Les travaux

Croissance - 8 octobre 2018

Note Politique Secteurs bovins, viande et lait : Stratégies sectorielles pour assurer le dynamisme économique du secteur bovin de l’UE

écrit par Farm Europe

Septembre 2018

Dans l’Union européenne, environ 3,6 millions d’exploitations agricoles appartiennent au secteur du bétail, ce qui représente 17% de toutes les exploitations agricoles de l’UE. En termes économiques, elles contribuent pour un tiers à la valeur totale de la production agricole brute de l’UE, utilisent un tiers des terres agricoles de l’UE et emploient un quart de la main-d’œuvre agricole de l’UE.

Les principaux producteurs de bovins de l’UE sont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie, qui représentent la moitié de la valeur de la production brute.

Si l’on ne regarde que les chiffres relatifs au revenu, le niveau des revenus du secteur bovin de l’UE varie entre 2 300 et 65 000 € par an et par unité de travailleurs. En outre, il a été calculé qu’en 2016, le soutien des revenus via la PAC fournit en moyenne 57% du revenu net agricole total annuel, soit 49% dans le secteur laitier et 100% en moyenne dans le secteur de la viande bovine, respectivement.

Dans ce contexte, l’objectif de cette note est d’analyser les principales caractéristiques des secteurs du bœuf et des produits laitiers de l’UE, de souligner leurs liens et leurs conséquences potentielles et de rechercher un dosage politique équilibré entre les leviers européens, nationaux et régionaux pour parvenir à la croissance et assurer un niveau ambitieux de durabilité économique, environnementale et sociale.

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[1]Source: Research for AGRI Committee “The EU cattle sector: challenges and opportunities” – European Parliament – Policy Department B: Structural and Cohesion Policies, February 2017

http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2017/585911/IPOL_STU(2017)585911_EN.pdf

Contexte

La Commission européenne a présenté les propositions de réforme de la politique agricole commune (PAC) parallèlement aux propositions budgétaires pour la période 2021-2027 pour l’Union européenne.

Plus précisément, les revenus des agriculteurs européens seraient fortement touchés par la baisse de 12% en valeur du budget de la PAC (prix constants), qui aurait un effet particulièrement grave sur les secteurs suivants : grandes cultures, lait et viande bovine. Ceci du fait de la dépendance des revenus des producteurs de bovins, de moutons et de chèvres et de céréales au niveau des aides PAC touchées.

La viabilité des producteurs de bovins serait particulièrement compromise, alors que les paiements directs y représentent une part importante des revenus.

Graph 1. Impact d’une coupe linéaire de 10% des aides PAC au revenupar type d’agriculture.

Globalement, le budget de la PAC pour 2021-27 verrait sa part passer d’environ 38% à près de 28% du budget total de l’UE, ce qui est en partie dû au départ du Royaume-Uni et à près de 60% de la volonté de la Commission européenne d’utiliser des fonds actuels de la PAC pour d’autres nouvelles priorités de l’UE, telles que la sécurité et la migration.

Les conséquences économiques négatives découlant de la proposition de la Commission ajouteraient aux défis actuels auxquels ces secteurs économiques clés doivent faire face, à une époque de fortes pressions vers des modèles plus durables tant sur le plan économique, environnemental que sociétal. Le rôle de la nouvelle PAC devrait donc plutôt être d’accompagner et d’encourager ce développement.

L’importance du secteur du bétail de l’UE, qui comprend le secteur laitier et le secteur de la viande bovine de l’UE, ne doit pas être sous-estimée. Son importance économique en termes d’emplois à chaque étape de la chaîne de valeur, la vitalité des zones rurales, en particulier lorsque l’on considère les régions les plus vulnérables, la fourniture de biens environnementaux et de produits de haute qualité, sont indéniables.

 

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2 Ibid.

3 Link to CAP reform proposals: https://ec.europa.eu/commission/publications/natural-resources-and-environment_en

4 EU budget legal texts available here: https://ec.europa.eu/commission/publications/factsheets-long-term-budget-proposals_en

5 A decrease between 16 and 20% in constant prices.

 

Les secteurs de l’élevage et du lait ont connu des moments difficiles ces dernières années. Depuis l’abolition du système de quotas laitiers (avril 2015), le secteur doit faire face à une multiplicité de défis : la forte volatilité des prix au niveau européen et surtout mondial, la plus faible  compétitivité par rapport aux autres principaux producteurs (États-Unis, Australie, Argentine et le Brésil), la concurrence accrue entraînée par les nouveaux accords commerciaux internationaux (libéralisation progressive des échanges et exposition accrue aux marchés internationaux entraînant des risques d’oscillation des prix et des importations moins chères), l’impact du changement climatique et enfin l’attention accrue de la société en faveur de la qualité, de la sécurité, de la santé animale et des aspects nutritionnels.

Selon les dernières Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2018-2027, les prix agricoles mondiaux devraient rester limités en raison de la croissance prévue de l’offre (notamment dans les secteurs des cultures et de l’élevage), des stocks abondants et de l’évolution de la demande alimentaire mondiale. La croissance de la demande devrait ralentir pour les céréales, la viande, le sucre et les huiles végétales, mais la production laitière semble être une exception. La croissance de la demande de produits laitiers entraînerait donc une hausse des prix des produits laitiers et, par conséquent, de meilleures marges pour les producteurs.

Dans l’hypothèse où l’interdiction russe des importations de certains produits agroalimentaires de l’UE reste valable au moins jusqu’à la fin de l’année, les derniers chiffres des perspectives à court terme pour les marchés agricoles de l’UE en 2018 et 2019 anticipent une légère augmentation de la production de lait de l’UE affectée par des conditions météorologiques défavorables dans certains États membres et une augmentation de la disponibilité de viande dans l’UE (en raison de modestes augmentations de la production et de l’augmentation des importations de viande).

 

Le secteur laitier de l’UE en bref8

La production de lait a lieu dans tous les États membres de l’UE et représente une proportion significative de la valeur de la production agricole de l’UE.

Les données de la DG AGRI montrent que la production totale de lait de l’UE28 est estimée à environ 160 millions de tonnes par an (données DG Agri 2016/2017).

 

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6 Study available here: http://www.agri-outlook.org

7Source: https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/farming/documents/agri-short-term-outlook-summer-2018_en.pdf

Production mensuelle de lait de l’UE (comparaison entre juillet 2016 à juin 2017 et juillet 2017 à juin 2018)

Les principaux producteurs de l’UE sont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la Pologne, les Pays-Bas et l’Italie, qui représentent ensemble près de 70% de la production de l’UE. Plus précisément, l’UE15 représente 83% de la production totale de lait de l’UE.

En Europe, selon Eurostat, 1,7 million de fermes détiennent 23,5 millions de vaches laitières avec un rendement laitier moyen par vache laitière de 6 900 kg par an. Au cours des dernières décennies, après la suppression des quotas laitiers en 2015, conformément à l’approche d’orientation par le marché de la politique agricole commune, la production laitière annuelle par vache a régulièrement augmenté. Une explication à cela est donnée par les changements structurels de la dynamique des troupeaux laitiers avec la croissance des plus productifs. Un facteur nouveau majeur est la présence de la volatilité des prix sur les marchés laitiers (généralement mesurée par le coefficient de variation sur trois ans), notamment depuis 2006 (voir graphique ci-dessous), avec des crises en 2009 et 2012 (avant la suppression des quotas) et une crise majeure en 2015 après la suppression des quotas. Eetre 2008 et 2017, les prix agricoles ont chuté de 10%.

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8 Source: https://ec.europa.eu/agriculture/milk_en

9 For updated figures see here: https://ec.europa.eu/agriculture/market-observatory/milk/latest-updates_en

 

Comme cela est présenté dans les Perspectives agricoles de l’UE 2017-2030 établis par la Commission européenne, la variabilité des prix sur le marché mondial devrait se poursuivre et de nouveaux déséquilibres du marché se produiront.

Evolution des prix du lait cru (jusqu’à juin 2018)

À la fin de 2017 et au début de 2018, les chiffres montrent que la production de lait dans l’UE a augmenté à la suite des signes d’augmentation des prix du lait sur les marchés (prix moyen du lait dans l’UE de 34 c / kg en mars 2018).

 

 

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10 DG Agri estimates based on World Bank (https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/statistics/facts-figures/price-developments.pdf)

11 Document available here: https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/farming/documents/agricultural-outlook-2017-30_en.pdf

12 Source: https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/market-observatory/milk/pdf/market-situation-presentation_en.pdf

Prix du lait payé aux agriculteurs (UE : moyenne)

 

En termes de structures agricoles, la majorité des exploitations du secteur des bovins dans l’UE15 sont spécialisées, tandis que la production bovine dans les États membres de l’UE13 est principalement le fait d’exploitations de production mixte et de petite taille.

