Le Danemark entame sa présidence du Conseil de l’Union européenne

Le 1er juillet marque le début de la Présidence danoise du Conseil de l’Union européenne, que le Danemark exercera jusqu’au 31 décembre 2025. Sous le slogan « Une Europe forte dans un monde en mutation », la Présidence danoise ambitionne de contribuer à la construction d’une Europe sûre, compétitive et verte.

De manière générale, le programme de la future présidence vise à renforcer le rôle de l’Europe dans un monde marqué par l’instabilité géopolitique et une concurrence internationale croissante. Le pays entend garantir que l’UE puisse mieux assurer sa propre défense, notamment face aux défis posés par la Russie et aux incertitudes transatlantiques. 

Une des priorités principales consistera à améliorer la compétitivité économique de l’UE en réduisant les charges réglementaires – y compris dans le secteur agricole – et en stimulant l’innovation, tout en maintenant la dynamique de transition écologique en amont de la COP30, considérée comme essentielle tant pour la sécurité que pour la prospérité à long terme. Une impulsion est à prévoir sur les protéines alternatives et la biotechnologie.

Voici les éléments les plus pertinents mentionnés dans le programme :

  1. Cadre financier pluriannuel

La Présidence danoise œuvrera pour un budget de l’UE financièrement responsable, qui apporte une réponse ciblée, simple et efficace aux défis stratégiques de l’Union. Le Danemark entend tracer une voie ambitieuse et rigoureuse sur le plan budgétaire pour les travaux du Conseil, en visant la présentation d’un premier projet de « boîte de négociation » afin d’orienter les discussions. Le Danemark a d’ores et déjà souligné qu’il privilégiera la qualité des dépenses plutôt que le montant global. Dans ce contexte, la Présidence poursuivra les discussions sur une éventuelle révision de la décision du Conseil relative aux ressources propres.

  1. Politique agricole commune post-2027

En ce qui concerne la prochaine Politique agricole commune, la Présidence danoise s’emploiera à simplifier le quotidien des agriculteurs, pêcheurs et producteurs alimentaires, à travers une meilleure réglementation, mais aussi par l’innovation et le développement. 

Le Danemark concentrera ses efforts sur quatre priorités clés pour la PAC post-2027 :

  • Une PAC verte, simple et orientée vers le marché

La Présidence danoise veillera à promouvoir une PAC verte, simple et orientée vers le marché, qui soutienne les mesures en faveur du climat et de l’environnement tout en renforçant la compétitivité et l’innovation.

Dans ce cadre, la Présidence entend conclure les négociations sur le paquet de simplification agricole et entamer celles sur la nouvelle PAC, en soulignant qu’elle doit appuyer le développement rural, l’agriculture biologique, le renouvellement générationnel et le bien-être animal, tout en assurant une meilleure cohérence avec la législation sectorielle, notamment climatique et environnementale.

  • Un secteur agroalimentaire innovant et compétitif

Jouant un rôle crucial dans le développement de cultures résilientes, la Présidence œuvrera à finaliser les négociations sur les propositions relatives aux plantes issues des nouvelles techniques génomiques. L’économie biosourcée et les solutions biotechnologiques contribuent également de manière significative à une production agricole et alimentaire durable. La Présidence accordera donc une attention particulière au futur EU Biotech Act, en insistant sur le besoin de flexibilité, de réduction des charges administratives et de simplification réglementaire.

  • Un système alimentaire durable et un marché intérieur solide

Concernant le renforcement de la position des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, la Présidence danoise est déterminée à conclure les négociations sur les pratiques commerciales déloyales transfrontalières et les propositions de modification de l’Organisation commune des marchés. En outre, elle mettra l’accent sur le potentiel d’un plan d’action européen commun pour les aliments d’origine végétale ainsi qu’une stratégie protéique européenne.

  • Un marché unique axé sur la santé animale, humaine et végétale

La Présidence danoise entend faire avancer les négociations sur la proposition relative à la protection des animaux pendant le transport. Par ailleurs, elle se penchera sur l’identification de solutions face à la résistance antimicrobienne, aux maladies animales transmissibles et à l’apparition de nouveaux ravageurs des plantes.

  1. Élargissement

La Présidence danoise considère l’élargissement futur de l’UE comme une nécessité géopolitique, notamment avec l’Ukraine, estimant qu’il s’agit du seul moyen pour l’UE de stabiliser efficacement le continent européen et de renforcer la résilience des pays vulnérables aux influences extérieures indésirables.

