Une bonne semaine pour une utilisation durable du potential agricole de l’UE 

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Cette semaine le Parlement européen a posé deux jalons importants pour l’utilisation durable des ressources naturelles et la mobilisation de l’agriculture européenne pour relever le défi climatique, rendre l’économie européenne plus souveraine et résiliente. 

Premièrement, avec le vote sur la directive sur les énergies renouvelables aujourd’hui. Le Parlement européen confirme la place des biocarburants, y compris de première génération en rejetant les arguments à l’emporte pièce du type « food versus fuel ». Les députés confirment que le secteur européen peut contribuer à la fois au défi de sécurité alimentaire ET de sécurité énergétique. La biomasse dans son ensemble représente d’ailleurs une pièce maitresse des énergies renouvalables en Europe aujourd’hui – près de 60% – et reste un gisement prometteur à exploiter pour l’avenir. 

Les députés procèdent à plusieurs ajustements importants de la proposition initiale de la Commission européenne. Ils revoient à la hausse l’objectif de réduction des émissions dans le secteur des transports – et les biocarburants liquides et gaz peuvent y contribuer offrant une solution de mobilité bas carbone abordable pour les familles européennes. Ils rappellent d’ailleurs que le débat sur l’utilisation des terres ne se limite pas à l’agriculture, mais touche également, par exemple, le photovoltaïque. Ils maintiennent le plafond de 7% de cultures alimentaires pour la production de biocarburants, mais accélèrent l’élimination des biocarburants à partir d’huile de palme qui génèrent de la déforestation à grande échelle. Ils ajoutent le soja à cette catégorie, ce qui constitue une avancée positive et offre des perspectives de mobilisation des biocarburants à partir de matières premières européennes plus grandes. A ce titre, les élus appellent la Commission à renforcer la base de donnée, et à lutter résolument contre la fraude dans le secteur des huiles usagées qui constituent une voie de contournement évidente pour l’huile de palme. On peut regretter cependant que les députés maintiennent un multiplicateur caché pour l’électricité renouvelable dans les transports jusqu’en 2030. Il n’est plus temps d’avoir des résultats de décarbonation fictifs. L’enjeu climatique appelle à des réalisations concrètes et réelles plus qu’à des réductions d’émissions virtuelles visant à promomouvoir une technologie plutôt qu’une autre. L’Union européenne devrait appliquer son engagement à la neutralité technologique de ses règlementations, ce qu’elle ne fait pas jusqu’à présent et qui fait peser une menace sur l’émergence de solutions innovantes. 

Deuxièmement avec le vote, hier, sur la lutte contre la déforestation importée. Ce texte ne résout pas tout. Mais il est un pas en avant positif pour la crédibilité du green deal, et son volet importations, y compris dans le contexte de la directive RED. La structuration de chaines de valeur durables exige de la cohérence entre les différentes politiques. Les efforts des opérateurs européens pour renforcer les critères de durabilités ne peuvent être balayés d’un revers de main par des importations moins disantes, ce qui vaut pour les agriculteurs, comme pour les acteurs industriels. Il en va de l’ambition de garder une base productive solide en Europe et de notre capacité à produire mieux, sans exporter les émissions que nous ne voudrions plus chez nous.

Dans ce cadre, on peut se féliciter de l’ambition portée par la position du Parlement européen. Elle intègre des outils clefs comme la géolocalisation et la mobilisation des outils d’observation satellite pour lutter de façon effective contre le fléau de la déforestation, en particulier dans les forêts tropicales qui sont des réservoirs de carbones à préserver de toute urgence. La Commission européenne devra construire des outils accessibles aux opérateurs économiques s’appuyant sur l’imagerie sattellite leur permettant d’analyser l’impact de leur chaine d’approvisionnement, ce qui constitue un outil inclusif et concret pour lutter de façon tangible contre la déforestation. Il s’agit d’une avancée concrète qui devra être reprise dans les négociations avec les Etats membres.

La liste des produits couverts par la proposition de la Commission est étendue à des matières premières, et à leurs co-produits, ce qui est un pas en avant, par exemple les dérivés de l’huile de palme (POME & PFAD). Et la définition de l’élevage est améliorée, permettant de s’assurer que l’ensemble du processus soit bien couvert et non pas seulement la dernière étape. On peut regretter que la canne à sucre doive attendre une révision de cette règlementation avant d’être couverte. 

Ces deux textes portent une ambition commune: construire les jalons pour une utilisation durable de la production agricole. L’ambition du Green Deal ne revient pas à mettre l’environnement sous cloche, ni à transférer la production européenne ailleurs dans le monde, mais à mobiliser de façon durable nos écosystèmes agricoles, en résistant aux arguments simplistes de la décroissance, et en offrant des outils règlementaires concrets aux acteurs économiques pour avancer sur un chemin de progrès. Ces avancées positives doivent être prises en compte, par la Commission européenne, pour les prochaines étapes de la Farm to Fork, qui doit tourner le dos à la tentation de la décroissance, mais au contraire ouvrir la voie à une mobilisation durable des capacités de production de l’Union, notamment par une optimisation des cycles du carbone.