Sur le plan économique, le secteur laitier de l’UE apporte une contribution substantielle, en particulier pour les zones les plus fragiles, qui sont naturellement défavorisées telles que les montagnes ou d’autres régions à faible potentiel de productivité. La même chose s’applique au secteur de l’élevage de la viande.

Compte tenu du manque de productions agricoles alternatives dans ces régions, la capacité du secteur agricole à maintenir une communauté rurale dynamique devrait donc être valorisée.

C’est bien ce double aspect du secteur laitier – la dimension économique et territoriale – dont l’équilibre durable doit être assuré.

L’Union européenne est devenue au fil des ans l’un des principaux producteurs de lait au monde. Cependant, contrairement à ses principaux concurrents mondiaux (États-Unis et Nouvelle-Zélande), l’Europe ne dispose pas d’un modèle industriel unique.

 

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13 Source: DG Health and Food Safety – Overview report – Welfare of Cattle on Dairy Farms, 2017, DG(SANTE) 2017-6241

 

Il ressort quatre principaux modèles laitiers en Europe :

  • Dans les zones défavorisées (régions montagneuses, mais aussi régions intermédiaires), où la production laitière est confrontée au premier défi du renouvellement des générations, ces régions étant confrontées à des problèmes d’attractivité pour les jeunes et des tendances très différentes de la production laitière entre (i) des régions produisant des spécialités à haute valeur ajoutée et (ii) des régions produisant du lait en tant que « denrée de base»;
  • Dans les régions productives, il existe deux principaux modèles industriels : (iii) un modèle à forte intensité de capital reposant principalement sur l’achat d’aliments pour animaux et (iv) un modèle mixte reposant principalement sur les aliments produits à la ferme.

Instruments politiques et contexte

Après la suppression des quotas laitiers, et malgré les efforts déployés  visant à accroître le pouvoir des producteurs de lait et à rééquilibrer la chaîne d’approvisionnement laitière, le secteur laitier de l’UE n’était pas prêt à affronter la crise de 2015. Diminution des demandes sur les marchés mondiaux, sans cadre européen efficace pour faire face à cette situation de crise, des réactions individuelles erronées se traduisant par une augmentation des litrages pour tenter de compenser la baisse des marges, il a fallu près d’un an aux autorités publiques européennes pour résoudre les dysfonctionnements des marchés et stabiliser les marchés laitiers et pour penser qu’il est moins coûteux et beaucoup plus efficace de réduire la production que de gérer des stocks importants provenant d’un niveau de surproduction.

Ce devrait rester un enseignement pour l’avenir.

En effet, si les perspectives actuelles des marchés mondiaux des produits laitiers sont positives, la capacité du cadre réglementaire de l’UE à gérer des épisodes de volatilité extrême ou de crise après le régime des quotas suscite certaines inquiétudes quant à sa faculté de donner un cadre à un développement équilibré de la production laitière en Europe.

Au delà des programmes de paiements directs et de développement rural, le secteur laitier de l’UE peut avoir accès aujourd’hui face à des crises aux mesures / outils de marché14 suivants :

  • L’intervention publique disponible (entre le 1er mars et le 30 septembre de chaque année) pour le beurre et le lait écrémé en poudre. Avant janvier 2018, elle étaient ouverte automatiquement, depuisune limite quantitative pour l’achat de lait écrémé en poudre à un prix fixe de zéro tonne pour 2018 a été fixée.

Le beurre est acheté à l’intervention à raison de 2 217,5 € / t (90% du seuil de référence) et le lait écrémé en poudre à 1 698 € / t (seuil de référence) jusqu’à une limite de 50 000 tonnes pour le beurre et 109 000 tonnes pour le lait écrémé en poudre. Au-delà de ces limites, les achats ne peuvent se poursuivre que par adjudication (il convient de noter que les prix ne peuvent être supérieurs au seuil de référence pour le lait écrémé en poudre et ni dépasser 90% du seuil de référence pour le beurre) ;

  • Si la situation du marché l’exige, d’autres instruments peuvent être activés : une aide au stockage privé pour les fromages, le beurre, SMP peut être fixée (mesure facultative) ;
  • L’OCM réformée en 2013 permet à la Commission de mettre en œuvre toute mesure exceptionnelle jugée nécessaire en période de crise (déséquilibres sévères du marché), y compris la possibilité d’autoriser les organisations partenaires, les associations d’organisations de producteurs et les organisations interprofessionnelles à prendre des mesures de régulation du marché, telles que le retrait des produits excédentaires du marché, le stockage privé, etc.
  • La protection à la frontière est élevée pour les produits laitiers, limitant pratiquement les importations en provenance de pays tiers aux quantités négociées dans le cadre d’accords bilatéraux ou résultant de l’accord de l’OMC. Plus précisément, un régime d’importation est appliqué aux produits laitiers entrant dans l’UE. Les importations préférentielles sont subordonnées à la délivrance d’une licence d’importation et, en général, au paiement d’un droit d’importation (tarif). S’agissant des exportations, depuis 2009, elles ont toutes été effectuées sans restitution à l’exportation ;
  • Un « paquet lait » a été adopté en 2012, augmentant le pouvoir de négociation des producteurs de lait, permettant aux États membres de déclarer des contrats écrits obligatoires entre agriculteurs et acheteurs de lait, facilitant la structuration des producteurs de lait en OP, AOP, donnant aux agriculteurs la possibilité de négocier collectivement les conditions contractuelles via les OP, en permettant la gestion de l’offre pour les fromages AOP / IGP et en améliorant la transparence.

Il convient de souligner que presque tous les États membres ont adopté des critères nationaux pour la reconnaissance des organisations de producteurs (OP), même si ce n’est que récemment. La création d’OP nécessite du temps et une forte dynamique de la part des agriculteurs eux-mêmes. Des incitations pour encourager les agriculteurs à conclure des accords de production conjoints ont été prévues dans la politique de développement rural réformée (aide à la création d’OP, nouvelles mesures de coopération et éligibilité de groupes d’agriculteurs pour une série de mesures de développement rural).

 

14 Source: https://ec.europa.eu/agriculture/milk/policy-instruments_en

15 See here: http://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2018/01/29/skimmed-milk-powder-council-modifies-rules-on-public-intervention-to-help-the-market/

 

  • Le Programme de distribution de lait dans les écoles accorde une aide pour la fourniture de lait aux élèves des établissements d’enseignement, contribuant ainsi à créer des habitudes de consommation saines chez les enfants. Dans le cadre de la réforme de la PAC 2020, les États membres doivent avoir une stratégie pour la distribution du lait scolaire avant de bénéficier de l’aide. Une nouvelle initiative suivie d’un accord politique en 2015 a débouché sur un système unique de l’UE pour la distribution gratuite de lait, fruits et légumes dans les écoles ;
  • Les normes de commercialisation s’appliquent aux produits laitiers, au lait de consommation et aux graisses à tartiner, en vue de fournir aux consommateurs les informations nécessaires pour faire des choix éclairés ;
  • Avec sa politique de promotion, les priorités stratégiques pour la promotion des produits agricoles de l’UE et les critères de financement sont définies par la Commission via un programme de travail annuel. Un total de 179 millions d’euros est disponible pour les programmes de promotion sélectionnés pour le cofinancement de l’UE en 2018.
  • Un observatoire du marché du lait a été lancé le 16 avril 2014 pour accroître la transparence du marché et aider les acteurs de la chaîne d’approvisionnement en lait et les pouvoirs publics à prendre des décisions éclairées. Une interface Web a été créée pour permettre à toute personne intéressée d’accéder aux dernières actualités du marché du lait, aux données et aux analyses à court terme sur le marché des produits laitiers.

Il y a deux ans, un programme de réduction de la production laitière connu sous le nom de « Système de gestion volontaire des approvisionnements dans le secteur laitier » a été introduit en tant que mesure exceptionnelle « ponctuelle ». Afin de réduire la production de lait, le régime offrait aux agriculteurs, qui acceptaient de réduire leur production de lait, 14 centimes d’euros par kilogramme de réduction de production de lait sur une période de trois mois (par rapport à la même période l’année précédente). Les États membres ont également eu la possibilité de compléter ce montant par des fonds de l’UE distribués sous forme d’enveloppes nationales pour un soutien supplémentaire. Les producteurs laitiers ont donc été payés en fonction de la réduction effective de la production.

