Une stratégie commerciale renouvelée pour une Europe plus forte

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Processus de consultation

Le processus d’examen de la politique commerciale sera basé sur de larges consultations avec les parties prenantes, notamment par le biais de débats publics organisés dans les États membres de l’UE et de soumissions écrites.

Les parties intéressés sont invitées à fournir leurs réponses aux questions ci-dessus avant le 15 septembre 2020 à la boîte aux lettres fonctionnelle : trade-policy-review-2020@ec.europa.eu

« La Commission européenne lance un réexamen de la politique de l’UE en matière de commerce et d’investissement ; deux objectifs clés sont à la base de ce processus. Premièrement, évaluer comment la politique commerciale peut contribuer à une reprise socio-économique rapide et durable, en renforçant la compétitivité dans l’environnement post-Covid 19, en relevant les défis auxquels l’UE sera confrontée et en contribuant à promouvoir nos valeurs et nos normes. Deuxièmement, voir comment la politique commerciale peut contribuer à construire une UE plus forte, sur la base d’un modèle d' »autonomie stratégique ouverte » ̶ récolter les bénéfices de l’ouverture pour nos entreprises, nos travailleurs et nos consommateurs, tout en les protégeant contre les pratiques déloyales et en renforçant notre résilience pour être mieux équipés pour les défis futurs.

 Pour l’essentiel, cet examen stratégique définira l’orientation politique de la politique de l’UE en matière de commerce et d’investissement pour les années à venir.

 L’objectif de la Commission est de parvenir à un consensus autour d’une nouvelle orientation à moyen terme pour la politique commerciale de l’UE, en répondant à une série de nouveaux défis mondiaux et en tenant compte des enseignements tirés de la crise du coronavirus ».

 L’UE devrait poursuivre un modèle d' »autonomie stratégique ouverte« . Cela signifie simplement renforcer la capacité de l’UE à poursuivre ses propres intérêts de manière indépendante et affirmée, tout en continuant à travailler avec des partenaires dans le monde entier pour apporter des solutions globales aux défis mondiaux.

 

Introduction

La position de l’UE, en tant que premier exportateur mondial et deuxième importateur de produits agroalimentaires, considère le commerce d’une importance cruciale pour le secteur agroalimentaire. Sans les exportations agroalimentaires de l’UE, la sécurité alimentaire de nombreux pays, et notamment en Afrique, serait compromise. La demande de denrées alimentaires étant en hausse, le rôle de l’UE en tant que premier exportateur mondial est primordiale, c’est pourquoi notre politique commerciale concernant les produits agricoles est essentielle.

En outre, la Commission européenne a déjà estimé[1] que dans un contexte où 90 % de la demande mondiale supplémentaire de produits agroalimentaires au cours des 10 à 15 prochaines années sera générée en dehors de l’Europe, les exportations vers les pays tiers seront donc déterminantes pour la croissance du secteur agricole. Cela sera principalement rendu possible par des accords bilatéraux qui créent des opportunités pour les producteurs de l’UE sur les marchés mondiaux et par un ensemble de règles commerciales internationales qui fonctionnent bien dans le cadre de l’OMC.

Toutefois, l’impact et les effets cumulatifs des accords commerciaux de l’UE sur le secteur agricole de l’UE doivent être soigneusement examinés.

Dans l’ensemble, la nouvelle politique devrait apporter une cohérence et une vision globale des coûts et des avantages commerciaux. En ce qui concerne l’agriculture, elle devrait être en phase avec le modèle d’agriculture poursuivi dans l’UE, largement basé sur des exploitations familiales de taille moyenne fonctionnant avec leurs propres ressources limitées en capital, et sur la manière dont l’UE se prépare à soutenir ce modèle.

Pour ces raisons, Farm Europe souhaite ajouter les points et réponses suivants à prendre en compte dans la discussion pour une politique commerciale renouvelée dans le cadre d’une Europe plus forte.

 

  • Renforcer la résilience – dimensions interne et externe

Question 1 : Comment la politique commerciale peut-elle contribuer à améliorer la résilience de l’UE et à construire un modèle d’autonomie stratégique ouverte ?

Question 2 : Quelles initiatives devrait l’UE prendre – seule ou avec d’autres partenaires commerciaux – pour aider les entreprises, y compris les PME, à évaluer les risques ainsi qu’à consolider et à diversifier les chaînes d’approvisionnement ?

