Les travaux

Croissance - 10 octobre 2018

NOTE POLITIQUE Budget Européen & Budget PAC 2021-2027 Clés de lecture des différentes analyses publiées sur les propositions de la Commission

écrit par Farm Europe

2018

Le 2 mai dernier, la Commission européenne a proposé ses orientations budgétaires pour la période 2021-2027 pour l’Union européenne et ses politiques. Depuis lors, de nombreuses analyses et commentaires ont été faits, avançant des chiffres variables quant à l’impact financier réel de ces propositions pour la PAC.

Cette note vise :

  • à décrypter ces différentes analyses qui, si elles sont toutes mathématiquement exactes, donnent des lectures très variables des propositions de la Commission ;
  • à mettre en lumière l’impact économique effectif des dites propositions sur les secteurs agricoles européens et sur les revenus des agriculteurs européens.

 

I- Un budget en hausse pour l’UE27, un budget PAC en réduction de « seulement » 5%, selon la Commission

La Commission européenne a présenté sa proposition comme un budget d’ambition pour faire face à de nouvelles priorités et relancer la dynamique européenne.

Il apparaît, parallèlement, que le budget proposé, exprimé en pourcentage du PIB de l’UE27, est en diminution par rapport à ce que représente les actions européennes actuellement financées dans les 27 Etats membres. Alors que la mise en œuvre des politiques européennes actuelles dans l’UE ramenée à 27 Etats membres représente aujourd’hui 1,16 % du PIB de l’UE27, le budget pour la période à venir est proposé à 1,11% pour financer à la fois les politiques actuelles, mais aussi ce qui est proposé comme nouvelles priorités. Il est demandé par la Commission moins d’argent que celui actuellement utilisé pour les politiques européennes existantes dans l’UE27 pour plus d’actions à financer. Celle-ci a donc renoncé à demander aux Etats membres de compenser, XXX même partiellement XXX, le départ du contributeur net qu’est le Royaume-Uni. Elle s’est limitée à demander aux Etats membres les plus contributeurs nets, qui bénéficient aujourd’hui d’un rabais sur le rabais britannique (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Autriche), d’ajuster leur contribution pour mettre fin à cette anomalie mise en place après l’accord de Fontainebleau de 1984.

De ce fait, les contributions des Etats membres proposées sont quasi stables ou en faible hausse. Par exemple, le rabais sur le rabais dont bénéficie l’Allemagne au titre d’important contributeur net représente environ 840 millions d’euros, soit à peine 3,6% de sa contribution moyenne pour la période 2010-2016.

Dès lors que la Commission a renoncé à demander des ressources supplémentaires de façon significative, le financement des dites nouvelles priorités proposées pour l’UE (défense, immigration, digital…) suppose dans le projet de la Commission de demander aux politiques existantes de couper leurs budgets à la fois pour compenser le départ du contributeur net britannique et pour financer les nouvelles politiques proposées. C’est le cas pour la PAC pour laquelle la Commission propose une baisse de 19,6 milliards en euros courants du budget sur la période, plus une perte en valeur réelle annuelle du montant de l’inflation, accentuant l’érosion engagée depuis les années 2000 du budget PAC dans le budget européen.

 

 

– Alors que la proposition budgétaire de la Commission incrémente de 2% (taux d’inflation théorique retenu) par an les contributions nationales que les EM devront payer au budget de l’UE,

– Alors que les coûts de production des secteurs agricoles et agro-alimentaires suivront vraisemblablement largement l’évolution de l’inflation en EU27,

l’expression de l’évolution du budget PAC en euros courants ne permet pas de donner une lecture réelle et objective de l’impact économique des propositions présentées sur le secteur économique agricole et agro-alimentaire européen.

 

II- Analyse conduite par le Parlement Européen : comparaison des deux périodes budgétaires rapportées en euros 2018.

 

En choisissant de comparer les financements communautaires dévolus aux différentes politiques en euros 2018 pour la période 2014-2020 et pour 2021-2027, le Parlement européen pointe une différence, pour l’actuelle rubrique 2 (essentiellement la PAC), de   -21 % entre les deux périodes, la proposition de la Commission pour la période  à venir se situant alors inférieure de 90 milliards €2018.

