ÉLEVAGE DANS L’UE – UNE PRODUCTION DE VIANDE ET DE LAIT EN DÉCLIN

Les perspectives à court terme de la Commission européenne – Edition automne 2022 -annoncent une production de viande et de produits laitiers dans l’Union européenne qui devrait baisser cette année, et l’année prochaine. 

Les coûts élevés et persistants des aliments pour animaux ainsi que la peste porcine africaine (PPA) continuent de limiter la croissance de la production de viande porcine de l’UE.

La production de viande bovine devrait diminuer de -0,6 % en 2022, principalement en raison d’un ajustement structurel dans le secteur de la viande bovine et des produits laitiers, malgré des prix élevés. 

De nouveaux enregistrements en Europe d’Influenza Aviaire Hautement Pathogène (IAHP), et un virus persistant chez les oiseaux sauvages continuent d’impacter le secteur de la volaille. 

Les signes de diminution de la production animale  mettent en garde contre des approvisionnements limités qui pourraient exacerber la forte inflation alimentaire en Europe. La sécheresse historique a réduit la disponibilité de l’herbe et des aliments pour animaux (en particulier du maïs), augmentant de fait les coûts pour les exploitations qui sont également confrontées à la flambée des prix de l’énergie et des engrais.

Dans la perspective d’une révision de la législation sur le bien-être animal la Commission a publié un « Fitness Check » qui donne un aperçu des réalisations et des défis de la législation actuelle sur le bien-être animal. 

Le Comité scientifique européen du Nutri-score a publié une mise à jour de l’algorithme qui se veut plus « cohérent » et « aligné » avec les recommandations nutritionnelles et de santé publique. Ces évolutions proposent une notation plus sévère pour certains aliments, dont la viande. 

Le Parlement européen a voté mi-septembre pour étendre les produits agricoles couverts par la nouvelle loi anti-déforestation pour inclure le maïs, la volaille et la viande de porc. 

Selon le rapport sur le climat mondial, les émissions de méthane sont surestimées, les bovins produiraient 3 à 4 fois moins de dioxyde de carbone que ce qui aurait été supposé. 

L’initiative suisse « Non à l’élevage intensif en Suisse » a été rejetée à 63 %. 

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Plus de 4,6 milliards d’euros de mesures d’urgence agricoles financées par des aides d’Etat en 2022

Un marché intérieur qui se fragmente

Le déclenchement par la Russie de la guerre en Ukraine a provoqué une onde de choc sur le secteur énergétique, mais aussi sur le secteur agricole à travers, notamment une explosion des coûts de l’énergie pour les secteurs fortement consommateurs, ainsi qu’un renchérissement du coût des intrants, au premier rang desquels, les engrais azotés. 

Pour y faire face, la Commission européenne a, dès le mois de mars, annoncé le déclenchement de la réserve de crise, prévue par la Politique agricole commune à hauteur de quelque 500 millions d’euros – une première historique, cet outil créé en 2013 n’ayant jusqu’à présent jamais été utilisé. 

Dans le même temps, la Commission européenne a, également, annoncé la possibilité pour les Etats membres d’abonder largement ce soutien au secteur agricole à travers des aides nationales : 

  • en autorisant les Etats membres à financer sur deniers nationaux à raison de 2 pour 1 les aides venant de la réserve de crise, soit 1 milliard d’euros ;
  • en validant des programmes d’aides nationales sous l’égide du cadre temporaire de crise sur les aides d’Etats dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avec un plafond qui devrait désormais être porté à 250 000 euros. 

Parallèlement, le plafond desaides de minimis, aides nationales pouvant être mises en œuvre sans autorisation préalable de la Commission, a été relevé à 25.000 EUR sur 3 ans. 

Autant de flexibilités auxquelles les Etats membres ont largement eu recours pour faire face aux défis de ces derniers mois, et faute de réponse communautaire d’ampleur. 

