La simplification, enfin

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

BRUXELLES, le 14 mai 2025 — Beaucoup ont parlé de simplifier la PAC, mais très peu ont agi. Farm Europe se félicite que le Commissaire européen à l’agriculture, Christophe Hansen, ait décidé de faire avancer concrètement ce dossier, permettant ainsi à l’UE de tourner le dos aux dispositions les plus préjudiciables à la crédibilité de la Politique agricole commune et générant une surcharge administrative évidente et inutile au regard de ses performances.

Le paquet de simplification proposé remédiera aux incohérences les plus flagrantes du nouveau cadre de performance introduit par la précédente réforme. La Commission européenne envoie un signal positif en indiquant son intention d’aligner la réglementation sur l’agronomie, la réalité du travail des agriculteurs et leurs besoins pratiques afin de concilier production agricole et durabilité, y compris à travers la simplification attendue de plusieurs GAECs.

Une nouvelle approche des plans nationaux

En ce qui concerne la mise en œuvre de la PAC dans les États membres, l’objectif de la Commission de concentrer sa valeur ajoutée sur des changements stratégiques des plans nationaux, plutôt que de discuter de détails mineurs ou de rejeter des propositions pragmatiques, comme cela a été le cas depuis 2023, constitue un pas dans la bonne direction. Toutefois, la Commission doit pleinement jouer son rôle pour garantir la cohérence des ambitions des plans stratégiques nationaux, en facilitant leur mise en œuvre la plus opérationnelle possible. Ce travail est particulièrement nécessaire en ce qui concerne les BCAE. Certains pays ont rendu leur mise en œuvre trop complexe. C’est le cas, par exemple, d’une poignée d’États membres en ce qui concerne la mise en œuvre des BCAE5, qui pénalise lourdement certains secteurs et menace l’intégrité du marché intérieur, sans aucune justification agronomique. 

En ce qui concerne le régime en faveur des petits agriculteurs, Farm Europe appelle à une concurrence loyale au sein de l’UE, non seulement entre les pays, mais aussi entre les agriculteurs, afin que chacun puisse contribuer à l’objectif de durabilité, quelle que soit la taille de son exploitation. Cet outil doit rester ciblé sur les structures les plus éloignées de toute capacité administrative et très peu intégrées au marché. 

La gestion européenne des crises est moins coûteuse que la gestion nationale

En outre, des éléments de simplification des outils de gestion des risques à l’échelle nationale sont la bienvenue, mais Farm Europe s’inquiète du risque d’une gestion purement nationale des crises agricoles. La mise en place de réserves de crise par les États membres envoie un signal ambigu, compte tenu de la gestion désordonnée et variable des aides d’État autorisées en réponse à la Covid et à la guerre en Ukraine. La mesure proposée dans ce paquet de simplification ne doit pas se substituer à une réserve de crise européenne renforcée. Pour être véritablement efficace, la gestion des crises graves ne peut être assurée qu’au niveau communautaire, grâce à un mécanisme combinant solidarité, incitations à renforcer les outils de gestion des risques dans les exploitations agricoles et prise en charge de ces outils par l’Europe en cas de crise grave. 

Il s’agit d’une question d’efficacité économique et d’efficience dans l’utilisation des fonds publics. Selon les estimations de Farm Europe, une réserve de crise européenne de 2 milliards d’euros coûte cinq fois moins cher que des réserves de crise nationales distinctes offrant le même niveau de couverture. Comme l’a souligné le rapport Draghi, la mutualisation et la solidarité sont des piliers de l’ambition européenne, mais aussi du pragmatisme budgétaire.

Forum 2025 : L’urgence d’un plan de relance de la production agricole européenne

A l’occasion du Global Food Forum qui s’ouvre 12 mai, marquant ses 10 ans, Farm Europe dévoilera la mise à jour de son radar de durabilité et de souveraineté des systèmes alimentaires de l’UE et présentera un nouvel indicateur, montrant l’érosion des bastions traditionnels de l’agriculture européenne — les grandes cultures et l’élevage. Cette tendance est associée à une dégradation des indicateurs sociaux-économiques et à une poursuite de l’amélioration des indicateurs environnementaux. Le Forum, qui réunit plus de 150 responsables politiques et économiques de l’agriculture européenne, travaillera sur des pistes d’actions concrètes pour « relancer le moteur de croissance durable de l’agriculture européenne », et répondre aux besoins de plus en plus marqués en produits agricoles, tant à l’échelle européenne que dans le monde. L’analyse des besoins alimentaires et non alimentaires, réalisée par Farm Europe, anticipe une croissance nécessaire de la production agricole européenne de 13% d’ici à 2030 et de 25% d’ici à 2050 pour jeter les bases d’une réelle autonomie stratégique du Continent. 