En juillet 2016, la Commission européenne a mis in fine en œuvre cette mesure volontaire, après quelque réticence. Cette mesure visait à aider les agriculteurs à faire face à la grave crise qui frappait le secteur et à rééquilibrer le secteur laitier. Cette décision fait suite aux mesures précédentes (fin 2015) où les fonds de l’UE ont été distribués aux États membres (enveloppes financières par État membre). L’impact de ces enveloppes a été un échec en termes économiques. À l’inverse, le programme de réduction volontaire de la production de lait de l’UE, financé à hauteur de 150 millions d’euros, s’est avéré un succès: les chiffres nationaux montrent que près de 48 000 producteurs laitiers ont participé à ce programme. En d’autres termes, il a été signalé que «sur le budget initial de 150 millions d’euros, près de 112 millions d’euros ont été utilisés pour compenser les efforts des agriculteurs». Cette mesure exceptionnelle a également eu un impact substantiel sur les prix du marché du lait de l’UE, dont la moyenne à la mi-2017 a enregistré une augmentation par rapport aux mois précédents.

Défis, dynamiques et changements structurels

Le secteur laitier européen est confronté à plusieurs défis simultanés :

  • volatilité des prix, accrue et récurrente ;
  • crises de marché fortes ;
  • manque de compétitivité ou stagnation dans certaines régions ;
  • rentabilité, en termes de capacité à maintenir les producteurs de lait et la production laitière dans toute l’Union européenne en raison des coûts de production divergents par rapport aux conditions naturelles ;
  • Âge de la population laitière ;
  • organisation de l’industrie, ainsi que les relations dans la chaîne d’approvisionnement en lait entre les agriculteurs, les transformateurs et les détaillants ;
  • Recherche et innovation : l’attrait de l’industrie et sa rentabilité ne pourront être améliorés que par la mise à niveau des technologies et des compétences, ce qui nécessitent des investissements et des politiques ciblés;
  • Nouveaux débouchés : le marché européen est un marché arrivé à maturité et la croissance future de l’industrie laitière dépendra des exportations. C’est également un facteur clé, capable d’assurer la viabilité de l’industrie laitière européenne. Selon les dernières projections des Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO, la part des exportations de l’Union européenne atteindrait environ 28% en 2026.

Depuis 2007, l’environnement économique mondial évolue rapidement. La volatilité du marché a augmenté, tant en fréquence qu’en amplitude, et cela est particulièrement vrai dans le secteur laitier, compte tenu de sa dépendance à l’égard des exportations et de la sensibilité particulière de la production laitière en Europe aux variations soudaines des prix sur les marches internationaux du lait en poudre et du beurre.

L’Union européenne doit donc permettre au secteur laitier de :

  • maintenir sa présence dans l’ensemble de l’Union européenne;
  • Investir de manière significative pour renforcer sa compétitivité sur les marchés mondiaux;
  • être suffisamment résistant aux fluctuations du marché;

Il est donc nécessaire de déployer et de structurer des stratégies sectorielles pour le secteur laitier et d’analyser le juste équilibre entre les actions et les outils européens et les niveaux régional / national, en trouvant des moyens plus efficaces de renforcer la compétitivité et la durabilité de l’offre laitière. UE.

Comme mentionné ci-dessus, en Europe, il existe des régions de lait compétitives et moins compétitives, sans alternative autre que la production de lait, et où la production de lait est associée à des coûts supplémentaires dus aux conditions inhérentes aux conditions naturelles locales

La rentabilité des exploitations agricoles, « capacité à générer des bénéfices », est déterminée par un certain nombre de facteurs financiers, immobiliers et macroéconomiques, ainsi que par des déterminants sectoriels structurels et leurs caractéristiques technologiques et économiques individuelles. En se concentrant sur l’unique aspect de la marge économique des exploitations agricoles, l’étude développée en 2017 par l’Université des sciences de la vie de Poznan (voir Réf.12) montre que «le niveau de la marge est un indicateur synthétique de la situation financière, qui influe fondamentalement sur l’évaluation de la capacité concurrentielle des exploitations et donc de leur capacité à poursuivre leurs opérations».

L’étude présente des résultats intéressants :

  • «les revenus de la production de lait dans l’UE-28 dépassent 51 milliards d’euros et représentent environ 32% du revenu total de la production animale et environ 14% du revenu total de la production agricole;
  • la production laitière spécialisée est menée dans l’UE par plus de 572 000 exploitations, soit 5,3% de toutes les exploitations (données tirées de «l’enquête sur la structure des exploitations agricoles, 2013»);
  • Les exploitations laitières spécialisées poursuivent leur activité sur une superficie d’env. 20 millions d’hectares, soit environ 11% des terres agricoles utilisées dans l’UE ;

En utilisant des paramètres de modèle de régression spécifiques, l’auteur démontre que la variabilité de la marge de production laitière dépend principalement des caractéristiques suivantes : superficie fourragère, taille du cheptel, rendement laitier des vaches, prix du lait, coûts énergétiques et coûts de rémunération.

Tout en regardant la dynamique dans le secteur, les points suivants sont soulevés:

– le secteur des fermes laitières de l’UE a connu une augmentation marquée à la fois de la taille des vaches, de la superficie fourragère et de la production laitière;

– la capacité de production des exploitations laitières a été fortement associée à une augmentation de la production laitière, de la productivité de la superficie fourragère

et de la productivité du travail. Une forte variabilité entre les fermes laitières des pays de l’UE a été enregistrée, ainsi que différents paramètres technologiques et économiques.

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16 Source: ZBIGNIEW Gołaś DOI: 10.5604/00441600.1245843 University of Life Sciences
Poznań Problems of Agricultural Economics 3(352) 2017, 19-40

Un exemple est fourni en comparant les données de 2013, qui montrent que la marge laitière nette la plus élevée a été enregistrée dans des exploitations agricoles en Roumanie et en Italie, qui diffèrent par divers paramètres. Les exploitations laitières en Roumanie ont de faibles coûts d’exploitation, coûts fixes et coûts liés à des facteurs externes, qui, comme indiqué dans l’étude, malgré des prix du lait relativement bas, ont permis une marge de production élevée. En Italie, l’élevage de vaches laitières est pratiquée à plus grande échelle, ce qui se traduit par une productivité du travail et une production de lait élevées.

L’étude fournit également des comparaisons supplémentaires en s’attaquant à la faible rentabilité de la production laitière dans certains pays de l’UE tels que la Slovaquie ou la République tchèque. Ce qui a été trouvé comme «facteurs communs» sont:

– la grande échelle de production, mesurée par le nombre de vaches et le volume de production de lait par ferme;

la faible productivité du travail par rapport à la moyenne de l’UE;

– des prix bas obtenus et des coûts élevés par unité de production ;

– une intensité de production de lait élevée

En ce qui concerne les marchés mondiaux, différents facteurs doivent être pris en compte :

  • La production mondiale de lait s’est redressée ces dernières années et les perspectives d’avenir sont optimistes, en particulier pour les pays en développement (Pakistan et Inde en particulier). Selon les dernières estimations de la DG Agri, qui correspondent à celles de l’OCDE et de la FAO, la production mondiale de lait en 2030 devrait enregistrer une augmentation annuelle de 16 millions de tonnes, comparable à la croissance annuelle moyenne de la dernière décennie.

Aperçu des marchés laitiers – Comparaison avec les principaux producteurs mondiaux

– Nouvelle-Zélande (principal exportateur mondial de produits laitiers avec une part de 32%, principale pourvoueyr de beurre et de lait entier en poudre): l’augmentation du nombre de vaches et la progression des rendements ont entraîné une augmentation de la production laitière ces dernières années.

La productivité devrait y augmenter à un rythme moins rapide

 

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17 With a linear causality between farms’ characteristics with their margin, except for cow herd size.

 

  • La production de lait de l’Australie se redresse lentement ;
  • Les États-Unis ont enregistré une hausse de la production laitière (+ 1,76% en mai), entraînée par : + 0,8% d’augmentation du nombre de vaches, + 1% de rendement et des conditions météorologiques favorables. Une légère augmentation de la consommation par habitant est également attendue ;
  • La demande et les exportations mondiales : les exportations de lait écrémé en poudre ont été dynamiques mais le marché s’est affaibli en 2017 (en raison du ralentissement de la demande) ; augmentation de la demande de fromage, tandis que le commerce du beurre a été affecté par les prix élevés et le manque de disponibilité ;
  • Développement de la politique commerciale de l’UE (Canada, Japon, Australie): augmentation potentielle des exportations vers le Canada via l’accord CETA;
  • Le rôle de la Chine: principal importateur de produits laitiers – incertitude majeure pour le moment – impact important sur les marchés mondiaux;
  • Brexit : l’impact d’un Brexit dur serait très lourd pour les secteurs du bœuf et des produits laitiers de l’UE. D’un côté, cela ajouterait à l’impact de tous les accords de libre-échange négociés par l’UE, amplifiant les conséquences négatives. Des quantités supplémentaires de viande bovine moins onéreuses atteindraient le marché intérieur, déstabilisant ainsi ce secteur. En ce qui concerne le lait et les produits laitiers, le tableau ne diffère pas: le Brexit exercera une pression considérable en raison de la concurrence accrue sur le marché britannique pour les exportateurs de l’UE.

