CRISE UKRAINIENNE : INVESTIR DANS LA BIOÉCONOMIE, UNE SOLUTION DURABLE

Les changements structurels appellent des réponses structurelles. Les liens plus étroits entre l’Ukraine et l’UE sont là pour durer. Il est très probable que de nouvelles capacités de transformation seront nécessaires pour valoriser les produits agricoles qui seront attirés par le marché de l’UE, en fonction de l’évolution des marchés mondiaux et des coûts de transport. Cette nouvelle réalité appelle à donner une nouvelle orientation au Green Deal. Un nouvel élan donné à la bioéconomie dans l’UE permettrait non seulement de renforcer les productions stratégiques (alimentation humaine et animale, biocarburants, biomatériaux, etc.) et de stabiliser les marchés agricoles, mais aussi d’apporter un soutien à long terme à l’économie et à la démocratie ukrainiennes.

Les importations de céréales en provenance d’Ukraine vers les pays voisins de l’UE ont perturbé les marchés locaux, poussant les agriculteurs à demander la fin des importations en franchise de droits, et certains pays à suivre leur exemple et à les bloquer. La crise a provoqué une onde de choc à Bruxelles, car le soutien bien justifié à l’économie ukrainienne, victime de l’agression russe, a suscité un vaste mouvement d’opposition à l’un de ses éléments clés : la suppression temporaire de tous les droits de douane.

La Commission a tenté de compenser les agriculteurs touchés par un premier paquet de soutien supplémentaire via la réserve de crise de la PAC, mais un deuxième paquet plus important a rapidement été jugé nécessaire. Malgré les ressources mises en œuvre pour calmer les protestations, les appels à l’application de clauses de sauvegarde sont toujours d’actualité.

La compétitivité du blé, du maïs, du tournesol et de l’orge ukrainiens (pour ne citer que quelques secteurs) est bien connue. Il y a plus de 20 ans déjà, après la chute du mur de Berlin et la fin de l’URSS, les importations de blé ukrainien entraient dans l’Union européenne, même après avoir payé l’intégralité des taxes à l’importation. Cette situation a conduit l’Union européenne à renégocier sa protection extérieure pour le blé dans le cadre de l’OMC, en augmentant les droits appliqués.

Les exportations ukrainiennes ont souffert de l’agression russe, chutant dans le cas du maïs des sommets de 27 millions de tonnes en 2021/22 à une prévision de 20 millions de tonnes pour la campagne actuelle, dans le cas du blé d’environ 19 à 15 millions de tonnes et dans le cas de l’orge d’environ 6 à 3 millions de tonnes pour les mêmes années de campagne. Toutefois, malgré la baisse des exportations, l’ouverture d’autres voies commerciales vers la traditionnelle mer Noire a permis d’écouler de grandes quantités de céréales ukrainiennes dans les pays voisins de l’UE.

Les causes profondes du problème ne disparaîtront pas. Les marchés de l’UE sont plus attrayants pour les exportations ukrainiennes que les marchés lointains des pays en développement. Même lorsque la guerre sera terminée et que l’Ukraine commencera, espérons-le, à se remettre de ses blessures, il est probable que l’Union européenne prolongera ses formes de soutien financier, économique et commercial pendant une longue période, notamment en vue d’une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’UE.

Par conséquent, l’UE devrait trouver des solutions durables aux importations de céréales ukrainiennes, au lieu d’empiler les mesures de compensation les unes après les autres. Le renforcement de la bioéconomie pourrait apporter une solution durable à la disponibilité supplémentaire de céréales, bénéfique pour la sécurité alimentaire mondiale. 

En encourageant les investissements dans la bioéconomie, il est possible de valoriser la production de maïs, de blé, d’orge et de tournesol, pour n’en citer que quelques-uns, pour en faire des protéines, de l’énergie et toutes sortes de biomatériaux de grande valeur et absolument stratégiques. Ces produits sont indispensables pour relever les défis de la sécurité alimentaire et des transitions environnementales, tout en stabilisant les marchés agricoles. La sécurité alimentaire mondiale en bénéficierait, car les importations en provenance d’Ukraine réduiraient l’empreinte globale de l’UE sur d’autres marchés, notamment celui du soja en provenance d’Amérique du Sud. 

Au cours des cinq premiers mois de 2023, l’Union européenne a importé d’Ukraine à peu près la même quantité de céréales que pendant toute la campagne d’avant-guerre. Et ce, malgré l’impact de la guerre sur l’agriculture ukrainienne. Une grande partie de ces céréales éprouve des difficultés à être réexportée vers les marchés mondiaux, comme c’est déjà le cas pour la production des pays d’Europe centrale. Les défis logistiques dans cette partie de l’Europe ne sont pas nouveaux.

L’Union européenne doit mettre en place de nouvelles capacités de transformation pour valoriser une production supplémentaire provenant de l’Ukraine sur une base structurelle, qui autrement pèserait chaque année sur le marché de l’UE, surtout si l’on tient compte de la poursuite de l’intégration de l’économie ukrainienne dans le marché intérieur.

Les mesures à court terme prises par l’UE ne suffiront pas à relever un défi structurel. En effet, l’absence d’outils efficaces de mécanismes de marché actuellement inclus dans la Politique agricole commune pour faire face aux perturbations du marché est évidente. Cela devrait inciter l’Union européenne à repenser sa politique agricole afin de donner plus de mordant à ses leviers économiques. Toutefois, dans la situation actuelle, aucune mesure de marché ne permettra de compenser un changement profond de la réalité du marché. Les changements structurels appellent des réponses structurelles. 

Dans un contexte où les denrées alimentaires, les aliments pour animaux, l’énergie et les biomatériaux à haute valeur ajoutée sont de plus en plus stratégiques, l’UE ne devrait pas tarder à lancer une nouvelle vague d’investissements dans ces secteurs. Cet effort devrait donner une nouvelle orientation à l’approche du Green Deal, en promouvant une croissance durable pour l’agriculture et les secteurs connexes. 

Dans le cadre de l’actuelle directive sur les énergies renouvelables (RED), l’Union européenne dispose d’une marge de manœuvre pour encourager la bioéconomie, qui produit à la fois des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des biocarburants et des produits biochimiques. Aujourd’hui, le pourcentage de biocarburants d’origine végétale dans le bouquet énergétique des transports dans l’UE est inférieur à 5%, alors que la RED accepte une limite plus élevée de 7% pouvant être pris en compte dans les mandats de l’UE en matière d’énergie renouvelable. Des objectifs climatiques ambitieux exigent une contribution plus importante de l’agriculture à l’effort de décarbonisation de l’économie. 

Les récentes conclusions du Conseil « sur les opportunités de la bioéconomie à la lumière des défis actuels, avec un accent particulier sur les zones rurales », à l’initiative de la présidence suédoise, « soulignent le rôle d’une bioéconomie durable et circulaire dans la gestion des questions liées au climat, à la biodiversité, à l’énergie et à la sécurité alimentaire, ainsi que son potentiel de diversification des revenus, de création d’emplois dans les zones rurales et côtières, et de soutien à la transition verte et à la résilience accrue de l’UE ».

Cette volonté politique doit déboucher sur des investissements réels. La Commission devrait faciliter le processus grâce à des politiques qui encouragent les investissements dans la bioéconomie, sans exclure aucun secteur susceptible d’y contribuer. Il convient de veiller tout particulièrement à ne pas entraver les investissements par des réglementations fiscales mal conçues. Les États membres devraient établir des mandats et des politiques nationales qui favorisent ces investissements.