Le radar du durabilité et souveraineté long terme est un outil d’analyse qui met en valeur les dynamiques en cours et la santé du secteur agricole et alimentaire de l’Union européenne à travers 12 indicateurs dynamiques et 12 indicateurs de situation. 

Il fait apparaître que l’Union européenne reste une puissance agricole, avec une balance solide pour l’alimentation humaine, tant en produits végétaux qu’animaux. De plus, les transitions environnementales sont largement engagées avec une dynamique positive des indicateurs environnementaux, tant sur le plan des usages de produits phytosanitaires les plus virulents que des émissions. 

Toutefois, les points noirs restent les indicateurs sociaux économiques de l’agriculture européenne, avec des revenus en berne, ainsi qu’une politique restrictive limitant la capacité de l’agriculture européenne à répondre à la demande en alimentation animale et en matière première pour la bioéconomie. 

UNE DEGRADATION DES POINTS FORTS HISTORIQUES

Au-delà des méga-trends, le nouvel indicateur, dévoilé à l’occasion du Global Food Forum, fait apparaître les dynamiques récentes. Il met en lumière une dégradation rapide des indicateurs de souveraineté agricole sur les postes traditionnellement forts de l’Union européenne : les céréales et la viande. De même, les indicateurs sociaux-économiques poursuivent leur chute avec une accélération de la restructuration en cours et des revenus agricoles en berne, malgré la légère hausse du budget des ménages consacrés à l’alimentation. 

Sur le plan environnemental, les indicateurs confirment leur progression. Les émissions à la production refluent, le changement de structure des ventes de produits phytosanitaires se prolonge. L’amélioration de la qualité de l’eau se poursuit, mais ce défi est remplacé par celui de la disponibilité. En revanche, le recul de l’élevage provoque une perte des prairies et un dégagement du stock de carbone associé. La contribution à la bioéconomie est contrastée avec une dynamique positive en matière de biogaz, mais une pression forte des importations sur la production européenne de bioénergie, mettant à mal l’autonomie stratégique de l’UE en la matière. 

Ces tendances sont étroitement liées aux dynamiques géopolitiques mondiales, aux défis du changement climatiques, aux évolutions structurelles en cours dans le secteur agricole, mais aussi aux choix politiques réalisés ces dernières années par l’Union européenne. Redresser ces indicateurs est pourtant une urgence. Selon l’analyse de Farm Europe, l’Union européenne devra augmenter de 13% sa production d’ici à 2030 et de 25% d’ici à 2050 pour répondre aux besoins d’une économie décarbonée. 

Ces dernières années ont été marquées par un reflux de l’investissement public à l’échelle de l’Union européenne, avec la baisse de 85 milliards d’EUR des financements de la Politique agricole commune au cours de la période 2021-2027 en valeur réelle comparée à 2020, le choc inflationniste n’ayant été compensé que très partiellement à l’échelle nationale, et ce, de façon très disparate d’un Etat membre de l’UE à l’autre, certains pays restant sur le bord du chemin. 

Dans ce contexte, Farm Europe appelle à un réel plan de relance de l’agriculture européenne, par la mobilisation de moyens budgétaires nécessaire et la mise en cohérence de l’ensemble des politiques de l’UE ayant un impact sur l’agriculture pour amorcer une intensification durable de la production. 

Équilibre nutritionnel, économie, environnement : l’élevage est une chance pour l’Europe

Farm Europe se félicite de l’annonce, par la Commission européenne, du lancement d’un processus de travail dédié à l’élevage et souhaite pleinement contribuer à la construction en présentant ses propositions pour une stratégie renouvelée de l’Union européenne pour son secteur de l’élevage. Farm Europe estime que l’Union européenne doit tourner la page de cinq années d’idées reçues et d’une vision erronée, pessimiste et négative de l’élevage. Face aux défis nutritionnels, économiques, climatiques et environnementaux, l’élevage « Made in Europe » est une opportunité, tant pour notre continent que pour la planète. En période de tensions géopolitiques, l’UE doit plus que jamais garantir son autonomie stratégique. 

“Une stratégie ambitieuse pour le  secteur de l’élevage de l’UE doit pouvoir s’appuyer sur une boîte à outils complète pour consolider les acquis, un soutien économique pour mieux protéger et aider le secteur à rebondir, et des investissements ciblés pour relever les défis et construire le secteur de l’élevage de demain, capable d’irriguer tous les territoires de notre continent, des zones les moins favorisées comme les montagnes aux zones intermédiaires comme les plus productives où la complémentarité entre les cultures et l’élevage est un atout”, a souligné Ettore Prandini, chair of the Strategic Committee de Farm Europe à l’occasion de la Conférence sur l’avenir de l’agriculture et de l’alimentation organisée par la Commission européenne. . 