Aperçu interne – L’exemple des Pays-Bas en tant que «pays laitier»

Analyse et discussion de l’étude : « Grondgebondenheid, aussi base voor een toekomstbestendige melkveehouderij » 12 avril 2018

Les Pays-Bas sont considérés comme un grand pays laitier grâce à la combinaison de précipitations suffisantes, de sols appropriés et d’hivers doux. La production laitière est le plus grand utilisateur de terres du pays.

La production laitière aux Pays-Bas a radicalement changé dans les années 50, principalement grâce au progrès technique. La production de lait par vache et par hectare a considérablement augmenté. De meilleurs soins et un meilleur logement pour les animaux, une reproduction moderne, des aliments pour animaux sophistiqués, des engrais artificiels et une meilleure qualité de l’herbe ont été les facteurs d’évolution.

 

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12 Source: http://www.fao.org/3/a-BT100e.pdf

 

L’agriculteur disposait de suffisamment de terres pour produire de l’herbe et du maïs pour les vaches et pour utiliser au mieux le fumier de ces vaches pour la croissance de l’herbe et du maïs.

Au cours des dernières années, les producteurs laitiers néerlandais ont entamé un processus de restructuration en investissant et en se développant.

L’industrie laitière devenant année après année plus intensive, l’agriculteur devait transporter plus de lisier vers d’autres entreprises agricoles et acheter plus de fourrage provenant de tiers, avec des conséquences sur la nature, l’environnement et le paysage.

Focus sur le défi économique

Au lieu de produire de plus en plus de lait à un prix de revient inférieur, le défi pour l’élevage laitier néerlandais est de rechercher une production à plus forte valeur ajoutée. Cependant, le processus de restructuration de plus en plus important vers une production laitière à grande échelle, associé aux coûts de financement et à une production accrue par vache, montre ses limites dans le contexte néerlandais.

Dans ces circonstances, une attention particulière est accordée à « l’exploration de marchés de niche», étant donné la demande intérieure dans l’UE assez stagnante.

Cependant, il ne s’agit que de l’une des stratégies commerciales envisageables, car seul un segment de consommateurs est actuellement prêt à payer un prix supplémentaire pour cela.

Il convient de noter que un grand défi à relever par les secteurs du lait et de la viande bovine est peut-être de trouver un moyen d’améliorer l’efficacité et la productivité des méthodes de production tout en augmentant leur rentabilité grâce à une bonne communication envers les consommateurs alors que les aspects environnementaux et socio-éthiques / nutritionnels, tels que le bien-être animal, l’impact climatique de l’élevage, les régimes alimentaires sains sont de plus en plus prégnants.

Autonomie du secteur en matière première

Un défi substantiel s’avère aussi être celui d’un niveau plus élevé d’autosuffisance des filières bovines.

La culture de protéines sur l’exploitation ou dans la région doit permettre aux agriculteurs d’être moins dépendants des importations mondiales de protéines dont l’évolution des prix devient de plus en plus volatile et dont le prix devrait augmenter au cours de la période à venir.

 

Questions / problèmes à aborder pour définir une politique efficiente

  • Lutter contre la volatilité et les crises du marché grâce à de nouveaux outils et à davantage de solidarité dans la chaîne alimentaire de l’UE ;
  • Stimuler les investissements ciblés pour accroître à la fois la compétitivité et la durabilité ;
  • Promouvoir la qualité de l’UE (sécurité, qualité des produits et qualité des modes de production) sur les marchés de l’UE et dans le monde entier ;
  • Donner de la valeur aux sous-produits (énergie)
  • Soutenir les agriculteurs par la formation et les conseils
  • gérer efficacement les organisations de producteurs ;
  • Adopter des outils efficaces et abordables pour améliorer les pratiques moins durables (par exemple, gestion du fumier / azote) ; avoir des normes communes UE et assurer la perception sur le marché mondial des produits de haute qualité de l’UE ;
  • Des stratégies de développement économiques intégrées sectorielles avec des outils ciblés et des moyens financiers, mobilisés de manière flexible, pour accompagner la mise en œuvre de ces stratégies

Actions : UE, nationales et régionales / locales

Sur la base des éléments énumérés dans le paragraphe ci-dessus, des actions efficaces à différents niveaux (UE, national et local) pourraient être structurées.

En particulier, au niveau local / régional, l’accent pourrait être mis sur le processus de structuration – à la fois en structurant mieux le secteur agricole en amont et en renforçant le poids de l’amont, voire en accompagnant des reconversions.

Les stratégies intégrées sectorielles doivent être flexibles quant à la possibilité de mobiliser des outils (investissements spécifiques, formation, plan de sortie) de la PAC.

En termes pratiques :

  • Comment lutter efficacement contre la volatilité des marchés et des prix? Des outils de gestion des risques plus efficaces devront déployés via la nouvelle PAC et en faisant fructifier les acquis du règlement Omnibus
  • Situations de crise : Un fonds européen de gestion de crise dans le secteur agricole, financé par une réserve de crise pluriannuelle dotée suffisamment, prenant le relai des outils IST lorsque les risques deviennent des crises profondes (voir note Farm Europe correspondante).
  • Stratégies innovantes pour assurer et renforcer la compétitivité du secteur, pour conserver la dynamique récente. Rôle de l’innovation, de la recherche et de la technologie : en termes d’amélioration des infrastructures, de génétique.
  • Améliorer la capacité du secteur à s’organiser (c’est-à-dire via les relations contractuelles / commerciales, la participation des producteurs laitiers aux OP reconnues) ;
  • Renforcer la capacité de négocier les prix et les volumes ;
  • Action d’exportation efficace et partagée ;
  • Assurer un meilleur positionnement en fonction de la valeur du produit et du marché cible;
  • Sur le marché intérieur: aborder les questions liées à la nutrition et à la santé concernant les produits laitiers – changements des habitudes alimentaires – réponse aux attentes des consommateurs / de la société – qualité nutritionnelle des produits laitiers (source de calcium et de protéines) – lien avec les méthodes de production – diversité de produits ;
  • Pour les régions moins compétitives :
  1. rôle des produits AOP / IGP ;
  2. stratégies sectorielles régionales sur mesure pour les régions moins compétitives sans atouts spécifiques AOP / IGP ; stratégies basées sur la structuration, les investissements innovants et les développements de coproductions (y compris l’énergie).
  • Engagements / actions en matière de durabilité environnementale : renforcer la capacité du secteur à répondre aux attentes et aux préoccupations des consommateurs en matière de résidus, de traitements et d’atténuation du changement climatique ;
  • Engagement du secteur dans le domaine du climat : s’appuyer sur les réalisations de la période 1990-2010 et faire de nouveaux pas en avant ;
  • Développer le concept d’économie circulaire.

S’agissant de la « dimension de durabilité environnementale » dans son ensemble, qui représente l’un des défis auxquels le secteur agricole de l’UE doit faire face, un programme européen ambitieux de double performance (économique et environnementale) devrait être déployé.

Plus précisément, accroître la diffusion des méthodes / pratiques de production agricole de technologie innovante dans les secteurs de la viande bovine et des produits laitiers permettrait d’obtenir des résultats concrets dans l’optimisation des intrants, réduisant ainsi l’impact environnemental des secteurs agricoles concernés et renforçant leur compétitivité.

Alors que le taux d’adoption de ces techniques agricoles (agriculture de précision et numérique) reste faible et diffère largement entre les États membres de l’UE, la nouvelle PAC devrait accompagner la transition par un programme ambitieux et clair.

 

Le secteur du bœuf de l’UE en bref 

Le secteur européen de la viande bovine est à la base du tissu économique de nombreuses zones rurales de l’Union européenne. Il fournit un grand nombre d’emplois à chaque étape de la chaîne de valeur, de la ferme au point de vente.

Dans ce contexte, le cheptel allaitant – un segment important du secteur de l’élevage de l’UE – est un acteur clé, non seulement parce qu’il fournit plus du tiers de la viande bovine consommée dans l’UE, mais aussi du fait de son poids dans les agricultures en Irlande, en France, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie, au Portugal et, de plus en plus, en Pologne.

Un segment de niche est également présent dans de nombreux autres États membres de l’UE, la demande augmentant dans des pays comme la Finlande et la Suède.

Ce système d’élevage spécialisé ne peut être remplacé par d’autres activités agricoles non animales du fait du profil agronomique de la terre ainsi mise en valeur.

Cependant, la contribution de ce secteur spécifique à l’économie de l’UE est trop souvent sous-estimée.

