REVISION DE LA POLITIQUE COMMERCIALE DE L’UE : REPRENDRE LA MÊME ?

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La Commission vient de publier une communication sur l’examen de la politique commerciale de l’UE.

L’approche qu’elle y propose des questions commerciales reste inchangée. Le mot clé est l’ouverture : « L’UE est fondée sur l’ouverture, tant intérieure qu’extérieure. Elle est le plus grand exportateur et importateur de biens et de services au monde« .

Les discussions de la crise Covid sur la relocalisation des industries clés, le renforcement de la résilience de l’économie de l’UE, sont largement oubliées dans ce document. Selon la Commission : « La politique commerciale peut contribuer à la résilience en fournissant un cadre commercial stable et fondé sur des règles, en ouvrant de nouveaux marchés pour diversifier les sources d’approvisionnement et en développant des cadres de coopération pour un accès juste et équitable aux fournitures essentielles« .

Il n’est donc pas surprenant, dés lors, que la Commission préconise essentiellement la continuité.

Les éléments nouveaux avancés sont liés à l’adéquation du Green Deal à la politique commerciale : « L’UE proposera que le respect de l’accord de Paris soit considéré comme un élément essentiel dans les futurs accords de commerce et d’investissement. En outre, la conclusion d’accords de commerce et d’investissement avec les pays du G20 devrait être fondée sur une ambition commune de parvenir à la neutralité climatique le plus rapidement possible et conformément aux recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)« .

En outre, elle préconise des « mesures autonomes … soutenant l’objectif visant à garantir que le commerce soit durable, responsable et cohérent avec nos objectifs et valeurs généraux« . Le mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone (CBAM) est un cas d’espèce.

Sachant qu’un CBAM a besoin de la coopération et de l’accord des autres membres de l’OMC, afin de ne pas exposer l’UE à des mesures de rétorsion, il semble que nous en soyons encore loin.

Cela étant dit, la référence à la limitation des conditions de neutralité climatique aux seuls accords de commerce et d’investissement avec les pays du G20 semble indiquer que l’UE ne demandera pas à la plupart des pays de faire de même en matière de changement climatique.

Si les économies du G20 représentent une grande part de l’économie mondiale, il ne faut pas oublier que les grands exportateurs de produits agricoles sont en dehors du G20, comme la Thaïlande, le Chili, l’Uruguay, la Nouvelle-Zélande ou l’Ukraine.

Comme la Commission propose toute une série de mesures internes en matière de climat et d’environnement – la stratégie Farm to Fork et la stratégie sur la biodiversité en sont de bons exemples – elle semble accepter que de nombreux autres pays n’auront pas à appliquer des objectifs similaires ou à faire face à des droits d’importation supplémentaires.

Comment l’UE peut-elle alors éviter les fuites de carbone via une augmentation des importations, notamment de produits agricoles ? Comment les agriculteurs et le secteur agroalimentaire de l’UE peuvent-ils être compétitifs de manière équitable, alors qu’ils sont confrontés à davantage de restrictions et de charges que bon nombre de leurs concurrents ?

De même, la communication reste vague sur ce que la Commission entend par la recherche de conditions de concurrence équitables dans le domaine du commerce. Les producteurs des pays dont les normes environnementales sont nettement moins strictes désavantageront clairement les producteurs de l’UE, mais la communication ne reconnaît pas le problème.

Ce qui est également frappant, est ce qui ne figure pas dans la communication. La sécurité alimentaire de l’UE n’y est pas mentionnée, ce qui ne laisse guère de doute sur le fait que la Commission estime que le meilleur modèle pour contribuer à la résilience de l’économie est un commerce ouvert et plus libre dans le cadre de règles multilatérales, sans tenir compte de ses effets négatifs potentiels.

La lutte contre la déforestation importée n’est pas non plus mentionnée. Bien que le Parlement européen ait demandé à la Commission d’agir, il n’y a que de vagues références indirectes à la diligence des entreprises et aux engagements du Mercosur.

Les effets négatifs de la dévaluation compétitive sont également absents, bien que son impact soit souvent plus important que les droits de douane à l’importation, ce qui permet aux exportateurs des pays tiers de sous-coter les prix du marché de l’UE.

Farm Europe estime que le moment est venu d’adopter une politique commerciale plus équilibrée. Après la crise Covid-19, nous avons besoin d’un changement de politique qui ne compromette pas la sécurité alimentaire. Nous devons trouver un meilleur équilibre entre les avantages de la libéralisation des échanges et ses effets négatifs asymétriques. Nous avons besoin d’une politique moins idéologique, plus pragmatique et réaliste.