Réagissons à la crise actuelle pour apporter des solutions durables, tournées vers l’avenir, en mobilisant les capacités d’investissement de l’UE pour déclencher une poussée de la bioéconomie européenne. Cela permettrait également de soutenir à long terme l’économie et la démocratie ukrainiennes.

Les mesures de lutte contre l’érosion sont-elles fair-play pour les agriculteurs wallons ?

Face aux critiques liées à la complexité de la Politique agricole commune (PAC) et à sa déconnexion de la réalité du terrain, la Commission européenne a proposé la mise en œuvre de plans stratégiques nationaux, laissant aux États membres (ou aux régions) le soin de définir le détail des mesures à mettre en œuvre pour conditionner les paiements directs. Il s’agit là d’une caractéristique essentielle de la nouvelle PAC, qui a de graves répercussions sur l’égalité des conditions de concurrence au niveau de l’UE. La mise en œuvre des BCAE5 met en lumière cette nouvelle réalité, dont les agriculteurs wallons paient le prix fort. 

Les articles 12 et 13 du règlement 2021/2115 sur la Politique agricole commune (PAC) traitent de la conditionnalité, c’est-à-dire de l’ensemble des obligations relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) que les agriculteurs doivent respecter pour avoir accès aux fonds du premier pilier de la PAC. Les plans nationaux soumis par les États membres doivent préciser les détails de ces mesures, en indiquant concrètement comment ils entendent les appliquer. 

Cette nouvelle approche, présentée initialement comme une évolution de bon sens, a pu séduire face à l’échec des multiples tentatives de simplification de la PAC. Elle présente néanmoins un écueil majeur: dès lors qu’il s’agit de l’aide de base, elle place les agriculteurs européens face à des règles à géométrie variable, avec des impacts économiques et agronomiques parfois fortement divergents. 

Chacune de ces mesures (BCAE) vise à relever des défis communs — environnementaux, sanitaires ou de bien-être animal — avec l’ambition d’avoir un impact positif à très grande échelle, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, par la mobilisation d’un effort collectif de l’ensemble des agriculteurs. Ces actions se doivent d’être complémentaires à d’autres mesures spécifiques et financées par ailleurs dans le cadre des éco-régimes ou des mesures agro-environnementales. 

L’ensemble des plans stratégies nationaux (ou régionaux) sont désormais connus. D’ores et déjà, de nombreux Etats membres envisagent de procéder à des ajustements de leur plan stratégique, avec le recul d’une année de mise en œuvre. Il est donc utile de se pencher sur le détail des mesures, d’analyser leurs impacts non seulement environnementaux, mais aussi socio-économiques. Car il apparaît que les administrations nationales ou régionales sont parfois tout aussi — voire plus — créatives que l’administration européenne en matière de complexité et de sur-règlementation, laissant parfois les agriculteurs démunis face à un risque renforcé d’inéquité de traitement, sans réel débat européen. 

A ce titre, l’analyse de la BCAE5 est particulièrement significative. Face au défi de l’érosion des sols, la règle de conditionnalité indique simplement dans le règlement européen qu’il est nécessaire de « gérer le travail du sol en vue de réduire le risque de dégradation et d’érosion des sols, en tenant compte de la déclivité ». L’objectif à poursuivre est celui d’une « Gestion minimale de la terre reflétant les conditions locales spécifiques en vue de limiter l’érosion ». Cette mesure joue un rôle important à l’échelle européenne, aux côtés des BCAE 4 et 6 pour lutter contre ce phénomène qui affecte la fertilité à long terme des sols. 

L’ensemble des autres paramètres sont désormais du ressort des Etats membres ou des régions. Ils font l’objet de l’étude comparative ci-dessous. Auparavant malgré des flexibilités, les détails étaient fixés par un acte délégué de 2014, qui établissait les principes de base de couverture minimale des sols, la surface minimale des exploitations devant être couverte, la rotation des cultures ou encore la réduction du labour.  

Le défi de l’érosion à travers l’Union européenne

Au préalable, il convient de rappeler que l’érosion est un défi qui touche l’ensemble des régions de l’Union européenne, sans exception, comme le montrent les données récemment publiées par le Centre commun de recherche dans le cadre des discussions sur la stratégie sols. 

Le premier vecteur d’érosion des sols, tant quantitativement que géographiquement, est l’eau. Celle-ci concerne la plupart des Etats membres, avec une acuité plus forte pour les pays méditerranéens et les pays d’Europe centrale, davantage sujets au ruisselement. Même si elle est de moindre ampleur en terme quantitatifs, l’érosion liée au labour a aussi une emprise géographique très large. Elle touche l’ensemble des Etats membres, avec un moindre impact en Belgique, aux Pays-Bas, et dans certaines régions du nord de l’Allemagne et de la Pologne.

Quand aux phénomènes d’érosion éolienne ou d’érosion liée aux récoltes, ils sont naturellement plus localisés. Pour les premiers sur la façade nord-ouest, certaines régions de la mer Noire, du sud de l’Italie ou du nord de l’Espagne. Les seconds correspondent aux zones de cultures impliquant un arrachage. L’érosion liée aux récoltes représente une moindre part du phénomène d’érosion à l’échelle de l’Union. Pour celle-ci, les mesures prévues au titre de la BCAE5 ont une pertinence limitée. Les mesures de prévention requièrent des moyens techniques, par exemple destinés à limiter la quantité de terre emportée lors du prélèvement des pommes de terre ou des betteraves par le déterrage doux ou usage de tapis roulants spécifiques.

Des fortes divergences dans la définition des zones ciblées

Dans le cas de la Région wallonne, la BCAE5, dont on rappelle qu’elle conditionne l’octroi de l’intégralité des aides aux agriculteurs, est particulièrement détaillée et onéreuse. Comme nous le verrons, le choix wallon est très différent de celui de la majorité des autres Etats membres. Nous analyserons en quels termes.

Une première différence substantielle réside dans les critères utilisés par les États membres pour définir les zones où la BCAE doit être appliquée. La grande majorité des États membres (BG, EE, EL, ES, FR, HR, IT, CY, LV, LT, HU, MT, PL, PT, SI) n’indiquent que la « pente » du sol comme critère de définition des zones d’intervention et se réfèrent presque toujours à des zones dont la pente est supérieure à 10 %.

Les autres plans nationaux ont toutefois des critères différents. Pour l’essentiel, il s’agit de critères liés à des pentes différenciées ou de mesures qui s’appliquent à toutes les zones, quel que soit leur risque d’érosion. Par exemple, le plan stratégique de l’Autriche. Tout en faisant référence à une pente du sol supérieure à 10 %, il prévoit également l’interdiction du travail du sol par des machines agricoles sur des sols gelés, saturés d’eau, inondés et enneigés pour toutes les surfaces agricoles. L’Irlande fait référence aux pentes de plus de 15 % et 20 %, mais propose des critères pour toutes les prairies. Le labourage de toutes les prairies est interdit entre le 16 octobre et le 30 novembre.

Pour les Pays-Bas, il existe des mesures pour les pentes supérieures ou égales à 2 % et supérieures à 18 %. Et pour la Slovaquie, des mesures spécifiques pour les zones gravement menacées par l’érosion hydrique ou éolienne sont mentionnées, mais sans spécifier de critères, les mesures s’appliquant aux pentes de plus de 3 %. La Finlande, le Danemark et la Suède introduisent des critères relatifs à la proximité des sols par rapport aux cours d’eau.

