ACCORD US – UK : démantèlement du cadre multilatéral en vue ?

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé hier qu’ils avaient conclu un accord commercial.
Peu d’éléments concrets sont connus à ce stade : les déclarations se contentent de remarques générales, sans détails précis. Des négociations supplémentaires seront nécessaires avant qu’un véritable accord de libre-échange ne voie le jour.

Cela dit, certains points commencent à émerger, notamment sur le commerce agricole.
Selon les autorités américaines : « Cet accord commercial va considérablement élargir l’accès au marché britannique, créant une opportunité de 5 milliards de dollars pour de nouvelles exportations des agriculteurs, éleveurs et producteurs américains. »
Cela inclut plus de 700 millions de dollars d’exportations d’éthanol et 250 millions pour d’autres produits agricoles, comme le bœuf.

Côté britannique, on sait qu’un accord a été trouvé sur la suppression des droits de douane pour l’éthanol, et pour le bœuf dans la limite d’un quota de 13 000 tonnes. Aucun détail n’a été donné concernant les autres produits agricoles, même si l’on peut s’attendre à une suppression généralisée des droits de douane. Le Royaume-Uni a également précisé qu’il conserverait ses normes sanitaires et phytosanitaires (#SPS), ce qui signifie que seul le bœuf sans hormones et la volaille non traitée au chlore seront autorisés. Ce faisant, le Royaume-Uni évite également tout conflit avec son accord de libre-échange avec l’Union européenne.

Ainsi, à ce stade, l’impact sur les exportations de bœuf et de volaille devrait rester très limité. En revanche, l’impact sur le marché britannique de l’éthanol pourrait être bien plus significatif. Des incertitudes demeurent sur les échanges concernant le porc, les produits laitiers, les vins et spiritueux, les jus de fruits, les céréales et autres produits. Mais, comme évoqué, la tendance va vers une suppression des droits de douane.

À partir des éléments connus, plusieurs points méritent attention :

  • Pour la première fois depuis le Brexit, le Royaume-Uni conclut des accords commerciaux d’envergure avec de grands partenaires : l’Inde, puis les États-Unis dans la même semaine. Il faut rappeler que ce sont les deux précédentes administrations américaines qui avaient bloqué toute avancée. L’Union européenne fera donc face à une concurrence accrue sur le marché britannique.
  • Le tarif douanier américain uniforme de 10 % reste en place. Le Royaume-Uni, lui, ne prévoit pas de mesure de réciprocité. La volonté des États-Unis de maintenir ce tarif plancher de 10 % dans les accords à venir semble désormais établie.
  • Cet accord s’écarte clairement des règles fondamentales de l’OMC : les concessions accordées sont strictement bilatérales. Ce n’est pas un véritable accord de libre-échange, puisque les États-Unis conservent leurs droits de douane. L’accord viole donc le principe de la nation la plus favorisée, qui exige qu’en dehors d’un accord de libre-échange formel, toute concession tarifaire soit étendue à l’ensemble des membres de l’OMC.

Nous assistons peut-être au début du démantèlement du cadre multilatéral de l’OMC dans les échanges entre grandes puissances. Si les États-Unis concluent d’autres accords de ce type, comme ils l’annoncent, cette dynamique pourrait s’amplifier.

Allons-nous vers une coexistence de deux types d’accords commerciaux : ceux conformes à l’OMC, comme le défend l’Union européenne, et ceux fondés sur des négociations bilatérales sur mesure ? L’OMC survivra-t-elle ? Ou, bien que peu probable au vu du manque d’intérêt des États-Unis, une réforme en profondeur de l’OMC est-elle la seule voie pour préserver un cadre commun au commerce mondial ?

