Réforme de la PAC : Le parlement européen vote en faveur d’une politique agricole de triple performance

Lors des premiers votes de sa séance plénière des 20, 21 et 22 octobre consacré au vote de la réforme de la PAC, le Parlement européen vient de définir les lignes de sa position sur la politique agricole qu’il entend voir mettre en œuvre à compter de 2023 et qu’il défendra lors des négociations qui s’ouvriront à partir de novembre avec le Conseil, en présence de la Commission (trilogues). Le vote se poursuivra sur les autres volets les jours prochains.

Porteur d’une ambition européenne et commune pour la Politique Agricole Commune, le parlement européen a choisi, en toute responsabilité, de s’éloigner de la proposition de réforme présentée en 2018 par la Commission européenne. Farm Europe, qui avait alerté dés le début sur les risques de renationalisation de la proposition initiale, se félicite que le Parlement européen ait rectifié le tir et remis un « C » à la PAC.

Face à une proposition éclatant la PAC en 27 politiques nationales faisant peser un risque majeur de distorsions de concurrence, coupant la relation entre l’Europe et le bénéficiaire final de cette politique et plaçant l’essentiel des responsabilités sur les Etats membres, le Parlement européen a voté à une très forte majorité (de plus de 2/3) pour :

  • une politique portant des ambitions agricoles, environnementales et sociales communes pour tous les territoires de l’Union Européenne,
  • une politique visant à faire la synthèse entre économie et environnement, pour l’agriculture européenne et pour nos zones rurales,
  • une politique transparente dans sa gestion des fonds européens et apte à démontrer son efficacité et mesurer les résultats qu’elle engendre
  • une politique ne confondant pas flexibilité nécessaire et renationalisation,
  • enfin une politique faisant sienne les acquis sociaux européens

Faisant le constat qu’un développement économique pérenne ne peut se faire qu’en se basant sur une durabilité véritable, de même qu’une gestion de l’environnement et une lutte contre le changement climatique efficaces impliquent que les acteurs les portant soient économiquement prospères, les eurodéputés proposent un rééquilibrage des priorités et outils tant du 1er que du 2nd pilier autour d’une recherche de double performance économique et environnementale.

 Le travail réalisé par les eurodéputés clés des principaux groupes politiques, prolongeant celui calé en mai 2019 par les rapporteurs de la législature précédente, a été considérable, même si certains sujets tels que l’ambition commune à donner aux éco-régimes demeurent en chantier. Il remet du sens et du réalisme pour que la première politique européenne retrouve sa raison d’être : une politique par laquelle l’Union Européenne investit dans son avenir via son agriculture et ses zones rurales.

Il s’agit d’une première étape indispensable pour engager des négociations en trilogues dès lors que le Conseil des ministres de l’agriculture se mettra – lui aussi – en position d’y arriver avec une position portant une ambition européenne et s’éloignant des réactions premières de recherche de flexibilités maximales au détriment du bien commun que seule une dimension européenne peut assurer.

 

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Pour mémoire

Position PAC du Parlement européen adoptée le 20 octobre 2020:

  • Une mise en cohérence du 1er pilier et du 2nd pilier de la PAC autour d’une recherche de double performance
    • Le parlement européen confirme le principe de plans stratégiques nationaux à présenter par chaque état membre. Ces plans, devant être in fine approuvé par la Commission, définiront les voies et outils que chaque Etat membre mobilisera afin de répondre aux objectifs définis par la PAC
    • Dans ce cadre, chacun des deux piliers devra concourir la transition écologique et la performance économique des agricultures européennes
    • 1er pilier :
      • Tout bénéficiaire d’aides PAC devra respecter des règles européennes communes de conditionnalité additionnant celles de la conditionnalité actuelle et du verdissement actuel. A ce titre, 5% des surfaces arables devront être consacrées à des SIE et une rotation des cultures devra être opérée. La définition de cette rotation reste un sujet en suspens, de même que la cohérence entre l’inclusion de légumineuses présente dans la position du PE et la réalité agronomique de ces cultures. Afin de prendre en compte la diversité des zones européennes, une équivalence à la conditionnalité est ouverte via des mesures eco-régimes démontrant leur plus haut degré d’exigence.
      • 60 % des fonds du 1er pilier de la PAC devront être affectés, dans chaque Etat membre, au financement des aides de base au revenu, des aides redistributives (avec un minimum de 6%), aux aides couplées et programmes opérationnels,
      • 30 % du 1er pilier devront être alloués sur la période aux nouvelles mesures vertes du 1er pilier (eco-régimes). Ces dernières devront répondre à des objectifs de transition écologique tout en visant à améliorer la situation économique des exploitations agricoles. Les mesures qui seront définies par les Etats membres dans ce cadre d’eco-régimes devront s’inscrire dans les domaines d’actions proposés, au nombre desquels ont été retenus par le PE la séquestration de carbone, la réduction de l’usage des intrants, l’agro-ecologie ou encore l’agriculture de précision. Des actes délégués à proposer par la commission viendraient préciser les critères à remplir par des mesures pour être éligible au dispositif éco-régimes.
      • Les Etats membres pourront mobiliser 10% du 1er pilier pour des aides couplées (+ 2% pour des programmes en faveur de la production de protéines végétales) et 3% pour des mesures de programmes opérationnels hors secteurs traditionnels (vin, fruits et légumes, olive…). Les Etats membres pourront utiliser les fonds paiments couplés pour abonder les programmes opérationnels si l’enveloppe de 3% s’avérait insuffisante.
      • Les programmes sectoriels pour les secteurs vin, fruits et légumes, olive sont reconduits, et les autorisations de plantations de vignes voient leur prorogation proposée à 2050
      • Le plafonnement des aides directes est défini à 100 000 euros par exploitation (hors aides eco-régimes et Jeunes Agriculteurs et hors charges salariales) . Moyennant une affectation de 12% du 1er pilier aux aides redistributives, un Etat membre pourrait ne pas appliquer le dit plafonnement,
      • Les transferts possibles du 1er pilier vers le 2nd pilier sont limités à 12% du 1er pilier et devraient être affectés à des actions environnementales du 2nd Un transfert du 2nd au 1er pilier serait possible pour 5% maximum (limite portée à 15% pour les pays ayant des aides directes moyennes nationales en deçà de la moyenne européenne)
    • 2nd pilier :
      • 35% des fonds du 2nd pilier devraient être consacrés à des mesures environnementales (40% des aides ICHN pouvant être comptabilisés dans ce cadre) et 30 % de ce même pilier seraient à destination des mesures finançant les investissements et les outils de gestion des risques
      • amélioration des outils de gestion des risques pouvant se déclencher dès 20% de pertes et bénéficier d’un cofinancement PAC à hauteur de 70%
      • réinstauration des montants minima et maxima actuels des aides surfaciques du 2nd pilier de la PAC .