La Région wallonne quant à elle se différentie nettement. Elle identifie trois zones (risque d’érosion élevé, risque d’érosion très élevé, risque d’érosion extrême) à l’aide d’une équation basée sur l’équation universelle des pertes en sol révisée (RUSLE), qui tient compte des facteurs suivants : l’indice d’érosivité des pluies [MJ. mm/ha.h.an] ; l’indice d’érodibilité du sol [t.h/MJ.mm] caractéristique du type de sol et de ses propriétés ; le facteur topographique [-] combinant la longueur de la pente et son inclinaison.

Les seuls plans nationaux qui, avec celui de la Région wallonne, identifient différentes zones territoriales avec des risques d’érosion différenciés basés sur des critères multiples sont ceux de la Région flamande, de l’Allemagne, du Luxembourg et la République tchèque. Ces Etats membres utilisent cet outil avec des différences importantes à prendre en compte par rapport au plan Wallon. 

Le Plan stratégique de la Région flamande prévoit que : « la sensibilité à l’érosion d’une parcelle est déterminée sur la base d’un modèle de calcul de l’érosion annuelle potentielle moyenne par hectare en utilisant l’équation universelle révisée de perte de sol ou RUSLE (Revised Universal Soil Loss Equation). De cette manière, la pente, la longueur de la pente et le type de sol sont pris en compte. Il existe six classes de sensibilité à l’érosion : très élevée (violet), élevée (rouge), moyenne (orange), faible (jaune), très faible (vert clair) et négligeable (vert). L’impact de cette formule en Flandre est marginal en comparaison de celui pour la Wallonie, selon les simulations réalisées respectivement par les organisations agricoles wallonnes (FWA) et flamande (Boerenbond) (1). 

Le plan stratégique allemand, quant à lui, délègue aux Lander la désignation des zones à risque, selon des critères uniformes, tels que : le facteur d’érodabilité du sol, le facteur de pente, le facteur d’érosion pluviale et de ruissellement de surface. Le risque d’érosion éolienne est également déterminé.

Le plan stratégique de la République tchèque identifie plusieurs zones selon les critères suivants : l’inclinaison et la longueur de la pente, la structure et la texture de la couche arable, la teneur en matière organique du sol, la sensibilité du sol à l’érosion, l’effet protecteur de la végétation, l’efficacité des mesures anti-érosives, la perméabilité du profil du sol.

Enfin, le plan stratégique luxembourgeois pour la classification des zones à risque d’érosion utilise pour les terres arables une méthodologie utilisant l’apprentissage statistique multivariée (Machine Learning). Le calcul d’une érosion potentielle issue de la RUSLE est utilisé, mais uniquement pour les prairies. En outre, il existe des mesures pour toutes les terres agricoles, par exemple : les terrasses de retenue existantes doivent être maintenues sur l’ensemble de la SAU (en terres arables, prairies permanentes et cultures permanentes).

Des mesures plus ou moins précises, au niveau d’ambition divergeant

Quant aux mesures d’intervention, elles sont nombreuses. Les plus courantes sont liées à des restrictions du travail du sol, telles que l’interdiction du labourage à certaines périodes. 20 plans nationaux prévoient de telles mesures (AT, BE-FL, BE-WA, CZ, DE, DK, EE, IE, FR, IT, CY, LT, LU, HU, MT, NL, RO, SI, SK, SE). En outre, 13 plans stratégiques (AT, BG, DE, EE, EL, ES, FR, HR, LV, MT, PL, PT, RO) comprennent des mesures sur l’orientation du travail du sol par rapport à la pente. Vingt-trois plans stratégiques (AT, BE-FL, BE-WA, BG, CZ, DE, DK, EE, IE, EL, FR, HR, IT, LV, LT, LU, HU, NL, PL, SI, SK, FI, SE) comprennent des mesures relatives au couvert végétal.

Outre ces mesures communes, de nombreux États membres ou régions identifient d’autres mesures pour lutter contre l’érosion des sols. Par exemple, la « bande anti-érosion ». Le Danemark, la Finlande et la Suède font référence à une bande tampon le long des cours d’eau avec une interdiction de fertilisation, de pulvérisation, de travail du sol sur une bande de trois mètres de large au minimum (6 pour la Suède), une mesure qui répond également à la BCAE 4, mais qu’ils considèrent également comme une mesure anti-érosion.

L’Allemagne et la République tchèque mentionnent les bandes tampons comme mesure anti-érosion, mais ne précisent pas leur longueur, l’Allemagne laissant aux Lander le soin de définir les détails des mesures. Le plan stratégique luxembourgeois prévoit, dans les zones présentant un risque d’érosion élevé et moyen, l’installation obligatoire (sauf dans le cas des prairies) de bandes herbeuses anti-érosion d’une largeur minimale de 3 mètres.

La France et l’Autriche prévoient également des bandes végétalisées, d’une largeur minimale de 5 mètres dans les deux cas, comme mesure anti-érosion.

Conclusion

L’analyse des 28 plans stratégiques de la nouvelle PAC montre ainsi que seuls les plans wallons et flamands mobilisent pour l’ensemble des terres agricoles de leur région la méthodologie de cartographie RUSLE afin de cibler les mesures d’application de la BCAE5. La Flandre est peu concernée par cette cartographie, compte tenu des fortes différences topographiques avec la Wallonie. Ces deux plans se distinguent également par l’ampleur des bandes tampons allant jusqu’à 9 mètres. 

L’impact de la méthodologie de ciblage des parcelles excluant la plupart des agriculteurs flamands du dispositif fait que le choix de mise en œuvre de la BCAE5 en Wallonie place les agriculteurs wallons dans une position unique en Europe, avec, à la clef, de réelles distorsions de concurrence. Et ce, alors qu’il s’agit d’une mesure de conditionnalité ayant un impact sur l’ensemble des aides PAC, et non pas d’une mesure spécifique faisant l’objet d’une compensation ad hoc. 

Si les options prises par certains Etats membres s’expliquent du fait de conditions agronomiques, climatiques ou topographiques particulières, il est difficile de singulariser la Wallonie pour expliquer une telle différence d’approche. D’autant que l’impact attendu en Wallonie est sans commune mesure par rapport à l’impact de cette même mesure ailleurs au sein de l’Union européenne.

A la différence des mesures agro-environnementales ou des éco-régimes, une mesure de conditionnalité n’implique pas une rémunération supplémentaire permettant de compenser des distorsions. Elle a un caractère obligatoire pour l’ensemble des agriculteurs concernés, et pas simplement ceux qui souhaitent s’engager dans la mise en oeuvre d’une pratique agricole sur une base volontaire et rémunérée de façon spécifique.

NTGS: DERNIÈRE LIGNE DROITE AVANT LA PROPOSITION LEGISLATIVE

Après que l’UE a envisagé, début 2023, d’assouplir les réglementations et les exigences relatives à l’étude et à l’expérimentation des NGT, les avis des États membres restent partagés.
La CE a décidé d’approfondir son analyse d’impact qui sera présentée en même temps que sa proposition législative sur les NGT.,Cette proposition est toujours prévue pour le mois de juin (fin juin au lieu de juin, 7th).

Aux États-Unis, les autorités nationales ont décidé de ne pas réglementer une version génétiquement modifiée de la céréale éthiopienne teff, tandis que des résultats montrent que les gènes de cactus peuvent aider à développer des plantes résistantes à la sécheresse.

Note complète disponible sur l’espace Membres de FE

Produits cellulaires : le règlement Novel Food inadapté

Avant toute avancée au niveau européen sur les produits alimentaires cellulaires, un travail sérieux devrait être lancé pour identifier tous les risques potentiels qui sont loin d’être clairs. A minima, les risques sont clairement plus proches du monde pharmaceutique que des produits alimentaires. L’évaluation par les autorités publiques ne devrait dès lors pas se limiter au produit final, mais doit couvrir l’ensemble du processus de fabrication, ce qui rend le règlement sur les nouveaux aliments absolument inadapté.

