Crises des marchés agricoles : N’ayons pas peur d’utiliser la réserve de crise !

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Lors de son intervention devant les membres de la COMAGRI le 7 mars dernier à Strasbourg, le Commissaire Hogan a relevé de façon très claire les paramètres de possibles réponses d’urgence aux crises que n’ont pu être enrayées ni atténuées à ce jour et qui frappent durement le secteur agricole européen.

Alors que l’enjeu est aujourd’hui de casser rapidement la spirale baissière dans laquelle se trouvent chacun des secteurs agricoles en crise,  l’ensemble des outils que le Commissaire a demandé à ses services d’expertiser se rejoignent sur un pré-requis : un besoin de financement.

Jusqu’à présent, toutes les mesures qui ont pu être prises pour contrer des crises au cours des années passées, et y compris le paquet de 500 millions € mis sur la table l’automne dernier par le Commissaire Hogan, ont été financées par des marges budgétaires disponibles au sein du budget PAC.

De fait, pour la première fois aujourd’hui, il n’est plus possible d’escompter financer de cette manière des mesures de crise qui seraient à la hauteur des maux subis.

Il semble parallèlement peu crédible d’espérer un abondement du budget PAC dans les circonstances économiques actuelles et face aux autres défis que l’Union européenne doit relever et pour lesquels elle est en recherche de financement – notamment la crise des réfugiés.

Dès lors, l’équation a été clairement définie par le Commissaire Hogan à Strasbourg : le recours à la réserve de crise apparaît comme le seul moyen d’assurer un financement au sein même de la PAC pour pouvoir agir concrètement.

La question est de savoir si la volonté est là pour une telle utilisation. Volonté politique des colégislateurs d’un côté ; choix conscient de la profession agricole d’utiliser cet outil en tant que bras financier d’une solidarité entre secteurs agricoles de l’autre côté.

Côté politique, les choix tant du Parlement Européen que du Conseil des ministres lors des négociations de la réforme dernière de la PAC étaient extrêmement clairs. Cet outil a été voulu, ajusté et peaufiné à la demande des colégislateurs pour pouvoir précisément permettre à la Commission d’intervenir rapidement, avec la souplesse voulue, en ayant les moyens financiers d’agir en absence d’autres marges financières au sein du budget PAC.

L’argent de la réserve de crise est bien de l’argent des agriculteurs, puisque prélevé sur les aides directes de ceux-ci. C’est ainsi que la dite réserve a été conçue, voulue et assumée lors de l’adoption de la PAC par les colégislateurs.

Un argument avancé ça et là ces derniers mois contre l’utilisation de la réserve de crise a été de considérer que, puisque chaque année l’agriculture européenne connaît plus ou moins toujours une situation de crise dans un secteur ou un autre, commencer à utiliser un jour la réserve de crise, c’est ouvrir la porte à une utilisation récurrente.

Argument original s’il en est. En d’autres mots, il s’agirait de ne pas utiliser un outil car il risquerait de se montrer efficace et donc d’être à nouveau utilisé à l’avenir.

Cependant, cet outil, utile et à utiliser, ne devra en aucun cas être confondu avec une source à laquelle il serait possible de s’alimenter sans compter. Si le montant de 400 millions n’est en aucun cas un plafond intangible, chaque utilisation devra en être soigneusement justifiée au regard des mesures proposées à son financement et de leur efficacité.

Il devra être en mesure de démontrer à chacun des agriculteurs européens qui ont indirectement financées ces mesures qu’elles répondent efficacement aux problèmes, qu’elles apportent bien une réponse d’ensemble pour stopper une hémorragie affectant directement et indirectement l’ensemble du secteur agricole européen, et qu’elles ne sont en aucun cas de financement d’un ènième saupoudrage politique.

Face à une crise économique d’ampleur, ce sont des mesures économiques, plus que « politiques » qui sont attendues et ce n’est que dans ce cadre que l’utilisation de la réserve de crise prendra tout son sens et qu’elle sera comprise et acceptée.

Et, dans ce cadre une mesure « politique » complémentaire pourrait être d’augmenter légèrement cette réserve de crise pour l’année prochaine, en complément de son utilisation cette année.