 

  • Une gestion des crises renforcée : la position votée prévoit une réserve de crise pluriannuelle dotée d’un minimum de 400 millions d’euros pouvant se cumuler au fil des années jusqu’à 1,5 milliards d’euros, afin de financer des mesures exceptionnelles et de prendre le relai des outils de gestion des risques, fonds mutuels et ISR.
  • Parallèlement, au sein des outils de gestion des marchés (OCM unique), les avancées travaillées au printemps 2019 sont adoptées, en vue d’une meilleure organisation des filières, un rééquilibrage du poids des agriculteurs au sein des chaine alimentaire, la transparence des marchés et, en temps de crise, la capacité à mettre en œuvre rapidement des plans d’incitation à la réduction de production. En outre, le parlement avance le principe d’équivalence d’exigences entre les productions européennes et les importations.
  • Un équilibre entre nécessaire transparence de l’usage des fonds publics, simplification et mesure des résultats environnementaux et économiques atteints

La position adoptée par le Parlement européen s’éloigne des propositions de la commission s’agissant du mode de gestion de la PAC afin de garantir la bonne gestion des fonds PAC et de rechercher une simplification pour les agriculteurs et les Etats membres (là où la Commission proposait un système plus simple à gérer pour elle mais plus bureaucratique pour les agriculteurs et les agences de paiement). L’éligibilité des bénéficiaires finaux des aides PAC devra continuer à être contrôlée, ainsi que le respect des règles définies au niveau européen et déclinées dans les plans stratégiques nationaux pour les différents types de mesures. Par contre, la Commission devra se baser sur le travail des agences nationales de certification et devra limiter au maximum les doubles contrôles chez les agriculteurs, sauf si les dites agences de certification montrent des dysfonctionnements.

Le suivi de l’efficacité de la PAC est prévu sur la base d’indicateurs en nombre restreints analysant tous les 2 ans les résultats atteints par rapport aux objectifs validés dans le cadre des plans stratégiques nationaux. Les propositions de la Commission de contrôles et sanctions annuels des Etats membres sur la base d’indicateurs administratifs de performance (nombre d’hectares sous les différentes mesures PAC) sont réfutées tout comme l’idée d’avoir autant de politiques de contrôles et de sanctions que d’Etat membre.

Par cette position, diamétralement opposée aux orientations de renationalisation de la PAC proposées par la commission en 2018, le Parlement européen (emmené par les groupes S&D et PPE) réaffirme avec force –en s’opposant très majoritairement à la rapporteur en charge du dossier – que la dimension européenne commune de la PAC ne saurait être remise en cause. Il repousse fermement toute tentation de renationalisation et in fine de démantèlement de la PAC et par là même envoie un message clair au Conseil comme à la Commission.

MESURES ET IMPACTS LIÉS À LA CRISE DU COVID-19 : RELANCE & RESILIENCE POUR LE SECTEUR

Au niveau européen, le Comité Agri a voté le plan de relance et de résilience pour l’agriculture avant la discussion et le vote en plénière qui se tiendra à Strasbourg le 20 octobre. Le projet de loi a été adopté par la commission avec 46 voix pour, 2 abstentions et aucune voix contre.

La France, l’Irlande et l’Italie ont présenté, quant à elle, leurs projets de loi pour le budget 2021 de l’agriculture.

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Négociation pour la réforme de la PAC: progrès sur l’architecture verte, payments directs & nouveau modèle de gouvernance

Le mois de septembre a été marqué par les éléments suivants :

  • Au niveau du Parlement européen, Paolo De Castro (S&D), rapporteur sur le dossier, a présenté à la ComAgri la première version amendée du projet de législation relative au plan de relance pour l’agriculture. Elle pourrait permettre au secteur de bénéficier de plus de 10 milliards d’euros mobilisables en 2021 et 2022.
  • Lors de la réunion du Conseil Agricole, les ministres réunis pour parler de l’architecture verte, des paiements directs et du nouveau modèle de gouvernance de la PAC ont souligné la nécessité de poursuivre les discussions sur le processus d’approbation des plans stratégiques nationaux.

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Mesures et impacts liés à la crise du Covid-19 : le fonds de relance pour la double performance de l’agriculture

Au niveau du Parlement européen, Paolo De Castro (S&D), rapporteur sur le dossier du plan de relance a proposé qu’au moins 2/3 du paquet total de relance soient consacrés à des investissements dans le développement durable et la numérisation.

Lors de la réunion du Conseil des ministres de l’agriculture, le commissaire Janusz Wojciechowski a expliqué que malgré la récession causée par la pandémie, la valeur des exportations agroalimentaires de l’UE a atteint 75,8 milliards d’euros en janvier-mai 2020, soit une hausse de 2 % par rapport à la même période de l’année précédente.

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NOUVELLES TECHNIQUES DE SÉLECTION VARIÉTALE : nouveau usage de CRISP/Cas9

Ce mois-ci, le sujet le plus médiatique lié aux nouvelles techniques de sélection a été la nouvelle étude publiée sur la revue « Food » décrivant des expériences potentiellement capables de détecter des OGM dérivés de techniques d’édition du génome. Cette étude, controversée, a essuyé la critique de scientifiques.

En Allemagne, le CSU/CDU a réaffirmé sa position selon laquelle cette technologie ne devrait pas être règlementée comme une technologie OGM. En Allemagne toujours, une nouvelle utilisation expérimentale de CRISPR/Cas par l’Institut de technologie de Karlsruhe a permis de modifier la séquence génétique à l’intérieur d’un chromosome. CRISPR/Cas9 a également été utilisé dans le cadre d’une recherche conjointe entre les États-Unis et le Royaume-Uni sur les porcs, les chèvres et les bovins pour créer du sperme avec des caractéristiques génétiquement améliorées pour les descendants.