 La future stratégie devra permettre de :

  • Relancer la production en Europe
  • Optimiser pleinement les bénéfices positifs de l’élevage
  • Investir et préparer l’avenir 
  • Mettre fin à la frénésie normative au profit d’une stratégie permettant de créer de la valeur ajoutée et de la segmentation sur les marchés
  • Valoriser pleinement et contribuer au déploiement de la bioéconomie

Ces cinq principes de base doivent permettre au secteur de l’élevage du futur d’être économiquement résilient, au cœur d’une véritable stratégie de souveraineté agricole européenne et, enfin, pleinement engagé dans la lutte contre le changement climatique, le bien-être animal et la protection des ressources naturelles par une réelle valorisation de ses contributions et une optimisation de ses impacts, ainsi qu’une source de prospérité.

Ils doivent également permettre de construire une vision commune et partagée au niveau de l’Union européenne, en faisant de la diversité des territoires et des savoir-faire de l’Union une richesse. Enfin, ils seront un levier fondamental pour redonner de l’attractivité aux filières d’élevage auprès d’une nouvelle génération d’éleveurs engagés et confiants dans leur avenir. 

Pour permettre la construction d’un consensus solide, Farm Europe recommande à la Commission européenne de reprendre l’approche qui a démontré son efficacité pour le secteur du vin à travers la création d’un Groupe de Haut Niveau  en réunissant  des responsables européens, des représentants des acteurs économiques et des représentants des ministères nationaux et des autorités régionales les plus impliqués dans l’avenir de l’élevage dans l’Union. 

Une telle initiative doit permettre non seulement de faciliter l’émergence d’un consensus, mais aussi de développer une feuille de route précise pour sa mise en œuvre au cours des cinq prochaines années, offrant ainsi la visibilité nécessaire aux acteurs économiques ébranlés par le climat d’incertitude créé par les campagnes négatives orchestrées et instrumentalisées de ces dernières années. 

Dans ce cadre, rassemblant le fruit des travaux et réflexions récentes, Farm Europe a préparé sa contribution initiale à ce que pourrait être une stratégie élevage, sous la forme d’une brochure rappelant que ce secteur est une chance pour l’Europe, et l’importance de la complémentarité entre le monde animal et végétal. Ce document est disponible ici, et servira de base aux futurs travaux de Farm Europe.

Paquet Vin: un pas important en avant, le dialogue doit se poursuivre

La proposition présentée aujourd’hui par la Commission européenne représente une réponse nécessaire et positive à la crise actuelle qui touche le secteur viticole européen et aux demandes exprimées par le Groupe de Haut Niveau sur le Vin.

Les mesures exposées dans la proposition présentée par le Commissaire Hansen constituent un premier pas positif, mais il est essentiel de continuer à travailler pour écouter les acteurs du secteur et garantir ainsi des développements positifs à moyen et long terme. Cette méthode de travail est nécessaire pour restaurer le dynamisme nécessaire pour surmonter les défis à venir. Il est crucial que la discussion reste ouverte, assurant un soutien continu et structuré de la part des institutions européennes.

Le secteur viticole, pilier de l’économie européenne, fait face non seulement à des défis internes, mais aussi à ceux provenant du contexte international. C’est pourquoi il est nécessaire d’adopter une approche cohérente qui intègre de manière harmonieuse toutes les politiques européennes, en particulier dans des domaines clés tels que le commerce, la promotion, la résilience en matière d’eau et la numérisation de l’agriculture. Les politiques et les mesures doivent aller plus loin et aborder tous les domaines qui impactent le secteur, afin de créer une vision stratégique globale et à long terme.

Le vin est fortement lié aux marchés internationaux et doit être soutenu par des politiques garantissant un accès à des marchés ouverts et dynamiques, capables de faire face aux crises mondiales et aux tensions internationales. À cet égard, il est essentiel d’équiper le secteur d’outils qui lui permettent de réagir rapidement aux défis externes et de continuer à prospérer à long terme.

Un autre aspect critique est le travail sur la consommation. Il est nécessaire d’écouter les besoins des consommateurs, de répondre à leurs attentes tout en évitant la diabolisation du secteur. Il est important d’éviter des approches non scientifiques qui nient la signification culturelle et sociale de la consommation modérée de vin, un élément profondément ancré dans les traditions et les habitudes de nombreuses cultures européennes.