  1. Politique climatique

La lutte contre le changement climatique et la réalisation des objectifs de réduction des émissions de l’UE figureront parmi les thématiques phares de la Présidence danoise. Le Danemark entend conclure un accord sur la révision de la Loi européenne sur le climat, établissant une réduction nette des émissions de GES de 90 % d’ici 2040. Il devra pour cela respecter un calendrier serré, notamment car l’UE doit soumettre – conformément à l’Accord de Paris – sa nouvelle contribution déterminée au niveau national (CDN) pour la période allant jusqu’en 2035 avant la COP 30, prévue au Brésil du 10 au 21 novembre 2025.

L’objectif de la Présidence danoise est de dériver la cible 2035 à partir de celle fixée pour 2040, ce qui impliquerait de trouver un accord avec le co-législateur d’ici septembre. Il reste cependant incertain que le Danemark puisse avancer ces dossiers en parallèle, ou s’il devra les traiter séparément. Cette question est cruciale car elle conditionne le niveau d’ambition des objectifs. Une trajectoire linéaire placerait l’objectif 2035 à mi-chemin entre 2030 et 2040, garantissant ainsi une progression cohérente. Une dissociation pourrait au contraire permettre un objectif moins ambitieux pour 2035, au risque de compromettre celui de 2040.

Les négociations sur ce dossier sont également sous pression en raison de la position de la France, exprimée par le Président Macron lors du dernier Conseil européen. Celui-ci souhaite reporter les discussions sur l’amendement de la Loi climat pour permettre un « débat démocratique au sein du Conseil », et s’oppose à l’idée de déduire l’objectif 2035 de celui de 2040, affirmant que seul le premier doit être défini en urgence. D’autres États membres, comme la Hongrie, partagent cette position, même si la majorité semble s’aligner avec celle du Danemark.

Par ailleurs, la Présidence donnera la priorité au renforcement du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM), afin de prévenir les fuites de carbone tout en soutenant la transition verte et la compétitivité européenne.

  1. Politique environnementale

En matière environnementale, la Présidence danoise engagera les discussions sur la politique environnementale de l’UE à l’horizon 2030.

Conformément à son programme, le Danemark cherchera à faire progresser les négociations pour renforcer l’économie circulaire et améliorer l’autonomie stratégique de l’UE en sécurisant l’approvisionnement en ressources naturelles critiques. Les discussions politiques sur la future stratégie européenne de bioéconomie seront un point clé. Farm Europe souhaite que cette stratégie permette une réflexion approfondie sur la disponibilité de la biomasse et le rôle de la production agricole dans son approvisionnement.

De plus, le Danemark soutiendra les efforts internationaux pour adopter un accord juridiquement contraignant des Nations Unies visant à mettre fin à la pollution plastique (la prochaine session de négociation aura lieu du 5 au 14 août à Genève) et conduira les discussions du Conseil sur la Stratégie européenne de résilience hydrique, en traçant une feuille de route pour garantir l’approvisionnement et la qualité de l’eau, renforcer la résilience et promouvoir l’innovation dans les technologies de l’eau.

La Présidence est également prête à lancer les négociations sur la révision de la législation européenne sur les produits chimiques (REACH), afin de moderniser et simplifier le cadre législatif, soutenir la production durable de produits chimiques et garantir la sécurité des consommateurs, notamment en traitant les substances dangereuses et les PFAS inutiles.

  1. Politique énergétique

Le Danemark souhaite faire progresser, voire conclure, les négociations sur la révision de la directive sur la taxation de l’énergie ainsi que sur le plan d’action pour une énergie abordable proposé par la Commission.

  1. Transports

Dans le domaine des transports, la Présidence danoise vise à finaliser un accord avec le Parlement européen sur le règlement relatif à la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre provenant des services de transport. Elle lancera également les premières discussions sur le plan d’investissement durable dans les transports, destiné à accélérer la transition verte du secteur.

Concernant le transport maritime, la Présidence défendra un secteur maritime durable, innovant et compétitif, afin de préserver le leadership mondial de l’UE. En ligne avec les objectifs climatiques de l’UE à l’horizon 2030, l’agenda de simplification administrative de la Commission et le renforcement de la compétitivité, elle fera progresser les discussions sur la stratégie industrielle maritime. La Présidence soutiendra également l’adoption du cadre IMO de neutralité climatique lors de l’Organisation maritime internationale en octobre 2025, et entamera les travaux pour en assurer la mise en œuvre effective au niveau européen.

Biotechnologies et alimentation : La santé des citoyens et la science doivent primer

En revenant sur des positions antérieures qui visaient principalement à accélérer les procédures d’autorisation des aliments issus des biotechnologies — en particulier les produits cultivés en laboratoire ou obtenus par fermentation de précision — les députés européens ont désormais validé des principes clés : les normes élevées de l’UE en matière de sécurité alimentaire et de protection des consommateurs doivent être maintenues ; les impacts sur la durabilité et la circularité doivent être évalués ; et l’innovation alimentaire doit tenir compte des dimensions sociales, éthiques, économiques, environnementales et culturelles.