Le projet de rapport d’initiative de l’eurodéputée Emma Wiesner (Renew Europe) a surpris la plupart de ses collègues au Parlement européen, plaçant le sujet des aliments cellulaires en tête de sa liste de souhaits pour relever le défi de l’autonomie de l’Union européenne en matière de protéines, à côté d’éléments plus positifs comme les synergies entre la production de protéines et de bioénergie, qu’il convient de souligner.

L’élue suédoise estime, en particulier, que « l’agriculture cellulaire et les produits de la mer sont des solutions prometteuses et innovantes », suggère que « les aliments innovants à base de cellules peuvent contribuer à accroître la production de protéines et constituer un complément à l’agriculture ». Dès lors, pour l’eurodéputée, le processus de mise en marché « devrait être fondé uniquement sur la sécurité du produit » dans le cadre de la règlementation Novel Food qui devrait, elle-même, être simplifiée pour accélérer les processus d’autorisation et ainsi encourager l’innovation. 

Dans ce contexte, les élus européens vont devoir se forger rapidement une opinion sur un sujet complexe qui touche à une multitude de dimensions éthiques, environnementales, technologiques, économiques et bien entendu aussi sanitaires. Ils devront se positionner alors même que les processus de culture cellulaire en sont encore à leurs balbutiements, en phase de consolidation pour passer du cap du laboratoire, et d’une éventuelle mise à l’échelle industrielle, sans aucune garantie à ce stade sur leur capacité à franchir cette étape de façon sûre et sans risques pour les consommateurs. Il est donc essentiel de mobiliser la réflexion pour apporter des éléments rationnels à un débat qui mène réellement l’alimentation en territoires totalement inconnus jusqu’alors, et incertains.

De quoi parle-t-on ? 

Il existe un grand nombre de procédés et variantes pour la culture cellulaire. La plupart d’entre eux sont des processus de production en laboratoire d’aliments et d’autres produits d’origine animale. À partir d’un échantillon de cellules animales prélevées sur des muscles ou des embryons d’animaux vivants et placées dans un milieu riche en nutriments, le tissu cellulaire est cultivé dans des conditions contrôlées dans des bioréacteurs pour se transformer en cellules musculaires, graisseuses ou d’autres tissus afin de former des conglomérats de cellules animales et d’autres produits animaux (comme le cuir, la gélatine, le collagène) (Warner, 2019). 

Le milieu, dans lequel les cellules sont cultivées, est synthétisé à partir de sérum fœtal bovin. Actuellement certaines entreprises tentent de développer des options de sérum sans animaux pour des raisons de coûts et d’éthique. Les cellules sont ensuite récoltées puis agrégées ou transformées pour donner sa formulation finale au produit. 

Après avoir vu ces produits comme une réponse potentielle au défi climatique, il y a une dizaine d’années, les dernières études scientifiques se montrent beaucoup plus prudentes quant à de quelconques avantages. Les sources de pollution sont multiples et la quantité d’énergie nécessaire très importante. Le plus souvent l’élevage nécessite, certes, davantage de surface, mais moins d’énergie ou de plastiques, notamment, sans parler des hormones ou des antibiotiques. Les analyses d’impact comparatives initialement réalisées par le secteur de la viande cellulaire ne prennent pour la plupart pas en compte de façon sérieuse d’une part les co-produits ou les co-bénéfices associés à l’élevage ni d’autre part les enjeux associés à un éventuel passage à la phase industrielle des produits cellulaires, et toutes les conséquences associées à une « massification ». 

Où en est leur développement 

Encore aujourd’hui, ceci semble être de la science-fiction pour la plupart des consommateurs. Mais, depuis la présentation du premier burger de synthèse en août 2013 aux téléspectateurs de la BBC, la culture cellulaire est devenue une réalité à la fois en termes de mise au point de produits bien réels, et d’écosystème économique influant. En décembre 2020, Singapour a été le premier pays à autoriser la mise sur le marché d’imitation synthétique de viande de poulet. Une première étape a aussi été franchie, aux Etats-Unis quand la Food and Drug Administration a bouclé sa consultation préalable à la mise sur le marché en novembre 2022. 

Néanmoins le passage du stade laboratoire à des lignes de développement à grande échelle n’est pas chose faite, loin de là, et le contrôle de la variabilité des cellules dans des atmosphères non « naturelles » est loin d’être assuré. Le développement de milieux de croissance – le plus souvent aujourd’hui du sérum fœtal – qui représente un coût important, reste en suspens tout comme de nombreuses questions éthiques. Les coûts énergétiques liés à ces processus de culture demeurent, quant à eux, extrêmement importants. 

Cependant, des initiatives multiples sont en cours qui visent à fabriquer des imitations non seulement des produits tels que la viande ou le lait, mais aussi du lait maternel, du blanc d’œuf, du foie gras, des huiles, du cuir, de la gélatine et du collagène, du caviar, des produits de la mer ou encore du chocolat et du café. 

Quel processus législatif d’autorisation doit s’appliquer dans l’Union européenne ? 

A l’heure actuelle, sur le papier, les produits cellulaires pourraient relever soit du règlement « Novel Food » (EU/2015/2283), qui mentionne spécifiquement la culture cellulaire, soit du règlement sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés n°1829/2003. Le droit de l’UE définit un nouvel aliment comme « toute denrée alimentaire qui n’était pas utilisée de manière significative pour la consommation humaine dans l’Union avant le 15 mai 1997 », date à laquelle le règlement sur les nouveaux aliments est entré en vigueur. Le règlement précise en outre que les nouveaux aliments peuvent être des aliments nouvellement développés, des aliments innovants, des aliments produits à l’aide de nouvelles technologies et de nouveaux procédés de production, ainsi que des aliments qui sont ou ont été traditionnellement consommés en dehors de l’UE. 

Le processus Novel Food prend généralement entre 18 et 24 mois, mais peut durer davantage comme dans le cas des graines de Chia pour lesquelles la demande déposée par les autorités britanniques auprès de la Commission en 2004 avait abouti en 2009. L’autorité européenne pour la sécurité sanitaire y joue un rôle prépondérant. 

Si, lors d’un évènement au Parlement européen le 13 juillet 2022, un représentant de la Commission européenne avait indiqué que les produits cellulaires devaient suivre la règlementation Novel Food, cette opinion est loin de faire l’unanimité, en raison de la multitude de questions soulevées par ces produits disruptifs. Certains experts estiment au contraire que la règlementation sur les OGM est plus adaptée dès lors que, la plupart du temps, le processus de fabrication implique des organismes génétiquement modifiés. Par ailleurs, compte tenu de leur proximité avec les produits pharmaceutiques, pourrait se poser la question d’études pré-cliniques et cliniques à mener en amont de toute mise sur le marché, à l’image des nouveaux médicaments. Et ce, d’autant plus que les risques eux-mêmes ne sont pas à ce stade entièrement identifiés de l’aveux même de scientifiques ayant travaillé sur le dossier, et que les technologies employées s’apparentent davantage au domaine pharmaceutique qu’alimentaire. 

