En juin, la commission de l’agriculture du Parlement européen a examiné l’étude de la Commission européenne sur les nouvelles techniques génomiques, à laquelle de nombreux députés ont apporté leur soutien. En Allemagne également, les principaux partis politiques ont exposé leurs manifestes politiques et pris publiquement position sur la question des NGTs. Les scientifiques de l’université […]
Les travaux
L’AGRICULTURE, SOURCE DURABLE DE PRODUITS ALIMENTAIRES ET NON-ALIMENTAIRES
Octobre 2017.
L’agriculture est fournisseur de produits non-alimentaires, ce n’est pas chose nouvelle. L’agriculture, y compris l’élevage et l’exploitation forestière, est traditionnellement fournisseur de fibres, de carburants, de matériaux de construction et d’autres matériaux tels que le cuir et les peaux.
Ce qui est nouveau, c’est le volume et la variété des produits provenant des matières premières agricoles de base, nécessitant d’importantes mises de fonds de la part des agriculteurs et du secteur agro-industriel au sens large.
Cette contribution vise à prendre la mesure de ce domaine prometteur et à souligner son importance pour l’économie.
Parallèlement aux usages traditionnels des matières premières provenant de l’agriculture, de l’élevage et de l’exploitation forestière qui demeurent importants, de nouveaux usages se sont développés rapidement au cours des dernières décennies.
Pour ne citer que les exemples les plus parlants : l’utilisation d’une grande quantité de produits agricoles et de biomasse pour la production de biocarburants, l’utilisation d’oléagineux pour la fabrication de produits oléo-chimiques, l’utilisation croissante de l’amidon dans une large gamme de produits, dont des polymères entrant dans la
composition de plastiques biodégradables, ou l’utilisation croissante de fibres dans l’industrie textile ou l’automobile.
Carburants, fibres, huiles, solvants, teintures, résines, protéines, produits chimiques spécialisés, produits pharmaceutiques, tous ces produits sont peu ou prou d’origine agricole. Ces produits présentent nombre d’avantages par rapport à des produits semblables d’origine différente, les carburants d’origine fossile en donnant un exemple :
– ils sont meilleurs pour l’environnement, générant moins de gaz à effet de serre
– ils produisent moins de déchets et de pollution
– ils sont source de bénéfices sociaux lorsqu’ils stimulent les communautés rurales par l’installation d’industries locales et par l’ouverture de nouveaux marchés pour les agriculteurs
– ils améliorent la compétitivité économique de l’agro-industrie par le biais de l’ouverture de nouveaux marchés et de l’élaboration de nouveaux produits
Cette bio-économie est également source de nombreux emplois en dehors du simple secteur agricole: dans l’UE, les produits non alimentaires d’origine biologique représentent 2,7 millions d’emplois, chiffre qui démontre à lui seul la pertinence actuelle de la bio-économie.
AMIDON, PRODUITS OLEO-CHIMIQUES ET FIBRES
Les plantes sont capables de synthétiser une gamme de composants très large. Véritables «usines cellulaires» elles contiennent des structures qui peuvent être utilisées à la fois par la physique, la chimie et la biochimie pour produire des matériaux très utiles tels que les fibres, l’amidon, les huiles, les solvants, les teintures, les résines, les protéines, la chimie spécialisée et les produits pharmaceutiques.
Certaines utilisations non alimentaires des végétaux – comme pour la production textile – sont très connues. D’autres le sont moins, comme la fabrication de plastique à partir de polymères à base d’amidon. Cela a des répercussions sur le comportement des consommateurs – par exemple dans le choix de produits écologiques ou dans la collaboration avec les stratégies de traitement des déchets du fait des avantages des matériaux biodégradables.
On utilise déjà de nombreuses applications industrielles de matériaux végétaux. On estime par exemple que 15% de la production oléo-chimique à base de plantes part sur les marchés non alimentaires. Environ la moitié des 9 millions de tonnes d’amidon produites dans l’UE à partir de maïs, de blé ou de pommes de terres part dans le non alimentaire. Ces dernières années ont vu un intérêt grandissant pour des applications particulières telle que l’usage de fibres naturelles comme matériaux de construction ou en remplacement de la fibre de verre dans les matériaux composites, par exemple dans
l’industrie automobile. Certains de ces usages se font en masse alors que d’autres intéressent particulièrement des entreprises de petite taille ou de taille moyenne à la recherche de nouveaux marchés très innovants.
Pour donner une idée de l’importance des moyens mobilisés par les agriculteurs qui produisent les matières premières, plus de 1,2 millions d’hectares à travers l’UE sont consacrés à la production d’amidon et de produits oléo-chimiques. Cette surface est l’équivalent de l’ensemble des terres agricoles de Belgique.