Pendant le déroulement de la pandémie Covid-19, il n’est pas passé inaperçu que, au cœur de la crise, de nombreux pays ont fait recours aux interdictions et des restrictions d’exportation, y compris dans le secteur agroalimentaire. Que se serait-il passé si l’UE avait été aussi vulnérable en matière d’approvisionnement alimentaire que pour certains équipements médicaux et médicaments ?

Après la crise du Covid-19, nous devons changer de politique sans compromettre la sécurité alimentaire. Nous avons besoin d’un meilleur équilibre entre les avantages de la libéralisation des échanges et ses effets négatifs asymétriques. Nous avons besoin d’une politique moins idéologique et plus pragmatique et réaliste.

Dans cette optique, si nous souhaitons poursuivre un modèle d' »autonomie stratégique ouverte », nous devons garantir la valeur stratégique du secteur agroalimentaire. Nous devons donc veiller à ce qu’en plus d’établir des relations commerciales solides, l’UE dispose d’une agriculture robuste qui peut assurer son rôle fondamental de nourrir ses citoyens dans toutes circonstances.

Farm Europe ne s’exprime pas contre le commerce, ni contre la négociation d’accords de libre-échange au profit des producteurs et des consommateurs. En fait, l’isolement à l’intérieur de nos frontières entraînerait une baisse de la production, des revenus agricoles, des emplois, des agro-industries, un ralentissement des progrès technologiques et de l’innovation stimulée par la concurrence internationale. Il convient d’éviter la perturbation brutale des flux commerciaux et l’UE devrait s’efforcer de permettre l’établissement de nouvelles relations mutuellement bénéfiques à l’avenir.

D’autre part, Farm Europe estime que le moment est venu d’adopter une politique commerciale plus équilibrée. Le commerce devrait aider, favoriser et renforcer la résilience du secteur agroalimentaire, et non l’affaiblir. Les agriculteurs européens ne devraient pas être une monnaie d’échange offerte au profit d’autres secteurs et industries.

Cela signifie avant tout que les Accords de Libre Echange (ALE) ne doivent pas compromettre la viabilité des secteurs les plus vulnérables. Les ALE ont fait des gagnants et des perdants dans l’agriculture, et les perdants ont été laissés seuls pour faire face aux conséquences.

Une nouvelle politique commerciale devrait rechercher les avantages d’une plus grande liberté des échanges tout en protégeant complètement les secteurs agricoles vulnérables ou en adoptant des programmes spécifiques pour aider ces secteurs à faire face (et en prévoyant des ressources communautaires obligatoires pour financer ces programmes).

La Commission européenne devrait, dans son évaluation préalable à l’engagement de négociations d’ALE, évaluer soigneusement le degré d’ouverture des frontières dans des secteurs clés, et intégrer dans son évaluation, le cas échéant, la conception et les ressources nécessaires pour aider ces secteurs à faire face à une concurrence extérieure supplémentaire.

En outre, l’excédent commercial de l’UE sur les produits agroalimentaires masque le fait que l’excédent de l’UE sur les produits agricoles bruts est faible, les chiffres globaux étant largement aidés par les performances de l’UE en matière d’exportation de produits transformés, en particulier de haute valeur. Il convient de reconnaître ces faits, ainsi que le fait que l’UE souffre d’un déficit chronique en protéines végétales puisqu’elle ne consacre que 3 % de ses terres arables aux protéagineux et qu’elle importe plus de 75 % de son approvisionnement en protéines végétales tout en restant fortement tributaire des importations de protéines animales[2]. Avec nos ALE, nous ne devons pas entraver la sécurité alimentaire.

 

  • Soutenir la reprise et la croissance socio-économiques

Question 3 : Comment le cadre commercial multilatéral (CCM) devrait-il être renforcé pour assurer la stabilité, la prévisibilité et un environnement fondé sur des règles pour un commerce et des investissements équitables et durables ?

Question 4 : Comment pouvons-nous utiliser notre vaste réseau d’ALE existants ou de nouveaux ALE pour améliorer l’accès au marché pour les exportateurs et les investisseurs de l’UE, et promouvoir la coopération internationale en matière de réglementation ̶ notamment en ce qui concerne les technologies et les normes numériques et vertes afin d’en maximiser le potentiel ?

Question 5 : Avec quels partenaires et régions l’UE devrait-elle donner la priorité à son engagement ? En particulier, comment pouvons-nous renforcer nos relations en matière de commerce et d’investissement avec les pays voisins et l’Afrique, dans notre intérêt mutuel ?