Il convient de noter qu’un budget 2014-2020 exprimé en « euros2018 » aboutit à un montant (nombre d’euros) plus important que celui ressortant de la décision des chefs d’Etat et de gouvernement de 2013 qui ont décidé du maintien du budget PAC en euros courants uniquement.

Parallèlement, exprimer la proposition de budget de la Commission pour la période 2021-2027 en « euros2018 »  conduit à inclure dans le calcul le manque lié à la non indexation sur le taux d’inflation pour les années 2019 et 2020, étant donné qu’il s’agit de décisions prises en 2013 qui ne seront pas remises en cause.  Par conséquent, au regard des décisions prises et acceptées en 2013 de non indexation pour la période allant jusque 2020, l’expression du budget 2021-2027 en euros 2018 augmente le manque de budget PAC proposé par la commission pour la période. Et ce d’autant que compter le manque lié à la non indexation sur l’inflation à partir de 2018 à un effet cumulatif (par multiplication chaque année par un facteur 1,02) jusque la fin de la période 2027. Le calcul du Parlement est donc mathématiquement juste. Toutefois, il amplifie la baisse du budget de la PAC étant donné que la baisse, et ce pour les deux raisons suivantes :

  • d’une part, l’inflation sur la période 2013-2020 avait été acceptée par les chefs d’Etats et de gouvernement. La Commission a naturellement pris comme année de référence, la dernière année budgétaire entérinée politiquement pour caler sa proposition. Pour analyser la capacité de la PAC à maintenir son niveau effectif en comparaison à 2020. Une analyse plus juste est de prendre l’année 2020, et de la comparer à la période 2021-2027. Cela permet d’exclure du champ de l’analyse les années pour lesquelles la Commission actuelle et les co-législateurs en cours de mandat ne sont pas comptable – les responsables de ces coupes budgétaires sont les décideurs de février 2013.
  • d’autre part, en utilisant les « euro2018 » comme base, l’analyse grossit mécaniquement de deux années d’inflation déjà actées dans le périmètre du calcul.

 

            III – Analyse de l’institut Bruegel : comparaison du budget PAC 2014-2020 exprimé en euros courants et de la proposition 2021-2027 exprimée en euros2018.

 

 

Par son analyse comparant le budget PAC 2014-2020 exprimé en euros courants (prise en compte stricte de la décision du conseil européen de 2013) avec un budget 2021-2027 traduit en euros2018, l’institut Bruegel conclut à une proposition de la Commission inférieure de -15% à ce qu’il aurait fallu pour maintenir le budget PAC à son niveau précédent exprimé en euros2018, donc pour maintenir ce budget en valeur (termes réels) 2018, manque se décomposant pour le 1er pilier par un manque de -13% et le second pilier par un manque de -23%.

Cette analyse conduit à calculer ce qu’aurait dû être la proposition de la Commission pour maintenir la valeur du budget PAC précédent en valeur réelle 2018. Par conséquent, elle s’affranchit de la décision du Conseil européen d’une PAC non indexée sur l’inflation jusque fin 2020 et revient à calculer le manque par rapport à un budget PAC qui serait indexé sur l’inflation non seulement durant toute la période 2021-2027 mais aussi dés 2019 et 2020 à raison de 2% par an, soit une majoration d’un facteur 1,0404  par rapport à un budget maintenu en termes réels uniquement sur la période 2021-2027, principe qui accepterait  ainsi la décision de 2013 des chefs d’Etats d’un budget PAC dégradé de l’inflation jusque fin 2020.

 

IV – L’approche de Farm Europe : comparaison entre le budget PAC 2020, aides versées au Royaume-Uni exclues, et la proposition 2021-2027 de la Commission – détermination du manque financier par rapport à un objectif de maintien du budget PAC pour l’UE27 en valeur réelle 2020 (euros2020).

L’approche retenue par Farm Europe vise à calculer les montants manquants dans le budget proposé par la Commission européenne pour maintenir l’intensité du budget de la PAC à son niveau décidé pour 2020.