Vers un cadre spécifique encore à bâtir 

« Si de nombreux risques sont déjà bien connus et existent tout aussi bien dans les aliments produits de manière conventionnelle, il peut être nécessaire de se concentrer sur les matériaux, les intrants, les ingrédients (y compris les allergènes potentiels) et les équipements spécifiques à la production d’aliments à base de cellules », relèvent l’OMS et la FAO dans sa première analyse à grande échelle des enjeux liés aux produits cellulaires rendue publique le 5 avril dernier. Ce travail fait ressortir des risques spécifiques à prendre en compte qui rapproche davantage les produits cellulaires des biotechnologies, du clonage ou encore des thérapies géniques dans le champ de la santé humaine. C’est en particulier le cas des nouvelles toxines ou allergènes, utilisées au stade de la production des cellules, et de celui de la stabilité, structurelle ou chimique, du matériel génétique utilisé, risque associé à l’ensemble des biotechnologiques utilisées dans le champ alimentaire. 

«  Il existe actuellement une quantité limitée d’informations et de données sur les aspects de la sécurité alimentaire des aliments d’origine cellulaire pour aider les régulateurs à prendre des décisions éclairées », soulignent la FAO et l’OMS, dont les analyses se limitent aux enjeux sanitaires pour lesquelles elles appellent à davantage de la coopération internationale et à la transparence. Sans compter que ces agences internationales ne se penchent pas sur les questions éthiques, économiques ou commerciales soulevées par ces nouveaux produits tels que la question du brevetage du vivant qui restent un sujet particulièrement sensible dans le domaine stratégique de l’alimentation. 

Il en ressort clairement que l’ensemble des risques tant liés à la sécurité sanitaire des produits finaux, qu’à la stabilité des procédés de production eux-mêmes, amène les scientifiques impliqués dans l’évaluation en territoires inconnus. 

Il conviendrait donc, avant de conclure sur la nécessité d’accélérer le pas, comme le suggère le projet de rapport sur la stratégie protéine européenne en cours de discussion au sein du Parlement européen, de faire preuve d’une grande vigilance. Une étude approfondie des impacts de la mise à l’échelle, et l’ensemble des processus et consommations industrielles que cela impliquerait, semble être absolument incontournable. D’ailleurs, la FAO et l’OMS se montre particulièrement prudentes. A minima une analyse, suivie d’une réflexion approfondie et ouverte sur un cadre d’analyse ad hoc devrait être envisagée par la Commission européenne avant même le démarrage d’un quelconque processus d’approbation.

Mercosur: toujours plus de concurrence déloyale pour les agriculteurs de l’UE ?

Le projet de protocole négocié par la Commission européenne n’apporte pas de réponse aux préoccupations environnementales et climatiques liées au projet d’accord avec le Mercosur, et encore moins au besoin d’établir des conditions de concurrence équitables pour les agriculteurs de l’Union européenne. Il empile des declarations politiques vagues sans obligation de mise en oeuvre. Cela suffira-t-il pour convaincre le Parlement européen et le Conseil ? 

La Commission européenne cherche à obtenir un protocole additionnel avec le Mercosur qui répondrait aux préoccupations du Parlement européen et du Conseil concernant l’absence de dispositions strictes en matière d’environnement et de climat dans l’accord. 

En l’absence de nouvelles garanties, le processus politique de ratification de l’accord a été gelé. 

Une fuite sur le projet de protocole, intitulé « Instrument conjoint UE-Mercosur », met en lumière l’approche suivie par la Commission. Le projet consiste en un rappel des engagements internationaux antérieurs de toutes les parties ; il énumère une série de bonnes intentions générales en matière d’environnement et de lutte contre le changement climatique ; il fixe un nouvel objectif unique et non contraignant de réduction de la déforestation (-50 % d’ici 2025), sans aucun processus de vérification indépendant approprié. Enfin, il est dépourvu de tout mécanisme d’application. 

Quelle est la valeur ajoutée du rappel des engagements internationaux ? Dans quelle mesure, le cas échéant, cela s’ajouterait-il aux engagements existants ? Que valent les bonnes intentions générales, sans objectifs et sans dispositions d’application ? Même s’agissant du problème bien connu de la déforestation, qu’est-ce que le projet de protocole ajoute aux dispositions du règlement de l’UE récemment adopté sur la déforestation importée ? Un objectif ambitieux et non contraignant apaise-t-il les inquiétudes largement répandues quant à la préservation de l’Amazonie ? S’il n’y a pas de mécanisme d’application, dans quelle mesure les bonnes intentions et les déclarations ne sont-elles que des paroles en l’air ? 

Il est essentiel de replacer les négociations en cours sur le protocole additionnel dans le bon contexte. 

L’accord UE-Mercosur négocié entre la Commission et les pays du Mercosur était déjà considéré comme trop faible en matière de protection de l’environnement et du climat. Depuis lors, la Commission s’est lancée dans une série de propositions – le Green Deal – qui additionnent de nouvelles restrictions et obligations pour les agriculteurs de l’UE : la proposition SUR de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides chimiques ; la directive IED sur les émissions industrielles englobant une grande partie de la production animale de l’UE ; les propositions sur les réductions obligatoires des engrais chimiques,  sur la mise en réserve de terres pour la biodiversité ; les efforts supplémentaires demandés au secteur agricole pour réduire les émissions de GES.

Le projet de protocole aborde-t-il l’une de ces nouvelles mesures environnementales et climatiques proposées ? Tente-t-il de mettre en place de véritables « clauses miroirs » sur les importations en provenance du Mercosur ? 

Il n’en est rien. 

L’application de l’accord entraînerait en fait une concurrence déloyale accrue pour les agriculteurs de l’UE. Ce derniers seraient confrontés à des coûts plus élevés et à une rentabilité moindre en raison des propositions de la Commission relatives au Green Deal, sans que cela soit le cas de leurs concurrents du Mercosur. 

La situation actuelle est pire pour le secteur agricole de l’UE que lorsque les négociations ont été finalisées en 2019. Le projet de protocole fait fi de ce fait. Inévitablement, les importations en provenance du Mercosur continueraient d’augmenter par rapport aux prévisions antérieures. La production agricole de l’UE diminuerait et la consommation de l’UE serait satisfaite par davantage d’importations produites sous des normes environnementales et climatiques bien moins strictes. 

Ce projet de protocole n’apporte pas de réponse aux préoccupations environnementales et climatiques, et encore moins au besoin d’établir des conditions de concurrence équitables pour les agriculteurs de l’UE. Il empile des declarations politiques vagues sans obligation de mise en oeuvre. 

Cela suffira-t-il pour convaincre le Parlement européen et le Conseil ? 

Souveraineté alimentaire de l’UE et résilience agricole : questions brûlantes en cours de négociation

Les deux premiers mois de 2023 ont dû faire face aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de la crise énergétique et du taux d’inflation qui a fortement affecté les prix. 

Dans ce contexte, les dossiers pesticides, souveraineté européenne en engrais, stratégie protéique de l’Union Européenne sont fortement débattus, notamment au Parlement européen. Les répercussions de la guerre en Ukraine pour les agriculteurs européens des pays limitrophes à l’Ukraine demandent des réponses à la fois urgentes mais aussi de structuration de filières, donc des investissements qui font cruellement défaut dans ces États membres.  

Nouvelles techniques de sélection : accélération des investissements

La prise de position de la Commission européenne en février sur le règlement relatif aux NGT a suscité des réactions contrastées dans les pays européens et dans différents secteurs. Les scientifiques pensent qu’elles aideront à relever les défis de l’environnement et de la sécurité alimentaire. Certains ministres s’inquiètent de leur impact sur les petits agriculteurs et les entreprises. 

D’autre part, le Royaume-Uni a adopté le projet de loi sur la sélection variétale et la sélection animale de précision, qui permettra au pays de progresser dans la recherche et le développement des NGT, garantissant ainsi un avantage concurrentiel sur le marché international. 