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Conseil Agri-Pêches : l’approbation des plans stratégiques nationaux requiert de plus amples discussions

Présidée par Julia Klöckner, ministre fédérale allemande de l’alimentation et de l’agriculture, la réunion du Conseil a axée les discussions sur le paquet de réformes de la politique agricole commune, en vue d’adopter son approche générale en octobre 2020. Les ministres ont échangés sur trois éléments de la future PAC : l’architecture verte, les paiements directs aux agriculteurs et le nouveau modèle de mise en œuvre.Les discussions se sont basées sur un document de référence préparé par la présidence (10729/20)[1].

Au cours de la session de l’après-midi, la Commission européenne a présenté les derniers développements des questions agricoles liées au commerce et les ministres ont échangé leurs points de vue sur les négociations actuelles et futures d’accords de libre-échange.

Au cours de la réunion, 15 délégations ont souligné la nécessité des protéines végétales dans l’agriculture européenne. La délégation espagnole a appelé au maintien du niveau actuel du budget du programme consacré aux régions ultrapériphériques dans le prochain CFP. Les problèmes liés à l’étiquetage nutritionnel sur le devant des emballages ont été soulevés par les délégations tchèque et italienne avec l’appui de plusieurs autres.

 

Résultats de la réunion du Conseil : https://www.consilium.europa.eu/media/45656/st10944-en20.pdfe

[1] https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-10729-2020-INIT/en/pdf

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Mobiliser le fond de relance européen agricole pour une transition accélérée vers une agriculture européenne de double performance

L’agriculture de précision permet de proposer aux agriculteurs et aux éleveurs des solutions adaptées à leur contexte. Les données issues de capteurs, de caméras, de satellites, de stations météorologiques sont traitées par des algorithmes qui procurent par le biais d’Outils d’Aide à la Décision (OAD) des conseils quant aux actions les plus pertinentes pouvant être réalisées.

L’utilisation de ces outils assure au niveau de l’exploitation une meilleure efficience des intrants. Ces derniers sont ajustés aux besoins quantifiés des cultures et des animaux tout en assurant l’optimisation des rendements. Ils constituent un outil crucial d’une transition de l’agriculture européenne vers une agriculture de double performance : plus économe en intrants et prenant soin de l’environnement, plus efficiente économiquement.

L’agriculture digitale a aussi le potentiel de simplifier le fardeau administratif, tant au niveau de la mise en œuvre et du contrôle des mesures de la PAC, qu’au niveau des données entrées par les agriculteurs.

Si les études mettent en exergue les bénéfices de tels outils, le passage du stade « recherche » à la sphère agricole se fait encore lentement. A ce jour, l’agriculture digitale reste peu démocratisée.
A cela s’ajoutent d’autres principaux freins : le coût de ces technologies, la crainte que de tels investissements de long terme ne deviennent rapidement obsolètes.

Or, au regard de leurs avantages économiques, sociaux et environnementaux, il serait urgent de généraliser au sein de l’Union Européenne l’utilisation des outils liés à l’agriculture de précision en production végétale ainsi que l’utilisation de capteurs et de robots en élevage.

L’Union Européenne doit être acteur de la démocratisation de ces outils, les rendant accessibles à tous les agriculteurs et éleveurs quel que soit le type et la taille des exploitations agricoles, leur pratiques agricoles, leurs formations.

Mobiliser 60% du plan de relance pour soutenir les investissements innovants de précision en agriculture en 2021 et 2022 permettra un plan choc de 10 milliards d’investissements pour une transition accélérée de l’agriculture européenne vers la double performance. Les investissements de ce plan pourraient être soutenus à hauteur de 53% (part EU fond de relance 90%, 10% contrepartie Etat membre), mobilisant 4,8 milliards des 8 milliards du dit plan de relance.

Les 3 milliards complémentaires de ce fond de relance devraient être affectés, en synergie, aux actions d’acquisition de compétence et de promotion des produits européens.

***

 

Quelles incitations pour une transition accelérée ?

Alors que 8 milliards € viendront abonder les financements du 2nd pilier de la PAC au titre de la relance des filières agricoles, relance à opérer en cohérence avec les objecifs Green Deal, il conviendrait d’utiliser ces fonds de façon ciblée, pour préparer réellement l’avenir et le rebond des filières agicoles europénnes.

Cela implique de financer prioritaiement les investissements de transition de double performances, ainsi que des mesures pour accroître la compétence des agriculteurs en matière de techniques innovantes, pour renforcer la structuration des filières et la promotion des produits européens.

Dés lors, l’objectif serait de consacrer au moins 5 milliards d’euros de cette dotation au soutien aux investissements de l’agriculture de précision au cours des années 2021 et 2022, en complément des mesures « investissements » qui seront mis en œuvre dans le cadre de la PAC réformée à compter de 2023 (et celles poursuivies durant la période de transition). Ces 5 milliards d’euros constitueraient une incitation décisive d’un plan choc de 10 milliards € d’investissements afin de répendre largement l’usage des OAD sur l’ensemble des surfaces agricoles européennes et accélérer l’accessibilité des outils digitaux aux élevages.

Cette mutation sera porteuse d’économies substantielles d’intrants, gages d’une plus forte durabilité et rentabilité des productions européennes, réponse opérationnelle :

–  aux attentes des citoyens sur l’environnement, la qualité des aliments…

–  aux attentes des citoyens sur l’environnement, la qualité des aliments…

–  et aux impératifs de compétitivité en matière de coûts mais aussi de valorisation de démarches de qualité.

Ces investissements devront être raisonnés de différentes façons pour s’adapter à la diversité des exploitations. Si les exploitations au-delà d’une certaine taille peuvent réaliser les investissements seules, il sera aussi opportun de favoriser des investissements collectifs dans d’autres cas de figures, et notamment dans les régions au sein desquelles les exploitations peuvent être de plus petites tailles. Des investissements dans le cadre de coopératives, des CUMA ou d’un organisme porteur tiers, comme le fait GAIA en Grèce, doivent trouver toute leur place dés lors qu’ils s’avèrent porteurs d’efficacité. Le financement de la coordination entre les producteurs, ainsi que de l’appui technique et la maintenance des équipements peut et doit ëtre réalisé par les coopératives. La traçabilité des produits finaux et des traitements qui leurs sont apportés devra également être assurée par ces dernières.

