Les travaux

Croissance - 13 décembre 2019

Façonner l’agriculture, les zones rurales et bâtir une Europe prospère pour les prochaines décennies

écrit par Farm Europe

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

Façonner l’agriculture, les zones rurales et bâtir une Europe prospère pour les prochaines décennies

Principales conclusions du Global Food Forum 2019

 

La Politique Agricole Commune a été fondée pour répondre au défi de la souveraineté alimentaire en Europe, sur le constat qu’une mise en commun des moyens financiers et la définition d’orientations politiques communes sont plus efficaces que la somme des initiatives nationales potentiellement divergentes.

La sécurité alimentaire reste aujourd’hui la condition préalable pour pourvoir conduire une stratégie politique forte et crédible dans le monde multipolaire d’aujourd’hui.

Dans un monde globalisé où la sécurité alimentaire pour tous doit être garantie, l’Union européenne a également la responsabilité d’assurer une présence stable sur les marchés alimentaires mondiaux.

Dans le même temps, la PAC doit continuer à évoluer pour mieux répondre aux défis de la vitalité des zones rurales européennes, de la préservation de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique.

En tant que base du développement des zones rurales, de la gestion de 75% de l’Europe et de nos ressources naturelles, l’agriculture européenne est un facteur clé et les agriculteurs sont les seuls relais fiables pour une action efficace.

Aujourd’hui, la PAC doit se donner les objectifs suivants :

  • Assurer la sécurité alimentaire des Européens et permettre aux citoyens européens d’avoir accès à une alimentation de qualité à des prix abordables.
  • Préserver l’environnement, le sol, l’air et l’eau et contribuer à la lutte contre le changement climatique.
  • Assurer un niveau de revenu correct aux agriculteurs alors même que la volatilité des marchés agricoles s’est considérablement accrue depuis le milieu des années 2000 sous l’effet conjugué du changement climatique et de la mondialisation.
  • Maintenir un maillage agricole fort, base du développement territorial des activités agro alimentaires et du développement économique local effectif dans toutes les régions rurales européennes.
  • Maintenir l’Union européenne en tant que premier exportateur mondial – l’UE étant également le premier importateur mondial de produits agricoles et alimentaires,

Le défi pour ceux qui doivent décider des futures politiques européennes ayant un impact sur l’agriculture et les zones rurales de l’Union européenne, n’est pas seulement de concilier au mieux les attentes de la société et les défis économiques ; mais de les mettre en synergie en concentrant la PAC sur le défi de la double performance de notre agriculture : pas de bénéfice économique sans plus de protection environnementale, pas de protection environnementale sans bénéfice économique.

Pour cela, la PAC doit redevenir une politique d’investissement pour l’avenir de l’Union européenne et centrer son action sur :

  • Les investissements et les innovations dans les exploitations agricoles et dans la chaîne alimentaire ; les secteurs agricoles doivent saisir rapidement les opportunités numériques tant pour leurs relations avec les consommateurs que pour leurs performances économiques et environnementales.
  • L’incitation à la transition de l’agriculture européenne vers des systèmes agricoles à double performance,
  • La protection des agriculteurs européens contre les risques et les crises en combinant une aide directe de base, un soutien aux outils d’assurance contre les risques climatiques, des fonds communs de stabilisation des revenus et une réserve européenne efficace de gestion des crises
  • La promotion d’un modèle alimentaire européen de qualité, diversifié pour tous les citoyens européens, et la lutte contre le risque d’une alimentation à deux vitesses stratifiée selon les classes sociales.

La réforme de la PAC doit également être à la base de la stratégie « de la ferme à la fourchette » que la Présidente de la Commission entend déployer dans le cadre d’un nouveau Green Deal pour l’Europe.
L’agriculture européenne n’est pas seulement une question d’alimentation pour les citoyens européens, c’est aussi un fournisseur de bioénergie, de biochimie, de textile…. Les agriculteurs sont, de plus, les seuls acteurs aptes à gérer notre environnement dans les zones rurales.

La réforme de la PAC doit donc être conçue de manière à développer une telle stratégie, à mettre en œuvre le cœur d’un accord vert efficace en matière d’agriculture, à gérer les zones rurales, à façonner une chaîne alimentaire équilibrée et à placer la nutrition et la bonne alimentation au cœur même des habitudes des Européens.

 

 

NEGOCIATIONS SUR LA FUTURE PAC

8 MESURES A PRENDRE

Face aux défis sociétaux, économiques et environnementaux à relever, l’Union européenne a besoin d’une PAC forte, efficace, commune et adaptée aux réalités d’une Union européenne riche dans sa diversité.