En dehors de l’Europe, les États-Unis s’attendent à une augmentation des investissements publics dans les biotechnologies, tandis que le Brésil et l’Indonésie ont approuvé l’importation et la production de blé BH4. 

Note complète disponible sur l’espace Membres de FE

Les biocarburants, principal levier de décarbonation des transports

Un accord final a été conclu le 30 mars entre le Parlement européen et le Conseil sur la révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED). Cet accord confirme l’importance stratégique de la biomasse agricole dans la réalisation de l’ambition climatique de l’UE aux côtés d’autres énergies renouvelables, et ce, en particulier pour le transport. RED3 représente une stabilité pour les biocarburants issus de l’agriculture, actuellement les principaux contributeurs à la décarbonation des transports, ainsi qu’un niveau d’ambition global plus élevé. Malheureusement, ces évolutions bienvenues sur les objectifs climatiques seront tempérées par une « décarbonisation de papier » due aux multiplicateurs ajoutés par le colégislateur en faveur de l’électromobilité, principal point de faiblesse de l’accord, car la lutte contre le changement climatique appelle à une réduction tangible des émissions de CO2, plus qu’à des tours de passe-passe administratifs.

L’objectif de consommation d’énergies renouvelables de l’UE a été porté à 42,5 % d’ici 2030 avec une ambition non contraignante « inspirationnelle » supplémentaire de 2,5 %. Un « complément » qui ne se traduira pas directement dans les objectifs des États et qui sera discuté ultérieurement lors d’un trilogue technique.

Le secteur des transports de chaque État membre devra réduire ses émissions de 14,5 % en 2030 ou atteindre une intensité d’énergies renouvelables de 29 %.

La RED3 prévoit également pour 2030 un objectif de 5,5 % combinant hydrogène vert et biocarburants avancés dans le secteur des transports. 1% de cet objectif doit provenir de l’hydrogène vert – ou, plus précisément, des carburants renouvelables d’origine non biologique (RFNBO), avec quelques flexibilités pour les États membres ayant des niveaux élevés d’électricité à faible émission de carbone (nucléaire). Les négociations ont principalement buté ces dernières semaines sur cette question de l’hydrogène bas carbone.

L’accord final confirme un certain niveau de flexibilité pour les États membres sur le plafond de 1,7 % de l’annexe IX, partie B, sous réserve de l’approbation préalable de la Commission, ce qui sera très important pour éviter un développement non durable des importations d’huiles de cuisson usagées qui manquent actuellement de traçabilité et de contrôle. Un acte délégué pourrait augmenter le plafond si la Commission le juge nécessaire et constate qu’il y a suffisamment de matières premières disponibles pour ce faire, ce qui sera très probablement discuté dans le cadre de la révision de l’annexe IX.

En ce qui concerne la définition « haut iLUC« , le Parlement européen a échoué dans sa tentative d’inclure le soja dans la définition de haut iLUC aux côtés de l’huile de palme en raison de l’opposition farouche de la Commission européenne basée sur les préoccupations de l’OMC. Le PE n’a pas non plus obtenu une révision des données tous les trois ans comme cela a été envisagé durant la négociation. Cependant, la Commission européenne mettra à jour l’acte délégué correspondant « sur la base de critères objectifs et scientifiques, en tenant compte des objectifs et des engagements climatiques de l’Union, et en proposant un nouveau seuil si nécessaire sur la base des résultats de son analyse ». En outre, la Commission devra évaluer la possibilité de concevoir une trajectoire accélérée pour éliminer progressivement la contribution de ces carburants aux objectifs en matière d’énergie renouvelable afin de maximiser la quantité d’économies de gaz à effet de serre. »

Parmi les points négatifs, le texte conserve tous les multiplicateurs pour l’électricité, l’aviation et le maritime. Néanmoins, le comparateur de carburant, qui booste encore les « résultats fictifs » sur la décarbonation de l’e-mobilité, pourrait n’être maintenus que jusqu’en 2030, et il semble qu’un nouveau comparateur de carburant plus proche de la consommation réelle de carburant dans les transports sera précisé – détail de l’accord qu’il conviendra d’analyser avec attention.

Concernant la base de données, l’amendement du Parlement sur les informations publiques sur l’origine a été adopté dans le texte, ce qui sera le bienvenu dès que la Commission européenne mettra en place une base de données pratique bien intégrée aux outils d’information numériques nationaux.

Concernant les déchets d’origine non alimentaire ou alimentaire, le calcul des GES reste comme dans RED2, c’est-à-dire que leurs émissions de GES sont considérées comme nulles.

Pour conclure, le texte conserve les valeurs NUTS2. Les annexes V et VI seront adaptées en conséquence étant donné que cette option restera comme dans RED2, complémentaire aux valeurs réelles calculées au niveau de l’exploitation selon les règles de l’ESCA (annexe V).

Le Royaume-Uni va de l’avant sur les nouvelles technologies génétiques

Alors que l’UE attend que la Commission européenne publie sa proposition sur le cadre juridique des nouvelles techniques génomiques (NGT) le 7 juin prochain, le Royaume-Uni a adopté le 23 mars dernier la loi sur les technologies génétiques (Precision Breeding) après un processus d’environ un an.  

La sélection de précision consiste à utiliser des technologies telles que l’édition de gènes pour adapter le code génétique des organismes et créer des caractéristiques bénéfiques chez les plantes qui, par le biais de la sélection traditionnelle, prendraient des dizaines d’années à se réaliser.

La loi souligne que ces techniques permettront d’accroître la durabilité de l’agriculture au Royaume-Uni, par exemple grâce à des cultures résistantes à la sécheresse et aux maladies, de réduire l’utilisation d’engrais et de pesticides et d’aider à élever des animaux protégés contre la contraction de maladies dangereuses.

En vertu des dispositions de cette loi, un nouveau système réglementaire simplifié et fondé sur la science sera introduit pour faciliter la recherche et l’innovation dans le domaine de la sélection de précision, tandis que des réglementations plus strictes concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM) resteront en place.

Contrairement à l’intention de la Commission européenne, qui est de limiter sa proposition à la cisgénèse et à la mutagénèse ciblée utilisées uniquement pour les plantes, la loi britannique sur les technologies génétiques couvre à la fois les plantes et les animaux d’élevage dont le génome a été amélioré à l’aide de techniques de précision telles que l’édition de gènes. 

L’élément clé souligné par la loi est que, contrairement aux OGM, ces techniques produisent des changements génétiques qui auraient pu se produire par le biais de la sélection traditionnelle ou qui se produisent naturellement.

L’adoption de la loi ne marque pas la fin du processus. La loi elle-même fournit un cadre pour des règles d’application plus détaillées qui seront introduites par le biais de la législation secondaire dans les mois à venir, afin de garantir des mesures qui sont proportionnées à la preuve scientifique du risque et similaires à celles actuellement appliquées aux variétés de plantes sélectionnées de manière conventionnelle.

La loi comprend les éléments suivants :

– Exclure de la législation sur les OGM (organismes génétiquement modifiés) les plantes et les animaux produits à l’aide de technologies de sélection de précision.

-Introduire deux systèmes de notification : l’un pour les organismes de précision utilisés à des fins de recherche et l’autre pour la commercialisation. Les informations recueillies seront publiées dans un registre public.

-Établir un système de réglementation proportionné pour les animaux obtenus via la sélection de précision afin de garantir le bien-être des animaux. 

-Établir une nouvelle procédure d’approbation fondée sur la science pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux issus de l’utilisation de plantes et d’animaux sélectionnés avec des techniques de précision.