Nous nous félicitons également de l’alignement du Parlement européen sur la position que nous défendons de longue date, et qui a été clairement réaffirmée par le Conseil AGRIFISH de l’UE en janvier 2024 : pour protéger la santé des citoyens, toute demande d’autorisation biotechnologique de ce type doit faire l’objet d’un examen rigoureux avant d’être autorisée ou mise sur le marché européen. Cela inclut l’exigence d’études cliniques et précliniques.

Cette position est pleinement cohérente avec la lettre que nous avons adressée il y a plusieurs mois à la Commission européenne, dans laquelle nous remettions en question la pertinence du Règlement actuel sur les « nouveaux aliments ». Nous y appelions à envisager des révisions futures permettant de mieux aligner l’évaluation de la sécurité des aliments cultivés en laboratoire sur celle des médicaments — notamment en y intégrant des études précliniques et cliniques comme critères de sécurité essentiels. Nous avons également exhorté la Commission à assurer une meilleure cohérence avec la législation sur les OGM et à traiter les implications éthiques de ces technologies.

Très large consensus sur la nécessaire protection des dénominations de viande

Les ministres européens de l’agriculture ont adressé aujourd’hui un message très clair à la Commission européenne sur la nécessité de protéger de toute urgence les dénominations des viandes. La demande, présentée par la République tchèque, visant à demander à la Commission européenne une proposition législative pour protéger les dénominations des denrées alimentaires d’origine animale, a été largement soutenue par 18 États membres (CZ, IT, FR, HU, AT, SK, ES, RO, MT, IE, CY, LT, BG, EL, PT, LU, HR et BE), sans aucune voix s’élevant contre.

Cette position collective des ministres envoie un signal fort aux négociateurs avant les discussions en trilogue sur l’Organisation Commune des Marchés, et en particulier à la future présidence danoise de l’UE, qui devra tenir compte lors des négociations de cette demande largement soutenue par la plupart des ministres .

Farm Europe et Eat Europe se félicitent fortement de cette demande qui répond à la nécessité urgente de mettre fin à la discrimination entre la viande et les substituts et imitations de viande et d’assurer une protection efficace des consommateurs de l’UE. Aujourd’hui, en matière de viande, il existe des règles très strictes sur ce que doivent contenir, par exemple, le « steak haché » ou l’« escalope hachée » français : au moins 99 % de viande et moins de 1 % de sel ! Il s’agit d’un produit peu transformé, composé principalement d’un seul ingrédient.

Nous appelons donc la Commission européenne à répondre à l’appel des ministres de l’Agriculture et à intervenir le plus rapidement possible pour mettre de l’ordre dans les rayons et sur le marché intérieur. Tous ceux qui souhaitent soutenir cette initiative peuvent soutenir notre campagne « Les mots comptent » en suivant le QR Code ci-dessous :

SPG : la clause de sauvegarde automatique sur le riz doit être défendue

À l’approche des négociations finales en trilogue, Farm Europe et Eat Europe, aux côtés des organisations agricoles représentant les producteurs de riz des principaux pays producteurs de l’UE (Italie, Espagne, Portugal, Grèce, France et Roumanie), adressent un message clair aux institutions européennes : rejeter toute tentative d’affaiblir le concept de clause de sauvegarde automatique prévu à l’article 29 du règlement sur le Système de Préférences Généralisées (SPG).

Des mécanismes de sauvegarde automatiques, rapides et efficaces doivent être la norme dans tout accord commercial conclu par l’Union européenne, afin de garantir la compétitivité des agriculteurs européens et des conditions équitables respectant les normes de durabilité économique, environnementale et sociale. C’est le seul outil véritablement efficace pour protéger la production rizicole.

La proposition actuellement en circulation – inacceptable pour les producteurs de riz – prévoit un déclenchement automatique d’un mécanisme de surveillance, et non de la clause de sauvegarde. De plus, elle introduit des critères qui retardent considérablement le processus et risquent de fournir un prétexte pour ne pas suspendre les tarifs préférentiels.

À l’inverse, nous appelons à ce que le pourcentage de référence soit fixé à 6 %, si la méthode de calcul devait être modifiée, en utilisant le total des importations de l’UE comme dénominateur, et non uniquement celles provenant des pays SPG. Nous demandons également des délais stricts pour la surveillance et la vérification, avec le pourcentage comme unique paramètre à évaluer, ainsi que la suppression du paragraphe 2 de l’article 31.