La méthode de consultation « ascendante » qui a guidé la proposition de la Commission a prouvé son efficacité. Dans ce cas, la collaboration entre les institutions, les agriculteurs et les opérateurs du secteur a donné des résultats concrets. Ce modèle pourrait être appliqué avec succès à d’autres secteurs, comme l’élevage, où le besoin de réponses rapides et ciblées est tout aussi urgent.

Farm Europe appelle toutes les institutions et parties prenantes à poursuivre le dialogue constructif afin de renforcer encore un secteur viticole européen résilient et compétitif, capable de relever les défis futurs avec un nouvel élan.

L’UE DOIT DÉFENDRE SES INTÉRÊTS OFFENSIFS EN AGRICULTURE

​​Il est désormais fort probable que la décision des États-Unis de rétablir les droits d’importation sur l’acier et l’aluminium en provenance de l’UE, ainsi que la réponse inévitable de l’UE par des mesures de représailles, conduisent à une guerre commerciale dont la fin n’est pas en vue.

L’UE prévoit de rétablir ses mesures de représailles, suspendues depuis plusieurs années après une trêve négociée. Celles-ci incluent certaines exportations agricoles américaines, comme le maïs et le soja, mais aussi d’autres produits clés – comme le bourbon – qui pourraient déclencher de lourdes contre-mesures de la part des États-Unis.

Le Président américain a d’ailleurs publiquement déclaré que les États-Unis riposteraient avec encore plus de vigueur, menaçant d’imposer des droits de douane de 200 % sur les vins européens.

Le décor est donc planté pour une guerre commerciale entre les États-Unis et l’UE, et malheureusement l’agriculture en fait partie, bien qu’elle n’ait pas été le point de départ du conflit.

Nous examinerons ce que cela signifie pour le secteur agricole de l’UE, qui a les meilleures cartes en main, et à quoi pourraient ressembler les résultats. Tout dépendra largement de la capacité de l’UE à rester unie et à mobiliser sa puissance pour protéger ses intérêts offensifs, en particulier dans le secteur agroalimentaire, déjà confronté à un manque de compétitivité et à des tensions avec la Chine.

LE RISQUE DE PERTE DE PARTS DE MARCHÉ POUR L’AGRICULTURE ET L’AGROALIMENTAIRE EUROPÉENS

L’UE bénéficie depuis longtemps d’un excédent commercial agricole important avec les États-Unis. En 2023, elle a exporté pour 27 180 millions d’euros et importé pour 11 744 millions d’euros, soit un excédent de 15 436 millions d’euros.

Les États-Unis sont notre deuxième marché d’exportation après le Royaume-Uni, représentant 12 % de nos exportations.

Une analyse plus approfondie de la composition du commerce UE-États-Unis montre que l’UE exporte principalement des produits transformés, tandis qu’elle importe surtout des matières premières.

D’après les dernières données de 2024, parmi nos principales exportations figurent :

  • Vins (4 894 millions d’euros)
  • Spiritueux (2 890 millions d’euros)
  • Huile d’olive (2 056 millions d’euros)
  • Fromages (1 306 millions d’euros)

D’autres produits tels que la bière, le chocolat, les pâtes, les jambons, le beurre et diverses préparations alimentaires dépassent également la centaine de millions d’euros d’exportations annuelles.

Du côté des États-Unis, les principales exportations vers l’UE sont :

  • Soja (2 588 millions d’euros)
  • Fruits et noix (2 200 millions d’euros)
  • Spiritueux (1 076 millions d’euros)

Cette disparité entre la nature de nos exportations et importations soulève une question cruciale.

Les États-Unis peuvent facilement trouver d’autres débouchés pour leurs exportations de soja en cas de blocage en Europe. Le soja étant une matière première, si nous cessons d’importer des États-Unis au profit de l’Amérique du Sud, d’autres marchés absorberont aisément le soja américain en remplacement.

En revanche, les exportations de vin de l’UE ne peuvent pas être aussi facilement redirigées vers d’autres marchés. Les spécificités commerciales et marketing du vin rendent impossible la compensation des milliards perdus aux États-Unis par une simple augmentation des ventes ailleurs. L’UE pourrait augmenter sa part de marché sur d’autres marchés, mais au prix d’une baisse des prix et des marges.

Le même raisonnement s’applique aux exportations européennes de fromages, de jambons et d’huile d’olive.

Si l’UE perd le marché américain pour ses fromages et jambons de qualité supérieure, il lui sera presque impossible de trouver des marchés de substitution ou d’augmenter sa présence sur les marchés existants.