En ce qui concerne l’Afrique et la politique de l’UE en matière de commerce et d’investissement, nous poursuivrons la double mission suivante :

  • la promotion et le soutien de projets de développement rural durable tant locaux que sectoriels en Afrique, fondés sur l’amélioration des chaînes de valeur agricoles locales, nationales ou transnationales ;
  • contribution à la mise en place de politiques de gouvernance favorables au développement de l’Afrique à travers ses secteurs agricole et agroalimentaire.

Pour ses actions dans ce domaine, l’UE doit viser à soutenir des projets de développement rural intégré dans les secteurs agricole et agroalimentaire qui maximisent la valeur ajoutée pour les régions ciblées, en les intégrant dans la dynamique environnementale promue par la COP21, en mettant en évidence les normes sociales et en affirmant la grande valeur du travail des femmes.

Question 6 : Comment la politique commerciale peut-elle soutenir la renouvelée politique industrielle européenne ?

La politique commerciale ne doit pas entraver le lien entre l’agriculture et la transformation industrielle dans l’UE. Il est illusoire de croire que l’UE peut maintenir une agro-industrie dynamique et compétitive sans une solide production intérieure de biens agricoles.

 

  • Soutenir les PME

Question 7 : Que peut-on faire de plus pour aider les PME à tirer parti des possibilités offertes par le commerce et les investissements internationaux ? Où ont-elles des besoins spécifiques ou des défis particuliers qui pourraient être abordés par des mesures et un soutien en matière de politique commerciale et d’investissement ?

Tout comme l’épine dorsale de l’économie de l’UE est composée de PME, le modèle agricole de l’UE repose en grande partie sur des exploitations familiales de taille moyenne.

Ces agriculteurs doivent disposer des outils nécessaires pour faire fâce à des opportunités et des menaces du marché mondial en matière de commerce. Ils doivent avoir les outils nécessaires pour comprendre quand il y a une diminution ou une augmentation de la demande de leurs produits et pour trouver des partenaires commerciaux appropriés à l’autre bout du monde.

 

  • Soutenir la transition verte et rendre le commerce plus durable et responsable

Question 8 : Comment la politique commerciale peut-elle faciliter la transition vers une économie plus verte, plus équitable et plus responsable, tant au niveau national qu’international ? Comment la politique commerciale peut-elle promouvoir davantage les objectifs de développement durable des Nations unies (SDG) ? Comment la mise en œuvre et l’application doivent-elles soutenir ces objectifs ?

Veuillez vous référer à notre réponse à la question 12.

Question 9 : Comment la politique commerciale peut-elle contribuer à favoriser une conduite plus responsable des entreprises ? Quel rôle la politique commerciale devrait-elle jouer dans la promotion de chaînes d’approvisionnement transparentes, responsables et durables ?

 

  • Soutenir la transition numérique et le développement technologique

Question 10 : Comment les règles du commerce numérique peuvent-elles profiter aux entreprises de l’UE, y compris aux PME ? Comment la transition numérique, au sein de l’UE, mais aussi chez les partenaires commerciaux des pays en développement, pourrait-elle être soutenue par la politique commerciale, notamment en ce qui concerne les technologies numériques clés et les grandes évolutions (par exemple, blockchain, intelligence artificielle, grands flux de données) ?

Question 11 : Quels sont les principaux obstacles et opportunités pour les entreprises européennes qui se lancent dans le commerce numérique dans des pays tiers ou pour les consommateurs lorsqu’ils se lancent dans le commerce électronique ? Quelle est l’importance des transferts internationaux de données pour l’activité commerciale de l’UE?

 

  • Garantir l’équité et l’égalité des conditions de concurrence

Question 12 : En plus des instruments existants, tels que la défense commerciale, comment l’UE devrait-elle s’attaquer aux pratiques commerciales coercitives, distorsives et déloyales des pays tiers ? Les instruments existants devraient-ils être encore améliorés ou des instruments supplémentaires devraient-ils être envisagés ?

Une nouvelle politique commerciale devrait respecter des conditions de concurrence équitables entre l’UE et les pays tiers, en ce qui concerne les contraintes environnementales, sanitaires et phytosanitaires.

S’il est vrai que les importations dans l’UE doivent respecter les normes sanitaires et phytosanitaires de l’UE, dans de nombreux pays exportateurs, des substances interdites dans l’UE sont largement utilisées. Les problèmes liés aux substances interdites au cours du processus de production ne peuvent pas toujours être détectés dans le produit fini, qui présente un risque réel. Le niveau des contrôles à nos frontières doit être à la hauteur de ces dangers, et doit être complété par un engagement fort des pays exportateurs à respecter les normes européennes de production. Ces engagements doivent être inclus dans les ALE, et les moyens de contrôle doivent être inclus lors des négociations ».