Le secteur ne considère que deux alternatives viables si ces propositions ne sont pas retenues : revenir au mandat de négociation initial du Parlement européen ou suspendre le trilogue.

Les producteurs de riz européens ne peuvent plus faire face à des hausses d’importations comme celles des dernières années : lors de la dernière campagne de commercialisation, les agriculteurs européens ont été confrontés à une véritable invasion de riz asiatique exempté de droits de douane. À la date du 1er juin 2025, les importations en provenance du Cambodge et du Myanmar affichaient déjà une hausse de 13 % par rapport à la même période de l’année précédente, avec une augmentation de 40 % pour le seul riz Indica.

Au-delà des mécanismes de sauvegarde automatiques, le principe de réciprocité doit être pleinement appliqué dans tous les accords, afin de protéger non seulement la chaîne d’approvisionnement, mais aussi les consommateurs européens, face à des produits qui ne respectent pas les normes environnementales, sociales et de qualité en vigueur dans l’UE.

Protection des dénominations de viande : lettre à M. Várhelyi

Les mots comptent ! Farm Europe et Eat Europe ont adressé une lettre conjointe au Commissaire européen à la Santé et au Bien-être animal, Olivér Várhelyi, ainsi qu’au Commissaire européen à l’Agriculture et à l’Alimentation, Christophe Hansen, afin de réclamer des règles claires et harmonisées au niveau européen sur les dénominations de viande. En l’absence de telles règles, le droit des consommateurs à une information transparente sur leurs choix alimentaires se trouve compromis.

Alors que les dénominations liées aux produits laitiers bénéficient déjà d’une protection juridique au sein de l’UE, un même niveau de clarté doit être assuré pour les produits carnés. Le vide réglementaire actuel permet à des produits alternatifs à base de champignons, d’insectes, de composants cultivés en laboratoire, ou encore à base de plantes — souvent fortement transformés et contenant des substances chimiques — d’utiliser la terminologie traditionnelle de la viande, en imitant l’apparence, le goût et la texture des produits d’origine animale, malgré des différences notables en termes de profil nutritionnel. L’absence de protection juridique entraîne une confusion pour les consommateurs et une concurrence déloyale pour les éleveurs.

La question des dénominations de viande avait déjà été abordée lors de la dernière réforme de la Politique Agricole Commune (PAC). Malgré l’intérêt suscité, les discussions n’avaient pas abouti à des mesures concrètes à l’époque. La lettre adressée aux Commissaires, signée par les présidents de Farm Europe et Eat Europe, souligne la demande croissante de règles plus claires, afin d’éviter toute tromperie des consommateurs et de garantir que l’étiquetage reflète fidèlement la nature réelle des produits vendus. Les consommateurs méritent de la transparence et les producteurs un marché équitable.

Cette initiative intervient alors que le Parlement européen relance les discussions sur l’usage des termes liés à la viande pour les produits végétaux et les protéines alternatives. Le sujet a regagné en importance avec l’amendement récemment proposé par la députée européenne Céline Imart, visant à réserver exclusivement à la viande animale des appellations telles que « steak », « saucisse », « burger », et autres.

Le débat devrait se poursuivre dans les prochaines semaines, les amendements devant être discutés au Parlement européen le 30 juin. Farm Europe et Eat Europe estiment que ce moment est opportun pour soutenir notre appel à l’action, et encouragent les institutions européennes à prendre des initiatives claires en faveur d’un cadre législatif global sur les dénominations carnées, dans l’intérêt des consommateurs comme des agriculteurs.Cette action s’inscrit dans la continuité de l’Appel à l’Action « Words matter » (Les mots comptent), lancé par Farm Europe en octobre 2024. Pour en savoir plus et soutenir cette initiative : https://www.farm-europe.eu/fr/actualite-farm-europe/ce-qui-est-vrai-pour-le-lait-doit-letre-pour-la-viande/

L’UE face une véritable invasion de riz asiatique exempt de droits de douane

Les organisations de pays producteurs demandent instamment le respect du mandat de négociation du Parlement européen en vue d’un éventuel trilogue final.

À l’approche des négociations du trilogue final, Farm Europe appelle les institutions européennes à défendre la clause de sauvegarde automatique prévue à l’article 29 du règlement sur le système de préférences généralisées (SPG). Des mécanismes de sauvegarde automatiques, rapides et efficaces devraient être la norme dans tout accord commercial conclu par l’UE, afin de garantir la compétitivité des agriculteurs européens et des conditions de concurrence équitables qui respectent les normes de durabilité économique, environnementale et sociale. C’est le seul outil efficace pour protéger la production de riz

Au cours de la dernière campagne de commercialisation, les agriculteurs européens ont été confrontés à une véritable invasion de riz asiatique à droits nuls, les importations en provenance du Cambodge et du Myanmar ayant déjà augmenté de 13 % au 1er juin 2025 par rapport à la même période de l’année précédente, et de 40 % pour le seul riz Indica.