Ce sont près d’une vingtaine de programmes dédiés à l’agriculture qui ont été notifiés pour 2022 auprès de la Commission européenne, pour un montant total de près de 4 milliards d’euros. Cela représente quelque 10% du montant des aides directes. Une partie de ces aides — environ un tiers — a été mobilisée pour faire face à la flambée des prix des engrais, avec une répartition géographique et sectorielle très inégale. 

De l’Italie, en passant par la Suède, la Pologne, l’Autriche et la Bulgarie, des volumes financiers considérables ont été débloqués, allant bien au-delà de l’inflation enregistrée au sein même de ces pays, et procurant donc plus qu’une simple compensation de la perte économique liée à l’inflation et à la perte de valeur afférente des paiements directs pour leurs agriculteurs. Un soutien net à l’agriculture qui ne se retrouve pas dans les autres Etats membres. 

Un second groupe de pays se dégage, comprenant notamment les Pays-Bas, la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Estonie, la Slovénie mais aussi la Hongrie. Pour donner un ordre de grandeur de l’ampleur des aides, on peut estimer que ces pays ont compensé le choc inflationniste, sans placer l’agriculture parmi les secteurs phares aidés en priorité face à la crise liée à la guerre en Ukraine. 

Enfin, un troisième groupe d’Etat membres, parfois eux-mêmes frappés de plein fouet par la crise, n’a pas été en mesure d’apporter un soutien conséquent à son secteur agricole pour des raisons politiques ou budgétaires. C’est notamment le cas de la République tchèque, de la Grèce, de la Belgique, ou encore du Danemark. 

Ces chiffres — bien que déjà considérables — ne donnent qu’une vision partielle de la situation réelle des aides attribuées par les différents Etats membres, celles-ci allant bien au-delà des programmes strictement agricoles notifiés dans le cadre du TCF. 

D’une part, au titre du soutien à l’économie dans son ensemble pour faire face à la guerre en Urkaine, il convient de relever que plus de 450 milliards d’euros d’aides d’Etat ont été débloquées à travers les programme-cadres destinés à l’ensemble de l’économie, qui concernent également le secteur agricole. Et ce, sans intégrer le programme de 200 milliards d’euros supplémentaires annoncé par l’Allemagne. 

Au total en une année, c’est pratiquement le montant total de l’aide d’urgence européenne pour faire face au COVID qui a d’ores et déjà été débloqué par les pays de l’UE en ordre dispersé, plutôt qu’à travers à une aide coordonnée à l’échelle européenne. 

D’autre part, à ces presque 4 milliards aides ciblées sur le secteur agricole dans le cadre de la guerre en Ukraine s’ajoutent d’autres aides d’Etat notamment celles versées à l’agriculture au titre des programmes résiduels liés à la pandémie de Covid-19. Près de 900 millions d’euros ont été encore débloqués au cours de l’année 2022, ce qui fait grimper l’intensité des aides d’Etat à quelque 12% du montant du premier pilier. Pour une analyse équitable, il conviendrait également de mentionner les 25 milliards d’euros débloqués de surcroit par les Pays-Bas dans le cadre de leur plan national de transition agricole, soit 2 milliards par an. 

En parallèle à l’urgence du soutien nécessaire et légitime au secteur agricole confronté à une grave crise, une réflexion devrait se tenir d’urgence sur la multiplication des aides à l’échelle nationale plutôt qu’à l’échelle communautaire, pour un secteur couvert par une politique commune forte. La réserve de crise a montré à la fois son utilité, mais aussi sa dotation budgétaire dérisoire à l’échelle de l’Union européenne lors d’un choc touchant l’ensemble des secteurs agricoles.

L’absence, désormais, de marge budgétaire au sein de la PAC exige d’entamer une réflexion en profondeur sur les modalités d’action pour faire face aux crises. Comme le montre l’ampleur des volumes financiers débloqués à l’échelle nationale aujourd’hui, une très nette réévaluation à la hausse de la réserve de crise est nécessaire pour que celle-ci soit être en mesure d’être le principal levier de solidarité envers le secteur agricole européen, pour allier réactivité et équité, tant entre Etats membres qu’entre secteurs.