Le secteur européen de la viande bovine est sans aucun doute l’un des secteurs agroalimentaires les plus importants d’Europe, sinon le plus important, en termes de développement local et d’emploi, dans plusieurs régions de l’UE.

Cependant, malgré les mesures publiques et de nombreuses initiatives privées, ce secteur est confronté à des crises structurelles et récurrentes depuis près de deux décennies.

Les changements continus dans les modes de consommation, les évolutions technologiques, les politiques et le commerce international assurent un avenir particulièrement incertain pour ce secteur, ou du moins un avenir délicat à lire.

Dans ce contexte, le secteur est confronté à un défi majeur : croître et se développer, malgré les incertitudes du futur, et construire une stratégie politique et économique collective, saisir les opportunités qui se présentent tant sur le marché intérieur européen que sur les marchés extérieurs, ainsi qu’entretenir un nouveau lien avec les citoyens-consommateurs.

Instruments politiques disponibles

En tenant compte de la politique de l’UE en regard des politiques menées par les États-Unis, le Brésil et l’Argentine, des conclusions peuvent être tirées secteur face à ces défis nouveaux.

L’organisation commune de marché couvre le secteur de la viande bovine, avec des instruments de marché initialement conçus pour stabiliser le secteur lorsque cela était jugé nécessaire par :

  • Intervention publique : qui peut être ouverte par la Commission si, sur une période représentative, le prix moyen du marché dans un État membre ou dans une région d’un État membre est inférieur à 85% du seuil de référence (2224 EUR / tonne). Depuis la réforme de 2013, l’intervention est devenue dépendante de la volonté de la Commission, au lieu d’être déclenchée automatiquement dès que le prix de seuil est atteint. Cependant, la mise en œuvre de cet outil est très improbable compte tenu du niveau du seuil. Lors de la crise de 2001, par exemple, le prix de la viande de bœuf de l’UE avait atteint 2318 euros / t (OCDE) ;
  • Aide au stockage privé : la Commission peut décider d’octroyer une aide au stockage privé en tenant compte des prix moyens du marché, des seuils de référence et des coûts de production des produits concernés, ainsi que de la nécessité de réagir rapidement à une situation de marché défavorable sur les marges dans le secteur ;
  • Contingents tarifaires à l’importation : l’Organisation commune de marché (OCM) habilite la Commission à définir les mesures de gestion des contingents d’importation. La plupart des contingents tarifaires convenus pour le secteur de la viande bovine sont gérés par la DG AGRI ;
  • Négociation collective : les organisations de producteurs du secteur de la viande bovine peuvent négocier des contrats pour l’approvisionnement en bétail vivant sous certaines conditions. Pour chaque organisation, la quantité de viande de bœuf et de veau couverte ne doit pas représenter plus de 15% de la production nationale totale;
  • Mesures exceptionnelles de soutien du marché : mesures pouvant être décidées et mises en œuvre par la Commission en cas de maladie animale ou de perte de confiance des consommateurs ;

Ces mesures complètent les régimes de soutien direct existants de la PAC actuelle, qui comprennent des régimes obligatoires pour tous les États membres – paiement de base (ou paiement unique à la surface) par hectare et régimes volontaires (facultatifs pour les États membres). Les États ont la possibilité de fournir des montants limités de paiements « couplés » (entre 8 et 13% de l’enveloppe nationale) aux secteurs ou régions où certains types d’agriculture ou certains secteurs agricoles spécifiques rencontrent certaines difficultés et sont particulièrement importants pour l’économie et / ou des raisons sociales et / ou environnementales. La Commission a la possibilité d’approuver un taux plus élevé lorsque cela se justifie.

Avec les nouvelles propositions de la PAC, la Commission européenne propose que les 13% soient rapportées à 10% et ajoute la possibilité de mettre en place des programmes opérationnels à hauteur de 3% de l’enveloppe nationale du 1er pilier. En outre, la proposition de réforme proposée vise à fusionner le verdissement actuel de la PAC et la conditionnalité en vigueur dans une nouvelle conditionnalité élargie s’appliquant à 100% de l’aide du 1er pilier. Les États membres seraient en charge de définir le champ d’application de certaines de ces nouvelles exigences de conditionnalité. Les exemptions actuelles de verdissement ne seraient plus valables.

En outre, une nouvelle mesure est proposée dans le premier pilier pour financer de nouvelles actions environnementales (éco-régime). Cette mesure est destinée à financer la mise en œuvre des exigences environnementales allant au-delà de la nouvelle conditionnalité.

Au fil des ans, le secteur européen de la viande bovine, et en particulier le secteur des vaches allaitantes, n’a pas été en mesure de se redresser et de développer une rentabilité à long terme. Par conséquent, les politiques actuelles devraient être interrogées et analysées avec une approche stratégique.

Principaux objectifs à atteindre par une stratégie sectorielle

Améliorer :

  • Le pouvoir des organisations de producteurs dans la chaîne alimentaire ;
  • La structuration des producteurs en organisations plus puissantes ;
  • Action conjointe entre les agriculteurs et à travers la chaîne d’approvisionnement alimentaire afin de favoriser l’utilisation efficace des ressources, le développement de produits et les possibilités de commercialisation
  • Productivité et compétitivité ;
  • Segmentation des marchés du bœuf et stratégies corrélées du marketing mix
  • Stratégies régionales de (re) structuration du secteur et de sa composante agricole
  • Utilisation d’instruments de gestion des risques et de stratégies de prévention
  • Investir dans la double performance du secteur : lier augmentation de la rentabilité et performance environnementale et climatique

 

Défis – Focus sur le boeuf

Aspects politiques : les filets de sécurité mis en place se sont avérés inefficaces pour le secteur et les primes destinées à compenser une politique visant une orientation par le marché n’ont pas modifié la difficile réalité économique des agriculteurs européens dont les revenus sont modestes et dépendants de l’aide PAC. Une partie de ces aides (notamment les paiements couplés) est absorbé par les autres acteurs du secteur — le travail des producteurs n’est pas récompensé par le marché comme il se doit.

D’autres acteurs, notamment les abattoirs, peuvent avoir un faible niveau de rentabilité. De plus, le secteur ne répond pas aisément aux stratégies sur le court terme et les investissements prennent entre 15 et 20 ans pour avoir un impact réel.

Aspects sanitaires et nutritionnels : depuis la fin des années 1990, la perception de la viande bovine par le public a changé. Alors qu’avant les nutritionnistes estimaient que les produits carnés constituaient un élément central d’une alimentation équilibrée, les crises sanitaires multiples et le débat entourant le changement climatique ont transformé l’image de la viande et sa place dans les recommandations nutritionnelles. Le marché mondial évolue aussi, les puissances traditionnelles – les pays développés – se concentrant sur la valeur, tandis que les puissances émergentes, plus diversifiées, ont des exigences très différentes en termes de qualité. En outre, les industries du bétail sont également touchées par le changement climatique, la hausse des températures étant associée à des pressions épizootiques de plus en plus importantes et diverses.

Aspects économiques : les industries de l’élevage sont affectées par la mondialisation économique et par l’ouverture des frontières. Par contre, souvent en territoires isolés, ils ne bénéficient pas immédiatement de la dynamique économique générée par l’ouverture de nouveaux marchés et le développement de nouvelles technologies. Ils font face à un défi à plusieurs facettes :

  • Le paradoxe d’être contraint à se tourner vers le marché mondial – où les principales opportunités de croissance se trouvent – tout en étant affaibli par ce même marché mondial, où les opérateurs hautement intégrés posent une concurrence féroce, bouscule les fondamentaux du secteur. Cela est particulièrement vrai face le Brésil, qui a transformé la viande de bœuf en une « commodité » – au cours de la dernière décennie, la productivité par tête a augmenté de 25% et le pays produit 9,92 millions de tonnes de bœuf et de veau, soit 16.85% du total mondial (2014 USDA). De fait, pratiquement tous les accords de libre-échange en cours de négociation par l’Union européenne placent l’industrie dans une position défensive (Mercosur, TTIP et Australie, en particulier).
  • La difficulté du secteur à maîtriser son propre destin, compte tenu de la concurrence du cheptel laitier sur le marché de la viande bovine, cheptel laitier qui fournit environ 60% de la viande bovine consommée en Europe. Si le cheptel laitier était auparavant limité par les quotas européens et en déclin en raison de la productivité accrue des vaches laitières, la stratégie expansionniste actuelle de la filière laitière européenne fait bouger les lignes et met une pression sur les éleveurs spécialisés.
  • Un scénario d’un secteur «à trois niveaux» de l’UE avec un secteur en Europe de l’Est axé sur des coûts de production faibles pour profiter de leur compétitivité, passant du lait à la viande; un secteur caractérisé par de plus grandes exploitations axées sur l’élevage de bovins en association avec des cultures arables et du fourrage pour leur propre consommation et produisant suffisamment pour acquérir un certain pouvoir de négociation – au moins localement (vente semi-directe, contrats réguliers); et un secteur de petites exploitations sans pouvoir réel de négociation.