Les organisations des principaux pays producteurs européens soulignent que toute solution alternative n’impliquant pas une suspension automatique des tarifs préférentiels ne protégerait pas le secteur. Par conséquent, l’inclusion de la clause de sauvegarde automatique doit être considérée comme une condition non négociable pour la conclusion de l’accord de trilogue.  Concrètement, nous demandons l’activation automatique de la clause de sauvegarde lorsque les volumes d’importation dépassent un seuil de référence préétabli, afin d’éviter ce qui s’apparenterait à des pratiques de dumping préjudiciables aux agriculteurs européens – par le biais d’afflux incontrôlés de produits étrangers en l’absence de mécanismes de défense. Rappelons qu’aujourd’hui, plus de 60 % du riz importé en Europe bénéficie de droits de douane réduits.

Au-delà des mécanismes de sauvegarde automatiques, l’application du principe de réciprocité doit être pleinement mise en œuvre dans tous les accords, afin de protéger non seulement la chaîne d’approvisionnement, mais aussi les consommateurs européens, contre les produits qui sont bien en deçà des normes environnementales, sociales et de qualité de l’UE. Par exemple, les rizières de plusieurs pays d’Asie et du Mercosur utilisent encore du tricyclazole, un puissant pesticide interdit dans l’UE. La récente tentative de la Commission européenne d’augmenter la limite maximale de résidus (LMR) pour le tricyclazole dans le riz de 0,01 à 0,09 mg/kg a heureusement été évitée.

Stratégie eau: les besoins en l’eau pour l’agriculture pas assurés

Le 4 juin, la Commission européenne a présenté sa Stratégie pour la Résilience de l’Eau, poursuivant un triple objectif : restaurer et protéger le cycle de l’eau, construire une économie sobre en eau, et garantir un accès à une eau propre et abordable ainsi qu’à des services d’assainissement pour tous.

Cette stratégie constitue un outil essentiel pour protéger les ressources en eau de l’UE et préserver la production agricole et la sécurité alimentaire dans les années à venir. Il est en effet fondamental de reconnaître que les agriculteurs européens ne « consomment » pas simplement de l’eau, mais qu’ils produisent de manière durable des aliments pour tous — ce qu’ils ne pourront plus faire s’ils n’ont pas accès à une quantité suffisante d’eau de bonne qualité.

Aujourd’hui, il est clair que nous devons produire davantage au niveau européen pour répondre à la demande croissante, tant mondiale qu’interne, non seulement à des fins alimentaires, mais aussi pour développer le secteur de la bioéconomie grâce à l’approvisionnement en biomasse et en bioénergie. Farm Europe estime notamment que atteindre les objectifs climatiques de l’UE à l’horizon 2030 nécessitera une augmentation de 13 % de la production agricole, qui devra passer à 25 % d’ici 2050.

Si la stratégie met justement l’accent sur la réduction de la consommation d’eau, l’amélioration de l’efficacité et la protection de la qualité de l’eau, elle manque toutefois d’un équilibre clair en matière de soutien concret à la production agricole et à la sécurité alimentaire, dans un contexte de changement climatique et d’investissements nécessaires en matière d’atténuation et d’adaptation.

En résumé, la stratégie manque de propositions concrètes sur l’usage de l’eau dans les différents secteurs. La Commission adopte une approche trop prudente vis-à-vis des infrastructures de stockage de l’eau, alors même qu’il est urgent de garantir l’accès à cette ressource et de mieux anticiper les aléas climatiques extrêmes. Elle insiste sur la priorité à donner aux solutions fondées sur la nature et n’apporte qu’un soutien conditionnel aux réservoirs artificiels, en précisant que leur mise en œuvre nécessite « une attention particulière ainsi qu’une planification et une coordination rigoureuses, de nombreux secteurs économiques ayant des besoins en eau différenciés au fil de l’année ». La Commission appelle également à réaliser des évaluations environnementales approfondies avant la construction de nouveaux barrages. Cette prudence traduit une réticence à engager les investissements à l’échelle nécessaire pour offrir aux agriculteurs visibilité et stabilité face à des conditions climatiques de plus en plus instables. Plus préoccupant encore, aucun projet de stockage d’eau financé par l’UE n’est annoncé pour améliorer la disponibilité de cette ressource pour l’agriculture. À l’inverse, un plan d’investissement européen dans le stockage d’eau permettrait de réduire la pression sur le budget de la PAC, déjà amputé de 54 % pour la période 2021-2027 en raison de l’inflation, en dissociant les investissements dans les infrastructures des fonds de la PAC et des Plans Stratégiques Nationaux.