En particulier, il est nécessaire de :

  1. Mettre en place des paramètres clés pertinents dans les actes de base à un niveau commun afin de préserver le C de la PAC et d’assurer l’équité pour les agriculteurs où qu’ils se trouvent dans l’UE, en particulier en ce qui concerne le soutien qu’ils recevront dans le cadre du premier pilier.
  2. donner une dimension environnementale européenne par une définition claire et une base européenne efficace des eco-schemes en concentrant les mesures à proposer par les États membres pour promouvoir la transition vers des systèmes agricoles vertueux et encourager les pratiques innovantes susceptibles de favoriser la transition environnementale et économique de l’agriculture européenne.La définition de l’eco-scheme doit être précisée en tant qu’instrument d’incitation à la transition de l’agriculture européenne vers la neutralité carbone. Une incitation financière à l’hectare devrait être versée aux agriculteurs mettant déjà en œuvre des systèmes agraires vertueux ou effectuant leur transition au cours des sept prochaines années.
  3. promouvoir la dimension économique de la PAC en même temps que ses dimensions sociétale et environnementale. La position de la Comagri d’objectif financier minimal (30% du financement du 2e pilier) en matière d’investissements pour la performance économique et environnementale et dans les outils de gestion des risques dans le 2e pilier doit être maintenue.
  4. Définir une base environnementale de référence européenne pour la nouvelle conditionnalité avec la possibilité pour les États membres et les agriculteurs de proposer des mesures équivalentes lorsque cela est plus approprié. Le caractère commun de la PAC ne s’oppose pas aux flexibilités qui peuvent être utiles. Au contraire, il le permet et le rend gérable et équilibré entre agriculteurs et Etats membres. Sans référence commune précise, le pouvoir que la Commission souhaite mettre en avant pour juger de la pertinence des plans stratégiques en matière d’ambition respective serait non applicable car non juridiquement fondé. Sans référence commune, les moins disants en matière environnementale renforceraient leur compétitivité économique au détriment de ceux oeuvrant réellement à la réussite du nouveau Green Deal européen.
  5. constituer une réserve de crise efficace et bien financée avec la garantie que la Commission européenne réagira sans délai en cas de perturbation grave du marché. Afin de capitaliser sur les progrès réalisés pour soutenir les outils de stabilisation des revenus et l’assurance climatique (omnibus financier 2017), la nouvelle PAC devrait intégrer une nouvelle réserve de crise efficace ayant une double mission. Celle de financer rapidement, en cas de crise, des mesures exceptionnelles de marché et d’intervention, ainsi que de prendre le relai des mesures de gestion des risques des outils de stabilisation des revenus (ISR), par déclenchement automatique dès lors que des indicateurs auront atteint des seuils prédéfinis. Ne pas le faire risquerait d’annihiler les progrès réalisés grâce à l’omnibus financier et de le rendre inefficace, car l’intensité de la crise extrême compromettrait les efforts déployés par les secteurs ayant mis en œuvre des ISR volontaires pour mieux se protéger. Dans ce contexte, le fonds de réserve actuel doit être adapté, et passer d’une allocation actuelle de 400 millions d’euros pour atteindre 1,5 milliard d’euros.
  6. mettre en place un programme européen d’investissements verts dans l’agriculture. L’UE s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030. La réduction de la pollution de l’eau, l’érosion des sols et la préservation de la biodiversité sont des objectifs non négociables. Toutefois, le secteur agricole de l’UE est confronté à de graves vents contraires. Les revenus des agriculteurs ont stagné et, selon les prévisions de la Commission européenne, ils devraient chuter de 14% (en termes réels) au cours de la prochaine décennie, si l’on tient compte des premières propositions de réforme de la politique agricole commune de la Commission européenne. De plus, le secteur est confronté à une concurrence internationale accrue et sans gains de productivité significatifs, les exportations de produits agroalimentaires en souffriront. Des systèmes agricoles qui gèrent avec plus d’efficacité les ressources naturelles existent. Ils améliorent non seulement le taux de carbone du sol mais aussi la biodiversité et la résistance de l’agriculture au changement climatique lui- même. Ces systèmes augmentent à la fois la productivité, réduisent les besoins en intrants et diminuent les pressions environnementales telles que l’eutrophisation et la pollution atmosphérique.

Un des problèmes majeurs de l’UE est le manque d’investissements, en particulier d’investissements qui réduisent l’empreinte environnementale tout en augmentant la productivité et les revenus. L’adoption de nouvelles technologies est lente et l’UE est à la traîne par rapport à ses principaux concurrents dans l’agriculture intelligente et de précision.
L’UE a besoin d’un «plan Marshall» pour encourager ses agriculteurs à adopter des systèmes agricoles plus vertueux – tel que mentionné précédemment – par le biais d’un ambitieux programme visant à investir dans un système agricole à double performance (environnementale et économique).

Dans ce contexte, parallèlement à un eco-scheme repensé et à un pilier II plus équilibré tel que le propose la Comagri, il serait légitime et efficace de mettre en place un programme européen d’investissements verts dans l’agriculture pour cofinancer (50%) les investissements de double performance réalisés dans des exploitations agricoles et entraînant une réduction d’au moins 15% de l’utilisation d’intrants. Ce nouveau programme européen d’investissements verts dans l’agriculture générerait et soutiendrait 20 milliards d’euros d’investissements de transition vers la double performance au cours de la période, permettant un impact positif massif sur l’environnement et une augmentation de la compétitivité de l’agriculture européenne. Il impliquerait la mobilisation d’une petite partie du budget de la PAC dans chaque État membre pour le financer (3 %).