La simplification, enfin

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

BRUXELLES, le 14 mai 2025 — Beaucoup ont parlé de simplifier la PAC, mais très peu ont agi. Farm Europe se félicite que le Commissaire européen à l’agriculture, Christophe Hansen, ait décidé de faire avancer concrètement ce dossier, permettant ainsi à l’UE de tourner le dos aux dispositions les plus préjudiciables à la crédibilité de la Politique agricole commune et générant une surcharge administrative évidente et inutile au regard de ses performances.

Le paquet de simplification proposé remédiera aux incohérences les plus flagrantes du nouveau cadre de performance introduit par la précédente réforme. La Commission européenne envoie un signal positif en indiquant son intention d’aligner la réglementation sur l’agronomie, la réalité du travail des agriculteurs et leurs besoins pratiques afin de concilier production agricole et durabilité, y compris à travers la simplification attendue de plusieurs GAECs.

Une nouvelle approche des plans nationaux

En ce qui concerne la mise en œuvre de la PAC dans les États membres, l’objectif de la Commission de concentrer sa valeur ajoutée sur des changements stratégiques des plans nationaux, plutôt que de discuter de détails mineurs ou de rejeter des propositions pragmatiques, comme cela a été le cas depuis 2023, constitue un pas dans la bonne direction. Toutefois, la Commission doit pleinement jouer son rôle pour garantir la cohérence des ambitions des plans stratégiques nationaux, en facilitant leur mise en œuvre la plus opérationnelle possible. Ce travail est particulièrement nécessaire en ce qui concerne les BCAE. Certains pays ont rendu leur mise en œuvre trop complexe. C’est le cas, par exemple, d’une poignée d’États membres en ce qui concerne la mise en œuvre des BCAE5, qui pénalise lourdement certains secteurs et menace l’intégrité du marché intérieur, sans aucune justification agronomique. 

En ce qui concerne le régime en faveur des petits agriculteurs, Farm Europe appelle à une concurrence loyale au sein de l’UE, non seulement entre les pays, mais aussi entre les agriculteurs, afin que chacun puisse contribuer à l’objectif de durabilité, quelle que soit la taille de son exploitation. Cet outil doit rester ciblé sur les structures les plus éloignées de toute capacité administrative et très peu intégrées au marché. 

La gestion européenne des crises est moins coûteuse que la gestion nationale

En outre, des éléments de simplification des outils de gestion des risques à l’échelle nationale sont la bienvenue, mais Farm Europe s’inquiète du risque d’une gestion purement nationale des crises agricoles. La mise en place de réserves de crise par les États membres envoie un signal ambigu, compte tenu de la gestion désordonnée et variable des aides d’État autorisées en réponse à la Covid et à la guerre en Ukraine. La mesure proposée dans ce paquet de simplification ne doit pas se substituer à une réserve de crise européenne renforcée. Pour être véritablement efficace, la gestion des crises graves ne peut être assurée qu’au niveau communautaire, grâce à un mécanisme combinant solidarité, incitations à renforcer les outils de gestion des risques dans les exploitations agricoles et prise en charge de ces outils par l’Europe en cas de crise grave. 

Il s’agit d’une question d’efficacité économique et d’efficience dans l’utilisation des fonds publics. Selon les estimations de Farm Europe, une réserve de crise européenne de 2 milliards d’euros coûte cinq fois moins cher que des réserves de crise nationales distinctes offrant le même niveau de couverture. Comme l’a souligné le rapport Draghi, la mutualisation et la solidarité sont des piliers de l’ambition européenne, mais aussi du pragmatisme budgétaire.