Ceci est susceptible de devenir encore plus important, car les coûts opérationnels et de production augmenteront probablement en raison de la réalisation des changements systématiques recommandés par la stratégie « de la ferme à la table » et par le « Plan Vert ».

Dans le domaine de l’environnement, la situation est encore pire. Les accords de libre-échange existants ne comportent que quelques clauses qui consacrent l’adhésion aux conventions des Nations Unies.

Le fait est que l’UE importe une large gamme de produits provenant de zones déboisées, de la viande de bœuf à l’huile de palme. C’est inacceptable, car l’UE devient ainsi un acteur actif de la déforestation en raison de sa forte demande pour ces produits. L’UE devrait adopter une politique commerciale claire qui interdise les importations en provenance des zones déboisées et d’autres zones à haute valeur environnementale. L’UE dispose de moyens indépendants pour contrôler la déforestation et identifier, dans ces zones, les produits qui en sont originaires, en utilisant par exemple la surveillance de l’évolution du couvert forestier par l’imagerie satellite. Ces technologies permettant une surveillance impartiale ont été développées par des entreprises européennes telles que Copernicus ou Starling, utilisées notamment par des sociétés dans le cadre de leurs engagements de déforestation zéro.

L’UE ne devrait pas laisser la responsabilité de la certification des produits déboisés à des pays tiers ou à d’autres parties en général, à moins que des systèmes équivalents basés sur des images satellites objectives et vérifiables, ouverts à l’audit, ne soient mis en place pour surveiller la déforestation mise en œuvre par les pays concernés, ce que l’UE pourrait alors accepter, voire soutenir. Cela représenterait un pas bienvenu vers l’autonomisation des pays où la déforestation est un fléau pour qu’ils prennent le problème en main et mettent en œuvre la combinaison appropriée de politiques de contrôle, économiques, sociales et environnementales pour mettre fin à la déforestation et à la dégradation des forêts.

Ainsi, l’UE pourrait aider les pays producteurs et leurs autorités publiques, voire le secteur privé, à accélérer leurs efforts pour plus de transparence et une planification durable de l’utilisation des sols grâce à des approches coopératives comprenant la fourniture de couches de données, par exemple : les satellites à haute capacité (HCS), et d’outils de vérification

Globalement, l’UE devrait fixer une date limite claire dans le passé pour l’acceptation des importations en provenance de zones précédemment déboisées et à haute valeur environnementale, en interdisant toutes les importations en provenance de zones dégradées après cette date.

Les contraintes environnementales de l’UE sont les plus strictes au monde. Cela a un coût pour le secteur, et ce coût n’est pas supporté par ses concurrents. En particulier, l’UE ne devrait pas accepter que les importations de produits agroalimentaires qui ont été produits sous des contraintes environnementales nettement moins strictes bénéficient d’avantages tarifaires.

La fraude alimentaire, les contrefaçons et les imitations de produits européens connus et protégés ayant une appellation d’origine doivent être combattues afin d’établir que de telles tromperies ne pourront pas pénétrer et s’implanter sur des marchés du monde entier sous le faux déguisement de la bonne réputation des produits européens.

Question 13 : Quels sont les autres sujets importants non couverts par les questions ci-dessus que l’examen de la politique commerciale devrait aborder ?

En ce qui concerne les conditions de travail, les règles du jeu équitables sont pratiquement inexistantes. Les accords de libre-échange existants ne prévoient que l’adhésion aux conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

Bien qu’il s’agisse généralement d’une question transversale qui va plus loin que le commerce agroalimentaire, les ALE pourraient comporter des dispositions permettant de traiter les questions de salaire minimum dans des secteurs particulièrement sensibles. Par exemple, en ce qui concerne le commerce de la viande, le coût d’exploitation des abattoirs est important et la question soit donc pertinente pour établir des conditions de concurrence équitables.

Une autre question transversale est la dévaluation compétitive de la monnaie. Il y a des bonnes raisons d’insérer dans les ALE des clauses visant à contrer les dévaluations concurrentielles des monnaies. Une dévaluation monétaire a souvent un impact commercial plus important que les droits de douane, et les politiques monétaires qui dévaluent intentionnellement une monnaie devraient être contrecarrées par des contre-mesures, par exemple en donnant à l’autre partie la possibilité d’augmenter les droits de douane.

[1] https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/farming/documents/agricultural-food-

[2] Rapport sur une stratégie européenne pour la promotion des protéagineux – Encourager la production de protéines et de légumineuses dans le secteur agricole européen (2017/2116(INI))