Crise laitière : en finir avec une crise qui n’en finit pas

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Avec une enveloppe de 500 millions d’euros, entre 2 et 2,5 millions de tonnes de lait pourrait ne pas être mises sur le marché, grâce à des mesures d’incitation à la réduction de la production ciblées.

Le Conseil des ministres de février dernier a, de nouveau, fait le constat non seulement de la gravité de la crise dans laquelle s’enfonce le secteur laitier européen, mais aussi du fait que les mesures prises jusqu’alors n’ont pas eu d’impact dans un contexte déjà évoqué précédemment  où les producteurs n’ont actuellement comme solution individuellement que de produire plus pour amortir par le volume leurs charges quand bien même, collectivement, cette orientation ne peut que rendre pire la crise et le marasme des prix.

Alors que faire pour sortir d’un tel engrenage qui n’a été enraillé dés le début ?

Premièrement, les mesures de marché prises à l’automne dernier doivent être maintenues et renforcées :

  • le stockage privé est un outil utile face à l’étroitesse des débouchés pour le beurre et la poudre de lait. Son caractère réellement incitatif est primordial et la durée de stockage doit être raisonnée au regard d’un retour à l’équilibre qui prendra du temps.
  • Une politique encore plus soutenue de promotion est nécessaire. En la matière, la réalité économique doit être le principe de base : c’est en période de crise que le retour sur les marchés doit se travailler, sur tous les marchés et notamment ceux d’exportation de poudre de lait et de beurre. Ces productions européennes ont des atouts de qualité, de réputation. La (re)conquête des marchés mondiaux doit être non seulement accompagnée, mais anticipée par une politique de promotion européenne très dynamique. A cet égard, un fonds d’assurance crédits à l’export serait un plus, cet outil étant à disposition des concurrents des opérateurs européens.

Cependant, dans le contexte actuel, force est de constater que ces mesures, seules, ne suffiront pas. Et ce, d’autant plus que les exploitations ayant investi récemment, celles sur lesquelles l’Union européenne comptent pour générer croissance et dynamisme économique demain, sont menacées de disparition. Ce serait un gâchis humain, social et économique que l’Union européenne ne peut se permettre.

Injecter, une nouvelle fois, quelques millions d’euros comme autant d’aides politiques symboliques aux trésoreries d’exploitation est à exclure : les expériences de 2009 et plus récemment de 2015 sont malheureusement là pour en témoigner.

Augmenter temporairement le prix d’intervention, pour un volume défini, est régulièrement évoqué. Farm Europe avait analysé cette possibilité à l’été 2015. A l’échelon européen, la diversité des coûts de production d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre est extrêmement grande. Etant donné que la ligne rouge politique est de ne pas faire de l’intervention un marché de déport rentable pour certains l’augmentation possible est très limitée à quelques cents, et un prix nouveau temporaire, de fait, inférieur à 25 cents.

La décision politique de fin des quotas laitiers repose sur un postulat de base : s’appuyer sur les acteurs économiques, notamment les agriculteurs en premier, pour qu’ils saisissent pleinement les opportunités de marchés. Dans cet esprit, n’est-il pas de la responsabilité de l’Union européenne d’accompagner ces mêmes producteurs en temps de crises fortes pour qu’ils aient les moyens de se dégager de la spirale baisse des prix/hausses individuelles de production/baisse de prix en retour?

Où est l’efficacité économique? Inciter à baisser rapidement la production ou attendre de colmater les effets financiers d’une crise qui se prolonge? 

Un outil est, à cet égard, régulièrement évoqué depuis 2014. Mais son analyse sérieuse a été sans cesse remise aux lendemains jusqu’à ce qu’il soit finalement mis en œuvre par l’initiative privée d’une coopérative aux Pays-Bas : l’impact d’une incitation européenne à la réduction de production, sur un laps de temps limité et pour un volume prédéfini, mérite d’être analysé sans a priori et sans la crainte qu’aucuns ont vis-à-vis d’outils nouveaux.

En période de déséquilibre entre production et demande, la rapidité de réaction est clé pour en limiter les conséquences financières tant pour le monde agricole que pour les contribuables.

Entre inciter à baisser rapidement la production et devoir stocker le temps que « le marché fasse son œuvre selon l’expression consacrée de certains » et colmater les effets financiers d’une crise qui se prolonge, où se trouve l’efficience économique ?

La diversité des régions de productions laitières dans l’Union européenne suggérerait de définir le volume de baisse souhaité par rapport aux livraisons aux laiteries de la période hivernale et d’agir par appels d’offres.

Avec les 500 millions d’euros du paquet présenté par la Commission l’automne dernier, ce sont entre 2 millions et 2,5 millions de tonnes qui auraient été concernés. A cette échelle, l’impact sur les marchés européens ne serait-il pas effectif et les deniers publics utilisés efficacement ?

Un tel dispositif suppose toutefois :

  • une mise en place rapide,
  • une gestion équilibrée des appels d’offres (ni trop, mais aussi refuser le trop peu budgétaire qui tuerait la mesure dans l’œuf)
  • et d’assumer le fait qu’elle s’adresserait sans doute, dans les faits, principalement à deux types d’exploitations agricoles :
    • des exploitations compétitives dont la baisse de la production participerait ainsi pleinement au bien commun de la filière lait européenne;
    • des exploitations quittant le secteur laitier, participant ainsi à un mouvement de restructuration.