Un besoin d’action de la part de l’UE

Face à cette situation morose, il existe néanmoins de réelles perspectives pour filière  européenne vaches allaitantes, qui peut compter sur sa capacité de résilience et l’attachement remarquable de la communauté de l’élevage – mobilisée, passionnée par son travail et possédant un savoir-faire étendu, réputé dans le monde entier – associé à des produits possédant une identité extrêmement forte.

En termes de croissance et d’emploi, l’Europe a manqué le premier boom mondial de la viande bovine, dépassé par les acteurs émergents, notamment le Brésil (graphique 1). L’UE est néanmoins un challenger important.

Le secteur constitue le cœur économique de nombreuses régions isolées et peut constituer, dans ces régions, un véritable point d’appui pour la relance de l’emploi autour de produits à forte identité. Le potentiel de croissance des pays en développement est loin d’être épuisé : la consommation de viande de bœuf par habitant y reste trois fois inférieure à celle des pays développés.

Selon l’OCDE, la demande mondiale de protéines animales devrait augmenter de 1,6% par an au cours des dix prochaines années, sous l’effet de la croissance des revenus et de l’urbanisation. Au total, 58 millions de tonnes de plus seront consommées en 2023 par rapport à 2011-2013, cette augmentation étant concentrée principalement en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Il devrait en particulier bénéficier aux secteurs de la viande de volaille et de viande ovine, mais toutes les viandes, y compris la viande de bœuf, devraient connaître une augmentation à deux chiffres, les prix devant également augmenter.

La consommation de viande de bœuf de l’UE a commencé à se redresser en 2014, atteignant 1,8 kg par habitant, une tendance qui devrait se poursuivre (Commission européenne, 2015).

En outre, la question de la durabilité et de l’adéquation aux attentes des Européens, se pose en arrière-plan.

Mettre fin à la production locale conduirait :

– d’abord à une externalisation des émissions de gaz à effet de serre, à une pression accrue sur des zones particulièrement sensibles comme l’Amazonie et à empêcher l’UE de respecter ses objectifs climatiques;

– à l’abandon des normes européennes extrêmement élevées de production et de bien-être des animaux – l’UE n’a pas encore réussi, malgré de nombreuses tentatives, à intégrer cette dimension dans les accords internationaux.

– et enfin, à plus long terme, l’UE serait confrontée à des produits controversés, tant sur le plan éthique que sur le plan sanitaire, tel le clonage, pour lequel les citoyens européens font preuve d’un refus catégorique.

Sur cette base, il convient de remettre en question et de faire progresser la stratégie du secteur, en adaptant les outils politiques afin de contribuer à la mise en œuvre d’une stratégie gagnante pour ce secteur.

Éléments pour structurer une stratégie efficace

Recherche et innovation : génétique animale et amélioration de la gestion du cheptel (bâtiments, alimentation animale), permettraient de mieux répondre aux attentes des consommateurs en termes de produits commercialisés et à réduire l’empreinte environnementale du processus de production. La séquestration du carbone dans les prairies pourrait compenser de manière significative les émissions, même sans changement de système agricole, avec des estimations mondiales d’environ 0,6 gigatonnes d’équivalent CO2 par an (ONU FAO, 2013).

Meilleure segmentation du marché : En lien avec l’effort de recherche, il est nécessaire de clarifier l’offre aux consommateurs. Un certain nombre de segments de marché émergent, tant en Europe qu’à l’international. Le défi consiste pour chacun de ces segments à trouver stabilité sans trop se lier aux autres. Quatre classes correspondant à quatre secteurs de production différents pourraient être identifiées :

  • viande du troupeau laitier: viande 1er prix (source d’instabilité pour d’autres secteurs car soumis aux variations du prix du lait);
  • les veaux du troupeau laitier dont la qualité s’améliore grâce aux progrès technologiques liés notamment aux semences sexuées : entrée de gamme;
  • des races de bœuf destinées au «grand public», avec de gros volumes de production, d’un haut niveau de sécurité pour les consommateurs et une différenciation marketing marquée;
  • Haut de gamme, avec des races plus spécifiques enracinées dans des terroirs exceptionnels.

Ces deux dernières composantes sont au cœur d’une stratégie de revitalisation du secteur de l’élevage, en cohérence avec les deux premières composantes. Cette stratégie devrait veiller à ce que le cheptel laitier n’entrave pas la capacité du secteur de la vache allaitante à déployer une stratégie efficace, tout en maintenant son rôle de source de revenu supplémentaire pour les producteurs laitiers.

Une coordination accrue entre les acteurs des différents secteurs et une meilleure compréhension des attentes des consommateurs tout au long de la chaîne. Cela devrait permettre à la fois une réactivité et une adaptation accrues aux marchés afin d’optimiser la création de valeur et d’accélérer la diffusion de l’innovation au sein des secteurs.

Optimisation des situations logistiques, y compris en relation avec les débats sur le bien-être animal et les émissions de transport.

Des systèmes de communication efficaces et des labels d’assurance de la qualité pour souligner pleinement les efforts des producteurs auprès des consommateurs – et pour bénéficier de niveaux de rémunération appropriés en ce qui concerne la segmentation et les structures de production. En parallèle, une connaissance approfondie des marchés européens et internationaux est nécessaire afin de promouvoir, dans la mesure du possible, chaque morceau de viande, en trouvant le marché optimal.

Par rapport à d’autres activités, la production du secteur du bœuf de l’UE a des traits distinctifs qui la rendent particulièrement exposée à des facteurs externes :

  • marges serrées pour les producteurs ;
  • Niveau de rentabilité généralement faible, compte tenu de la complexité globale des systèmes de production ;
  • faible niveau d’élasticité ;
  • concurrence mondiale élevée à mettre en ragard d’une compétitivité interne faible (entre 70 et 90% des revenus du secteur de la viande bovine dépendent structurellement des subventions de la PAC);
  • préoccupations liées au bien-être animal renforcée par les campagnes de militants ;
  • mélange d’impacts environnementaux positifs et négatifs (biodiversité, séquestration du carbone et émissions).

De plus, de profonds changements dans la consommation, s’agissant des technologies, des politiques publiques et due commerce international se combinent pour rendre l’avenir imprévisible, ou du moins difficile à prévoir, notamment en raison de :

  • la menace d’une concurrence plus intense du fait des accords bilatéraux conclus (Canada) ou en cours de négociation – à savoir le Mercosur, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, sans mentionner les États-Unis ;
  • la levée des quotas laitiers, qui perturbe l’équilibre du secteur avec la reprise de la croissance du cheptel laitier, qui fournit déjà les deux tiers de la viande bovine consommée en Europe.
  • -Le secteur allaitant est particulièrement vulnérable, avec le Brexit et le risque d’importations de bœuf bon marché dans le cadre du CETA, et potentiellement d’autres accords commerciaux actuellement négociés par l’UE ainsi que des accords commerciaux que le Royaume-Uni pourrait négocier avec des pays tiers après son départ de l’UE.

Par conséquent, le secteur fait face à un double défi :

  • Construire une vision claire et concrète pour l’avenir et, pour ce faire, élaborer une stratégie commerciale axée la conquête des marchés pour l’ensemble du secteur. Cette stratégie doit permettre au secteur de saisir les opportunités tant en Europe qu’au-delà, et de s’adapter aux changements de la demande.
  • Concevoir et contribuer à construire les outils politiques les plus appropriés pour soutenir et accélérer la mise en œuvre de cette stratégie commerciale, en valorisant la grande diversité des modèles culturels et économiques en Europe dans ce secteur et en posant les bases d’une approche européenne commune avec des outils pertinents développés et adaptés à cette diversité.

Malgré les efforts entrepris, notamment dans le cadre de la politique agricole commune, le secteur se débat depuis près de trois décennies face à des crises structurelles récurrentes.

Dans ce contexte, il est plus qu’urgent, sur le marché européen, de mieux valoriser les produits, de construire une chaîne d’approvisionnement en viande efficace axée sur la modernisation, la structuration et la viabilité et de faire face à la volatilité et aux crises des marchés. Et, sur le marché mondial, avoir des mesures de promotion efficaces et un programme commercial significatif.

L’UE a définitivement un rôle clé à jouer en tant que fournisseur de produits carnés sûrs et de qualité. La possibilité pour la Commission de l’UE d’inclure dans la PAC des programmes opérationnels structurants pouvant être ouverts à d’autres secteurs que ceux ayant bénéficié jusqu’à présent (vin, fruits et légumes) afin de développer des stratégies sectorielles peut constituer un atout pour des secteurs tels que celui des bovins allaitants.

