Protéines et énergies renouvelables : un seul et même challenge

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Communiqué de presse – Bruxelles, le 26 mars 2018

Malgré 30 ans d’efforts et pas moins de 5 « plans protéines », l’Union européenne accuse toujours un déficit chronique considérable en protéines végétales : plus de 30 millions de tonnes de soja ont été importées au cours de la campagne 2016-2017, ce que met en lumière l’analyse présentée aujourd’hui dans un rapport intitulé : Proteins and Renewable energy – One and the same challenge accompagné de l’indicateur protéique Farm Europe.

L’étude de l’ensemble des politiques publiques mises en place par l’UE depuis 1992 pour réduire sa dépendance aux importations de protéines animales en provenance d’Amérique latine montre que deux mesures ont eu des effets importants au cours des dernières années – et c’est d’elles dont dépend aujourd’hui l’indépendance protéique de l’UE:

  • D’une part, le développement de la filière biocarburants. Grâce à la co-génération de 13 millions de tonnes de produits riches en protéines par an, il constitue le plus vaste plan protéines par son ampleur et sa capacité à réduire de façon durable et stable la dépendance aux importations de soja. L’indicateur protéique Farm Europe met en lumière que les biocarburants produits dans l’UE ont permis de faire progresser de 18% à 34% le niveau d’indépendance, au cours de la période 1994-2014.
  • D’autre part, le verdissement de la PAC en 2013 et en particulier la mesure autorisant les cultures fixatrices d’azote sur les Surfaces d’Intérêt Ecologique (SIE) a permis le doublement des volumes européens de pois protéagineux, fèves, féveroles et soja (+40%), ce qui représente 2,3 millions de tonnes de produits riches en protéines supplémentaires « Made in EU ».

Il est regrettable de noter que ces dynamiques positives, permettant de réduire la dépendance de l’UE, sont l’une comme l’autre remises en cause par des initiatives décidées ou en cours de négociation par les institutions européennes.

D’un côté, dans le cadre de la renégociation de la directive REDII, l’UE a proposé un « phasing out » des biocarburants dits de première génération, sans prendre en compte le fait qu’une partie de la production, produite à partir de matières premières européennes, contribue à hauteur de 52% à l’indépendance protéique de l’UE. La co-génération biocarburant/protéine et l’imbrication des activités industrielles en font une seule et même filière. L’activité protéine ne résisterait pas à une moindre ambition européenne en matière de biocarburants. Ce que confirme déjà le recul de l’autonomie protéique de 34 à 31% entre 2014 et 2017. En effet, l’amélioration de l’indicateur s’est stoppée du fait du recul de la production de colza de 2,2 millions de tonnes, en raison de la concurrence depuis 2012-2013 des biocarburants produits à partir d’huile de palme. Celle-ci s’est faite au détriment de l’huile de colza, faisant disparaître les protéines co-générées, ce qui montre que moins de biocarburants à base de colza revient à moins de protéines pour l’Europe.

De l’autre côté, pour donner des gages en matière de verdissement de la PAC, l’abandon des flexibilités en matière d’utilisation des pesticides sur les SIE risque fort d’avoir des effets contre-productifs en matière environnemental, réduisant les surfaces SIE et en particulier celles destinées aux protéines. Les effets risquent de se faire sentir dès les prochains emblavements.

Il est urgent, pour bâtir une véritable stratégie protéique européenne à l’horizon 2020, de construire sur les efforts réalisés ces dernières années en ne déstabilisant pas la filière biocarburants européenne et, au contraire en valorisant, à l’occasion de la révision RED2 en cours, la dimension protéine de la co-génération d’énergie verte. Par ailleurs, il est nécessaire de construire à l’échelle européenne, une architecture verte solide et cohérente pour la future PAC alliant durablement économie et environnement.