À ce stade (mars 2023), la FSA britannique (*) « n’envisage pas que des exigences de traçabilité supplémentaires par rapport à celles de la législation alimentaire générale soient nécessaires.  Toutefois, des travaux supplémentaires seront entrepris au fur et à mesure de l’élaboration du cadre politique pour tenir compte des aspects commerciaux, y compris la manière dont le cadre de Windsor et l’UKIMA fonctionneront en termes pratiques.

Le projet de loi confère également aux ministres le pouvoir discrétionnaire d’adopter des règlements exigeant de la FSA qu’elle établisse et tienne un registre public d’informations relatives aux organismes sélectionnés avec techniques de précision autorisés à être utilisés comme denrées alimentaires ou aliments pour animaux en Angleterre. La FSA souligne qu’un registre pourrait inclure, par exemple, des informations sur le type et la nature de l’organisme génétiquement modifié autorisé, toute référence/identification unique qui lui a été attribuée, des liens vers l’évaluation scientifique des risques publiée, la législation en vertu de laquelle le produit a été autorisé, etc. L’étude menée par la FSA auprès des consommateurs indique que ces derniers sont favorables à l’idée d’un registre.

(*) https://www.food.gov.uk/board-papers/the-genetic-technology-precision-breeding-bill-consumer-information-traceability-and-developing-other-elements-of-the-new#section-2-traceability

Ukraine : des investissements nécessaires pour relever le défi de la sécurité alimentaire

L’attaque illégale de la Russie contre l’Ukraine en février 2022 et le blocus des ports ukrainiens qui s’en est suivi ont gravement affecté les chaînes d’approvisionnement mondiales en céréales. L’Ukraine étant l’un des principaux exportateurs mondiaux de maïs, de blé, de tournesol et d’orge, il était impératif que la communauté internationale trouve des solutions pour sortir la production ukrainienne du pays afin de garantir la sécurité alimentaire mondiale.

Les réponses à ce problème ont consisté en la mise en place de « couloirs de solidarité » par l’Union européenne en mai 2022, suivies par la mise en œuvre de l’Initiative céréalière de la mer Noire en juillet après un accord entre l’Ukraine, la Russie et la Turquie sous la supervision des Nations unies. Plus d’un an après la fin de la guerre, cet article vise à évaluer l’efficacité de ces mécanismes et à faire le point sur la dynamique du marché ukrainien des céréales.


Les couloirs de solidarité européens

En réponse au blocus maritime russe sur les ports ukrainiens, l’UE a mobilisé en mai 2022 ce qu’elle a appelé les « couloirs de solidarité ». L’objectif est de faciliter l’exportation des produits agricoles ukrainiens afin de compenser autant que possible la perte des routes maritimes.

Dans la pratique, ce mécanisme vise à trouver de nouveaux moyens d’exporter ces produits via d’autres voies terrestres ou des ports de l’UE, et à mettre en place de meilleures liaisons de transport, des opérations douanières plus rapides et de nouveaux entrepôts sur le territoire de l’UE.
Depuis leurs premières exportations, les couloirs de solidarité ont permis de débloquer environ 29 millions de tonnes métriques de céréales destinées à être exportées dans l’UE par la route, le rail ou les navires empruntant le delta du Danube.

Dans le cadre des couloirs de solidarité, le marché de l’UE s’est ouvert aux importations ukrainiennes, ce qui a entraîné un flux sans précédent de produits ukrainiens vers l’Europe de l’Est. Cet afflux soudain et important a créé des tensions localement, car de grandes quantités de céréales ont afflué dans des régions aux capacités de stockage limitées (par rapport aux nouveaux besoins) et aux défis logistiques importants à relever pour les exporter tout en stockant et en transportant les productions locales. Face à cette problématique qui touche différemment les États membres au sein du marché unique, et après avoir évalué la pression sur les prix locaux causés par les tensions dans les chaînes logistiques dû au transit accru de produits en provenance d’Ukraine, la Commission a proposé le 20 mars une aide de 56,3 millions d’euros pour les agriculteurs des pays les plus touchés par une baisse des prix sur les marchés locaux (Pologne, Bulgarie, Roumanie). Le paiement est prévu pour le 30 septembre 2023.

L’Initiative céréalière de la mer Noire

L’Initiative céréalière de la mer Noire est un mécanisme mis en œuvre par la Turquie, la Russie et l’Ukraine sous la supervision des Nations unies pour créer un corridor céréalier dans la mer Noire. Signée le 27 juillet 2022, elle permet aux navires de transporter des céréales à partir de trois ports ukrainiens clés – Odesa, Chernomorsk et Yuzhny – à travers la mer Noire après une inspection du Centre conjoint de coordination, un organisme créé dans le cadre de l’accord. Avant son entrée en vigueur, on estimait que 22 millions de tonnes de céréales étaient bloquées dans les ports ukrainiens en raison de la guerre.

Initialement prévu pour durer jusqu’en novembre 2022, l’accord a d’abord été prolongé de 120 jours avant qu’une deuxième prolongation ne soit annoncée le 18 mars 2023. Alors que l’accord initial était censé prolonger l’Initiative de 120 jours supplémentaires, la Russie a décidé unilatéralement de réduire cette période à 60 jours, avertissant que toute nouvelle prolongation au-delà de la mi-mai dépendrait de la levée de certaines sanctions occidentales.

Depuis son lancement jusqu’au 15 mars 2023, l’Initiative céréalière de la mer Noire a permis la livraison de 927 navires. Au total, 45 pays différents ont reçu plus de 24 millions de tonnes métriques de céréales et de denrées alimentaires par ce biais. Les données détaillées par pays figurent dans le tableau suivant.

Pays de destinationNombre de navires reçusQuantité de céréales exportées
(milliers de tonnes)
Turquie2052700
Espagne1504300
Chine1055400
Italie991800
Pays-Bas391500
Égypte39842
Grèce26156
Tunisie25560
Libye22451
Israël22679
Roumanie17285
Portugal17577
Inde14412
France13273
Bangladesh12655
Belgique11519
Royaume-Uni9197
Liban871
Allemagne8354
Éthiopie8203
Algérie8182
Kenya7327
Bulgarie769
Yémen6206
République de Corée6326
Indonésie6341
Afghanistan6131
Arabie Saoudite4184
Oman386
Maroc336
Viet Nam2117
EAU265
Sri Lanka2104
Somalie254
Irlande260
Iran2126
Djibouti27
Thaïlande168
Soudan165
Pakistan162
Malaisie14
Jordanie15
Japon156
L’Irak133
Géorgie16
Total des pays de l’UE3899893
Total92724 654

De nombreux pays parmi les moins développés sont très dépendants des céréales ukrainiennes. En effet, les pays les plus dépendants des importations de blé ukrainien et russe, et donc les plus vulnérables à ces perturbations du marché, sont la Somalie (100 %), le Bénin (100 %), le Laos (94 %), l’Égypte (82 %), le Soudan (75 %), la République démocratique du Congo (69 %), le Sénégal (66 %) et la Tanzanie (64 %). 

L’Ukraine représentait également la moitié des approvisionnements du Programme alimentaire mondial des Nations unies avant la guerre. 

Part des céréales exportées dans le cadre de l’initiative céréalière de la mer Noire (mi-mars 2023)

En termes de céréales exportées, le maïs représente près de la moitié des exportations. Cette céréale a toujours été majoritairement exportée vers la Chine et l’UE (qui représentaient par exemple 62% des parts exportées de maïs en 2021 (chiffres USDA)). Ceci explique le poids de ces deux blocs dans la part totale des exportations. 

