrière à une gestion étroite des volumes. Un dispositive basé sur incitation financière à réduire la production à travers un mécanisme d’enchères coordonné et géré au plan européen apparait aujourd’hui comme la seule proposition économiquement crédible pouvant :

  • apporter des résultats tangibles à court terme
  • et préserver le potentiel de production et de dynamisme européen.