Le principe « Water Efficiency First » constitue l’un des piliers de l’approche de la Commission, avec un objectif non contraignant d’amélioration de l’efficacité de l’eau d’au moins 10 % d’ici 2030 — ce qui implique en réalité un objectif de réduction des prélèvements. Toutefois, malgré les appels du Parlement européen, aucun objectif sectoriel n’est défini pour garantir une répartition équitable et réaliste des efforts entre les différents secteurs. Si l’amélioration de l’efficacité de la gestion de l’eau est essentielle dans tous les États membres, les agriculteurs ont avant tout besoin d’un accès fiable à l’eau pour maintenir leurs rendements et répondre à la demande croissante en biomasse.

Concernant la gestion de l’eau, dans sa communication, la Commission encourage les États membres à utiliser au maximum les pratiques agricoles résilientes. Nous partageons cette ambition, mais soulignons que tous les agriculteurs doivent être mis en capacité de le faire : l’autorisation des nouvelles techniques génomiques (NGT) doit être accélérée, plusieurs variétés de cultures prometteuses étant presque prêtes et susceptibles d’apporter des rendements supérieurs tout en réduisant les besoins en intrants et en eau. De même, l’agriculture de précision et numérique, la gestion des effluents d’élevage, et la circularité des nutriments issus d’une production animale durable doivent être encouragées et valorisées.

Sur le volet financier, la Commission présente plusieurs instruments prometteurs, tels que le programme « EIB Water » et le « Water Resilience Investment Accelerator ». Néanmoins, aucune garantie claire n’est donnée quant aux bénéfices concrets que ces outils apporteront au secteur agricole. Sans financement dédié pour les infrastructures hydrauliques et l’adaptation au changement climatique au niveau des exploitations, la stratégie risque de laisser les agriculteurs démunis et insuffisamment accompagnés.

Enfin, la stratégie propose un cadre environnemental ambitieux, mais elle reste insuffisante pour assurer la souveraineté agricole de l’Europe et sa productivité dans un climat en pleine mutation.

ACCORD US – UK : démantèlement du cadre multilatéral en vue ?

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé hier qu’ils avaient conclu un accord commercial.
Peu d’éléments concrets sont connus à ce stade : les déclarations se contentent de remarques générales, sans détails précis. Des négociations supplémentaires seront nécessaires avant qu’un véritable accord de libre-échange ne voie le jour.

Cela dit, certains points commencent à émerger, notamment sur le commerce agricole.
Selon les autorités américaines : « Cet accord commercial va considérablement élargir l’accès au marché britannique, créant une opportunité de 5 milliards de dollars pour de nouvelles exportations des agriculteurs, éleveurs et producteurs américains. »
Cela inclut plus de 700 millions de dollars d’exportations d’éthanol et 250 millions pour d’autres produits agricoles, comme le bœuf.

Côté britannique, on sait qu’un accord a été trouvé sur la suppression des droits de douane pour l’éthanol, et pour le bœuf dans la limite d’un quota de 13 000 tonnes. Aucun détail n’a été donné concernant les autres produits agricoles, même si l’on peut s’attendre à une suppression généralisée des droits de douane. Le Royaume-Uni a également précisé qu’il conserverait ses normes sanitaires et phytosanitaires (#SPS), ce qui signifie que seul le bœuf sans hormones et la volaille non traitée au chlore seront autorisés. Ce faisant, le Royaume-Uni évite également tout conflit avec son accord de libre-échange avec l’Union européenne.

Ainsi, à ce stade, l’impact sur les exportations de bœuf et de volaille devrait rester très limité. En revanche, l’impact sur le marché britannique de l’éthanol pourrait être bien plus significatif. Des incertitudes demeurent sur les échanges concernant le porc, les produits laitiers, les vins et spiritueux, les jus de fruits, les céréales et autres produits. Mais, comme évoqué, la tendance va vers une suppression des droits de douane.