Le cas est encore plus flagrant pour l’huile d’olive : l’UE est de loin le premier producteur mondial avec peu de concurrents, ce qui signifie qu’il n’existe que peu d’opportunités pour évincer d’autres acteurs. De plus, il est quasiment impossible de remplacer les autres huiles alimentaires sur le marché, car les prix et les habitudes alimentaires sont des obstacles majeurs.

On pourrait faire des arguments similaires pour d’autres produits transformés à forte valeur ajoutée.

Principaux enseignements de cette analyse :

  • L’UE, qui jouit d’un important excédent commercial agroalimentaire avec les États-Unis, a potentiellement plus à perdre dans ce secteur en cas d’escalade.
  • Les exportations agroalimentaires européennes sont plus difficiles à rediriger vers d’autres marchés, ce qui amplifierait les pertes commerciales.
  • Pour défendre ses intérêts offensifs, l’UE doit orienter ses représailles vers d’autres secteurs et exploiter les marchés de consommation où les grandes entreprises américaines (GAFAM) ne peuvent pas se permettre de perdre du terrain.

LES GUERRES COMMERCIALES FONT DES DÉGÂTS DES DEUX CÔTÉS

Une guerre commerciale entre les États-Unis et l’UE nuira aux deux parties. L’économie souffrira, les emplois aussi. Nous nous concentrerons cependant sur les conséquences pour l’UE.

L’ampleur des dégâts dépendra de l’ampleur du conflit, du nombre de produits concernés et des niveaux tarifaires appliqués.

Si les États-Unis ignorent totalement leurs obligations à l’OMC et imposent des droits de douane généralisés sur les importations européennes, l’impact sera considérable, et les États-Unis ne sortiront pas indemnes des représailles justifiées de l’UE. Les pertes économiques seront lourdes des deux côtés.

Toutefois, ce scénario n’est pas le plus probable. Il ne fait cependant aucun doute que les États-Unis appliqueront dans une certaine mesure leur nouvelle politique de réciprocité, imposant des droits de douane qu’ils jugent équivalents à ceux qu’ils subissent en Europe.

Il est clair que cela mettra en péril l’acquis du GATT et de l’OMC.

Le Président américain a déjà indiqué que toute riposte de l’UE entraînerait une surenchère, avec des contre-représailles pouvant aller jusqu’à des droits de douane de 200 % sur les vins. Jusqu’où cela ira-t-il ? Comment éviter une guerre commerciale qui dégénère sans fin ?

L’UE se considère comme un défenseur des règles de l’OMC et veut les faire respecter, alors que les États-Unis s’en détournent pour favoriser leurs intérêts nationaux avec une approche mercantiliste.

CONCLUSION

Les tensions initiées par les États-Unis sont particulièrement nuisibles au secteur agricole européen.

L’UE a plus à perdre qu’eux dans cette guerre commerciale, avec un excédent commercial agroalimentaire significatif et des produits difficilement redirigeables vers d’autres marchés.

Bien que les représailles de l’UE soient compréhensibles et justifiées, il est essentiel d’éviter une escalade dans l’agriculture et l’alimentation, qui inciterait les États-Unis à en faire de même.

Un accord négocié est dans l’intérêt du secteur. Si un tel accord est impossible, l’UE doit minimiser l’impact sur l’agriculture via des mesures de compensation économique et en ciblant d’autres secteurs.

L’UE défend un commerce mondial basé sur des règles, tandis que les États-Unis poursuivent une politique nationaliste de rééquilibrage du commerce.

À un moment où la coopération transatlantique est cruciale pour relever des défis mondiaux comme le changement climatique et la sécurité alimentaire, les négociateurs doivent trouver des solutions innovantes pour parvenir à un accord et éviter une guerre commerciale destructrice.