De même, la part des produits écologiques, renouvelables et biodégradables dans l’UE ne doit pas être sous-estimée. On trouve au premier rang la consommation de tensio- actifs dont 50% sont de source renouvelable. Il y a également un marché de plus en plus important pour les lubrifiants, les solvants et les polymères d’origine renouvelable.
La physique, la chimie et la génétique peuvent se conjuguer pour produire de nouvelles applications. La recherche dans ce domaine prometteur est une nécessité absolue et il faudrait inciter la Commission Européenne à allouer des ressources appropriées au développement des usages non alimentaires de la production agricole.
BIOCARBURANTS
Le secteur des biocarburants est l’un des exemples les plus frappants d’utilisation non alimentaire de matières premières agricoles, en particulier du colza pour la production de diésel, du blé, du maïs et de la betterave pour le bioéthanol.
En 2014, 13 millions de tonnes de biocarburants ont été produits en Europe. Le biodiésel représentait 72% du volume total, le bioéthanol atteignant 28%.
Le biodiésel
Le biodiésel est un carburant renouvelable qui peut être produit à partir d’oléagineux cultivés et transformés sur place (colza essentiellement, graines de tournesol ou soja). Aujourd’hui le biodiésel produit dans l’UE provient d’abord du colza, qui représentait 55% de la production totale en 2014, et 49% en 2015.
Le colza utilisé pour la production de biodiésel est cultivé au sein de l’UE en tête d’assolement, ce qui signifie que cette production agricole vient à la suite d’une séquence de culture céréalière, et joue un rôle vital dans la diversification des productions, la prévention des maladies des végétaux, la gestion des mauvaises herbes, la reconstitution du niveau de nutriments dans les sols et du niveau de nitrogène et dans l’amélioration de la structure des sols.
L’introduction d’espèces alternatives (têtes d’assolement) dans les séquences de cultures stimule les rendements et réduit les besoins d’apports pour les récoltes suivantes. En effet, la culture du colza diminue l’apport nécessaire d’engrais et participe ainsi à la réduction des gaz à effet de serre.
Néanmoins, la part que le colza représente dans l’ensemble des matières premières utilisée pour produire du biodiésel dans l’UE a considérablement diminué par rapport aux 100% initiaux et aux 60% de 2012. Cela est dû en majeure partie à l’utilisation croissante de l’huile de palme par de nouvelles usines utilisant de l’huile végétale hydrogénée.
En Europe, l’utilisation de l’huile de palme pour la production de biodiésel a augmenté de plus de 3 millions de tonnes par an, précipitant la déforestation à Sumatra et en Indonésie, minant ainsi les efforts initiés par le secteur agro-alimentaire qui se tourne de préférence vers une production d’huile de palme certifiée, luttant ainsi contre le développement de productions non durables.
L’huile végétale recyclée ou issue d’un usage ménager (UCO) est également utilisée pour la production de biocarburants dans l’UE, avec une part des importations qui augmente (l’huile de cuisson recyclée représentait en 2015 la troisième source de matières premières pour la fabrication de biodiésel).
Le recours à l’UCO pour la production des biocarburants nouvelle génération est controversé car les volumes d’UCO pouvant être collectés en Europe ne dépassent pas quelques litres par personne et par an ou 1% du volume de carburant diésel consommé par personne sur les routes européennes.
Ainsi tous les marchés sur lesquels ce biocarburant se développe auront essentiellement recours à l’UCO d’importation. Cette donnée est importante car, en dehors de l’Europe, l’UCO n’est pas considérée comme un déchet car elle peut être utilisée comme matière première pour l’alimentation animale. La préférence européenne pour un usage non alimentaire est tout à fait discutable et se trouve en contradiction avec la directive cadre sur les déchets qui préconise de ne jamais produire de déchets lorsque cela peut être évité.
Bioéthanol
En Europe, l’éthanol renouvelable est produit essentiellement à partir de maïs, puis à partir de blé et de sucre, d’origine européenne. En pratique, l’industrie européenne de production d’éthanol n’importe plus de matières premières non européennes.
De plus, les raffineries de l’UE produisant du bioéthanol sont les plus perfectionnées au monde en termes de co-production, générant chaque année un éventail plus important de produits de grande valeur pour la bioéconomie. Alors qu’en 2009 les bioraffineries les plus perfectionnées produisaient uniquement des aliments pour le bétail et de l’éthanol, elles fabriquent aujourd’hui éthanol, nourriture pour le bétail, huile végétale, produits nutraceutiques, alimentation humaine, bioélectricité, et engrais.
