NRPP : La Commission européenne sourde aux demandes du Parlement européen et des agriculteurs
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a laissé entendre qu’elle pourrait envisager quelques concessions minimales au cours de la journée à la présidente du Parlement européen, Mme Metsola, afin d’apaiser les critiques concernant son projet de fonds unique dévoilé le 16 juillet. Cependant, les éléments de flexibilité qu’elle propose ne répondent en aucun cas aux demandes claires exprimées par les principaux groupes politiques du Parlement européen. De plus, la Commission européenne ne propose à ce stade aucune modification formelle de sa proposition, mais suggère simplement des amendements que les députés européens pourraient eux-mêmes déposer.
En ce qui concerne l’autonomie de la politique agricole commune (PAC), le transfert de quelques articles du règlement NRPP vers le règlement d’application de la PAC est loin de résoudre le problème structurel créé par le fonds unique. La Politique agricole commune resterait dépendante des discussions menées en dehors de son cadre, et sa gouvernance serait toujours contrainte par un cadre de performance inadapté, déconnecté des réalités agricoles.
En ce qui concerne le rôle des colégislateurs, et du Parlement européen en particulier, le nouveau cadre de discussion « stratégique » proposé par la Commission ne fait qu’ajouter à la confusion générale qui règne autour de la gouvernance du fonds unique. La présidente de la Commission européenne propose que les députés européens tiennent des discussions « stratégiques » annuelles sur les enveloppes nationales déjà allouées dans le cadre des plans stratégiques nationaux. Soit cette proposition témoigne d’un mépris pour le rôle du Parlement européen, soit elle représente une nouvelle étape vers encore moins de prévisibilité pour les agriculteurs européens.
Enfin, en ce qui concerne l’aspect financier, l’« objectif rural » de 10 % proposé que les États membres devraient consacrer, en plus de l’enveloppe agricole, aux questions dites « rurales », correspond grosso modo, en moyenne dans l’UE, aux mesures exclues du champ d’application protégé de la proposition initiale, telles que les mesures de coopération, les programmes de distribution de fruits dans les écoles ou les programmes destinés aux régions ultrapériphériques. Pour des pays comme l’Irlande ou la France, cependant, le financement intégral de ces mesures exclues de la PAC par la Commission européenne ne nécessiterait pas 10 %, mais plutôt environ 25 % et 16 %, respectivement. En outre, cette suggestion ne résout en rien l’équation budgétaire pour les mesures fondamentales de la PAC, qui continuent de faire face à une réduction de 17,6 %, et ne fournit pas de capacité d’investissement supplémentaire pour les anciennes mesures de développement rural.
En résumé, la présidente de la Commission européenne continue de faire peser la charge sur les régions et les États membres pour compenser les coupes budgétaires qu’elle prévoit d’imposer à la PAC et à ses mesures, tout en maintenant un discours peu convaincant sur les ressources financières abondantes du fonds NRPP, qui est lui-même en train de diminuer de 40 %.
BACKGROUND
La Commission européenne a présenté, le 16 juillet dernier, une proposition radicale de refonte du budget de l’UE, largement inspirée de la gouvernance du fonds de relance post-COVID (RRF), qui s’articule principalement autour d’enveloppes nationales, laissant de côté la méthode communautaire. Dans le cadre d’une allocation globale demandée de 2 000 milliards d’euros, la Commission européenne propose de répartir les fonds entre quatre fonds principaux : le Fonds régional et national (intégrant la PAC, la cohésion, Frontex, le climat, Interreg, etc.) ; le Fonds pour la compétitivité ; le Fonds « Europe globale » pour les actions dans les pays tiers et l’Ukraine ; et le Fonds pour les dépenses administratives.
La Commission propose de fusionner les politiques traditionnelles de l’UE et leur financement en un seul règlement et un seul fonds. La PAC actuelle, la cohésion, le FSE+, la pêche, le fonds pour le climat et le fonds social, ainsi que le fonds de crise de l’UE seraient fusionnés en un cadre unique : le règlement « Plans de partenariat nationaux et régionaux », avec une allocation globale réduite de 865 milliards d’euros pour la période 2028-2034. Ce budget serait réparti entre les États membres, à l’exception du budget Interreg (10,5 milliards d’euros), ce qui laisserait une marge de réserve de l’UE de seulement 15 milliards d’euros. 293,7 milliards d’euros seraient réservés à la nouvelle PAC et alloués aux États membres, auxquels s’ajouteraient 6,3 milliards d’euros supplémentaires destinés aux crises agricoles. Le budget de la PAC diminuerait fortement de 17,6 % entre 2021-2027 et 2028-2034.
Compte tenu de la forte réduction du budget de la PAC proposé, la Commission laisse aux États membres le soin de compléter le budget de la PAC en puisant dans d’autres fonds provenant des enveloppes allouées à leurs plans nationaux de relance (PNR). Pour maintenir le budget de la PAC en euros courants, le Danemark, l’Irlande et l’Autriche devraient consacrer plus des trois quarts de leurs allocations PNR restantes (fonds PNR après déduction des allocations CAP, climat social et frontières). Les Pays-Bas, la France, la Finlande, la Suède et le Luxembourg devraient allouer environ 50 %, tandis que l’Italie, l’Espagne, la Belgique et l’Allemagne devraient mobiliser entre 18 % et 35 %. Or, ces fonds du PNR sont censés financer, entre autres, la future cohésion et le FSE+. Les affirmations de la Commission ne résistent pas à une analyse approfondie.