À partir des éléments connus, plusieurs points méritent attention :

  • Pour la première fois depuis le Brexit, le Royaume-Uni conclut des accords commerciaux d’envergure avec de grands partenaires : l’Inde, puis les États-Unis dans la même semaine. Il faut rappeler que ce sont les deux précédentes administrations américaines qui avaient bloqué toute avancée. L’Union européenne fera donc face à une concurrence accrue sur le marché britannique.
  • Le tarif douanier américain uniforme de 10 % reste en place. Le Royaume-Uni, lui, ne prévoit pas de mesure de réciprocité. La volonté des États-Unis de maintenir ce tarif plancher de 10 % dans les accords à venir semble désormais établie.
  • Cet accord s’écarte clairement des règles fondamentales de l’OMC : les concessions accordées sont strictement bilatérales. Ce n’est pas un véritable accord de libre-échange, puisque les États-Unis conservent leurs droits de douane. L’accord viole donc le principe de la nation la plus favorisée, qui exige qu’en dehors d’un accord de libre-échange formel, toute concession tarifaire soit étendue à l’ensemble des membres de l’OMC.

Nous assistons peut-être au début du démantèlement du cadre multilatéral de l’OMC dans les échanges entre grandes puissances. Si les États-Unis concluent d’autres accords de ce type, comme ils l’annoncent, cette dynamique pourrait s’amplifier.

Allons-nous vers une coexistence de deux types d’accords commerciaux : ceux conformes à l’OMC, comme le défend l’Union européenne, et ceux fondés sur des négociations bilatérales sur mesure ? L’OMC survivra-t-elle ? Ou, bien que peu probable au vu du manque d’intérêt des États-Unis, une réforme en profondeur de l’OMC est-elle la seule voie pour préserver un cadre commun au commerce mondial ?

La simplification, enfin

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

BRUXELLES, le 14 mai 2025 — Beaucoup ont parlé de simplifier la PAC, mais très peu ont agi. Farm Europe se félicite que le Commissaire européen à l’agriculture, Christophe Hansen, ait décidé de faire avancer concrètement ce dossier, permettant ainsi à l’UE de tourner le dos aux dispositions les plus préjudiciables à la crédibilité de la Politique agricole commune et générant une surcharge administrative évidente et inutile au regard de ses performances.

Le paquet de simplification proposé remédiera aux incohérences les plus flagrantes du nouveau cadre de performance introduit par la précédente réforme. La Commission européenne envoie un signal positif en indiquant son intention d’aligner la réglementation sur l’agronomie, la réalité du travail des agriculteurs et leurs besoins pratiques afin de concilier production agricole et durabilité, y compris à travers la simplification attendue de plusieurs GAECs.

Une nouvelle approche des plans nationaux

En ce qui concerne la mise en œuvre de la PAC dans les États membres, l’objectif de la Commission de concentrer sa valeur ajoutée sur des changements stratégiques des plans nationaux, plutôt que de discuter de détails mineurs ou de rejeter des propositions pragmatiques, comme cela a été le cas depuis 2023, constitue un pas dans la bonne direction. Toutefois, la Commission doit pleinement jouer son rôle pour garantir la cohérence des ambitions des plans stratégiques nationaux, en facilitant leur mise en œuvre la plus opérationnelle possible. Ce travail est particulièrement nécessaire en ce qui concerne les BCAE. Certains pays ont rendu leur mise en œuvre trop complexe. C’est le cas, par exemple, d’une poignée d’États membres en ce qui concerne la mise en œuvre des BCAE5, qui pénalise lourdement certains secteurs et menace l’intégrité du marché intérieur, sans aucune justification agronomique. 

En ce qui concerne le régime en faveur des petits agriculteurs, Farm Europe appelle à une concurrence loyale au sein de l’UE, non seulement entre les pays, mais aussi entre les agriculteurs, afin que chacun puisse contribuer à l’objectif de durabilité, quelle que soit la taille de son exploitation. Cet outil doit rester ciblé sur les structures les plus éloignées de toute capacité administrative et très peu intégrées au marché. 

La gestion européenne des crises est moins coûteuse que la gestion nationale

En outre, des éléments de simplification des outils de gestion des risques à l’échelle nationale sont la bienvenue, mais Farm Europe s’inquiète du risque d’une gestion purement nationale des crises agricoles. La mise en place de réserves de crise par les États membres envoie un signal ambigu, compte tenu de la gestion désordonnée et variable des aides d’État autorisées en réponse à la Covid et à la guerre en Ukraine. La mesure proposée dans ce paquet de simplification ne doit pas se substituer à une réserve de crise européenne renforcée. Pour être véritablement efficace, la gestion des crises graves ne peut être assurée qu’au niveau communautaire, grâce à un mécanisme combinant solidarité, incitations à renforcer les outils de gestion des risques dans les exploitations agricoles et prise en charge de ces outils par l’Europe en cas de crise grave. 

Il s’agit d’une question d’efficacité économique et d’efficience dans l’utilisation des fonds publics. Selon les estimations de Farm Europe, une réserve de crise européenne de 2 milliards d’euros coûte cinq fois moins cher que des réserves de crise nationales distinctes offrant le même niveau de couverture. Comme l’a souligné le rapport Draghi, la mutualisation et la solidarité sont des piliers de l’ambition européenne, mais aussi du pragmatisme budgétaire.