7. concevoir une PAC vraiment simple et bien gérée : conserver le C de la PAC tout en simplifiant sa gestion. La réforme de la PAC proposée par l’ancienne Commission s’articulait autour d’une nouvelle gouvernance assez discutable. Celle-ci ne devrait pas être source de confusion pour les personnes. Quel que soit le mode de gestion administrative de la PAC, l’objectif principal doit être de définir une nouvelle PAC qui apportera plus de durabilité et de performance à notre agriculture européenne et aux zones rurales. Avec sa proposition de réforme de la PAC, la Commission souhaite encourager les États membres, lors de l’élaboration de leurs stratégies (politiques) agricoles nationales, à faire un usage plus cohérent du soutien du premier pilier et du deuxième pilier (développement rural) de la PAC et à passer d’une « politique de conformité » à une « politique de performance » appréciée via des indicateurs de résultat.

Comme le souligne la Comagri dans son rapport, si ces deux objectifs sont louables, la présente proposition ne permet cependant d’atteindre aucun d’entre eux : le premier sera soumis au bon vouloir et aux priorités des différents gouvernements, le second se limitera à ne compter que le nombre d’hectares ou d’agriculteurs concernés par telle ou telle mesure sans que leur impact soit évalué autrement. L’enjeu est de mesurer l’impact économique et environnemental des mesures mises en œuvre dans le cadre de la PAC et non pas – comme le propose la Commission – de collecter uniquement des statistiques.

En l’absence de lignes de base et d’exigences claires définies par les colégislateurs au niveau de l’UE, la Commission ne serait pas en mesure de garantir le respect d’un niveau d’ambition équivalent entre les 27 stratégies nationales différentes, n’ayant aucune base juridique pour ne pas approuver les stratégies proposées même si leur ambition est loin d’être celle à laquelle on peut s’attendre.

En outre, la proposition de la Commission prévoit que les États membres définiraient leurs propres règles en matière de contrôles et sanctions, la Commission vérifiant uniquement que les États membres ont atteint les objectifs qu’ils ont définis dans leurs plans stratégiques nationaux en ce qui concerne l’adoption des mesures prévues. Alors que la PAC actuelle est reconnue comme étant très bien gérée avec moins de 3 % d’erreurs, les contribuables de l’UE ne seraient pas en mesure de savoir à l’avenir si les dépenses de la PAC sont gérées efficacement ou non, si sa gestion répond à des normes européennes élevées ou seulement des normes nationales ou régionales disparates.

En lieu et place, il y a lieu de refonder le dispositif de gestion de la PAC sur :

  • une conformité aux règles européennes pour laquelle chacun assume pleinement ses prérogatives et responsabilités : les Etats membres dans la mise en œuvre auprès des agriculteurs, les agences nationales de certification dans l’assurance de la bonne gestion et du respect des règles européennes, la Commission européenne dans le contrôle des agences de certification et la prise en compte de leur évaluation, sans « doublonner » les contrôles au niveau des agriculteurs ou des agences de paiement.
  • une évaluation réelle des impacts de la PAC à l’échelle de l’Union Européenne et de chaque Etat memebre, notamment pour l’environnment, en utilisant des indicateurs d’impact ajustés et efficients aptes à mesurer les évolutions obtenues en matière de séquestration de carbone, d’émissions de méthane et de nitrite, de biodiversité.

8. contribuer à mieux relever le défi de la nutrition et des habitudes alimentaires. Face aux défis de la nutrition et à l’augmentation de l’obésité dans l’UE, il est urgent de mieux comprendre le comportement des consommateurs européens et leurs attentes. Les États membres ont testé différents outils législatifs ou guides de bonnes pratiques sectoriels. Aucun n’a fait la différence, certaines mettant en danger la dimension commune du marché unique.

La PAC, par le biais de son règlement OCM, propose de soutenir certaines initiatives limitées pour lesquelles l’agriculture et la nutrition sont étroitement liées, à savoir le programme scolaire en faveur des fruits et légumes et le programme scolaire en faveur du lait.

Sur la base de l’expérience acquise, il serait pertinent d’aller plus loin et de déployer une approche plus intégrée de la nutrition et de l’agriculture en cofinançant des programmes publics et privés de nutrition dans les écoles, en développant le goût des enfants pour les aliments (produits non transformés), les compétences et le plaisir des enfants à cuisiner et en augmentant leur compréhension et leur attrait pour une meilleure nutrition, en développant en parallèle des actions scientifiques de communication sur ce sujet. Ces actions de long terme doivent être développées rapidement dans toute l’UE, en mobilisant tous les outils pertinents de l’UE.

écrit par Farm Europe