SOTEU : ce que la Présidente von der Leyen n’a pas dit sur l’état de l’agriculture européenne

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La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prononcé ce matin son discours annuel sur l’état de l’Union (SOTEU) devant le Parlement européen, présentant les priorités de l’Union européenne pour l’année à venir.

Dans son discours, elle a mis l’accent sur cinq domaines principaux : la défense – Ukraine et Moyen-Orient, la compétitivité et l’emploi, le niveau de vie et l’accessibilité, le commerce, la démocratie et la migration.

Farm Europe salue la reconnaissance du rôle crucial des agriculteurs dans l’approvisionnement de l’UE en denrées alimentaires de qualité et abordables. Cependant, nous regrettons l’absence de vision sur le rôle fondamental de l’agriculture pour l’ensemble de l’UE ainsi que l’absence d’engagements concrets pour construire des politiques ambitieuses et tournées vers l’avenir, afin de garantir un avenir compétitif au secteur agricole européen.

De cette manière, la Présidente von der Leyen a enterré la plupart des nombreuses promesses qui avaient suivi les manifestations d’agriculteurs l’année dernière. Le « pacte des agriculteurs », promis par le PPE — sa propre famille politique — lors des élections européennes, semble déjà oublié, les orientations actuelles de Mme von der Leyen étant antagonistes à une ambition renouvelée pour l’agriculture européenne.

Voici donc ce que la Présidente von der Leyen aurait dû dire afin de dresser un bilan honnête de la réalité de l’agriculture européenne — et non de « Vonderland » — entre reconnaissance des responsabilités et mesures prévues pour nos agriculteurs :  

  1. Ce que la Présidente von der Leyen a dit sur l’agriculture :

« Les agriculteurs sont les gardiens de nos terres. En Europe, nous avons accès à des aliments de haute qualité que nos agriculteurs exceptionnels produisent à des prix abordables. Ils sont essentiels à notre sécurité alimentaire. Nous devons promouvoir le “Made in Europe”. Nos agriculteurs ont besoin d’une concurrence équitable et de règles du jeu équilibrées. Je proposerai de lancer une campagne européenne pour l’alimentation. »

Ce qu’elle aurait dû reconnaître :

« Trop de concessions ont été faites dans les accords commerciaux, risquant de compromettre la viabilité du secteur agricole européen et ouvrant le marché unique de l’UE à une concurrence déloyale. »

Avec la conclusion des accords commerciaux avec les États-Unis et les pays du Mercosur au cours des derniers mois, la Commission européenne devrait reconnaître que le secteur fait face à des relations commerciales déséquilibrées qui compromettent ses exportations et leur valeur, tout en ouvrant le marché unique de l’UE à une concurrence déloyale. Et par-dessus les accords déjà finalisés, l’UE travaille actuellement à un nouvel accord avec l’Inde. 

  1. Ce que la Présidente von der Leyen a dit sur les relations commerciales :

« Sur le Mercosur : nous avons des garde-fous solides dans notre accord commercial avec le Mercosur – assortis de financements en cas de besoin de compensations. »

« Sur l’UE–États-Unis : en tenant compte des exceptions que nous avons obtenues et des droits additionnels appliqués ailleurs – nous avons le meilleur accord. Sans aucun doute. »

Ce qu’elle aurait dû reconnaître :

« L’accord UE–États-Unis est un accord perdant-gagnant, car certains États membres m’ont forcée à faire des concessions pour protéger l’industrie automobile, exposant les agriculteurs européens à des revenus plus faibles, à des positions de marché affaiblies et à une concurrence déloyale. Il viole également les règles de l’OMC, créant un risque supplémentaire de contestations juridiques. »

L’accord commercial UE–États-Unis signé en août 2025 favorise largement les États-Unis, l’UE ayant accordé la plupart des concessions. Les vins haut de gamme, les pâtes, biscuits, fromages, bières et spiritueux européens perdront en compétitivité, avec des pertes estimées à plusieurs milliards d’euros. À cela s’ajoutent des concessions massives de l’UE, notamment la suppression des droits de douane sur les fruits, légumes, fruits secs, semences, confitures et jus, ainsi que de nouveaux contingents tarifaires : 25 000 tonnes pour le porc, 500 000 tonnes pour les fruits à coque et 400 000 tonnes pour l’huile de soja. Les secteurs des fruits et légumes, des semences et des fruits à coque devraient être les plus durement touchés par cette concurrence accrue.

« Je suis pleinement consciente des risques graves que représente le Mercosur pour nos agriculteurs, car le Mercosur est une puissance agroalimentaire avec des normes et standards différents, qui affectent l’égalité des conditions de concurrence. » 

Afin d’apaiser les fortes inquiétudes exprimées par certains États membres (notamment la France, l’Italie et la Pologne) quant aux effets néfastes de l’accord sur l’agriculture européenne, l’exécutif européen s’est engagé à mettre en place des garde-fous bilatéraux renforcés, qui apparaissent toutefois largement inefficaces pour protéger les agriculteurs européens.

« Cela s’ajoute aux tensions commerciales avec d’autres partenaires, qui affectent déjà nos agriculteurs. » 

En effet, cette situation est aggravée par la décision de la Chine d’imposer des droits antidumping provisoires allant de 15,6 % à 62,4 % sur les importations européennes de porc, à compter du 10 septembre, en raison d’une enquête en cours sur de possibles subventions déloyales.

  1. Ce que la Présidente von der Leyen a dit sur la proposition de CFP et l’avenir de la PAC :

« Nous avons simplifié la PAC et sanctuarisé les aides au revenu dans le prochain CFP. »

« Et nous avons veillé à ce que les financements puissent être complétés par des enveloppes nationales et régionales. »

Quelle est la réalité qu’elle aurait dû reconnaître : 

« Avec ma proposition de CFP, les États membres doivent être conscients que leur secteur agricole fera face à une véritable crise existentielle. Ils doivent augmenter d’au moins 95 milliards d’euros le budget de la PAC pour investir ensemble dans l’avenir de notre secteur agroalimentaire. »

Le plan réduit le budget de la PAC à 300 milliards d’euros (y compris le nouveau filet de sécurité “Unity Safety Net”), ce qui constitue une réduction de 17,6 % en euros courants (en intégrant les nouveaux paramètres sanctuarisés), bien en deçà des 482,5 milliards nécessaires pour maintenir le niveau de 2020, ou des 395 milliards pour 2027. Bien que la réserve de crise ait été augmentée à 6,3 milliards d’euros, ses modalités d’activation doivent être redéfinies pour offrir une réponse efficace et concrète aux agriculteurs.

  1. Ce que la Présidente von der Leyen a dit sur le marché européen : 

« Le marché unique est notre atout le plus précieux. »

Quelle est la réalité qu’elle aurait dû reconnaître :

« De plus, le nouveau cadre de performance et le fonds unique doivent servir d’électrochoc aux États membres et aux députés européens. Veulent-ils des politiques véritablement européennes ou des confrontations permanentes au sein du marché unique ? Ils doivent prendre leurs responsabilités et promouvoir une véritable ambition européenne plutôt que de toujours réclamer des flexibilités. »

La proposition de fonds unique mettrait en péril le caractère commun et l’autonomie de la politique agricole commune. La dimension économique plus large de la PAC est reléguée au second plan, les indicateurs exclusivement environnementaux et sociaux dominant le cadre de performance unique pour évaluer les dépenses budgétaires.