 

Productions végétales :

Les outils digitaux liés à la production végétale peuvent être classés en 5 niveaux selon leur degré de précision, le matériel nécessaire et leur coût. L’utilisation d’outils d’agriculture de précision (capteurs, stations météo, images satellites, caméras, OAD de gestion d’intrants) sont présents à chaque niveau. Les stations météo demandent un investissement compris entre 400 € et 2 000 € (Weenat, 2020). Certains OAD sont gratuits. Ceux qui prescrivent les quantités d’intrants à épandre à partir de capteurs et d’images satellites des cultures ont un coût maximum de 20 €/ha/an (Farm Europe, 2019).

– Le premier niveau, le plus accessible, consiste à utiliser les informations données par ces outils pour ajuster les applications à l’échelle d’ensemble de parcelles présentant les mêmes conditions pédoclimatiques et risques phytosanitaires. Le second niveau consiste à ajuster les intrants à l’échelle de la parcelle.

– A partir du troisième niveau, en grandes cultures, ces outils sont associés aux outils de modulation des doses. Il s’agit entre autres des pulvérisateurs de précision qui ont un coût plus conséquent. Les plus accessibles coûtent environ 3 000 € et sont raccordés à un service de cartographie des besoins. Les pulvérisateurs modulant les doses à partir des données issues de caméras embarquées peuvent coûter plus de 40 000 €. La modulation des doses d’azote assure une économie d’engrais variant entre 4 et 47% selon les productions et les environnements tout en maintenant ou augmentant le rendement jusqu’à 10%. Le financement d’un tel pulvérisateur peut avoir lieu sur 5 à 10 ans. Une économie de 11 à 90% est constatée, selon les cas, concernant les pesticides (herbicides, fongicides et insecticides). Une augmentation de la marge brute allant de 7 à 38€/ha/an est possible.

La direction assistée et les systèmes de gestion d’une circulation raisonnée complètent ce niveau, élevant la précision des actions réalisées. Ces technologies permettent d’éviter de croiser les trajectoires lors des traitements et de gagner en précision à l’échelle intra- parcellaire. Leur coût varie de 1 300 € environ si le tracteur est déjà équipé de GPS et peut aller jusqu’à 50 000 € pour ceux contenant le plus d’options. La direction assistée permet une économie de 2% des semences et engrais, de 6,32 à 10% de carburant et de 6,04% de main d’œuvre. Elle permet d’augmenter la marge brute entre 38 et 612€/ha/an. La circulation raisonnée complète la direction assistée avec l’analyse des données des itinéraires et des traitements issus des années précédentes. Elle permet une économie de 3 à 15% d’engrais, 25% de pesticides, de 25 à 70% de carburant et de 70% de la main d’œuvre. Une augmentation de 15% du rendement a aussi pu être observée. Des augmentations de 40 à 80% de l’efficience de l’azote ont été évaluées, permettant d’augmenter la marge brute de 57 à 115€/ha/an (Balafoutis et al., 2017).

– Les niveaux 4 et 5 additionnent aux outils des niveaux précédents la robotisation comme alternative aux pesticides pour la gestion des bio-agresseurs (adventices, maladies et ravageurs) ainsi qu’une irrigation de précision. Le but de la robotisation est qu’il n’y ait plus de résidus de fertilisation et de pesticides détectables. L’ajustement des intrants a lieu à l’échelle intra-parcellaire pour le niveau 4 et à l’échelle de la plante pour le niveau 5. Les robots désherbeurs coûtent entre 25000€ et 80000€. Ils permettent de réduire les quantités de pesticides de 20 fois par rapport à une protection standard. Ils réduisent également l’utilisation de carburant ainsi que le temps de travail.

L’irrigation de précision permet d’ajuster les quantités d’eau irriguées aux besoins des cultures, à l’humidité du sol et aux prévisions météo. Les systèmes les plus aboutis peuvent déclencher automatiquement l’irrigation si ces paramètres sont sous un certain seuil. Les contrôleurs de débit des systèmes d’irrigation pivot sont les plus accessibles à partir de 1 300 € et les systèmes de gestion de l’irrigation par contrôle du pivot peuvent coûter jusqu’à 35 000 €. L’irrigation goutte à goutte coûte environ 40€/ha. Une économie allant jusqu’à 34% est observée selon les systèmes d’irrigation. Leur effet sur le rendement est plus contrasté allant d’une réduction de 18% à une augmentation de 31%. L’efficience des intrants varie donc de -12% à 97% pour les systèmes contrôlant les pivots. Une économie d’eau d’environ 30€/ha/an a été constatée au Royaume Uni (Balafoutis et al., 2017). C’est

autour de la méditerranée que l’irrigation de précision a le plus grand potentiel. La consommation d’eau et d’énergie est réduite de 10 à 14% en moyenne (FIGARO Irrigation Platform, 2016). En Grèce, le bénéfice net peut aller jusqu’à 480€/ha pour une culture de coton (Balafoutis et al., 2017).

 

Élevage :

L’élevage de précision s’appuie sur l’utilisation de capteurs et de robots.
Les capteurs peuvent être sur les animaux pour surveiller leur santé (troubles métaboliques, infectieux, boiteries, mamelles, chaleurs, gestations et vêlages). Des GPS permettent de surveiller la localisation des animaux. Ces contrôles peuvent se faire grâce à des colliers qui coûtent environ 120€ l’unité, auxquels s’ajoutent 4 000€ pour le stockage et l’interprétation des données et 180€ de frais annuels. Ces capteurs embarqués permettent d’économiser jusqu’à 100€ par vache, de gagner jusque 30% de productivité et jusqu’à une heure de travail par jour (IDELE, 2019; LITUUS, 2019). Le stockage et la qualité des aliments peuvent également être évalués, tout comme la composition du lait. Les analyses de lait permettent d’anticiper les infections, chaleurs… Un éleveur va détecter 50 à 55% des chaleurs tandis qu’un détecteur automatisé en détectera 50 à 99%. L’anticipation liée à ces analyses permettent un gain de 2 000 € environ (Huneau & Gohier, 2017).