125 ORGANISATIONS APPELLENT À UN NOUVEL ÉLAN DANS LA POLITIQUE ALIMENTAIRE DE L’UE, VALORISANT L’ÉLEVAGE

Farm Europe se réjouit d’avoir signé et envoyé, au nom de 125 organisations représentant la diversité des chaînes d’approvisionnement en bétail de l’Europe, un appel à la Commission européenne demandant une stratégie alimentaire de l’UE complète et basée sur la science qui valorise les protéines animales et soutienne un modèle agricole résilient et équilibré sur l’ensemble du continent.
L’appel souligne le rôle essentiel que joue l’élevage pour garantir la sécurité alimentaire, l’équilibre nutritionnel, la vitalité rurale et la durabilité environnementale au sein de l’Union européenne, ainsi que la complémentarité fondamentale entre les cultures arables et l’élevage. Il invite la Commission européenne à soutenir la diversité de la production agricole de l’UE, y compris l’élevage, la polyculture et les méthodes d’intensification durable qui optimisent l’efficacité des ressources sans compromettre la sécurité alimentaire ou les moyens de subsistance des populations rurales.
Intitulé « Nourrir l’Europe : L’importance des protéines animales », l’appel exhorte les décideurs politiques de l’UE à :
– Développer une stratégie alimentaire européenne holistique basée sur la méthode scientifique de l’expérimentation, intégrant à la fois l’agriculture et l’élevage tout en garantissant un traitement équitable pour tous les secteurs agricoles.
– Soutenir des évaluations environnementales scientifiquement fondées qui prennent en compte le cycle de vie complet des produits alimentaires, en évitant les interprétations trompeuses qui pénalisent injustement l’élevage, ce qui risque d’encourager les importations et donc d’augmenter les émissions.
– Soutenir les évaluations nutritionnelles fondées sur des données scientifiques qui confirment l’importance des aliments d’origine animale pour la santé humaine, en particulier pour les populations vulnérables telles que les enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant de carences nutritionnelles.
L’appel met également en garde contre les conséquences involontaires des politiques qui portent atteinte aux protéines animales, en soulignant qu’une réduction de la production de l’UE augmenterait inévitablement la dépendance aux importations, exacerberait les émissions mondiales et menacerait les moyens de subsistance de millions d’agriculteurs européens.
Avec cette initiative, Farm Europe et ses partenaires signataires de l’appel réaffirment leur engagement en faveur d’un avenir où l’agriculture est à la fois productive et durable, et où les citoyens européens ont accès à des régimes alimentaires sains et équilibrés, fondés sur des preuves scientifiques et sur les réalités économiques.

L’Europe a besoin d’une Politique agricole commune bien financée

Farm Europe appelle à un budget solide pour l’agriculture dans les négociations à venir sur le cadre financier pluriannuel (CFP)

Alors que l’Union européenne s’apprête à entamer l’une des discussions budgétaires les plus cruciales et complexes de ces dernières décennies, Farm Europe a adressé une lettre à l’ensemble des dirigeants européens, au président du Conseil européen, António Costa, ainsi qu’à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. L’organisation y exhorte les dirigeants de l’UE à faire de la Politique agricole commune (PAC) une priorité et à garantir sa pérennité face aux enjeux croissants liés à l’autonomie stratégique européenne. Avec le Conseil européen qui se réunit cette semaine, les discussions sur l’avenir du cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 mettront en avant des questions cruciales, notamment la défense européenne, le positionnement global de l’UE, les contraintes nationales, l’inflation, la dette liée au COVID-19 et les négociations d’élargissement avec l’Ukraine.

Farm Europe souligne l’urgence d’une PAC bien financée et robuste, en raison de son rôle central dans la production alimentaire européenne, la bioéconomie et l’énergie. Le secteur agricole est essentiel pour renforcer l’autonomie stratégique interne de l’UE, assurer la sécurité alimentaire mondiale et soutenir les efforts de décarbonation. Sans ajustement du budget de la PAC pour tenir compte de l’inflation, l’UE risque de perdre 54 % de sa valeur d’ici 2034 (soit l’équivalent de 250 milliards d’euros), compromettant gravement la capacité du secteur à répondre aux besoins de l’Europe et du monde.

La situation est aggravée par une baisse constante des revenus agricoles, qui ont diminué de 12 % par hectare au cours des vingt dernières années. De plus, l’UE a perdu 37 % de ses agriculteurs, tandis que l’endettement des exploitants a augmenté de 30 %. La disparition de 11 millions d’hectares de terres agricoles et l’importation de l’équivalent de 10 millions d’hectares supplémentaires soulignent la pression croissante sur l’agriculture européenne, menaçant encore davantage l’autonomie stratégique de l’UE.

« Nous faisons face à un choc de désinvestissement qui dure depuis plus d’une décennie, mettant l’agriculture européenne en péril », a déclaré Yves Madre, président de Farm Europe. « Pour préserver notre souveraineté en matière de production alimentaire et de bioéconomie, nous devons faire de l’agriculture une priorité et veiller à ce que le budget de l’UE reflète cette priorité. »

Farm Europe insiste sur le fait que la discussion sur le futur budget de l’UE ne doit pas uniquement porter sur le montant des ressources allouées, mais également sur la structure du budget. Les propositions visant à introduire un fonds unique ou un plan unique affaibliraient le pilier du développement rural et risqueraient de renationaliser les politiques européennes, mettant en péril l’approche commune qui constitue un pilier fondamental de la PAC. Une telle évolution conduirait à une fragmentation, à une augmentation des charges administratives et à un manque de cohérence au sein de l’UE.