NUTRITION & SANTÉ : REPORT DE LA LÉGISLATION EUROPÉENNE SUR L’ÉTIQUETAGE

Les attentes autour de la proposition de la Commission concernant un système d’étiquetage nutritionnel à l’échelle de l’UE étant de plus en plus grandes, de nombreux événements sont organisés sur ce thème. Cependant, la Commission semble vouloir reporter cette initiative législative à une date ultérieure, en 2023, compte tenu de la « complexité » de la question et du fait que l’exécutif européen a besoin de plus de temps pour prendre une position définitive sur le sujet. Dans le même temps, des chercheurs italiens ont proposé un autre label à apposer sur les produits alimentaires, le « Med Index », qui permettrait de promouvoir les produits conformes au régime méditerranéen et à ses principes de durabilité (c’est-à-dire nutritionnels, environnementaux et sociaux). 

Parallèlement, les produits alimentaires traditionnels et d’origine naturelle sont remis en question par le développement de l’industrie des protéines cultivées en laboratoire, de jeunes entreprises du secteur mobilisant des capitaux pour ouvrir de nouvelles installations de production afin de passer à l’échelle supérieure, d’élargir leur offre et leur emprise géographique. Dans ce contexte, une étude a analysé l’ouverture des consommateurs aux imitations de produits laitiers cultivés en laboratoire (par fermentation de précision) et a constaté que les préoccupations générales en matière de sécurité ainsi que les questions relatives au processus technique de production étaient fréquemment soulignées. Cependant, parmi les personnes du groupe d’adoption précoce, seules quelques unes ont exprimé leur opposition aux produits, tandis que la majorité des personnes interrogées étaient « indécises » quant à savoir si elles envisageraient d’essayer le produit. 

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Nouvelles des vins – L’exportation turbulente d’Octobre

En octobre, la France a revu son estimation de production annuelle de vin à la hausse. En Italie, le vin est resté l’un des principaux catalyseurs de l’exportation agroalimentaire. Au niveau européen, la Commission a estimé la production de vin de l’UE à 2,5 % au-dessus de la moyenne quinquennale (+1,5 % en glissement annuel). Dans le même temps, les exportations ont chuté en Australie, et les prix du vin sont en hausse au Royaume-Uni.

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NOUVELLES TECHNIQUES DE SÉLECTION VARIÉTALE : VOIES OUVERTES À UNE NOUVELLE LÉGISLATION, SOUTIEN ET ÉVALUATION DES RISQUES

En dehors de l’UE, des États comme le Kenya et l’Ukraine s’ouvrent à la possibilité de disposer d’une législation plus souple concernant les techniques de génie génétique. Au sein de l’UE, l’organisation française pour les biotechnologies milite en faveur d’une utilisation accrue des nouvelles techniques génomiques pour assurer la sécurité alimentaire et faire face aux défis climatiques. 

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Le budget de la PAC se rétrécit rapidement, cassant tout levier d’investissement pour le Green Deal

Après la présentation des propositions de la Commission européenne sur les stratégies Green Deal et Farm to Fork, il a trop souvent été entendu, y-compris de la part du Vice-Président Timmermans, que tout impact négatif sur les revenus des agriculteurs pouvait être compensé par la Politique agricole commune (PAC).

Le dernier exemple en date de cet argument se trouve dans la proposition de la Commission pour un Règlement sur l’Utilisation Durable des Pesticides (SUR). La Commission indique explicitement que les coûts réglementaires supplémentaires pourraient être compensés par le budget de la PAC. Le financement de l’ambition nouvelle de RePowerEU sur le biométhane pourrait aussi être mentionné. 

Cependant, il y a deux problèmes avec cette approche “la PAC payera tout”. 