Considérant que la décision prise en 2013 par le Conseil européen ne sera pas remise  en cause pour la période 2013-2020, la comparaison des niveaux de budgets PAC proposés par la Commission pour les années 2021 à 2027 doit alors être faite avec le niveau de la dernière année de la période budgétaire actuelle : 2020. Cette année intègre les conséquences de toutes les décisions prises en 2013.

Pour l’UE27, aides PAC versées au Royaume Uni exclues, le budget PAC 2020 se situe à 56,6 milliards €, à raison de 41,35 milliards € pour le 1er pilier et 15,3 milliards € pour le second pilier.

Maintenir pour les agriculteurs de l’UE27 ce niveau 2020 de soutiens PAC pour chacune des années de la période 2021-2027 supposerait d’accroître les sommes 2020 de 2% (taux d’inflation retenu par la Commission pour déterminer l’évolution des contributions nationales au budget de l’UE) par an, d’une année sur l’autre.

Le tableau ci-après présente (en gras) les montants qui manquent chaque année à la proposition de la Commission, pour chaque pilier, pour combler la différence entre la dite proposition de la Commission et un objectif de maintien du budget PAC en valeur réelle au niveau de l’année 2020.

Au total, la proposition de la Commission s’avère inférieure de -12% à ce qu’elle nécessiterait d’être pour remplir cet objectif, à raison d’un manque de -9,56 % (27,37 milliards d’euros sur la période 2021-27) pour le 1er pilier et d’un manque de -21% (16,23 milliards € sur la période) s’agissant du 2nd pilier.

 

Farm Europe, May 2018

Ces taux prennent en compte l’ensemble de la période. Il convient d’avoir à l’esprit que du fait de la non-compensation de l’inflation dans la proposition de la Commission, la situation se détériore d’année en année, la différence atteignant pour l’année 2027 quelque -14,85 % pour le 1er pilier de la PAC

La proposition de la Commission, du fait de ce manque important de financement alors que les aides PAC représentent en moyenne 46% des revenus agricoles dans l’UE, aurait des conséquences substantielles sur l’évolution des revenus agricoles dans les Etats membres.

Ces revenus seraient amputés du seul fait de l’évolution proposée du budget agricole, de façon très conséquente, hors impact de la réforme PAC qui sera présentée début juin. A noter que l’impact des futures propositions législatives PAC a été évalué, à budget PAC constant, par les services de la Commission. Il ressort de cette analyse d’impact une baisse supplémentaire de revenu des agriculteurs  (entre – 8% et – 10% minimum de revenus pour les agriculteurs européens) à ajouter, donc, aux baisses de revenus évaluées dans le tableau ci-dessous.

 

Impact de la proposition budget PAC de la commission sur l’évolution des revenus agricoles moyens Evolution des revenus moyens sur la période 2021-2027 (%) Impact sur les revenus moyens agricoles pour l’année 2027 (%)
Belgique -5,45 -7,48
Bulgarie -4,71 -6,46
République Tchèque -13,27 -18,19
Danemark -26,91 -36,89
Allemagne -7,07 -9,69
Estonie -5,83 -7,99
Irlande -7,44 -10,2
Grèce -5,21 -7,14
Espagne -3,10 -4,25
France -6,32 -8,67
Croatie -1,86 -2,55
Italie -3,59 -4,93
Chypre -2,32 -3,06
Lettonie -5,33 -7,31
Lituanie -7,32 -10,03
Luxembourg -10,29 -14,11
Hongrie -6,07 -8,33
Malte -0,74 -1,02
Pays Bas -3,35 -4,59
Autriche -4,71 -6,46
Pologne -3,47 -4,76
Portugal -4,96 -6,80
Roumanie -2,73 -3,74
Slovénie -3,59 -4,93
Slovaquie -60,76 -83,30
Finlande -6,69 -9,18
Suède -10,91 -14,96
UE27 -8,31 -11,39

Farm Europe – mai2018 – Evaluation de l’impact sur l’évolution des revenus agricoles européens de la proposition de budget PAC de la Commission, à PAC inchangée (PAC 2013).

 

Annexe : tableaux Commission Européenne – communication sur le budget 2021-2027

European Commission

 

 

 

 

 

écrit par Farm Europe