Les travaux

Résilience - 22 décembre 2017

Une PAC promouvant des Assurances climatiques efficientes – Un objectif crédible à coût modeste pour la PAC

écrit par Farm Europe

Septembre 2017

Dans le cadre de l’Omnibus financier et relatifs à la possibilité pour la PAC d’offrir aux filières européennes une meilleure couverture des risques qu’ils rencontrent, le sujet des assurances climatiques demeure en débat.

1) Si les aides directes du 1er pilier de la PAC constituent le socle de base de la protection du revenu agricole au niveau européen, elles apparaissent de plus en plus insuffisantes pour couvrir l’ensemble des risques auxquels sont confrontés les agriculteurs, et notamment, dans le contexte du changement climatique, dès lors qu’il s’agit d’aléas climatiques. Plus une année ne se passe sans que des aides d’urgence doivent être débloquées, ici pour des grêles, là pour de la sècheresse ou des inondations.

Le risque climatique est le risque le plus fréquent, le plus imprévisible et le plus destructeur que l’agriculture connaît. Il n’est plus tenable de rester dans une gestion «politique» de ces risques, avec des enveloppes d’urgence dépendantes des disponibilités budgétaires, notamment. Une « professionnalisation » de la gestion des risques est nécessaire, qui passe par une bonne couverture des risques climatiques dans une filière permettant, de fait, une meilleure résilience aux risques de marchés.

Les assurances climatiques sont largement répandues chez nos concurrents mondiaux. Il convient, en Europe, de passer à la vitesse supérieure dès lors que ces outils ont prouvé leur efficacité, et leur complémentarité.

2) La faible proportion de superficies agricoles couvertes par des assurances climatiques en Europe tient à la faible attractivité du dispositif UE d’incitation publique.

La PAC prévoit un cofinancement à 65 % des primes d’assurances climatiques dès lors qu’elles ne se déclenchent que si 30 % de pertes ont été subies.

Les conditions agronomiques dans l’Union européenne rendent ce dispositif peu intéressant, de telles assurances ne couvrant un risque qu’extrêmement rare alors que les exploitations agricoles sont en situation difficile dès que les pertes dépassent les 20%.

Il doit être noté que des Pays Tiers (USA par exemple) ou Européens les plus en pointe (Espagne via un dispositif national adossé à un régime d’aides d’Etat validé par la Commission) ont réussi à avoir une couverture plus importante en adoptant des seuils de déclenchement cohérents avec les caractéristiques des cultures et risques afférents, allant pour certaines filières au-delà de 60 à 80% de couverture.

3) Qu’en est-il de l’argument du coût important que représenterait une telle mesure pour la PAC ?

Les superficies de cultures arables (toutes confondues) dans l’UE sont de 74 millions d’hectares, pour des capitaux totaux à assurer de quelques 76,5 milliards €. *

Pour les vignes, les surfaces sont de près de 3 millions d’hectares pour un capital assurable de 20,3 milliards €. *

S’agissant des prairies, elles comptent pour 70,5 millions d’hectares, avec une valeur du capital assurable d’un peu moins de 46 milliards €. *1

De fait, au regard des assurances climatiques qui pourraient être mises en place, le montant des cotisations qui pourraient être cofinancées si 100% des surfaces européennes de cultures arables, de vignes, et de pairies étaient couvertes par des assurances récoltes serait d’environ 7,2 milliards d’euros par an, d’où des aides PAC (subventions PAC aux primes d’assurance) de 4,7 milliards €/an pour une couverture de 100 % des surfaces.

Ce raisonnement est purement théorique.

En effet, un objectif crédible à terme est, au mieux, de couvrir 60 à 70 % des cultures arables en Europe. Quelque 40 % en moyenne européenne dans un premier temps serait déjà un bel objectif ! S’agissant des prairies, le taux moyen, à terme, de 50 % semble être un maximum. Quant aux vignes, au regard de la spécificité des secteurs, mais aussi de l’éclatement de la production dans certains pays, 70 à 80 % apparaît un maximum.

1 * Ces données (capital à assurer) correspondent à la somme des calculs réalisés pour chacun des 28 Etats membres (et non une estimation européenne globale qui serait par trop approximative).

Dans ces conditions et si tous les Etats Membres décidaient de mettre en œuvre ces mesures facultatives (dans le cadre du 2nd pilier de la PAC) et volontaires pour les agriculteurs, les cofinancements PAC pour un dispositif renouvelé fonctionnant à son optimum seraient alors au maximum de 2,8 milliards €/an, soit au maximum 5 % du budget PAC annuel (équivalent à 7% du budget 1er pilier PAC). Les volumes budgétaires se répartiraient dès lors de la façon suivante entre les différents secteurs :

– 1,2 milliards €/an pour les cultures arables, – 700 millions €/an pour la vigne
– 900 millions €/an pour les prairies

4) L’argument souvent avancé pour freiner le développement de ces outils est l’absence, pour l’Union européenne, de marges de manœuvre à l’OMC. Qu’en est-il ?

En réalité, les engagements OMC de l’UE ne sont aucunement un frein à des tels changements, il s’agit là uniquement d’un argument politique.

Si les subventions aux primes d’assurance récolte sont bien classées dans la boite verte OMC si les dites primes se déclenchent pour 30 % ou plus de pertes et compensent 70 % des pertes au maximum, un cofinancement de primes avec un seuil de déclenchement à 20 % est tout à fait autorisé dès lors que l’UE peut le notifier dans le cadre de ses droits « clause de minimis ». De fait, l’UE a une très grande marge au titre de la clause « de minimis » OMC (ne pas confondre avec le régime des aides d’Etat dit de minimis dans l’Union Européenne). Cette marge est sans commune mesure avec les 2,8 milliards € maximum d’aides PAC qu’il lui faudrait notifier au titre d’assurances récoltes ainsi revues.

Que l’UE notifie 2,8 milliards € de plus d’aides au titre de la clause de minimis (et potentiellement 2,8 milliards € de moins en boite verte), est-il un argument recevable pour s’opposer au changement demandé par le Parlement ?

Outre la faiblesse des montants en jeu, l’importance économique de cette mesure et le fait que nos concurrents mondiaux ne s’embarrassent pas de ce type de considération suggère que, l’argument ne semble guère sérieux dans un monde de compétition économique. La beauté de l’argutie juridique doit être fortement relativisée face à la réalité de la donne économique.

Et ce, d’autant plus que cet argument OMC n’a pas empêché la Commission européenne, elle-même, de faire des propositions en matière de développement d’Outil de Stabilisation des Revenus, pour lequel un déclenchement par secteur et dès 20 % de baisse a été proposé, ce qui montre l’utilisation à géométrie variable de cet argument OMC.

écrit par Farm Europe