Cadre légal de l’UE
La Commission Européenne a émis des propositions dans le cadre d’une révision de la RED (directive sur les énergies renouvelables) dans le but de mettre un terme à la production de biocarburants conventionnels ou de première génération à partir de matières premières alimentaires.
Néanmoins, les faits sont très clairs : les biocarburants provenant de l’UE n’ont aucun effet négatif sur les ressources disponibles ou sur les prix. Au contraire, ils ont un impact positif sur les terres agricoles, sur la décarbonisation de l’environnement et des transports.
1) Non seulement les biocarburants d’origine européenne n’ont pas entravé la production d’alimentation humaine ou animale ….
Depuis 2008, la production de biocarburants dans l’UE a augmenté de 68% alors que les prix des denrées alimentaires ont chuté de 20% au niveau mondial.
Si l’on regarde de plus près le lien entre la production de biocarburants conventionnels dans l’UE et les approvisionnements en alimentation humaine et animale, on constate que la production européenne de matières premières utilisées pour la fabrication de biocarburants (colza, blé, maïs et sucre) a soit augmenté, ou est demeurée stable ( du fait des quotas dans le cas du sucre), grâce à des gains de productivité.
Les biocarburants d’origine européenne n’ont pas supplanté la production alimentaire humaine ou animale et n’ont eu aucun impact sur les prix. Bien au contraire, les biocarburants ont permis de lutter plus efficacement contre les revers des marchés alimentaires, apportant une certaine stabilité économique aux fermiers européens en difficulté, sans nuire pour autant à l’approvisionnement en alimentation humaine et animale. On estime que la production de biocarburants d’origine végétale génère, dans l’UE, plus de 6.6 millions d’euros de revenu direct pour les agriculteurs.
De plus, l’industrie du bioéthanol aurait crée 70 000 emplois directs ou indirects depuis que l’UE a lancé sa politique en faveur des biocarburants, et dans le même temps le secteur du biodiésel aurait créé 220 000 emplois directs ou indirects dans l’ensemble de la chaîne de production.
2) mais ils ont contribué à améliorer la sécurité alimentaire européenne et mondiale
Autre impact très positif de la fabrication de biocarburants dans l’UE – la production d’alimentation protéinée comme co-produit.
L’Europe est dépendante des importations d’alimentation animale à base de soja à hauteur de 70% pour couvrir les besoins des éleveurs. L’industrie européenne des
biocarburants transformant le colza et les céréales produit aujourd’hui environ 13 millions de tonnes par an de nourriture riche en protéines qu’il n’est plus nécessaire d’importer du continent américain.
Il est à noter que la réduction des importations en provenance du continent américain se traduit par une disponibilité alimentaire croissante de ces régions et que cela profite à tous les consommateurs à travers le monde, contribuant ainsi à améliorer la sécurité alimentaire au niveau mondial.
3) Les biocarburants européens produits à partir de matières premières européennes sont une réponse immédiate et efficace à la décarbonisation des transports
Quant à la question des avantages que les biocarburants représentent pour le climat, par rapport aux énergies fossiles, il faut noter que les transports sont responsables de 25% des émissions de gaz à effet de serre en Europe. Ce secteur est au cœur du défi climatique et les biocarburants sont une alternative aux énergies fossiles.
Les biocarburants dans l’UE doivent se soumettre à de stricts critères de durabilité permettant de s’assurer que leur production et leur usage ne nuisent pas à l’environnement. Ces critères incluent un taux minimum d’économie d’émission directe de gaz à effet e serre (35% par rapport aux énergies fossiles en 2009, atteignant 50% en 2018), ainsi que des restrictions s’appliquant aux terres pouvant être consacrées aux cultures de matières premières destinées à la fabrication de biocarburants. Les biocarburants fabriqués aujourd’hui à partir de matières premières d’origine européenne produisent des résultats encore meilleurs.
En dépit de l’intérêt économique et climatique de la production de biocarburants conventionnels, et de l’absence d’effets négatifs sur les approvisionnements en alimentation humaine et animale, la Commission propose d’en limiter l’utilisation à 3,8% de la consommation énergétique de l’UE d’ici 2030. Notons que l’UE a fixé un objectif de 7% d’utilisation de biocarburants dans le secteur des transports.
4) La Commission propose de diminuer la production de biocarburants conventionnels, sans qu’aucun fait ou aucune analyse ne viennent étayer ses propositions
Cette proposition met également en péril l’émergence de biocarburants de seconde génération qui, pour se développer, ont besoin d’un soutien fort du secteur des biocarburants conventionnels.