La robotisation permet de simplifier la traite, le nettoyage des étables ou la distribution de la paille et l’alimentation (mélange, quantité d’aliments distribuées, nombre et heure de passage et raclage des refus). Un robot d’alimentation, préparant les mélanges et distribuant les rations coûte environ 230 000 € pour 150 vaches laitières. Ce type de robot peut être financé durant 12 ans et amorti en 15 ans. Le coût annuel d’investissement est entre 25 et 44% supérieur à celui d’un tracteur et d’une mélangeuse, une économie d’environ 50% des frais d’entretien et des charges a lieu par rapport à ces derniers. De même une réduction de 15 à 20% de la main d’œuvre est observée. Au final, certaines études pointent une économie de près de 60% annuellement par rapport à l’utilisation d’un tracteur et d’une mélangeuse. D’autres études estiment qu’il y a une augmentation du coût de production de 6 097€/an mais une économie de 400h de travail (Autellet, 2019).

Un robot de traite coûte environ 120 000 € pour 80 vaches. Bien qu’ils réduisent le temps de travail, les robots de traite augmentent la consommation de concentré, et donc les coûts liés à l’alimentation. Une augmentation du nombre de cellules somatiques, réduisant la qualité du lait peut avoir lieu. Associé au coût de l’investissement et de l’installation des robots cela réduit la rémunération final pour 1 000 litres de 70€ à 48€. Cette perte est compensée par une augmentation moyenne de 11% du volume de lait par vache et par an (Autellet, 2019; Cogedis, 2019).

 

Acquisition des compétences :

Quel que soit l’outil et son coût, des formations sont nécessaires. Leurs coûts varient entre 420 et 1 400€ (Idele, 2020).

Liste des références :

Autellet, R. (2019). Robotisation en élevage : état des lieux et évolution. Académie de l’Agriculture de France.

Balafoutis, A., Beck, B., Fountas, S., Vangeyte, J., & Wal, T. van der. (2017). Precision Agriculture Technologies Positively Contributing to GHG Emissions Mitigation, Farm Productivity and Economics. Sustainability, 9(1339), 28.

Cogedis. (2019). Le passage en traite robotisée s’accompagne d’une augmentation de la productivité. Plein Champ.

Farm Europe. (2019). Etude des performances économiques et environnementales de l’agriculture digitale.

FIGARO Irrigation Platform. (2016). FIGARO’s Precision Irrigation Platform Presents Major Water and Energy Savings. http://www.figaro-irrigation.net/outputs/the-figaro- platform/en/

Huneau, T., & Gohier, C. (2017). Agriculture de précision robotique et données. In Fermes numériques (Vol. 1, Issue). https://doi.org/10.1017/CBO9781107415324.004

Idele. (2020). Idele formation.
IDELE. (2019). Inventaire et tests de capteurs.

http://idele.fr/no_cache/recherche/publication/idelesolr/recommends/inventaire-et-

tests-de-capteurs.html
LITUUS. (2019). Monitoring des bovin au service de la performance.
Soto, I., Barnes, A., Balafoutis, A., Beck, B., Sánchez, B., Vangeyte, J., Fountas, S., Van der

Wal, T., Eory, V., & Gómez-Barbero, M. (2019). The contribution of precision agriculture technologies to farm productivity and the mitigation of greenhouse gas emissions in the EU. https://doi.org/10.2760/016263

Weenat. (2020). Communication personnelle.

Mesures et impacts liés à la crise su Covid-19 : le fond de relance attendu dès janvier 2021

Le commissaire Janusz Wojciechowski a annoncé lors du Conseil informel de Coblence qu’il se chargeait d’élaborer un plan pour assurer la sécurité alimentaire lors des futures crises. Par ailleurs, s’ouvrant à la pression des députés européens, le commissaire, a exprimé sa volonté de mettre à disposition les fonds de relance décidés pour le secteur, d’un montant de 8 milliards d’euros courants (7,5 milliards euros constants), dès janvier 2021.

 

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Etat de l’Union : Audition de la présidente de la Commission devant le Parlement européen

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a prononcé hier son tout premier « discours sur l’état de l’Union » au Parlement européen à Bruxelles. Cet événement annuel veut démontrer la responsabilité de la Commission européenne envers les représentants démocratiquement élus de l’UE, les membres du Parlement européen, et être l’occasion de débattre de la vision et de la feuille de route que la Commission européenne propose.

Dans son discours, elle a donné un aperçu de ce que la Commission a fait depuis son entrée en fonction et des projets qu’elle a pour l’avenir.

Parmi les sujets abordés, on peut citer la pandémie de Covid-19 et ses conséquences avec la question de savoir où se situe la compétence de l’UE en matière de santé, de migration, de changement climatique, d’État de droit, de salaire minimum, de numérisation + fiscalité et de politique étrangère.

En ce qui concerne l’agriculture, l’élevage ou la production alimentaire, elle ne les a pas mentionnés explicitement, juste dans le contexte de l’agriculture de précision ou du fait que les agriculteurs ont reçu des fonds de soutien également. Cette absence de sujet a été critiquée par les députés européens qui siègent à la commission AGRI et par le président du groupe Renew Europe (D Ciolos).

Elle a mentionné que « nos niveaux actuels de consommation de matières premières, d’énergie, d’eau, de nourriture et d’utilisation des terres ne sont pas durables »,  le Green Deal européen devant être le modèle pour effectuer les changements et les transformations essentiels. En plus de la transition verte, Mme von der Leyen a cité le développement de l’économie numérique comme un autre domaine d’importance.

Pour cela, elle a expliqué comment le fonds NextGenerationEU sera distribué en réservant 20 % au numérique, 37 % seront dépensés directement pour les objectifs de Green Deal européen et un objectif de 30 % des 750 milliards d’euros de NextGenerationEU à lever par le biais d’obligations vertes. Elle a souligné que l’UE de la prochaine génération devrait investir dans des « projets européens phares ayant le plus grand impact », à savoir : l’hydrogène, la rénovation et un million de points de recharge électrique.

Par ailleurs, elle a déclaré que la Commission européenne propose de porter à au moins 55 % l’objectif de réduction des émissions pour 2030. Elle a souligné que l’objectif de 2030 est « ambitieux, réalisable et bénéfique » pour l’Europe. Pour cela, elle a indiqué que d’ici l’été prochain, la Commission révisera l’ensemble de la législation sur le climat et l’énergie pour la rendre « adaptée à 55 ». Ils renforceront les échanges de droits d’émission, stimuleront les énergies renouvelables, amélioreront l’efficacité énergétique et réformeront la fiscalité de l’énergie.