Le premier est que le budget de la PAC est déjà alloué, donc le transfert de fonds vers de nouveaux soutiens implique nécessairement de retirer des fonds à des soutiens existants. 

Un problème moins évident, mais plus considérable encore, est la diminution rapide du budget de la PAC. Le responsable est l’inflation importante, qui réduit la valeur réelle du soutien apporté. 

Lorsque le nouveau budget de la PAC a été adopté, le scenario était encore celui d’une inflation basse, le taux maximum escompté étant l’objectif annuel de 2% de la BCE. Mais aujourd’hui l’inflation moyenne en UE est proche des 10%, et la BCE s’est vue obligée de revoir ses prévisions d’inflation à la hausse. 

Et pour ne rien arranger, l’inflation dans un certain nombre de pays se trouve bien au-dessus de la moyenne. Quant aux pays dont l’inflation est sous la moyenne de l’UE, celle-ci reste importante, bien au-dessus de l’habituel objectif des 2%.

En considérant les données de la BCE et les prévisions de l’inflation, qui pourraient être sous-estimées compte tenu de leurs récentes prévisions trop optimistes, la réelle valeur du budget de la PAC diminuera de 84,57 milliards d’euros en termes réels au cours de la période 2021-2027 par rapport à 2020. Pour mettre cela en perspective, la valeur réelle totale du budget de la PAC pour la période 2021-2027 diminuera de 21,95% par rapport à 2020. Plus d’un tier de soutien réel en moins en 2027. 

Le soutien direct perçu par les agriculteurs est directement, et lourdement impacté. Les aides à l’investissement sont, elles-aussi, impactées car les montants totaux disponibles diminuent avec l’inflation. Le premier pilier perdra 68,60 milliards d’euros, et le second pilier 15,97 milliards d’euros. 

Dans ces conditions, il est urgent de trouver une nouvelle voie politique pour réaliser le Green Deal en se basant sur une stratégie de croissance verte pour le secteur de l’agriculture, en passant d’une stratégie basée sur la réglementation visant à réduire les leviers traditionnels de productivité, à une stratégie d’investissement appropriée favorisant les approches agronomiques systémiques et l’innovation, et encourageant réellement les agriculteurs à se lancer sur une voie positive, pour l’économie et le climat.  

Le remède pour un financement de la PAC qui fond comme neige au soleil est de réévaluer le budget de la PAC en terme réel, c’est-à-dire de l’ajuster annuellement avec le niveau de l’inflation. Et parallèlement de construire un fonds d’investissements approprié à l’échelle de l’UE, ciblé sur les secteurs stratégiques qui ont besoin de transition, comme l’agriculture et l’énergie, au lieu de rester sur une approche désordonnée basée sur les aides de l’Etat. 

Les co-législateurs ajusteront-ils le budget sur l’inflation ? Les taxes perçues par les Etats Membres augmentent avec l’inflation, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les soutiens? 

NUTRITION & SANTÉ : CONSENSUS POUR UN NOUVEL ALGORITHME

Au cours de l’été, le comité scientifique chargé de NutriScore, le système d’étiquetage nutritionnel sur le devant des emballages utilisé dans six pays de l’UE, a décidé de modifier l’algorithme qui sous-tend le système de notation. Les changements concernent le calcul des graisses et des oléagineux, ainsi qu’une règle spécifique pour la viande rouge. Parallèlement, l’Italie a amélioré l’étiquetage nutritionnel national, Nutinform, en y ajoutant une version numérique. En préparation du paquet de révision des règles relatives à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (qui devrait être présenté dans les premiers mois de 2023), le Centre commun de recherche a publié des études sur l’étiquetage nutritionnel, l’étiquetage d’origine et l’étiquetage des boissons alcoolisées. Ces études serviront de base à la Commission pour rédiger ses propositions législatives. 