« Nous appelons à un budget européen dédié et adéquat pour une PAC véritablement commune. Ses deux piliers doivent rester cohérents afin de garantir une politique efficace et homogène », a ajouté Yves Madre.

L’organisation met en avant l’importance de redéfinir l’orientation des politiques européennes en mettant l’accent sur le redressement de l’attractivité économique du secteur agricole, le maintien de la production sur l’ensemble du territoire européen et la consolidation d’une véritable souveraineté agricole. Cette approche permettra à l’UE de répondre à ses besoins alimentaires et non alimentaires, tout en contribuant à la croissance mondiale et en renforçant sa résilience dans un monde de plus en plus incertain.

Farm Europe appelle les dirigeants de l’UE à faire preuve d’un leadership fort et d’un engagement sans faille pour assurer un avenir durable à l’agriculture européenne, capable de relever les défis à venir.

Farm Europe se félicite de l’adoption par le Conseil du mandat de négociation sur les NGT

Farm Europe se félicite vivement de l’adoption par le Conseil de son mandat de négociation sur les nouvelles techniques génomiques (NGT), qui marque une étape importante pour l’avenir de l’agriculture européenne. Cette étape ouvre la voie à un cadre réglementaire qui favorise les performances économiques et environnementales, renforçant ainsi la compétitivité et la durabilité de l’agriculture européenne.

L’adoption du mandat de négociation témoigne d’une forte volonté politique de moderniser la réglementation de l’UE en fonction des progrès scientifiques.

Alors que le Conseil et le Parlement européen progressent dans leurs négociations, Farm Europe exhorte les deux institutions à avancer rapidement et de manière constructive vers un accord final. Tout retard sur ce dossier vital entraverait la capacité de l’UE à tirer parti des innovations de pointe en matière de sélection végétale pour relever les défis de la sécurité alimentaire mondiale et atteindre les objectifs environnementaux.

Nous encourageons les négociateurs à finaliser un accord sans délai, en veillant à ce que les agriculteurs européens puissent bénéficier du plein potentiel des NGT, en rejetant les exigences d’étiquetage inutiles pour les catégories NGT1 et en suivant une approche raisonnable qui n’entrave pas la recherche lorsqu’il s’agit de breveter.

Pas de Clean Industrial Deal sans une agriculture européenne renforcée

Aujourd’hui, la Commission européenne a adopté son Clean Industrial Deal. En présentant la feuille de route et les principales initiatives politiques à suivre, le vice-président exécutif, Stéphane Séjourné, a résumé l’ambition comme étant la nécessité de faire plus et mieux, et de créer un véritable plan d’affaires, tout en soulignant la volonté de se concentrer sur le « Made in Europe ». Ce nouvel élan politique est un pas bienvenu et clair dans la bonne direction pour la Commission européenne. Il devra être le premier jalon avant d’autres initiatives ambitieuses pour véritablement concilier compétitivité et transitions.

Le rôle de l’agriculture doit être souligné dans ce contexte : il n’y aura pas de Clean Industrial Deal Made-in-Europe sans davantage et mieux de produits agricoles. Que ce soit pour les énergies renouvelables, les produits chimiques (y compris les bioplastiques), les textiles ou les biomatériaux pour les bâtiments, une grande part des matières premières devra provenir de l’agriculture.

Le rôle de la biomasse agricole doit être davantage souligné et pleinement intégré dans la future stratégie de la bioéconomie. Dès lors, l’Europe doit rechercher une intensification durable, en d’autres termes, produire plus et mieux. Les chaînes de valeur agricoles de la bioéconomie sont stratégiques si l’Europe souhaite construire une économie carbone neutre, souveraine, efficace et abordable.

C’est pourquoi Farm Europe appelle la Commission européenne :

• À intégrer davantage ses stratégies agricoles et industrielles pour libérer le potentiel de contribution des agriculteurs à la bioéconomie sans obstacles inutiles. Par exemple, le plafond de culture des biocarburants devrait être augmenté, les limitations dans la taxonomie levées et des incitations supplémentaires créées pour d’autres secteurs de la bioéconomie allant au-delà des objectifs traditionnels afin de véritablement créer des opportunités de marchés ;

À renforcer ses mécanismes de contrôle et de certification pour stopper la concurrence déloyale des produits importés et établir des chaînes de valeur durables et robustes. Actuellement, les pratiques frauduleuses de labellisation, de certification et le manque de contrôles nuisent au développement des bioproduits Made-in-Europe. A titre d’exemple, la crédibilité de l’annexe IX A des biocarburants nécessite des actions urgentes de la Commission européenne.