De plus amples détails seront présentés demain jeudi, lorsque le vice-président exécutif pour le Pacte vert européen avec le commissaire à l’énergie Kadri Simson « détaillera comment nous y arriverons ».

Elle a également présenté le mécanisme d’ajustement frontalier pour le carbone, qui « motivera les producteurs étrangers et les importateurs de l’UE à réduire leurs émissions de carbone, tout en veillant à ce que les règles du jeu soient équitables et compatibles avec l’OMC ».

Michael Roth, qui représentait le Conseil, a déclaré que Mme von der Leyen « ne devait pas s’attendre à ce que le Conseil soutienne ces propositions sans réserve ». Les députés européens ont ensuite débattu intensivement des différents sujets.

Vous trouverez le document de la Commission joint à ce courriel et le lien vers le discours complet à l’adresse suivante

 

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/ov/SPEECH_20_1655

https://multimedia.europarl.europa.eu/en/soteu-2020_20200916-0900-SPECIAL-OTHER_vd

Une stratégie commerciale renouvelée pour une Europe plus forte

Processus de consultation

Le processus d’examen de la politique commerciale sera basé sur de larges consultations avec les parties prenantes, notamment par le biais de débats publics organisés dans les États membres de l’UE et de soumissions écrites.

Les parties intéressés sont invitées à fournir leurs réponses aux questions ci-dessus avant le 15 septembre 2020 à la boîte aux lettres fonctionnelle : trade-policy-review-2020@ec.europa.eu

« La Commission européenne lance un réexamen de la politique de l’UE en matière de commerce et d’investissement ; deux objectifs clés sont à la base de ce processus. Premièrement, évaluer comment la politique commerciale peut contribuer à une reprise socio-économique rapide et durable, en renforçant la compétitivité dans l’environnement post-Covid 19, en relevant les défis auxquels l’UE sera confrontée et en contribuant à promouvoir nos valeurs et nos normes. Deuxièmement, voir comment la politique commerciale peut contribuer à construire une UE plus forte, sur la base d’un modèle d' »autonomie stratégique ouverte » ̶ récolter les bénéfices de l’ouverture pour nos entreprises, nos travailleurs et nos consommateurs, tout en les protégeant contre les pratiques déloyales et en renforçant notre résilience pour être mieux équipés pour les défis futurs.

 Pour l’essentiel, cet examen stratégique définira l’orientation politique de la politique de l’UE en matière de commerce et d’investissement pour les années à venir.

 L’objectif de la Commission est de parvenir à un consensus autour d’une nouvelle orientation à moyen terme pour la politique commerciale de l’UE, en répondant à une série de nouveaux défis mondiaux et en tenant compte des enseignements tirés de la crise du coronavirus ».

 L’UE devrait poursuivre un modèle d' »autonomie stratégique ouverte« . Cela signifie simplement renforcer la capacité de l’UE à poursuivre ses propres intérêts de manière indépendante et affirmée, tout en continuant à travailler avec des partenaires dans le monde entier pour apporter des solutions globales aux défis mondiaux.

 

Introduction

La position de l’UE, en tant que premier exportateur mondial et deuxième importateur de produits agroalimentaires, considère le commerce d’une importance cruciale pour le secteur agroalimentaire. Sans les exportations agroalimentaires de l’UE, la sécurité alimentaire de nombreux pays, et notamment en Afrique, serait compromise. La demande de denrées alimentaires étant en hausse, le rôle de l’UE en tant que premier exportateur mondial est primordiale, c’est pourquoi notre politique commerciale concernant les produits agricoles est essentielle.

En outre, la Commission européenne a déjà estimé[1] que dans un contexte où 90 % de la demande mondiale supplémentaire de produits agroalimentaires au cours des 10 à 15 prochaines années sera générée en dehors de l’Europe, les exportations vers les pays tiers seront donc déterminantes pour la croissance du secteur agricole. Cela sera principalement rendu possible par des accords bilatéraux qui créent des opportunités pour les producteurs de l’UE sur les marchés mondiaux et par un ensemble de règles commerciales internationales qui fonctionnent bien dans le cadre de l’OMC.

Toutefois, l’impact et les effets cumulatifs des accords commerciaux de l’UE sur le secteur agricole de l’UE doivent être soigneusement examinés.

Dans l’ensemble, la nouvelle politique devrait apporter une cohérence et une vision globale des coûts et des avantages commerciaux. En ce qui concerne l’agriculture, elle devrait être en phase avec le modèle d’agriculture poursuivi dans l’UE, largement basé sur des exploitations familiales de taille moyenne fonctionnant avec leurs propres ressources limitées en capital, et sur la manière dont l’UE se prépare à soutenir ce modèle.

Pour ces raisons, Farm Europe souhaite ajouter les points et réponses suivants à prendre en compte dans la discussion pour une politique commerciale renouvelée dans le cadre d’une Europe plus forte.

 

  • Renforcer la résilience – dimensions interne et externe

Question 1 : Comment la politique commerciale peut-elle contribuer à améliorer la résilience de l’UE et à construire un modèle d’autonomie stratégique ouverte ?

Question 2 : Quelles initiatives devrait l’UE prendre – seule ou avec d’autres partenaires commerciaux – pour aider les entreprises, y compris les PME, à évaluer les risques ainsi qu’à consolider et à diversifier les chaînes d’approvisionnement ?

Pendant le déroulement de la pandémie Covid-19, il n’est pas passé inaperçu que, au cœur de la crise, de nombreux pays ont fait recours aux interdictions et des restrictions d’exportation, y compris dans le secteur agroalimentaire. Que se serait-il passé si l’UE avait été aussi vulnérable en matière d’approvisionnement alimentaire que pour certains équipements médicaux et médicaments ?

Après la crise du Covid-19, nous devons changer de politique sans compromettre la sécurité alimentaire. Nous avons besoin d’un meilleur équilibre entre les avantages de la libéralisation des échanges et ses effets négatifs asymétriques. Nous avons besoin d’une politique moins idéologique et plus pragmatique et réaliste.

Dans cette optique, si nous souhaitons poursuivre un modèle d' »autonomie stratégique ouverte », nous devons garantir la valeur stratégique du secteur agroalimentaire. Nous devons donc veiller à ce qu’en plus d’établir des relations commerciales solides, l’UE dispose d’une agriculture robuste qui peut assurer son rôle fondamental de nourrir ses citoyens dans toutes circonstances.