Ce qui rend les choses plus inacceptables encore, c’est que la Commission semble ignorer que l’UE est aujourd’hui importatrice de biocarburants. Une décision éclairée de promouvoir une production équilibrée et locale de biocarburants dans l’UE se traduira
par une baisse des importations de biocarburants en provenance de pays tiers aux pratiques durables incertaines à chaque fois que l’on produira localement davantage de biocarburants. Le volume de matières premières destinées à la production de biocarburants exportées dans l’UE par les pays tiers, diminuera, de même que les importations UE de nourriture animale. De plus, l’ensemble des pays tiers pourrait utiliser les ressources foncières ainsi libérées pour les besoins du reboisement ou de la sécurité alimentaire.
L’huile de palme figure au premier rang des biocarburants d’importation. A la suite de la proposition de la Commission portant sur les « biocarburants d’origine agricole », l’UE s’est trouvée prisonnière de la forte augmentation des importations.
Le seul élément consensuel, provenant des données scientifiques, est l’impact négatif de l’huile de palme d’origine non durable, surtout dans le contexte de la déforestation d’écosystèmes riches en carbone et en biodiversité. L’utilisation de l’huile de palme pour la production de biocarburants a augmenté, contribuant par là-même à la déforestation en Indonésie et à Sumatra.
RED II devrait être à même d’apporter une réponse adaptée à ces questions liées à l’utilisation de biocarburants à base d’huile de palme dans l’UE, au lieu d’entraver la production européenne durable de biocarburants.
Si l’objectif est véritablement de lutter contre le changement climatique tout en améliorant la sécurité alimentaire et l’emploi, il est nécessaire de promouvoir les biocarburants d’origine européenne cogénérateurs de protéines.
Il est en effet grand temps de retourner aux faits et d’affronter les positions populistes qui trouvent dans les biocarburants l’explication des famines et des pénuries. Bien au contraire, les biocarburants conventionnels sont générateurs d’emploi, d’augmentation des revenus et d’une amélioration de la sécurité alimentaire.
Le débat autour des positions actuelles de la Commission devrait fixer des cibles plus ambitieuses pour l’utilisation des énergies renouvelables dans les transports, et non les effacer. Qui plus est, les critères de durabilité appliqués aux carburants d’origine végétale devraient permettre de privilégier la production d’aliments protéinés, remplaçant les importations et libérant des terres agricoles dans les pays tiers pour la production de nourriture humaine et animale ou pour l’amélioration de l’environnement, en plus de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cela serait bénéfique pour l’environnement, créant des emplois et stimulant la croissance tout en diminuant la dépendance de l’UE vis-à-vis des importations d’huile et de nourriture animale protéinée et en améliorant la sécurité alimentaire globale.
CONCLUSION
L’agriculture, y compris l’exploitation forestière et l’élevage, est depuis toujours source de produits non alimentaires, de fibres, de carburant, de matériaux de construction entre autres matériaux tels que le cuir et les peaux.
Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur et l’étendue de la gamme de produits issus de matières premières agricoles de base, entrainant les agriculteurs et plus généralement le secteur agro-industriel dans des dépenses importantes. La vitesse à laquelle tout cela s’est mis en place récemment est aussi inédite.
La bioéconomie représente 2,7 millions d’emplois à travers l’UE, en plus des emplois dans le secteur agricole fournissant les matières premières destinées à des usages non alimentaires.
Tous ces produits présentent de sérieux avantages par rapport aux produits d’origine différente, d’origine fossile par exemple, car ils sont bons pour l’environnement, réduisant les gaz à effet de serre, les déchets et la pollution, ils sont source de progrès social en stimulant les communautés rurales par l’installation d’industries locales et ouvrant de nouveaux marchés aux agriculteurs, améliorant la compétitivité économique de l’agro-industrie par la création de nouveaux marchés et de nouveaux produits.
Les terres agricoles européennes ont, dans une très large mesure été utilisées pour des productions non alimentaires, que ce soit des biocarburants, de l’amidon, des produits oléo-chimiques ou des fibres, sans réduire l’approvisionnement en nourriture humaine ou animale, sans impact sur les prix à la consommation. La production de substances oléo-chimiques et d’amidon ont à elles seules valorisé 1,2 millions d’hectares et, dans le même temps, les productions alimentaires humaines et animales ont augmenté, du fait des gains de productivité.
La production non alimentaire est source de revenus pour les agriculteurs, elle est créatrice d’emplois dans les zones rurales les moins favorisées et elle améliore la compétitivité du secteur agro-industriel. La production non alimentaire est un sous- secteur très diversifié, qui a un avenir prometteur.
Les politiques publiques devraient encourager le développement de la bio économie par le biais, entre autres, de la recherche appliquée. Les politiques publiques devraient se baser sur la réalité des faits, étendre et renforcer les mandats existants dans le domaine des biocarburants, et ainsi contribuer à la décarbonisation des carburants utilisés pour le transport.