L’absence de clarté sur le budget trouble la vision sur l’agriculture et l’alimentation

La vision pour l’agriculture et l’alimentation présentée, aujourd’hui, par le Commissaire européen à l’agriculture et à l’alimentation, Christophe Hansen, entend montrer que le désarroi des agriculteurs, qui a culminé dans une vive protestation il y a un an, a été bien entendu à Bruxelles. Toutefois, la traduction concrète dans les faits de ce message politique renouvelé reste un point d’interrogation. Et ce d’autant plus au regard des idées initiales inquiétantes lancées par la Commission européenne en matière de Cadre Financier Pluriannuel et de budget de la PAC. 

La vision met l’accent sur les agriculteurs en tant qu’entrepreneurs, sur la nécessité de privilégier les incitations plutôt que les contraintes et sur l’enjeu stratégique pour l’Europe de construire une véritable souveraineté agricole à travers un objectif de production réhabilité, en lien direct avec les impératifs de durabilité, de lutte contre le changement climatique et d’innovation. Autant d’orientations bienvenues, proposées depuis plusieurs années par Farm Europe. 

L’accent mis sur la dimension extérieure, avec la volonté affichée de la Commission européenne d’assurer la « réciprocité » et un « alignement normatif » entre les produits importés et ceux produits au sein même de l’UE constitue également une avancée. La vigilance sera de mise quant aux mesures concrètes à venir, qui ne devraient pas saper les standards de production communautaires actuels, étant donné les efforts considérables réalisés par les agriculteurs européens pour s’y conformer. 

Que la Commission reconnaisse le rôle essentiel de l’élevage et l’annonce d’une future stratégie pour ce secteur est un pas dans la bonne direction, même si ce travail devrait se faire dans le cadre d’un groupe de haut niveau, pour éviter les approches top-down. 

De même, l’approche est renouvelée en matière de produits phytosanitaires avec le principe selon lequel les interdictions d’utilisation devraient être considérées seulement en présence d’alternatives. L’inflexion est tangible, et doit aller de pair avec une accélération en matière de NGTs et de produits de biocontrôle. 

Enfin, le document met l’accent sur l’alimentation, reconnaissant l’importance de la transparence envers les consommateurs, à travers l’étiquetage du pays d’origine des aliments, et le renforcement du lien entre l’alimentation, territoire, saisonnalité et traditions locales. L’alerte en ce qui concerne les aliments ultra-transformés est bienvenue, dès lors qu’elle fait écho aux nombreuses études scientifiques sur leurs impacts délétères sur la santé.

Des points d’inquiétudes importants

Toutefois, ce document d’orientation soulève également des points d’inquiétudes forts. Pour développer un cap clair, l’UE doit être en mesure d’afficher noir sur blanc la nécessité d’accroître de façon durable la production pour répondre aux défis de la souveraineté agricole. Il s’agit là d’un double enjeu : se repositionner au niveau géopolitique en matière de sécurité alimentaire interne et externe et se donner l’autonomie stratégique suffisante pour déployer de façon autonome sa bioéconomie et atteindre ses objectifs de décarbonation.

De plus, dans un contexte d’inquiétude fort de la part des agriculteurs un signal quant au budget de la PAC fait défaut. Renforcer l’autonomie stratégique agricole de l’UE appelle à mettre un terme à des décennies de réduction de la voilure de la PAC. Un engagement à compenser l’impact de l’inflation qui, sur la période 2021-2027 a amené à une perte de plus de 85 milliards d’euros est nécessaire. 

À ce titre, les doutes quant aux intentions liées au ciblage « sur ceux qui en ont le plus besoin » sont réels : la formule a été régulièrement utilisée comme un euphémisme pour faire primer les contraintes budgétaires sur toute vision concrète pour l’avenir des fermes européennes. 

Les aides de la PAC représentent plus de 50 % du revenu des agriculteurs, voire plus de 70 % pour certains États membres. À titre d’exemple, une dégressivité de 10 % à partir de 16 hectares ne permettrait de dégager que 3,2 milliards d’euros de paiement redistributif. Mais un tel outil aurait un effet délétère sur un très grand nombre de structures clés pour la production européenne, notamment dans les zones déjà fragilisées, où les exploitations ont été contraintes de s’agrandir ou de se regrouper pour mieux maîtriser les coûts, compenser la faiblesse des rendements et des prix agricoles.