Farm Europe ne s’exprime pas contre le commerce, ni contre la négociation d’accords de libre-échange au profit des producteurs et des consommateurs. En fait, l’isolement à l’intérieur de nos frontières entraînerait une baisse de la production, des revenus agricoles, des emplois, des agro-industries, un ralentissement des progrès technologiques et de l’innovation stimulée par la concurrence internationale. Il convient d’éviter la perturbation brutale des flux commerciaux et l’UE devrait s’efforcer de permettre l’établissement de nouvelles relations mutuellement bénéfiques à l’avenir.

D’autre part, Farm Europe estime que le moment est venu d’adopter une politique commerciale plus équilibrée. Le commerce devrait aider, favoriser et renforcer la résilience du secteur agroalimentaire, et non l’affaiblir. Les agriculteurs européens ne devraient pas être une monnaie d’échange offerte au profit d’autres secteurs et industries.

Cela signifie avant tout que les Accords de Libre Echange (ALE) ne doivent pas compromettre la viabilité des secteurs les plus vulnérables. Les ALE ont fait des gagnants et des perdants dans l’agriculture, et les perdants ont été laissés seuls pour faire face aux conséquences.

Une nouvelle politique commerciale devrait rechercher les avantages d’une plus grande liberté des échanges tout en protégeant complètement les secteurs agricoles vulnérables ou en adoptant des programmes spécifiques pour aider ces secteurs à faire face (et en prévoyant des ressources communautaires obligatoires pour financer ces programmes).

La Commission européenne devrait, dans son évaluation préalable à l’engagement de négociations d’ALE, évaluer soigneusement le degré d’ouverture des frontières dans des secteurs clés, et intégrer dans son évaluation, le cas échéant, la conception et les ressources nécessaires pour aider ces secteurs à faire face à une concurrence extérieure supplémentaire.

En outre, l’excédent commercial de l’UE sur les produits agroalimentaires masque le fait que l’excédent de l’UE sur les produits agricoles bruts est faible, les chiffres globaux étant largement aidés par les performances de l’UE en matière d’exportation de produits transformés, en particulier de haute valeur. Il convient de reconnaître ces faits, ainsi que le fait que l’UE souffre d’un déficit chronique en protéines végétales puisqu’elle ne consacre que 3 % de ses terres arables aux protéagineux et qu’elle importe plus de 75 % de son approvisionnement en protéines végétales tout en restant fortement tributaire des importations de protéines animales[2]. Avec nos ALE, nous ne devons pas entraver la sécurité alimentaire.

 

  • Soutenir la reprise et la croissance socio-économiques

Question 3 : Comment le cadre commercial multilatéral (CCM) devrait-il être renforcé pour assurer la stabilité, la prévisibilité et un environnement fondé sur des règles pour un commerce et des investissements équitables et durables ?

Question 4 : Comment pouvons-nous utiliser notre vaste réseau d’ALE existants ou de nouveaux ALE pour améliorer l’accès au marché pour les exportateurs et les investisseurs de l’UE, et promouvoir la coopération internationale en matière de réglementation ̶ notamment en ce qui concerne les technologies et les normes numériques et vertes afin d’en maximiser le potentiel ?

Question 5 : Avec quels partenaires et régions l’UE devrait-elle donner la priorité à son engagement ? En particulier, comment pouvons-nous renforcer nos relations en matière de commerce et d’investissement avec les pays voisins et l’Afrique, dans notre intérêt mutuel ?

En ce qui concerne l’Afrique et la politique de l’UE en matière de commerce et d’investissement, nous poursuivrons la double mission suivante :

  • la promotion et le soutien de projets de développement rural durable tant locaux que sectoriels en Afrique, fondés sur l’amélioration des chaînes de valeur agricoles locales, nationales ou transnationales ;
  • contribution à la mise en place de politiques de gouvernance favorables au développement de l’Afrique à travers ses secteurs agricole et agroalimentaire.

Pour ses actions dans ce domaine, l’UE doit viser à soutenir des projets de développement rural intégré dans les secteurs agricole et agroalimentaire qui maximisent la valeur ajoutée pour les régions ciblées, en les intégrant dans la dynamique environnementale promue par la COP21, en mettant en évidence les normes sociales et en affirmant la grande valeur du travail des femmes.

Question 6 : Comment la politique commerciale peut-elle soutenir la renouvelée politique industrielle européenne ?

La politique commerciale ne doit pas entraver le lien entre l’agriculture et la transformation industrielle dans l’UE. Il est illusoire de croire que l’UE peut maintenir une agro-industrie dynamique et compétitive sans une solide production intérieure de biens agricoles.

 

  • Soutenir les PME

Question 7 : Que peut-on faire de plus pour aider les PME à tirer parti des possibilités offertes par le commerce et les investissements internationaux ? Où ont-elles des besoins spécifiques ou des défis particuliers qui pourraient être abordés par des mesures et un soutien en matière de politique commerciale et d’investissement ?

Tout comme l’épine dorsale de l’économie de l’UE est composée de PME, le modèle agricole de l’UE repose en grande partie sur des exploitations familiales de taille moyenne.

Ces agriculteurs doivent disposer des outils nécessaires pour faire fâce à des opportunités et des menaces du marché mondial en matière de commerce. Ils doivent avoir les outils nécessaires pour comprendre quand il y a une diminution ou une augmentation de la demande de leurs produits et pour trouver des partenaires commerciaux appropriés à l’autre bout du monde.

 

  • Soutenir la transition verte et rendre le commerce plus durable et responsable

Question 8 : Comment la politique commerciale peut-elle faciliter la transition vers une économie plus verte, plus équitable et plus responsable, tant au niveau national qu’international ? Comment la politique commerciale peut-elle promouvoir davantage les objectifs de développement durable des Nations unies (SDG) ? Comment la mise en œuvre et l’application doivent-elles soutenir ces objectifs ?

Veuillez vous référer à notre réponse à la question 12.

Question 9 : Comment la politique commerciale peut-elle contribuer à favoriser une conduite plus responsable des entreprises ? Quel rôle la politique commerciale devrait-elle jouer dans la promotion de chaînes d’approvisionnement transparentes, responsables et durables ?