Le secteur du bœuf de l’UE a clairement la capacité de saisir les opportunités de croissance découlant de l’augmentation des prévisions de la demande mondiale de viande de bœuf pour les années à venir.

Cependant, la situation actuelle du marché de la viande bovine est assez préoccupante tant du point de vue économique que sociétal.

Depuis les dernières années, une augmentation régulière de l’abattage (liée aux difficultés rencontrées par le secteur laitier), donc une augmentation de la production, a affecté les prix des producteurs en conséquence. La dernière analyse (Perspectives agricoles de l’UE 2017-2030) confirme que la production de viande bovine est restée stable en 2017, à la suite de l’augmentation du nombre d’abattages de génisses. Cependant, l’aperçu fourni par l’étude avance que d’ici la fin de la période de prévision (2030), la production de viande bovine devrait tomber à 7,5 millions de tonnes. Les principaux facteurs de cette baisse se trouvent dans: la demande plus faible des consommateurs (marché intérieur) et l’évolution récente du cheptel laitier et celui de la vache allaitante, bien qu’à un rythme moins rapide qu’en 2005-2013.

La situation en Irlande, aux Pays-Bas et en Pologne donne un aperçu des évolutions économiques en cours.

En 2017, l’Irlande a connu 200 000 bovins d’abattage de plus qu’en 2015, en plus d’une situation chaotique sur les marchés d’exportation traditionnels (Russie et Turquie) et de la chute brutale de la livre après le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni. le plus grand marché d’exportation pour les producteurs de bœuf irlandais.

Les Pays-Bas ont subi le même type d’impact. Cela est dû au choix délibéré des producteurs de lait des Pays-Bas d’augmenter le cheptel laitier en 2015 et 2016, avant la mise en œuvre de la nouvelle réglementation nationale sur la libération des effluents azotés. En conséquence, à la fin de 2016, les données indiquaient qu’il y avait déjà 160 000 animaux NL de plus pour l’abattage qu’en 2015.

La Pologne est apparue comme un nouveau venu avec de fortes ambitions dans le secteur. En raison de la crise du lait et de la forte concurrence des producteurs de lait occidentaux, de nombreux producteurs polonais convertissent leur cheptel laitier en troupeaux allaitants. Entre 2004 et 2016, la production de viande de bœuf polonaise a enregistré une hausse de 66%, la Pologne devenant le septième pays producteur de l’UE, exportant 90% de sa production nationale. (La Pologne étant traditionnellement un marché de viande de porc).

En outre, l’augmentation du nombre de jeunes veaux issus du cheptel laitier, qui ne semble pas convenir à un système de production de bœuf viable, est un autre sujet de préoccupation. L’une des rares options consiste à les exporter.

L’expansion prévue du cheptel laitier ne devrait pas se produire au détriment du cheptel bovin spécialisé – Selon les estimations (DG Agri), près des 2/3 du cheptel européen de vaches proviennent du secteur laitier.

Le secteur de la viande bovine fait aussi face à deux défis de communication :

  • D’une part, certains grands concurrents de l’UE – en particulier d’Amérique du Sud – répandent l’idée parmi les consommateurs européens, via des actions commerciales et de promotion agressives, que viande bovine de qualité = viande non européenne.
  • D’un autre côté, des activistes contestent la consommation de viande de bœuf en tant que telle, développant ainsi leurs campagnes sur la mauvaise interprétation de la science, de la nutrition et les actions de bien-être des animaux.

L’UE devrait s’employer activement à combattre ces deux idées fausses et ces messages extrêmement dangereux et faux, tant du point de vue économique que du point de vue de la santé.

Vieille histoire mais réalité simple : les ruminants comme les vaches peuvent digérer les plantes indigestes pour l’homme. Ils mettent à disposition une grande quantité de protéines pour nourrir les gens.

Un certain nombre d’idées surgissent régulièrement et pourraient être évaluées comme une base possible pour une stratégie commerciale européenne réussie pour le cheptel de l’UE. Plus précisément, sur la base des informations actuellement disponibles et compte tenu des défis que nous pouvons prévoir, Farm Europe estime que les éléments suivants pourraient constituer des ingrédients clés d’une stratégie européenne commune et qu’ils pourraient servir de point de départ à une discussion sur une telle stratégie :

  1. Segmentation du marché

La priorité doit être que le secteur dans son ensemble réfléchisse à la refonte de son offre de produits afin de la rendre plus claire et plus proche des demandes des consommateurs. Cela implique un examen de tous les paramètres qui régissent le secteur, les marchés de niche et la dynamique de la chaîne d’approvisionnement – des races à l’organisation industrielle, en passant par la recherche, l’innovation et les perspectives commerciales des produits bovins européens. Du côté de la demande, la viande de bœuf allaitant doit être différenciée en tant que produit premium dans le cadre d’un plan global visant à segmenter le marché et à fournir un moyen de survivre aux dommages causés par les accords commerciaux.

Le succès à long terme de cette approche permettrait d’assurer une coexistence plus harmonieuse entre les secteurs allaitants et laitiers.

Trois segments de marché semblent émerger :

A. Entrée de gamme : principalement des carcasses de vaches laitières de réforme, mais aussi des coupes d’entrée de gamme provenant d’animaux d’élevage de moindre qualité utilisés pour la viande bovine hachée, les produits transformés, les coupes de bœuf d’entrée de gamme ;

B. Moyenne gamme : principalement des vaches allaitantes, y compris, mais sans s’y limiter, les grandes races de viande connues et développées telles que Angus ou Charolais (viande de vache ou de viande YB selon les marchés) ;

C. Haut de gamme : des productions ancrées dans des terroirs, à fort potentiel de notoriété, valorisées à toutes les étapes de la chaîne de production et de commercialisation en tant que produit exceptionnel. Celles-ci recouvrent les production sous signes de qualité (IGP, étiquettes, etc.).

L’enjeu est de développer une cohérence économique pour chacun de ces segments, tant au niveau des systèmes d’élevage qu’au niveau de la filière, par la recherche et l’innovation, mais aussi par la promotion, l’organisation et le transfert de valeur aux producteurs.

2. Recherche et innovation par l’amélioration de la génétique animale et par l’amélioration des pratiques agricoles (bâtiments, alimentation animale, etc.), il est possible d’avancer pour mieux satisfaire la demande des consommateurs en termes de produits sur le marché et les attentes sociétales en matière de santé, environnement et bien-être animal. Une communication, une information et une décision efficaces devraient reposer sur des bases scientifiques, avec un engagement clair de toutes les parties prenantes (des acteurs économiques aux médias, des décideurs aux ONG), sans décourager la recherche et l’innovation dans ce domaine.

3. La structuration du secteur nécessitera deux types d’actions :

a. Une meilleure coordination : entre producteurs, transformation et distribution.

Il est devenu absolument nécessaire d’organiser le secteur. Cette coordination devrait se traduire par un retour équitable de valeur au secteur amont (agricole) de la chaîne – et une prise de conscience accrue dans l’ensemble de la chaîne des attentes des consommateurs.

Une telle coordination doit renforcer la capacité de la filière à réagir rapidement et à adapter ses produits aux nouvelles possibilités, créant ainsi de la valeur, et elle doit accélérer l’innovation dans l’ensemble du secteur.

Cette coopération renforcée au sein de la chaîne d’approvisionnement aboutirait à une série de résultats positifs pour tous les acteurs : améliorer la planification de la production sur la base de la demande, organiser des programmes d’information / sensibilisation des consommateurs, l’adoption de la recherche et de l’innovation pour le secteur et l’amélioration de la capacité d’exportation sur les marchés étrangers.

b. Restructuration au niveau de l’entreprise, y compris les exploitations agricoles et les entreprises industrielles (abattoirs) afin que chaque partenaire de la chaîne puisse investir grâce à un niveau de rentabilité équitable, développer son activité de manière durable.

Cet objectif de restructuration au niveau de l’entreprise agricole et du secteur plus généralement devrait (1) être géré en tenant compte des caractéristiques de chaque État membre (et des problèmes de coûts spécifiques) et (2) tenir compte des caractéristiques particulières des régions de production en fonction de leurs modèles respectifs (allaitement, reproduction, engraissement, etc.).

C’est un défi que le secteur de la viande bovine a en commun avec d’autres secteurs agricoles des zones intermédiaires et moins favorisées.

Parallèlement, des actions renforcées devraient être poursuivies pour encourager les investissements dans les bioénergies, ce qui peut à la fois renforcer la viabilité de certaines exploitations et contribuer à l’atténuation du changement climatique.