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STRATÉGIE DE LA FERME À LA FOURCHETTE: LES ENGRAIS ET LE PPP MÈNENT LES DISCUSSIONS À PRAGUE

Au cours de la réunion informelle des ministres de l’agriculture qui s’est tenue à Prague, le commissaire Wojciechowski a évoqué la nécessité pour l’UE d’avoir une stratégie en matière d’engrais, notamment en cette période de crise des prix agricoles. 

En ce qui concerne la révision de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, un nombre certain de délégations, menées par la délégation polonaise, a demandé avec insistance une révision de la proposition de la Commission, jugée « dépassée » et hors contexte, à la lumière des événements en Ukraine et du fait que l’évaluation d’impact n’a pas pris en compte les conséquences sur la sécurité alimentaire.  Dans le même temps, la Commission a adopté de nouvelles règles pour accélérer la procédure d’adoption de nouveaux pesticides biologiques. 

En ce qui concerne le transport des animaux, l’Agence européenne pour la sécurité alimentaire a publié des rapports sur le sujet.  Ceux-ci seront utilisés par la Commission comme base pour ses propositions législatives (attendues pour le quatrième trimestre de l’année prochaine). Les rapports constatent que la fourniture de plus d’espace, l’abaissement des températures maximales et la réduction de la durée des trajets sont autant d’éléments nécessaires pour améliorer le bien-être des animaux d’élevage pendant le transport.

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NOUVELLES TECHNIQUES DE SÉLECTION VARIÉTALE : LES EXIGENCES DE SÉCURITÉ SONT ESSENTIELLES À L’OUVERTURE AUX OGM

Lors du conseil informel Agri qui s’est tenu à Prague à la mi-septembre, les ministres de l’UE ont semblé particulièrement ouverts aux nouvelles modifications des législations de l’UE sur les OGM, demandant une évaluation d’impact solide et la sécurité comme priorité absolue.  

En Autriche, une ONG a lancé une pétition paneuropéenne en ligne pour maintenir le statu quo sur les réglementations relatives aux OGM, craignant qu’une éventuelle modification ne permette à ce qu’elle appelle les « nouveaux OGM » d’être vendus sur le marché sans respecter les mesures de sécurité nécessaires. 

De l’autre côté de l’Atlantique, alors que l’USDA a approuvé une tomate génétiquement modifiée riche en nutriments, le gouvernement américain a approuvé un décret fixant les lignes directrices de la future coopération entre les organismes gouvernementaux afin de stimuler l’industrie américaine de la biotechnologie et de la bioproduction. Dans le même temps, un juge fédéral a affirmé que les règles actuelles d’étiquetage des OGM ne garantissent pas la sécurité des consommateurs car elles empêchent certains d’entre eux d’accéder à l’information.

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Une bonne semaine pour une utilisation durable du potential agricole de l’UE 

Cette semaine le Parlement européen a posé deux jalons importants pour l’utilisation durable des ressources naturelles et la mobilisation de l’agriculture européenne pour relever le défi climatique, rendre l’économie européenne plus souveraine et résiliente. 

Premièrement, avec le vote sur la directive sur les énergies renouvelables aujourd’hui. Le Parlement européen confirme la place des biocarburants, y compris de première génération en rejetant les arguments à l’emporte pièce du type « food versus fuel ». Les députés confirment que le secteur européen peut contribuer à la fois au défi de sécurité alimentaire ET de sécurité énergétique. La biomasse dans son ensemble représente d’ailleurs une pièce maitresse des énergies renouvalables en Europe aujourd’hui – près de 60% – et reste un gisement prometteur à exploiter pour l’avenir. 