Forum 2025 : L’urgence d’un plan de relance de la production agricole européenne

A l’occasion du Global Food Forum qui s’ouvre 12 mai, marquant ses 10 ans, Farm Europe dévoilera la mise à jour de son radar de durabilité et de souveraineté des systèmes alimentaires de l’UE et présentera un nouvel indicateur, montrant l’érosion des bastions traditionnels de l’agriculture européenne — les grandes cultures et l’élevage. Cette tendance est associée à une dégradation des indicateurs sociaux-économiques et à une poursuite de l’amélioration des indicateurs environnementaux. Le Forum, qui réunit plus de 150 responsables politiques et économiques de l’agriculture européenne, travaillera sur des pistes d’actions concrètes pour « relancer le moteur de croissance durable de l’agriculture européenne », et répondre aux besoins de plus en plus marqués en produits agricoles, tant à l’échelle européenne que dans le monde. L’analyse des besoins alimentaires et non alimentaires, réalisée par Farm Europe, anticipe une croissance nécessaire de la production agricole européenne de 13% d’ici à 2030 et de 25% d’ici à 2050 pour jeter les bases d’une réelle autonomie stratégique du Continent. 

Le radar du durabilité et souveraineté long terme est un outil d’analyse qui met en valeur les dynamiques en cours et la santé du secteur agricole et alimentaire de l’Union européenne à travers 12 indicateurs dynamiques et 12 indicateurs de situation. 

Il fait apparaître que l’Union européenne reste une puissance agricole, avec une balance solide pour l’alimentation humaine, tant en produits végétaux qu’animaux. De plus, les transitions environnementales sont largement engagées avec une dynamique positive des indicateurs environnementaux, tant sur le plan des usages de produits phytosanitaires les plus virulents que des émissions. 

Toutefois, les points noirs restent les indicateurs sociaux économiques de l’agriculture européenne, avec des revenus en berne, ainsi qu’une politique restrictive limitant la capacité de l’agriculture européenne à répondre à la demande en alimentation animale et en matière première pour la bioéconomie. 

UNE DEGRADATION DES POINTS FORTS HISTORIQUES

Au-delà des méga-trends, le nouvel indicateur, dévoilé à l’occasion du Global Food Forum, fait apparaître les dynamiques récentes. Il met en lumière une dégradation rapide des indicateurs de souveraineté agricole sur les postes traditionnellement forts de l’Union européenne : les céréales et la viande. De même, les indicateurs sociaux-économiques poursuivent leur chute avec une accélération de la restructuration en cours et des revenus agricoles en berne, malgré la légère hausse du budget des ménages consacrés à l’alimentation. 

Sur le plan environnemental, les indicateurs confirment leur progression. Les émissions à la production refluent, le changement de structure des ventes de produits phytosanitaires se prolonge. L’amélioration de la qualité de l’eau se poursuit, mais ce défi est remplacé par celui de la disponibilité. En revanche, le recul de l’élevage provoque une perte des prairies et un dégagement du stock de carbone associé. La contribution à la bioéconomie est contrastée avec une dynamique positive en matière de biogaz, mais une pression forte des importations sur la production européenne de bioénergie, mettant à mal l’autonomie stratégique de l’UE en la matière. 

Ces tendances sont étroitement liées aux dynamiques géopolitiques mondiales, aux défis du changement climatiques, aux évolutions structurelles en cours dans le secteur agricole, mais aussi aux choix politiques réalisés ces dernières années par l’Union européenne. Redresser ces indicateurs est pourtant une urgence. Selon l’analyse de Farm Europe, l’Union européenne devra augmenter de 13% sa production d’ici à 2030 et de 25% d’ici à 2050 pour répondre aux besoins d’une économie décarbonée. 

Ces dernières années ont été marquées par un reflux de l’investissement public à l’échelle de l’Union européenne, avec la baisse de 85 milliards d’EUR des financements de la Politique agricole commune au cours de la période 2021-2027 en valeur réelle comparée à 2020, le choc inflationniste n’ayant été compensé que très partiellement à l’échelle nationale, et ce, de façon très disparate d’un Etat membre de l’UE à l’autre, certains pays restant sur le bord du chemin. 

Dans ce contexte, Farm Europe appelle à un réel plan de relance de l’agriculture européenne, par la mobilisation de moyens budgétaires nécessaire et la mise en cohérence de l’ensemble des politiques de l’UE ayant un impact sur l’agriculture pour amorcer une intensification durable de la production. 