4. Commercialisation. Des systèmes de communication efficaces et des labels de qualité sont nécessaires pour que les consommateurs soient pleinement informés des progrès en matière de qualité, d’environnement et du bien-être des animaux et que les opérateurs obtiennent un retour sur investissement cohérent.

Un effort de communication renforcé devrait être encouragé afin de mettre en évidence les spécificités du secteur de l’élevage de l’UE, en particulier pour le différencier des bovins d’engraissement du continent américain.

En Europe, la baisse structurelle de la consommation nécessite de poursuivre des stratégies offensives pour défendre les positions des entreprises européennes par rapport à la concurrence internationale sur chacun des trois segments de marché et de promouvoir chaque coupe de bœuf en identifiant le segment sur lequel ils seraient commercialisés avec le plus de succès.

Sur le plan international, de réelles opportunités existent, notamment en ce qui concerne les bovins vivants, les produits haut de gamme (segment C) et les coproduits.

Des stratégies efficaces de communication et de marketing doivent être mises en œuvre pour le marché intérieur de l’UE et les marchés internationaux. Une stratégie d’exportation ambitieuse devrait être bâtie, basée sur des outils efficaces agissant comme un levier pour développer des marchés tels que des actions de promotion bien ciblées.

 

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Outre les outils politiques habituels inclus notamment dans la PAC, l’Union européenne doit mobiliser ses capacités pour renforcer le secteur, notamment pour anticiper l’impact des négociations commerciales qui affaibliront le secteur de la viande bovine européenne déjà confronté à des problèmes de crises structurelles et récurrentes.

Un tel plan de revitalisation ne devrait pas se limiter à une politique de transferts budgétaires – même s’il ne faut pas remettre en cause leur légitimité (paiements couplés, paiements des zones défavorisées). L’Union européenne doit aller au-delà de ces outils offrant des leviers pour structurer, moderniser et promouvoir le troupeau allaitant de l’UE avec des soutiens financiers bien calibrés.

Les objectifs d’une telle boîte à outils peuvent être résumés comme suit :

  • Organisation, segmentation du marché et structuration :
    • Mettre en place une stratégie commerciale solide et axée sur le marché pour l’ensemble du secteur, sur la base de segments de marché clairement établis ;
    • Au niveau local : aider les producteurs à investir et à tirer profit de leur travail (organisation, investissement, y compris dans les bioénergies);
    • mise en place d’une chaîne d’approvisionnement en viande efficace (y compris via une politique de concurrence appropriée et l’extension du paquet lait – voir annexe) et des abattoirs plus innovants et modernes ;
  • Faire face à la volatilité du marché :
    • Des outils capables d’améliorer la résilience au marché (ex : fonds mutuels de stabilisation des revenus) pour limiter le choc dans le secteur laitier, qui auront à leur tour des effets collatéraux sur le secteur de la viande bovine spécialisée ;
    • Faire face aux risques sanitaires et climatiques, avec la prise en compte du modèle des terres en herbe, qui est un piège à carbone;
    • Accroître la coordination au sein de la chaîne d’approvisionnement (entre les producteurs et les autres partenaires de la chaîne d’approvisionnement) avec une possibilité accrue de discuter et de négocier les prix et les volumes.
    • Mettre en place un outil pluriannuel européen pour gérer les crises extrêmes; financer sans délai des mesures exceptionnelles pour rééquilibrer le marché:
    • Déclencher, le cas échéant, des mesures exceptionnelles de gestion du marché comme cela a été fait pour le secteur laitier en 2016. Pour le troupeau de vaches allaitantes, une mesure possible du stockage vivant sur l’exploitation pourrait être explorée, dans le but de rééquilibrer temporairement le marché, en couvrant les coûts des aliments pour animaux, etc.
  • Promouvoir le modèle de l’UE, ses externalités positives et les efforts déjà déployés en termes de durabilité et, en particulier, mettre en évidence la viabilité et les spécificités du secteur européen du bœuf grâce à des outils marketing adéquats et des campagnes de promotion bien financées.
  • Renforcer les systèmes de qualité privés et les systèmes d’indications géographiques : la viande bovine de haute qualité pourrait également aller dans cette direction. L’idée pourrait être de développer de nouveaux schémas de qualité ou de nouveaux critères (sur le bœuf nourri à l’herbe par exemple ou d’autres pratiques d’élevage ayant un impact positif sur la teneur en graisse) en le reliant à l’idée de différenciation (marché intermédiaire). Certaines IG pourraient être développées, en particulier pour le segment haut de gamme. Les systèmes de qualité doivent être en mesure de répondre aux préoccupations des consommateurs et peuvent être développés en relation avec le bien-être des animaux et les méthodes de production industrielle, tout en facilitant la commercialisation des produits.
  • Promouvoir davantage la durabilité des systèmes de production de l’UE (innovation, politique intelligente et sensibilisation des consommateurs), avec des actions climatiques bien conçues.
  • Accroître et maintenir la compétitivité du secteur de l’élevage dans chaque zone (zones d’élevage intensif vs zones moins développées).

Dans ce cadre, nous ne devons pas omettre les produits d’entrée de gamme. Il ne faut donc pas se concentrer uniquement sur les créneaux de haute qualité. Nous devons également être compétitifs sur ces produits d’entrée de gamme qui devront faire face à la concurrence des produits hors UE et segmenter très attentivement les marchés de la viande de l’UE afin de limiter la concurrence potentielle des produits hors UE sur les autres segments du marché.

Farm Europe croit fermement au potentiel du secteur du bœuf de l’UE, tant sur le plan économique que sur le plan de la durabilité, face aux visions pessimistes actuelles de l’avenir combinant la décroissance et l’abandon des terres que connaissent actuellement les producteurs.

Le think tank considère comme une priorité absolue d’investir et de réfléchir sur l’avenir de ce secteur confronté à des changements économiques structurels.

Bien entendu, compte tenu de la complexité de ce secteur, il n’ya pas de baguette magique. Néanmoins, l’objectif devrait être de tirer parti des atouts de ce secteur stratégique pour de nombreuses régions d’Europe. En d’autres termes, se concentrer sur une véritable ambition économique pour l’avenir.

La mise en œuvre de la stratégie devrait contribuer à sécuriser le marché intérieur et à réduire les importations. Plus précisément, il est essentiel que le secteur européen conserve le contrôle du segment à forte valeur ajoutée, ce qui rend plus que nécessaire une stratégie ambitieuse pour le secteur spécialisé et une cohérence de stratégie commerciale de l’UE dans son ensemble.

Des mesures existent dans le cadre actuel de la politique agricole commune, qui pourraient être mobilisées. Au-delà de cela, un solide plan de revitalisation doit être élaboré au niveau de l’UE.

Des ressources budgétaires supplémentaires devraient cibler les éléments clés d’une stratégie politique ambitieuse, en complément des outils existants, dans le but de tirer parti et d’accélérer la structuration et la modernisation du secteur en offrant aux producteurs les bons outils pour bâtir leur avenir.

 

Références

 

Research for AGRI Committee – The EU Cattle Sector: Challenges and Opportunities – Milk and Meat – February 2017

http://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html?reference=IPOL_STU(2017)585911

 

Report from the Commission to the European Parliament and the Council – On the impact of animal welfare international activities on the competitiveness of European livestock producers in a globalized world – Brussels, 26.1.2018 COM(2018) 42 final

https://ec.europa.eu/food/sites/food/files/animals/docs/aw_international_publication-report_en.pdf

 

Vandecandelaere et al. “Strengthening sustainable food systems through geographical indications – An analysis of economic impacts” FAO, Rome 2018

http://www.fao.org/3/I8737EN/i8737en.pdf

 

EY, Analysis on future developments in the milk sector – Prepared for the European Commission – DG Agriculture and Rural Development, Brussels, 24th September 2013

https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/events/2013/milk-conference/ey-independent-experts-analysis-presentation_en.pdf

 

Press:

https://www.independent.ie/business/farming/news/farming-news/dairy-income-soars-as-beef-and-sheep-farms-survive-on-support-36937078.html

 

https://www.agriland.ie/farming-news/move-over-dairy-oatly-is-in-demand/

 

https://www.irishtimes.com/news/environment/irish-farming-under-pressure-to-reduce-carbon-emissions-1.3527011

 

https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/de-nombreuses-filieres-agricoles-continuent-de-travailler-a-perte/

 

https://ec.europa.eu/info/news/final-figures-reflect-success-eu-milk-production-reduction-scheme_en

 

EU Dairy Farms Report based on 2013 FADN data. (2016). European Commission Directorate-General for Agriculture and Rural Development, Brussels.

Farm structure survey 2013. Key variables: area, livestock (LSU), labour force and standard output (So) by type of farming (2-digit) and agricultural size of farm (Uaa).

 

 

écrit par Farm Europe