 

  • Soutenir la transition numérique et le développement technologique

Question 10 : Comment les règles du commerce numérique peuvent-elles profiter aux entreprises de l’UE, y compris aux PME ? Comment la transition numérique, au sein de l’UE, mais aussi chez les partenaires commerciaux des pays en développement, pourrait-elle être soutenue par la politique commerciale, notamment en ce qui concerne les technologies numériques clés et les grandes évolutions (par exemple, blockchain, intelligence artificielle, grands flux de données) ?

Question 11 : Quels sont les principaux obstacles et opportunités pour les entreprises européennes qui se lancent dans le commerce numérique dans des pays tiers ou pour les consommateurs lorsqu’ils se lancent dans le commerce électronique ? Quelle est l’importance des transferts internationaux de données pour l’activité commerciale de l’UE?

 

  • Garantir l’équité et l’égalité des conditions de concurrence

Question 12 : En plus des instruments existants, tels que la défense commerciale, comment l’UE devrait-elle s’attaquer aux pratiques commerciales coercitives, distorsives et déloyales des pays tiers ? Les instruments existants devraient-ils être encore améliorés ou des instruments supplémentaires devraient-ils être envisagés ?

Une nouvelle politique commerciale devrait respecter des conditions de concurrence équitables entre l’UE et les pays tiers, en ce qui concerne les contraintes environnementales, sanitaires et phytosanitaires.

S’il est vrai que les importations dans l’UE doivent respecter les normes sanitaires et phytosanitaires de l’UE, dans de nombreux pays exportateurs, des substances interdites dans l’UE sont largement utilisées. Les problèmes liés aux substances interdites au cours du processus de production ne peuvent pas toujours être détectés dans le produit fini, qui présente un risque réel. Le niveau des contrôles à nos frontières doit être à la hauteur de ces dangers, et doit être complété par un engagement fort des pays exportateurs à respecter les normes européennes de production. Ces engagements doivent être inclus dans les ALE, et les moyens de contrôle doivent être inclus lors des négociations ».

Ceci est susceptible de devenir encore plus important, car les coûts opérationnels et de production augmenteront probablement en raison de la réalisation des changements systématiques recommandés par la stratégie « de la ferme à la table » et par le « Plan Vert ».

Dans le domaine de l’environnement, la situation est encore pire. Les accords de libre-échange existants ne comportent que quelques clauses qui consacrent l’adhésion aux conventions des Nations Unies.

Le fait est que l’UE importe une large gamme de produits provenant de zones déboisées, de la viande de bœuf à l’huile de palme. C’est inacceptable, car l’UE devient ainsi un acteur actif de la déforestation en raison de sa forte demande pour ces produits. L’UE devrait adopter une politique commerciale claire qui interdise les importations en provenance des zones déboisées et d’autres zones à haute valeur environnementale. L’UE dispose de moyens indépendants pour contrôler la déforestation et identifier, dans ces zones, les produits qui en sont originaires, en utilisant par exemple la surveillance de l’évolution du couvert forestier par l’imagerie satellite. Ces technologies permettant une surveillance impartiale ont été développées par des entreprises européennes telles que Copernicus ou Starling, utilisées notamment par des sociétés dans le cadre de leurs engagements de déforestation zéro.

L’UE ne devrait pas laisser la responsabilité de la certification des produits déboisés à des pays tiers ou à d’autres parties en général, à moins que des systèmes équivalents basés sur des images satellites objectives et vérifiables, ouverts à l’audit, ne soient mis en place pour surveiller la déforestation mise en œuvre par les pays concernés, ce que l’UE pourrait alors accepter, voire soutenir. Cela représenterait un pas bienvenu vers l’autonomisation des pays où la déforestation est un fléau pour qu’ils prennent le problème en main et mettent en œuvre la combinaison appropriée de politiques de contrôle, économiques, sociales et environnementales pour mettre fin à la déforestation et à la dégradation des forêts.

Ainsi, l’UE pourrait aider les pays producteurs et leurs autorités publiques, voire le secteur privé, à accélérer leurs efforts pour plus de transparence et une planification durable de l’utilisation des sols grâce à des approches coopératives comprenant la fourniture de couches de données, par exemple : les satellites à haute capacité (HCS), et d’outils de vérification

Globalement, l’UE devrait fixer une date limite claire dans le passé pour l’acceptation des importations en provenance de zones précédemment déboisées et à haute valeur environnementale, en interdisant toutes les importations en provenance de zones dégradées après cette date.

Les contraintes environnementales de l’UE sont les plus strictes au monde. Cela a un coût pour le secteur, et ce coût n’est pas supporté par ses concurrents. En particulier, l’UE ne devrait pas accepter que les importations de produits agroalimentaires qui ont été produits sous des contraintes environnementales nettement moins strictes bénéficient d’avantages tarifaires.

La fraude alimentaire, les contrefaçons et les imitations de produits européens connus et protégés ayant une appellation d’origine doivent être combattues afin d’établir que de telles tromperies ne pourront pas pénétrer et s’implanter sur des marchés du monde entier sous le faux déguisement de la bonne réputation des produits européens.

Question 13 : Quels sont les autres sujets importants non couverts par les questions ci-dessus que l’examen de la politique commerciale devrait aborder ?

En ce qui concerne les conditions de travail, les règles du jeu équitables sont pratiquement inexistantes. Les accords de libre-échange existants ne prévoient que l’adhésion aux conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

Bien qu’il s’agisse généralement d’une question transversale qui va plus loin que le commerce agroalimentaire, les ALE pourraient comporter des dispositions permettant de traiter les questions de salaire minimum dans des secteurs particulièrement sensibles. Par exemple, en ce qui concerne le commerce de la viande, le coût d’exploitation des abattoirs est important et la question soit donc pertinente pour établir des conditions de concurrence équitables.

Une autre question transversale est la dévaluation compétitive de la monnaie. Il y a des bonnes raisons d’insérer dans les ALE des clauses visant à contrer les dévaluations concurrentielles des monnaies. Une dévaluation monétaire a souvent un impact commercial plus important que les droits de douane, et les politiques monétaires qui dévaluent intentionnellement une monnaie devraient être contrecarrées par des contre-mesures, par exemple en donnant à l’autre partie la possibilité d’augmenter les droits de douane.

[1] https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/farming/documents/agricultural-food-

[2] Rapport sur une stratégie européenne pour la promotion des protéagineux – Encourager la production de protéines et de légumineuses dans le secteur agricole européen (2017/2116(INI))