1) Parlement Européen : la Comagri opère un important recadrage communautaire du projet de réforme Mars fut marqué par l’élaboration des amendements de compromis par les députés de la ComAgri sur les trois textes des rapporteurs de la réforme, pour renforcer le caractère commun des règles, ainsi que des amendements alternatifs. Ces amendements sont soumis […]
Les travaux
Etat d’avancement du dossier des NBTs
Les nouvelles techniques d’amélioration variétale (NBTs), également appelées nouvelles techniques génomiques (NGTs), sont des méthodes permettant de développer de nouvelles variétés végétales dotées de caractères souhaitables. Elles sont dites « nouvelles » car ces techniques n’ont été développées qu’au cours de la dernière décennie et ont évolué rapidement ces dernières années.
Ces NBTs, nées des progrès de la recherche scientifique, permettent de modifier le génome de la plante de manière plus précise et plus rapide que les techniques classiques d’amélioration des plantes, qui font appel à des procédés chimiques et à des radiations pour modifier les caractéristiques génétiques des plantes. Certaines d’entre elles, comme la mutagenèse et la cisgenèse, reproduisent des mutations qui peuvent se produire spontanément dans la nature, opèrent de façon ciblée sur le génome et sont particulièrement sûres. À ce titre, elles présentent un potentiel important alliant progrès techniques pour la société, économies de moyens et amélioration des caractéristiques des cultures. En effet, les améliorations des cultures grâce aux NBTs incluent la résistance des plantes aux maladies, l’amélioration de caractéristiques telles que les aspects nutritionnels et les capacités de stockage ou de transformation, une moindre utilisation d’intrants, la réduction voire la suppression du recours aux pesticides, tout en maintenant, voire en augmentant, les rendements.
Conscient dès le début l’énorme potentiel des NBTs pour la société et l’agriculture européennes, Farm Europe a œuvré ces dernières années, avec constance et détermination, pour un cadre législatif clair et proportionné en Europe propre à encourager la recherche et le développement de cette technologie qui offre des moyens pour vaincre les maladies, réduire l’utilisation d’intrants et accroître la durabilité économique et environnementale de l’agriculture de l’Union Européenne.
En 2016, Farm Europe a lancé ses travaux avec l’un de ses membres – groupe familial antillais, Castri, préoccupé par l’avenir de la chaîne d’approvisionnement de la banane européenne – et le laboratoire israélien Rahan Meristem – le premier laboratoire de plantes tropicales au monde, partenaire de Castri depuis 25 ans, et grâce auquel l’introduction des vitro-plants en 1995 a été réalisée permettant le lancement d’une démarche de durabilité avec réduction sensible de l’usage des pesticides. Aujourd’hui, le premier des défis est d’assurer un avenir effectif à la production de bananes dans les Antilles françaises en luttant contre la Cercosporiose noire, une maladie qui affecte gravement la banane Cavendish.
Les bananes Cavendish représentent plus de 50% de la production mondiale – et dominent les exportations (95%) – mais sont très sensibles à la maladie de la Cercosporiose noire. De nombreux traitements sont nécessaires pour combattre ce champignon ; même si les fongicides s’améliorent au fil des ans, l’agent pathogène développe des résistances. Par conséquent, une fréquence d’application plus élevée s’avère nécessaire. Les producteurs non européens répandent massivement les pesticides par voie aérienne, cumulant jusqu’à 70 traitements aériens/an en Amérique du Sud, zone qui exporte massivement en Europe, avec des impacts importants sur l’environnement et la santé des travailleurs des bananeraies. Dans les Antilles françaises, l’usage d’aéronefs pour lutter contre cette maladie est interdit depuis une dizaine d’année. Parallèlement, le nombre de matières actives pour lutter contre la maladie a considérablement diminué au cours de cette même dernière décennie.
Aujourd’hui, la filière banane antillaise, premier employeur des îles est menacée de disparition et avec elle ses milliers d’emplois si une solution rapide n’est pas mise en place.
Dans ce contexte, la création d’une variété de Cavendish résistante à la Cercosporiose noire constitue un défi majeur. La seule façon d’y répondre efficacement dans un délai cohérent est d’utiliser la technique CRISPR CAS 9 pour obtenir une souche de Cavendish tolérante/résistante.
Aujourd’hui, le laboratoire Rahan Meristema réussi à finaliser une technique d’amélioration végétale NBTs capable de contrôler la réponse de la plante à l’attaque fongique et sera en mesure de proposer à compter de 2024 une variété Cavendish portant le caractère de résistance à la Cercosporiose noire si le cadre législatif européen le permet. De l’introduction aux Antilles d’une variété de Cavendish résistante à cette maladie dépend l’avenir de la production antillaise de bananes.
Depuis 2016, en partant du problème spécifique du secteur de la banane, Farm Europe a travaillé à la création d’un climat institutionnel propice à un changement législatif et a réuni à faire partager à l’ensemble des grands secteurs agricoles, à travers l’Europe, les énormes possibilités que les NBTs représentent pour le monde agricole, pour sa transition vers une plus grande durabilité et une plus grande rentabilité.
Alors que certains oscillaient entre faible implication, peur de prendre position, voire confusion scientifique entre NBTs et OGMs, les actions de Farm Europe, en direct et via le relai tous ses membres à travers l’UE – ont eu pour objectif de fournir une base scientifique de ce que sont ces techniques et de ce qu’elles peuvent apporter; de construire des voies d’évolution avec la Commission; de développer un travail approfondi avec le Parlement européen et en particulier les nouveaux députés européens issus les élections de 2019; d’œuvrer pour que la position de certains États membres (notamment la France, l’Italie, la Grèce, la République tchèque et l’Irlande) évolue favorablement.
