Ne bradez pas l’agriculture européenne !

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Le 9 juillet, Farm Europe a signé la déclaration proposée par les organisations agricoles polonaises appelant à un budget de la PAC fort et autonome, rejetant l’accord Mercosur dans sa forme actuelle, exigeant une pleine réciprocité, appelant à un renforcement de la gestion des marchés, de la gestion des risques et des filets de sécurité, et rappelant à la Commission européenne que la sécurité alimentaire et l’autonomie stratégique agricole ne sont pas négociables.

Vous trouverez ci-dessous le texte intégral de la déclaration.

Varsovie, 9 juillet 2025

Nous, représentants des organisations européennes d’agriculteurs et de producteurs alimentaires, réunis à Varsovie, exprimons notre plus vive inquiétude et notre ferme opposition aux initiatives politiques qui menacent les fondements de l’agriculture européenne : autonomie stratégique agricole pour les besoins alimentaires et non alimentaires, sécurité des consommateurs, concurrence loyale, protection de l’environnement et du climat.

Nous nous opposons au démantèlement de la Politique Agricole Commune (PAC) en tant que politique forte, ambitieuse, dotée d’un budget dédié à la hauteur des enjeux.
Nous nous opposons à l’entrée en vigueur de l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du MERCOSUR dans sa forme actuelle.
Nous nous opposons à toute action mettant en péril l’avenir de l’agriculture européenne et, par conséquent, la sécurité de l’Europe.


1. L’effondrement de la PAC est l’effondrement de l’Europe unie

Le projet de la Commission européenne de fusionner le budget de la PAC avec d’autres politiques constitue une attaque contre l’indépendance et l’autonomie de la politique agricole, menaçant sa pérennité.

Il sape le principe d’un soutien prévisible et harmonisé pour les agriculteurs à travers l’Union et risque de subordonner l’agriculture à des priorités étrangères à la sécurité alimentaire.
Intégrer la PAC dans un fonds unique, où l’accès est conditionné à des “jalons”, signifie prendre le risque que l’agriculture paie pour d’autres secteurs qui n’atteignent pas leurs objectifs. Une fois de plus, l’agriculture, malgré son importance stratégique dans un contexte géopolitique instable, serait une victime collatérale de problématiques qui ne la concernent pas.


2. Un accès vital aux moyens de production

La future proposition de PAC devrait prioriser l’accès à des outils et techniques de production efficaces et abordables, y compris les produits phytopharmaceutiques (PPP), les variétés végétales issues des NGT, l’agriculture de précision et la numérisation. Il est essentiel d’éviter d’interdire des intrants de production indispensables en l’absence d’alternatives viables. L’investissement dans la recherche et le développement est fondamental.

De plus, la proposition devrait soutenir l’adaptation au changement climatique via des politiques environnementales pragmatiques : récompense des pratiques respectueuses de l’environnement et à faibles émissions de carbone, soutien au progrès technique, réduction des risques climatiques, et allègement des charges administratives.


3. Sans production locale, pas de sécurité alimentaire

Le recours croissant aux importations agricoles, au détriment de la production locale, constitue un risque majeur, en particulier dans un contexte géopolitique incertain et de conflits armés mondiaux, comme la guerre en Ukraine. Ce glissement pourrait affaiblir l’agriculture européenne, perturber les chaînes d’approvisionnement et entraîner une instabilité accrue. Cela va à l’encontre des stratégies adoptées par d’autres acteurs mondiaux, qui renforcent leurs propres systèmes agricoles.

Réduire l’accent sur la production alimentaire locale revient à ignorer l’importance de l’autosuffisance et de la résilience. Pour y faire face, il est indispensable de réduire les menaces pesant sur la souveraineté européenne dans la production de denrées clés telles que les cultures, le lait, la viande, le sucre…

Cela inclut le soutien à l’ambition européenne de développer sa bioéconomie et la garantie que les politiques encouragent – plutôt que freinent – la diversification de la production agricole locale, y compris la bioénergie et les produits biosourcés.


4. Une concurrence déloyale est destructrice

L’accord UE–MERCOSUR entraînerait une concurrence déloyale pour les agriculteurs européens, soumis à des normes strictes en matière d’environnement, de santé des plantes et des animaux, de bien-être animal et de sécurité sanitaire.

Il est crucial de revoir et redéfinir une politique commerciale européenne cohérente, qui reconnaisse la dimension stratégique de la production alimentaire, dans un ordre commercial en pleine mutation, s’éloignant d’un système fondé sur des règles.

Cela implique la mise en place de mesures commerciales complémentaires, telles que des « mesures miroir », pour garantir que les produits importés respectent des normes équivalentes à celles imposées en Europe, et éviter les effets cumulés des accords commerciaux qui mettent sous pression des secteurs sensibles.


5. Une cohérence urgente entre politique commerciale et environnementale

La Commission européenne ne peut pas exiger des normes environnementales toujours plus strictes de ses propres agriculteurs tout en acceptant des importations alimentaires qui ne respectent pas ces mêmes standards. Cette incohérence est manifeste dans le cas de produits associés à la déforestation, à la destruction des écosystèmes, à la spoliation des populations indigènes, au travail forcé…

Nous n’avons pas peur de la concurrence. Nous exigeons simplement une concurrence équitable, fondée sur des règles égales, la pleine réciprocité, des contrôles rigoureux et des certifications crédibles – ce qui est loin d’être garanti à ce jour.


6. Les zones rurales en danger

La volonté persistante de la Commission de libéraliser à travers de nouveaux accords commerciaux rendra l’agriculture encore moins rentable, menacera la viabilité de nombreuses exploitations petites et moyennes, entraînera la fermeture de sites de production, la dépopulation des zones rurales et la désintégration du tissu social dans les campagnes.


7. La confiance rompue, les agriculteurs se sentent trahis

Les manifestations massives d’agriculteurs en 2023 et 2024 avaient conduit la Commission européenne à revoir certaines propositions extrêmes du Pacte vert. Pourtant, dès la fin des élections européennes, les agriculteurs sont de nouveau confrontés à des politiques dangereuses, comme l’accord MERCOSUR ou un affaiblissement de la PAC, qui alourdirait encore leurs charges.

Cette approche est en contradiction avec les promesses de dialogue et de coopération. Elle risque d’être perçue comme une imposition, notamment lorsqu’elle accroît la concurrence entre agriculteurs européens au lieu de favoriser une croissance durable.


Nos revendications

Nous, les organisations signataires :

  • Demandons la préservation de la Politique Agricole Commune comme pilier autonome de l’Union européenne, dotée d’un budget à deux piliers distincts et à la hauteur des enjeux ;
  • Exigeons le renforcement de la gestion des marchés avec des outils de gestion des risques et des filets de sécurité efficaces et suffisamment financés ;
  • Demandons la suspension immédiate du processus de ratification de l’accord UE–MERCOSUR dans sa forme actuelle, ainsi que des mesures concrètes et cohérentes pour protéger les agriculteurs européens ;
  • Exigeons des règles commerciales internationales équitables, fondées sur la pleine réciprocité, des standards de production équivalents et la protection de l’environnement, avec des contrôles crédibles ;
  • Rappelons à la Commission européenne que la sécurité alimentaire et l’autonomie stratégique agricole ne sont pas négociables.

Saper les agriculteurs, c’est saper l’Europe.

Il ne s’agit pas d’un mouvement de protestation – mais d’un appel à la raison.
Nous défendons les agriculteurs européens, les consommateurs, l’environnement et notre avenir commun.
Notre voix ne peut être ignorée.

Signé :
Organisations agricoles de toute l’Union européenne.