Forum 2025 : L’urgence d’un plan de relance de la production agricole européenne

A l’occasion du Global Food Forum qui s’ouvre 12 mai, marquant ses 10 ans, Farm Europe dévoilera la mise à jour de son radar de durabilité et de souveraineté des systèmes alimentaires de l’UE et présentera un nouvel indicateur, montrant l’érosion des bastions traditionnels de l’agriculture européenne — les grandes cultures et l’élevage. Cette tendance est associée à une dégradation des indicateurs sociaux-économiques et à une poursuite de l’amélioration des indicateurs environnementaux. Le Forum, qui réunit plus de 150 responsables politiques et économiques de l’agriculture européenne, travaillera sur des pistes d’actions concrètes pour « relancer le moteur de croissance durable de l’agriculture européenne », et répondre aux besoins de plus en plus marqués en produits agricoles, tant à l’échelle européenne que dans le monde. L’analyse des besoins alimentaires et non alimentaires, réalisée par Farm Europe, anticipe une croissance nécessaire de la production agricole européenne de 13% d’ici à 2030 et de 25% d’ici à 2050 pour jeter les bases d’une réelle autonomie stratégique du Continent. 

Le radar du durabilité et souveraineté long terme est un outil d’analyse qui met en valeur les dynamiques en cours et la santé du secteur agricole et alimentaire de l’Union européenne à travers 12 indicateurs dynamiques et 12 indicateurs de situation. 

Il fait apparaître que l’Union européenne reste une puissance agricole, avec une balance solide pour l’alimentation humaine, tant en produits végétaux qu’animaux. De plus, les transitions environnementales sont largement engagées avec une dynamique positive des indicateurs environnementaux, tant sur le plan des usages de produits phytosanitaires les plus virulents que des émissions. 

Toutefois, les points noirs restent les indicateurs sociaux économiques de l’agriculture européenne, avec des revenus en berne, ainsi qu’une politique restrictive limitant la capacité de l’agriculture européenne à répondre à la demande en alimentation animale et en matière première pour la bioéconomie. 

UNE DEGRADATION DES POINTS FORTS HISTORIQUES

Au-delà des méga-trends, le nouvel indicateur, dévoilé à l’occasion du Global Food Forum, fait apparaître les dynamiques récentes. Il met en lumière une dégradation rapide des indicateurs de souveraineté agricole sur les postes traditionnellement forts de l’Union européenne : les céréales et la viande. De même, les indicateurs sociaux-économiques poursuivent leur chute avec une accélération de la restructuration en cours et des revenus agricoles en berne, malgré la légère hausse du budget des ménages consacrés à l’alimentation. 

Sur le plan environnemental, les indicateurs confirment leur progression. Les émissions à la production refluent, le changement de structure des ventes de produits phytosanitaires se prolonge. L’amélioration de la qualité de l’eau se poursuit, mais ce défi est remplacé par celui de la disponibilité. En revanche, le recul de l’élevage provoque une perte des prairies et un dégagement du stock de carbone associé. La contribution à la bioéconomie est contrastée avec une dynamique positive en matière de biogaz, mais une pression forte des importations sur la production européenne de bioénergie, mettant à mal l’autonomie stratégique de l’UE en la matière. 

Ces tendances sont étroitement liées aux dynamiques géopolitiques mondiales, aux défis du changement climatiques, aux évolutions structurelles en cours dans le secteur agricole, mais aussi aux choix politiques réalisés ces dernières années par l’Union européenne. Redresser ces indicateurs est pourtant une urgence. Selon l’analyse de Farm Europe, l’Union européenne devra augmenter de 13% sa production d’ici à 2030 et de 25% d’ici à 2050 pour répondre aux besoins d’une économie décarbonée. 

Ces dernières années ont été marquées par un reflux de l’investissement public à l’échelle de l’Union européenne, avec la baisse de 85 milliards d’EUR des financements de la Politique agricole commune au cours de la période 2021-2027 en valeur réelle comparée à 2020, le choc inflationniste n’ayant été compensé que très partiellement à l’échelle nationale, et ce, de façon très disparate d’un Etat membre de l’UE à l’autre, certains pays restant sur le bord du chemin. 

Dans ce contexte, Farm Europe appelle à un réel plan de relance de l’agriculture européenne, par la mobilisation de moyens budgétaires nécessaire et la mise en cohérence de l’ensemble des politiques de l’UE ayant un impact sur l’agriculture pour amorcer une intensification durable de la production.