Les députés procèdent à plusieurs ajustements importants de la proposition initiale de la Commission européenne. Ils revoient à la hausse l’objectif de réduction des émissions dans le secteur des transports – et les biocarburants liquides et gaz peuvent y contribuer offrant une solution de mobilité bas carbone abordable pour les familles européennes. Ils rappellent d’ailleurs que le débat sur l’utilisation des terres ne se limite pas à l’agriculture, mais touche également, par exemple, le photovoltaïque. Ils maintiennent le plafond de 7% de cultures alimentaires pour la production de biocarburants, mais accélèrent l’élimination des biocarburants à partir d’huile de palme qui génèrent de la déforestation à grande échelle. Ils ajoutent le soja à cette catégorie, ce qui constitue une avancée positive et offre des perspectives de mobilisation des biocarburants à partir de matières premières européennes plus grandes. A ce titre, les élus appellent la Commission à renforcer la base de donnée, et à lutter résolument contre la fraude dans le secteur des huiles usagées qui constituent une voie de contournement évidente pour l’huile de palme. On peut regretter cependant que les députés maintiennent un multiplicateur caché pour l’électricité renouvelable dans les transports jusqu’en 2030. Il n’est plus temps d’avoir des résultats de décarbonation fictifs. L’enjeu climatique appelle à des réalisations concrètes et réelles plus qu’à des réductions d’émissions virtuelles visant à promomouvoir une technologie plutôt qu’une autre. L’Union européenne devrait appliquer son engagement à la neutralité technologique de ses règlementations, ce qu’elle ne fait pas jusqu’à présent et qui fait peser une menace sur l’émergence de solutions innovantes. 

Deuxièmement avec le vote, hier, sur la lutte contre la déforestation importée. Ce texte ne résout pas tout. Mais il est un pas en avant positif pour la crédibilité du green deal, et son volet importations, y compris dans le contexte de la directive RED. La structuration de chaines de valeur durables exige de la cohérence entre les différentes politiques. Les efforts des opérateurs européens pour renforcer les critères de durabilités ne peuvent être balayés d’un revers de main par des importations moins disantes, ce qui vaut pour les agriculteurs, comme pour les acteurs industriels. Il en va de l’ambition de garder une base productive solide en Europe et de notre capacité à produire mieux, sans exporter les émissions que nous ne voudrions plus chez nous.

Dans ce cadre, on peut se féliciter de l’ambition portée par la position du Parlement européen. Elle intègre des outils clefs comme la géolocalisation et la mobilisation des outils d’observation satellite pour lutter de façon effective contre le fléau de la déforestation, en particulier dans les forêts tropicales qui sont des réservoirs de carbones à préserver de toute urgence. La Commission européenne devra construire des outils accessibles aux opérateurs économiques s’appuyant sur l’imagerie sattellite leur permettant d’analyser l’impact de leur chaine d’approvisionnement, ce qui constitue un outil inclusif et concret pour lutter de façon tangible contre la déforestation. Il s’agit d’une avancée concrète qui devra être reprise dans les négociations avec les Etats membres.

La liste des produits couverts par la proposition de la Commission est étendue à des matières premières, et à leurs co-produits, ce qui est un pas en avant, par exemple les dérivés de l’huile de palme (POME & PFAD). Et la définition de l’élevage est améliorée, permettant de s’assurer que l’ensemble du processus soit bien couvert et non pas seulement la dernière étape. On peut regretter que la canne à sucre doive attendre une révision de cette règlementation avant d’être couverte. 

Ces deux textes portent une ambition commune: construire les jalons pour une utilisation durable de la production agricole. L’ambition du Green Deal ne revient pas à mettre l’environnement sous cloche, ni à transférer la production européenne ailleurs dans le monde, mais à mobiliser de façon durable nos écosystèmes agricoles, en résistant aux arguments simplistes de la décroissance, et en offrant des outils règlementaires concrets aux acteurs économiques pour avancer sur un chemin de progrès. Ces avancées positives doivent être prises en compte, par la Commission européenne, pour les prochaines étapes de la Farm to Fork, qui doit tourner le dos à la tentation de la décroissance, mais au contraire ouvrir la voie à une mobilisation durable des capacités de production de l’Union, notamment par une optimisation des cycles du carbone.