Farm Europe, par le biais de ses articles scientifiques, de l’organisation de ses événements (à commencer par les différentes éditions du Forum mondial de l’alimentation) et de son travail d’influence institutionnelle, a fait valoir la nécessité d’un processus décisionnel fondé sur la science dans les domaines de la santé, de l’alimentation et de l’agriculture. Sur un tel dossier, il ne s’est pas agi d’affirmer mais de démontrer avec sérieux et pugnacité, et de convaincre.
Du point de vue législatif, l’UE a d’abord avancé très lentement ces dernières années et ce n’est que récemment que la Commission, après des années d’indécision, a montré qu’elle entendait prendre la situation en main et accélérer le processus. Pendant des années, les États membres de l’UE ont demandé à la Commission européenne de clarifier le statut réglementaire des produits générés par les NBTs, et plus précisément s’ils sont soumis ou non à la réglementation sur les OGMs. La Commission a annoncé à plusieurs reprises qu’elle fournirait une interprétation juridique pour donner des orientations aux autorités nationales, mais a reporté la décision pendant des années. Jusqu’au 3 octobre 2016, où le Conseil d’État français a saisi la Cour de justice de l’Union européenne de 4 questions visant à déterminer si une variété de colza résistante aux herbicides obtenue par de nouvelles techniques de sélection végétale devait suivre le processus d’approbation des OGMs. En 2018, l’avis de la Cour de justice européenne a établi que les NBTs devaient relever de la législation actuelle sur les OGMs (directive 2001/18) car elles n’étaient pas connues en 2001 et ne peuvent donc pas bénéficier de la dérogation établie en 2001 pour les techniques de mutagénèse bien connues et utilisées depuis longtemps. Le Conseil de l’Union européenne a donc demandé à la Commission de présenter une étude à la lumière de cet arrêt de la Cour de justice. Il a également demandé à la Commission de présenter une proposition accompagnée d’une analyse d’impact pour faire suite à cette étude.
Après l’arrêt de la Cour de justice de l’UE, la pression s’est accrue sur les institutions européennes et la Commission – qui souhaitait initialement laisser la question aux États membres – a pris les rênes de cette question sensible et met tout en œuvre pour créer un climat favorable aux NBTs.
Le 29 avril 2021, la Commission a présenté l’étude qui a le mérite de limiter le champ d’application de la future législation exclusivement aux techniques de cisgenèse et de mutagenèse appliquées aux plantes (et donc aux denrées alimentaires et aliments pour animaux dérivés de ces plantes), puisqu’il existe une plus grande certitude scientifique quant à leur sécurité. Même s’il reste encore beaucoup à faire et que nous attendons l’analyse d’impact et la proposition de la Commission, le travail accompli au fil des ans porte ses fruits.
La volonté de la Commission de faciliter l’utilisation de ces techniques en Europe sans passer par le système d’autorisation prévu pour les OGMs (qui empêcherait de facto leur diffusion et le développement de la recherche européenne) est très claire. Tous les discours officiels et officieux de la Commission montrent une volonté claire dans ce sens, à la fois pour augmenter les outils à disposition des agriculteurs dans la transition vers une agriculture de plus en plus durable, et pour ne pas créer de problèmes avec les partenaires commerciaux, mais aussi pour soutenir et encourager la recherche et l’innovation européenne.
L’organisation par la Commission d’une conférence le 29 novembre 2021 sur le thème « Nouvelles techniques génomiques – la voie à suivre pour une innovation sûre et durable dans le secteur agroalimentaire », un événement de haut niveau clairement organisé pour faciliter et préparer un terrain favorable à la présentation de l’analyse d’impact, a été significative à cet égard. Lors de cet événement, le ministre français Julien Denormandie (futur président du Conseil) a souligné à plusieurs reprises que les NGTs sont des techniques et non des organismes comme les OGMs. Dans son discours, il a également rappelé qu’il est nécessaire de mobiliser la recherche en agriculture, de disposer d’un cadre réglementaire européen adapté et proportionné et de remettre la raison et la science au centre du débat européen.
Le Parlement européen a également changé de position ces dernières années, le travail réalisé ces dernières années par Farm Europe y contribuant. Il est intéressant de noter que, par rapport au débat sur les OGMs, il y a beaucoup plus de députés européens en 2021 qui « osent » parler en faveur de la science et des nouvelles technologies. Les principaux arguments utilisés par ceux qui se prononcent en faveur des NBT sont les suivants : donner plus d’outils aux agriculteurs pour une agriculture plus durable ; concrétiser le Green Deal et la stratégie Farm to Fork; utiliser les nouvelles technologies pour lutter contre le changement climatique; utiliser moins de pesticides et moins d’intrants en général; ne pas bloquer le commerce avec les pays tiers; les mutations par cisgenèse et mutagenèse peuvent se produire dans la nature, elles sont donc » plus sûres que la transgenèse « ; la législation européenne doit pouvoir s’adapter aux évolutions technologiques.
En ce qui concerne la position du Conseil, le semestre de présidence française de l’UE, qui débutera en janvier 2022, sera précieuse pour soutenir une révision intelligente du règlement européen sur les NBTs qui est une clé de notre avenir européen. La responsabilité de la présidence française sera donc engagée dans un défi historique; nous avons la responsabilité de continuer à accompagner le processus de décision basé sur la recherche scientifique et impliquant l’ensemble du secteur agricole.