Équilibre nutritionnel, économie, environnement : l’élevage est une chance pour l’Europe

Farm Europe se félicite de l’annonce, par la Commission européenne, du lancement d’un processus de travail dédié à l’élevage et souhaite pleinement contribuer à la construction en présentant ses propositions pour une stratégie renouvelée de l’Union européenne pour son secteur de l’élevage. Farm Europe estime que l’Union européenne doit tourner la page de cinq années d’idées reçues et d’une vision erronée, pessimiste et négative de l’élevage. Face aux défis nutritionnels, économiques, climatiques et environnementaux, l’élevage « Made in Europe » est une opportunité, tant pour notre continent que pour la planète. En période de tensions géopolitiques, l’UE doit plus que jamais garantir son autonomie stratégique. 

“Une stratégie ambitieuse pour le  secteur de l’élevage de l’UE doit pouvoir s’appuyer sur une boîte à outils complète pour consolider les acquis, un soutien économique pour mieux protéger et aider le secteur à rebondir, et des investissements ciblés pour relever les défis et construire le secteur de l’élevage de demain, capable d’irriguer tous les territoires de notre continent, des zones les moins favorisées comme les montagnes aux zones intermédiaires comme les plus productives où la complémentarité entre les cultures et l’élevage est un atout”, a souligné Ettore Prandini, chair of the Strategic Committee de Farm Europe à l’occasion de la Conférence sur l’avenir de l’agriculture et de l’alimentation organisée par la Commission européenne. . 

 La future stratégie devra permettre de :

  • Relancer la production en Europe
  • Optimiser pleinement les bénéfices positifs de l’élevage
  • Investir et préparer l’avenir 
  • Mettre fin à la frénésie normative au profit d’une stratégie permettant de créer de la valeur ajoutée et de la segmentation sur les marchés
  • Valoriser pleinement et contribuer au déploiement de la bioéconomie

Ces cinq principes de base doivent permettre au secteur de l’élevage du futur d’être économiquement résilient, au cœur d’une véritable stratégie de souveraineté agricole européenne et, enfin, pleinement engagé dans la lutte contre le changement climatique, le bien-être animal et la protection des ressources naturelles par une réelle valorisation de ses contributions et une optimisation de ses impacts, ainsi qu’une source de prospérité.

Ils doivent également permettre de construire une vision commune et partagée au niveau de l’Union européenne, en faisant de la diversité des territoires et des savoir-faire de l’Union une richesse. Enfin, ils seront un levier fondamental pour redonner de l’attractivité aux filières d’élevage auprès d’une nouvelle génération d’éleveurs engagés et confiants dans leur avenir. 

Pour permettre la construction d’un consensus solide, Farm Europe recommande à la Commission européenne de reprendre l’approche qui a démontré son efficacité pour le secteur du vin à travers la création d’un Groupe de Haut Niveau  en réunissant  des responsables européens, des représentants des acteurs économiques et des représentants des ministères nationaux et des autorités régionales les plus impliqués dans l’avenir de l’élevage dans l’Union. 

Une telle initiative doit permettre non seulement de faciliter l’émergence d’un consensus, mais aussi de développer une feuille de route précise pour sa mise en œuvre au cours des cinq prochaines années, offrant ainsi la visibilité nécessaire aux acteurs économiques ébranlés par le climat d’incertitude créé par les campagnes négatives orchestrées et instrumentalisées de ces dernières années. 

Dans ce cadre, rassemblant le fruit des travaux et réflexions récentes, Farm Europe a préparé sa contribution initiale à ce que pourrait être une stratégie élevage, sous la forme d’une brochure rappelant que ce secteur est une chance pour l’Europe, et l’importance de la complémentarité entre le monde animal et végétal. Ce document est disponible ici, et servira de base aux futurs travaux de Farm Europe.