Le blé constitue un quart du volume exporté. Il est généralement exporté vers les pays en développement (notamment l’Égypte, l’Indonésie et le Bangladesh). Depuis le lancement de l’Initiative céréalière de la mer Noire, les deux tiers du blé sont destinés aux pays en développement, pour lesquels il s’agit de la denrée alimentaire de base la plus importante et la plus nécessaire. Ces exportations représentent 18,1 % des expéditions totales de l’Initiative. En outre, elle a permis au Programme alimentaire mondial des Nations unies de reprendre les expéditions à partir des ports ukrainiens, et plus de 450 000 tonnes de blé ont été expédiées vers l’Éthiopie, le Yémen, Djibouti, la Somalie et l’Afghanistan.

Les données montrent que la mise en œuvre de l’Initiative céréalière de la mer Noire et des couloirs de solidarité a effectivement permis aux exportations de blé et de maïs de l’Ukraine de se redresser: ces deux mécanismes sont nécessaires pour exporter les quantités requises pour répondre à la demande du marché mondial. 

Estimation de la prochaine récolte pour 2023-2024

En 2021, l’ensemble des terres ensemencées au printemps représentait 17 millions d’hectares de cultures en Ukraine. Ces semis d’avant-guerre ont permis d’obtenir des récoltes convenables en 2022, malgré les conditions difficiles et la perte de terres. En revanche, en 2022, environ 4 millions d’hectares sont restés non semés en raison de deux facteurs principaux :

  • Les pertes de surface cultivable dues aux territoires occupés ou au fait que certaines terres sont endommagées par les hostilités ou trop dangereuses pour être cultivées.
  • Faible rentabilité pour les producteurs : les efforts déployés pour faciliter le transport des exportations se sont traduits par une augmentation des coûts. Les exportations par camion, train ou péniche depuis l’ouest sont coûteuses, tandis que les longs délais d’inspection et les frais de surestarie associés ont ajouté des coûts importants aux expéditions via les ports de la mer Noire. Ces coûts ont été largement absorbés par les producteurs ukrainiens sous la forme de prix plus bas. En outre, les prix des intrants ont augmenté, ce qui a encore réduit les marges bénéficiaires des producteurs et les a dissuadé de planter pour l’année à venir.

En conséquence, la récolte de céréales de l’Ukraine pourrait diminuer de 35 à 40 millions de tonnes en 2023, dont 12 à 15 millions de tonnes de blé et 15 à 17 millions de tonnes de maïs, selon l’Ukrainian Agribusiness Club.

À titre de comparaison, le graphique suivant montre la production ukrainienne de maïs, de blé et d’orge au cours des dix dernières années :

À l’avenir, les disponibilités de blé pour 2023/24 (composées de la production de l’année et des stocks de la campagne de commercialisation 2022/23) devraient être inférieures de près de 30 % aux niveaux de 2022/23 et de 45 % à ceux de 2021/22. 

A noter que la récolte 2021/22 a été une année de production exceptionnelle.

En ce qui concerne le maïs, les disponibilités prévues pour l’Ukraine pour 2023/24 pourraient être inférieures de 36 % au niveau de 2022/23 et de 53 % au niveau de 2021/22.

La question du stockage

Au cours de l’été 2022, les capacités de stockage de l’Ukraine ont été remises en question, car les céréales s’accumulaient et ne pouvaient être livrées à l’étranger. Ce problème a fortement diminué depuis l’Initiative céréalière de la mer Noire : en fait, les stocks élevés de céréales ont permis aux estimations d’exportations d’augmenter alors que la production a chuté.

Avant l’invasion, l’Ukraine exportait chaque année près de 80 % de sa récolte de maïs, ce qui lui évitait de constituer d’importants stocks de fin d’année. Le blocus russe a contraint l’Ukraine à constituer des stocks : les estimations de l’USDA pour les stocks de maïs en fin de campagne 2022-23 en Ukraine s’élèvent à 6,9 millions de tonnes, contre 5,1 millions l’année précédente. Ce chiffre est bien supérieur à la norme, qui est en moyenne de 1,3 million de tonnes. En outre, le rapport stock-utilisation pour l’année est estimé à 27 %, contre 4 % avant la guerre. 

En ce qui concerne le blé, les estimations de l’USDA pour les stocks de blé en fin de campagne 2022-23 en Ukraine s’élèvent à 4,2 millions de tonnes, en baisse par rapport aux 6,8 millions de tonnes des années précédentes. Là encore, le rapport stock-utilisation est nettement supérieur à la moyenne des années précédentes.

Conclusion

Les mécanismes mis en place par l’Union européenne et les Nations Unies ont rempli leur rôle en permettant l’exportation de plus de 54 millions de tonnes de céréales ukrainiennes. Cependant, l’avenir de l’Initiative céréalière de la mer Noire – qui a permis l’exportation de 25 millions de tonnes depuis le mois d’août – dépend de la bonne volonté d’une Russie déterminée à l’utiliser comme levier pour négocier un allègement des sanctions occidentales à son égard. 

De plus, les perturbations créées par la guerre ne se limitent pas au blocus russe. La récolte 2022 a bénéficié des semis d’avant-guerre et a donc été modérément affectée par les événements, mais il n’en sera pas de même pour les récoltes futures. Le stock important constitué en 2022 a également permis d’atténuer le déficit de la campagne 2022/23. 

Cependant, en raison des effets directs et indirects de la guerre, la production devrait diminuer de 35 à 40 millions de tonnes en 2023, avec des déficits de 12 à 15 millions de tonnes de blé et de 15 à 17 millions de tonnes de maïs. L’important stock constitué en 2022 a permis d’atténuer le déficit de la campagne 2022/23, mais en 2023/24 la chute de la production affectera inévitablement le marché international.

Enfin, en ce qui concerne l’impact des produits ukrainiens sur les marchés d’Europe de l’Est, le paquet d’aide récemment proposé par la Commission pourrait alléger la pression sur les agriculteurs locaux. Cependant, les difficultés rencontrées resteront dans ces pays, car elles sont symptomatiques d’un manque d’investissement dans leurs infrastructures. Il sera donc crucial pour eux de pouvoir investir davantage dans leurs capacités de stockage et dans la performance de leurs lignes d’approvisionnement, en plus du défi déjà existant de ces pays de développer de nouveaux débouchés pour leurs céréales dans leur propre pays, notamment basés sur la bioéconomie et l’économie circulaire


Sources

Institutionnelles :
Ministry of Agrarian Policy and Food of Ukraine- Export of Agriproduct 
United Nations- Vessel Movements – Black Sea Grain Initiative
OCHA- Black Sea Grain Initiative Vessel Movements – Humanitarian Data Exchange
Council of the European union – Food for the world
USDA- Report Name:Grain Update December 2022
USDA- Ukraine’s wheat and corn exports recover under Black Sea Grain Initiative
USDA- Report Name: Grain and Feed Annual 
USDA- Ukraine Agricultural Production and Trade 

Presse :
POLITICO- Who’s feeding the world? We are, say both Ukraine and Russia, as war rages on POLITICO- Ukraine and UN call for Black Sea grain deal extension 
La France Agricole- Les exploitations ukrainiennes « devant un mur -»  
EURACTIV- Commission opens solidarity lanes to strengthen eu-Ukraine food export  
CNBC- Ukraine Black Sea grain deal extended for at least 60 days
Reuters- Column: Ukraine corn crop plunge balanced by huge stocks, aiding exports for now
Reuters- Column: More to Ukraine’s recent grain export success than meets the eye
IICA- Ukraine one year later: Impacts on global food security | IICA Blog