Augmenter le prix d’intervention des produits laitiers n’est ni un gros-mot ni une baguette magique

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Durant les dernières semaines l’ensemble des appels – et ils sont nombreux – en vue d’une augmentation du prix d’intervention des produits laitiers ont buté sur un mur à la Commission européenne, celle-ci reprenant l’argument de l’orientation vers le marche et un rappel à l’histoire des montagnes de beurre et des lacs de lait.

Le débat sur la meilleure façon de gérer les marchés agricoles est une élément clef pour l’avenir du secteur lait européen. Il nécessite donc un effort pour aller au-delà des discours simplistes et d’étudier précisément les arguments pour ou contre telle ou telle option. Les attitudes extrêmes ne font rien d’autre qu’affaiblir la position de l’Union européenne, alors que l’ensemble des grands acteurs du marché mondial développent des politiques offensives.

Tout d’avoir qu’est-ce que sont les outils d’intervention ?

Premièrement, l’intervention est basé sur un mécanisme d’achats publics déclenchés si le marché chute en dessous d’un prix fixé à l’échelle européenne. Utilisé de façon adéquate, le système n’est pas dispendieux pour les contribuables, au contraire. Les autorités publiques achètent lorsque les marchés sont bas, et revendent une fois les cours raffermis. Donc, il ne s’agit pas un débat sur une utilisation inconsidérée des deniers publics.

Deuxièmement, dans un système orienté vers le marché, les prix d’intervention sont fixés en dessous des coûts de production pour éviter une situation où des producteurs non compétitifs produiraient non plus pour le marché, mais uniquement pour l’intervention publique de façon structurelle. La question qui se pose donc, simple à poser, difficile à résoudre dans une Europe à 28 Etats membres est la suivante :

Le seuil de déclenchement actuel de 21,7 centimes offre-t-il un filet de sécurité suffisant pour éviter que les producteurs compétitifs disparaissent en situation exceptionnelle ? Quel niveau serait adéquat et suffisamment bas pour décourager les producteurs qui serait tentés de devenir des professionnels de l’intervention ?

Troisièmement, on peut se demander si un système est nécessaire aujourd’hui ? On peut être tenté de répondre qu’aucune solution meilleure n’a été trouvée pour le moment au niveau Européen en cas de situation de marché difficile (ayant en tête que l’un des objectifs clefs de la politique agricole européenne est de stabiliser les marchés et de maintenir une production agricole dynamique sur l’ensemble du territoire de l’UE) – mais ce serait une réponse sans doute insuffisante. Ces dernières années – et particulièrement en 2009 – le prix d’intervention a servi de niveau plancher pour le marché – en d’autres termes de limite au-delà de laquelle une situation déjà extrêmement difficile ne peut plus se dégrader davantage. Cela signifie que le prix d’intervention n’est pas uniquement un outil mathématique, mais qu’il joue également un rôle psychologique.

Jusqu’à 2007, avant d’être établit à 21,7 cents, le mécanisme d’intervention était activé sur une base annuelle, ce qui ne faisait effectivement pas sens. Depuis, seule la grande crise de 2009 a déclenché l’intervention.

S’il est souhaité que la politique de filets de sécurité reste adapté à ce type de situation, ses instruments doivent restés connectés à la réalité économique au fil des années, sans empêcher les signaux de marchés. Dans ce contexte, alors que les coûts de productions varient considérablement d’une région à l’autre, et au sein d’une même région, les études récentes ont montré qu’en Bavière, par exemple, ils se situent autour de 29,6 centimes, alors qu’en Italie, dès 34 centimes, les producteurs ne gagnent plus d’argent, mais en perdent. De leur côté les producteurs Irlandais semblent être en mesure de continuer à vivre, même si difficilement, avec 26 cents, ils sont à n’en pas douter les plus compétitifs en Europe.

A la lumière de ces éléments, un ajustement du prix d’intervention tenant au minimum compte de l’effet cumulé de l’inflation depuis 2007 ne serait-il pas crédible et souhaitable – la fixant aux alentours de 25 cents ?

Cela serait un signal politique positif de la part du Commissaire Hogan adressé aux acteurs économiques de l’UE quant à sa volonté de maintenir sur les rails une orientation politique stable pour le marché du lait européen, orientation initiée lorsque la décision de fin des quotas a été prise. Cela renforcerait la confiance des acteurs économiques dans la politique de filets de sécurité de l’UE, augmentant leur capacité à investir davantage dans un contexte post-quotas.