Marchés agricoles et politiques publiques : Les agriculteurs européens jouent-ils à armes égales?

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Comme le montre la note Farm Europe How to tackle price and income volatility for farmers? 
An overview of international agricultural policies and instruments, si les principales puissances agricoles ont développé, ces dernières années, des assurances récoltes pour faire face aux aléas climatiques et/ou sanitaires, celles-ci ne constituent qu’une partie de dispositifs plus ou moins élaborés.

Le paiement par les agriculteurs des primes de ces assurances production est très largement subventionné par les politiques nationales, à l’exception du cas d’un nombre réduit d’Etats membres de l’Union européenne.

Au-delà de ce filet premier de sécurité, des pays telles que le Brésil et la Chine fondent leur politiques agricoles, en matière de gestion de la volatilité et des revenus, sur l’existence de prix garantis nationaux définis de manière à maintenir une rentabilité au secteur en cas de crises de marchés. Ces mesures sont confortées pour le Brésil par une politique d’aides massives aux crédits (dont le remboursement est dans les faits régulièrement différé et une partie des taux d’intérêt prise en charge par la puissance publique). Côté chinois, la politique de prix garantis et d’achats publics massifs est confortée par des aides directes à l’hectare nonobstant le niveau très élevé des dits prix garantis.

La politique développée par les Etats Unis avec le Farm Bill 2014 partage les objectifs recherchés par les politiques chinoise ou brésilienne: garantir les revenus des producteurs agricoles en cas de dépréciation des cours des différentes productions. En abandonnant quasiment tous les paiements directs versés aux agriculteurs au profit d’une politique basée sur des assurances prix et revenus, les Etats Unis proposent, de fait, à leur agriculteurs la garantie de ne pas avoir à supporter financièrement l’impact de baisses fortes des cours agricoles en deça d’un niveau prédéfini.

L’Australie, de son côté, a mis en place, à côté des aides aux investissements et à la préservation de l’environnement, une politique publique basée sur les programmes d’assurance récolte, des bonifications de crédits et une fiscalité incitant les épargnes de précaution. Depuis 2014 se sont ajoutées à ce dispositif des mesures de soutien au revenu des exploitants. Ces mesures sont déclenchées individuellement en cas de baisse importante des revenus d’un agriculteur. Ces paiements visent à procurer un revenu minimal à l’agriculteur, pour une période maximale de 3 ans, parallèlement à la mise en place d’un plan individuel de relance.

L’Union Européenne, quant à elle, a mis en place depuis les années 90 une politique de dissociation entre les soutiens publics et l’acte de produire, prônant une orientation du secteur agricole par l’évolution des marchés. Le principe est de ne plus interagir avec les dits marchés agricoles. De fait, uniquement face à des dysfonctionnements majeurs de marchés, des mesures de réaction (après coup) peuvent être prises, souvent sous la pression du secteur relayé par certains Etats membres.

Ces differences de politiques s’illustrent de deux chiffres : 60 % et 1 %. Si les Etats Unis consacrent désormais 60 % du budget agricole aux dispositifs assurantiels (et 1 % pour les aides directes aux agriculteurs), dans l’UE, c’est 1 % du budget PAC qui va aux mesures assurantielles et 60 % aux aides directes payées aux agriculteurs.

Il convient aujourd’hui d’analyser, sans a priori, l’efficacité économique des différents dispositifs publics en présence, en excluant tout retour à des politiques d’intervention massives et de gestion de stocks publics qui sont tant politiquement qu’économiquement hors de propos.

Lors de cette analyse d’efficacité comparée, les dimensions suivantes doivent être considérées:

  • degré de stabilité des chiffres d’affaires, des revenus des exploitations agricoles, au niveau sectoriel, au niveau de l’exploitation,
  • degré de pertinence économique de la mesure: capacité de la mesure à bénéficier effectivement à l’exploitation agricole et son développement, versus degré de captation du soutien public par d’autres acteurs que l’exploitation agricole.
  • Degré de réactivité pour l’exploitation agricole : dans un monde ouvert où les acteurs économiques sont en compétition quasi-directe et immédiate sur des mêmes marchés, les agriculteurs européens sont-ils sur un pied d’égalité pour faire front sur le moment et préparer les saisons suivantes?
  • Impact sur la capacité des secteurs agricoles et du secteur alimentaire à s’inscrire sur un chemin d’une croissance se maintenant par delà les soubresauts des marchés.

Ces éléments constituent la trame sur laquelle Farm Europe engage ses réflexions sur les dispositifs assurantiels susceptibles de répondre aux préoccupations des secteurs agricoles européens.