Résumé : Le champ de cette analyse se restreint volontairement à l’aspect strictement budgétaire des trois principales politiques communautaires pour les Etats Membres. Il donne une lecture des positions que pourront être tentés de développer les ministres des finances des 28 Etats membres et de leurs services lors des discussions préparatoires aux négociations de révision du […]
Les travaux
Policy paper UN FONDS EUROPEEN POUR GERER LES CRISES AGRICOLES
Septembre 2018
La PAC comporte quelques dispositions visant à lutter contre les crises qui frappent trop souvent les secteurs agricoles. Les paiements directs constituent une première couche de stabilisation des revenus, mais ils ne sont pas conçus pour répondre à une crise soudaine, climatique ou de marché. La PAC offre également un certain soutien aux instruments d’assurance climatique et de stabilisation des revenus, mais force est de constater que leur mise en œuvre a été trop modeste et inégale dans l’UE. Entre 2014 et 2017, seuls 380 millions d’euros ont été décaissés par la PAC pour soutenir les outils de gestion des risques, soit moins de 1% du budget de la PAC.
La grave sécheresse qui sévit actuellement dans de nombreuses régions d’Europe a montré à nouveau à quel point le secteur est faible et mal préparé pour faire face à ces phénomènes climatiques extrêmes. Dans un contexte où les régimes d’assurance privés restent rares, les agriculteurs sont à la merci des événements et à la merci de la volonté des gouvernements nationaux de prodiguer des aides exceptionnelles.
Bien qu’un certain nombre d’améliorations ait été introduit récemment au niveau UE avec le paquet Omnibus financier, les propositions de la Commission pour l’avenir ne semblent pas susceptibles d’améliorer réellement la situation actuelle de manque généralisé d’outils de gestion des risques dans l’UE.
Les dispositions qui demeurent en matière d’intervention publique sont trop limitées pour faire face à la crise des grands marchés. Ni les dispositions sur le stockage privé ni les niveaux de déclenchement des achats publics n’ont fourni un niveau de réponse adéquat lors des dernières crises du marché – la crise laitière de 2009 et celle de 2016, la crise des fruits et légumes de 2011 ou l’embargo russe.
La PAC actuelle ouvre également la possibilité d’interventions ponctuelles en cas de crise. Mais il y a un manque de structuration de cette possible intervention, pas de garanties et peu de transparence sur la manière dont l’UE est censée agir. La réserve de crise souffre de ne pas avoir une mission claire et un manque de financement adéquat.
La PAC ressemble donc à un grand bâtiment sans toit. Les fondations, les allées et les pièces sont construites avec beaucoup de soin, mais en cas de crise, le bâtiment prend l’eau par le toit, mettant en danger ses propres fondations.
Ce n’est pas une découverte nouvelle, de nombreux membres du Parlement européen et des États membres ont signalé que l’UE est privée d’outils et de ressources de gestion des risques et de crises appropriés, contrairement aux États-Unis qui sont son principal concurrent parmi les pays développés.
Le moment est venu de changer cela et de doter le CAP d’un toit adéquat. La discussion sur la nouvelle PAC nous offre une opportunité unique d’achever notre maison commune.
Un nouveau Fonds européen de crise agricole devrait être créé avec un certain nombre de missions clairement définies :
- Fournir en des termes très clairs une réassurance à une assurance climatique privée, réduisant ainsi la prime d’assurance et augmentant l’offre d’assurance à tous les agriculteurs
- Prendre le relai des instruments de stabilisation de revenus au delà d’un certain niveau de crise pour en compenser une partie des décaissements sans quoi ces ISR ne seraient pas en mesure de survivre à une crise profonde du marché
- Créer un cadre pour des interventions rapides en cas de crise en vue d’en minimiser les effets, en agissant rapidement pour rééquilibrer les conditions du marché
Le Fonds devrait progressivement se constituer jusqu’à un capital de 1,7 milliard d’euros, niveau qui permettrait de financer ses missions de manière adéquate. Ce niveau se compare favorablement aux 2,8 milliards d’euros que l’UE a dépensés pour faire face à la seule crise laitière dernière. Si ce Fonds avait été opérationnel, les dépenses auraient été beaucoup plus faibles.
Le Fonds pourrait être construit avec 4 années de contributions qui s’additionneraient à la réserve de crise actuelle pour créer un véritable Fonds de crise opérationnel.
Les études réalisées montrent que la réassurance climatique serait à déployer pour les événements se produisant au moins tous les 60 ans et qu’elle coûterait 150 millions d’euros par an (pour couvrir 70% de l’agriculture totale de l’UE avec des pertes agricoles individuelles supérieures à 20%).
Le coût de la réassurance des outils de stabilisation des revenus pour les produits laitiers coûterait 135 millions d’euros par an (pour couvrir la crise du marché tous les 12 ans, couvrant 70% de la production laitière totale de l’UE). Doté au total de 1,7 milliards, le Fonds serait également en mesure de réassurer d’autres secteurs que les produits laitiers, par exemple le secteur du sucre qui a manifesté un intérêt particulier envers les ISR.
Enfin, le Fonds devrait rapidement mobiliser des ressources pour intervenir rapidement en cas de crise du marché, comme cela a été le cas avec succès lors de la dernière crise laitière (malheureusement après avoir gaspillé des ressources précieuses dans un soutien non guidé). Rééquilibrer l’offre et la demande sur le marché réduirait les coûts globaux de la lutte contre la crise du marché et réduirait éventuellement les montants nécessaires pour assurer le relai utile des outils de stabilisation du revenu.
Le secteur est confronté à une grande incertitude, notamment en raison du Brexit et des conditions et accords commerciaux internationaux, ainsi que du changement climatique. Au lieu de réagir tardivement à grands frais et à la peine, l’UE devrait maintenant établir les mécanismes et consacrer les ressources nécessaires pour anticiper et surmonter la crise à venir.