Propositions de la présidente Von der Leyen : le crépuscule de l’Europe et de la Pac

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Depuis la présentation de la proposition de CFP le 16 juillet, il est clair – et largement reconnu au sein du Parlement européen – que le cadre budgétaire proposé par la présidente Ursula von der Leyen, et en particulier le concept de fonds unique, doit être rejeté. Ce rejet n’est pas seulement dû à la répartition inéquitable des ressources qui porte gravement atteinte à la Politique agricole commune (PAC), mais aussi parce qu’il reflète une dangereuse dérive vers la renationalisation des politiques de l’UE.
La récente tentative de la présidente von der Leyen de réviser certains aspects du règlement sur le fonds unique n’offre guère de véritable solution. Elle est à la fois malavisée dans son intention et trompeuse dans sa présentation.
•⁠ ⁠Le budget européen proposé pour la période 2028-2034, en particulier ses dispositions concernant la PAC et le fonds unique, menace d’éroder la souveraineté alimentaire de l’Europe à un moment où toutes les grandes puissances mondiales investissent massivement dans la sécurité et l’approvisionnement alimentaires.
•⁠ Au lieu de renforcer la capacité de l’Europe à produire des denrées alimentaires de haute qualité, sûres et distinctives et à garantir un approvisionnement sûr pour la bioéconomie de l’UE, il est proposé une réduction de 20 % des ressources destinées à soutenir les agriculteurs, ce qui nuit directement aux citoyens européens, à leur sécurité alimentaire et à la souveraineté de l’UE.
Dans le même temps, le budget global de l’UE passe à 2 000 milliards d’euros, mais l’agriculture ne reçoit que 14 % des fonds, contre 30 à 35 % lors des deux dernières périodes de programmation.
Les propositions présentées cette semaine, destinées à répondre aux critiques du Parlement européen, de plusieurs gouvernements et de nombreux acteurs économiques et sociaux, passent complètement à côté du cœur de ces objections. En fait, elles ne font que les rendre plus évidentes.
•⁠ ⁠Le soi-disant « objectif rural » supplémentaire de 10 % prétendument alloué à l’agriculture n’est rien d’autre qu’une concession trompeuse. Ces fonds sont destinés à des plans territoriaux intégrés, encourageant la concurrence entre les secteurs, concurrence qui devrait au contraire être évitée. Il ne s’agit pas de fonds destinés à l’agriculture ou aux agriculteurs, mais à d’autres fins sans rapport avec l’activité économique agricole.
•⁠ ⁠Il est profondément préoccupant – et cela doit être clairement dit – que la Commission continue d’ignorer la question cruciale de la renationalisation des politiques européennes. Persister dans cette voie reviendrait à démanteler la PAC, l’une des plus grandes réalisations de l’Europe, qui garantit depuis des décennies aux citoyens l’accès à l’alimentation la plus sûre et la plus durable au monde, celle produite en Europe.
•⁠ ⁠L’UE risque d’être réduite à un simple distributeur de fonds, abandonnant son rôle de moteur de la politique commune. La proposition de la présidente von der Leyen révèle une intention délibérée de dé-sectorialiser et de dé-spécialiser l’action de l’UE au profit d’une logique de fonds unique et d’un cadre de performance uniforme, une approche fondamentalement inadaptée aux politiques sectorielles et aveugle aux objectifs économiques que l’UE devrait poursuivre.
•⁠ ⁠Cette déspécialisation conduirait inévitablement à une dilution des responsabilités tant de la Commission que de l’UE dans son ensemble. Même le besoin légitime d’une plus grande flexibilité dans l’utilisation des ressources est transféré aux États membres, ne laissant aucune marge de manœuvre réelle à l’Europe.
Il est donc essentiel d’apporter des corrections urgentes. Le cadre législatif de l’agriculture doit être refondu en un règlement unique et cohérent de la PAC, doté de son propre cadre de performance, et les fonds supprimés du soutien à l’agriculture doivent être rétablis. L’Europe doit réinvestir dans ses agriculteurs, et non dans des plans vagues et indéfinis. C’est seulement ainsi que nous pourrons préserver et poursuivre une réussite qui a apporté aux agriculteurs et aux citoyens européens la nourriture, la paix et la prospérité.
•⁠ ⁠Nous espérons que les positions fermes exprimées ces dernières semaines par le Parlement européen – jusqu’à présent exclu du processus décisionnel – ne s’estomperont pas face à une nouvelle réponse inadéquate de la Commission.
•⁠ Une Europe qui transfère ses problèmes aux États membres sous prétexte de « flexibilité » n’est pas une Europe saine. Ce n’est pas l’Europe que nous voulons. C’est une Europe affaiblie, qui cache son manque de vision politique et de responsabilité derrière des manœuvres bureaucratiques, au lieu de relever les défis communs avec un sens aigu de l’intérêt général.