France : Plan stratégique de la PAC 2023-27

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Priorités stratégiques

Le PSN français vise à améliorer la compétitivité durable des filières agricoles, la création de valeur, la résilience des exploitations et la sobriété des intrants au service de la sécurité alimentaire.

L’aide au revenu de base sera distribuée aux bénéficiaires ayant des droits à paiement de manière plus équitable, avec une convergence progressive atteignant 90 % en 2026. La France a choisi de cibler un soutien spécifique sur des secteurs en difficulté, essentiels à la résilience des territoires. Ainsi, 15% des paiements directs sont consacrés aux aides couplées, principalement dans le secteur de l’élevage, ainsi qu’une augmentation significative de l’enveloppe consacrée aux protéagineux pour accroître l’autonomie. L’ICHN est maintenue et reste ciblée sur les productions les plus adaptées aux territoires à handicaps, dont la montagne, à savoir l’élevage herbager.

En matière d’environnement, le PSN est en ligne avec les trajectoires européennes. Il représentera 25% des aides directes à partir de 2023 et les dépenses environnementales totales du 2ème pilier dépasseront 40%. L’architecture environnementale vise à réduire la spécialisation et l’intensification des productions, en encourageant la diversification des productions végétales et la recherche de synergies entre élevage et cultures, favorables à la résilience et à la sobriété des intrants. L’éco-conditionnalité renforcée et l’éco-régime visent une mise en œuvre à grande échelle de pratiques favorables à la maîtrise du climat, à la protection des ressources naturelles et de la biodiversité.

Au niveau territorial et social, pour répondre au défi du renouvellement des générations, les fonds dédiés à l’installation des jeunes agriculteurs sont renforcés, avec un total d’un peu plus de 200 millions d’euros mobilisés pour le soutien dédié aux jeunes agriculteurs sur les deux piliers.

L’architecture verte 

Les éco-régimes sont de nouveaux régimes qui représenteront au moins 25 % de l’allocation totale du soutien du premier pilier. Les éco-régimes imposent aux agriculteurs des pratiques qui vont au-delà des exigences en matière de conditionnalité qui comprennent déjà des critères de paiement vert, et correspondent donc à un niveau d’ambition environnementale plus élevé que le paiement vert actuel. 

Dans le PSN français, 1,684 milliards par an (8,420 milliards pour toute la période de programmation 2023-2027) sont alloués à l’éco-régime. 

L’éco-schéma tel qu’il est conçu dans le PSN français vise à accompagner le plus grand nombre d’agriculteurs dans leur transition, dans le but de développer massivement les pratiques agro-écologiques sur l’ensemble du territoire. 

L’aide est un paiement découplé d’un montant fixe au niveau national versé sur tous les hectares éligibles de l’exploitation et est divisée en trois voies d’accès non cumulables et un supplément (« prime de couverture ») cumulable avec la voie d’accès pour les pratiques ou la certification environnementale : 

– la filière  » pratiques  » s’adresse aux agriculteurs qui s’engagent à mettre en œuvre, sur toutes les surfaces de l’exploitation, des pratiques agroécologiques favorables à la réduction des pesticides, à la biodiversité et au stockage du carbone. Les exigences en termes de pratiques sont différentes pour les grandes cultures, les prairies permanentes et les cultures pérennes et doivent être appliquées à l’ensemble des surfaces de l’exploitation ; 

– le parcours « certification environnementale » s’adresse aux agriculteurs dont l’ensemble de l’exploitation est certifié biologique ou à haute valeur environnementale (HVE) ; 

– la filière « éléments favorables à la biodiversité » vise les agriculteurs qui maintiennent ou créent des infrastructures agro-écologiques ou mettent en jachère des terres sur leurs exploitations ;

– le  » bonus haie  » rémunère la présence de haies et leur gestion durable ; ce bonus peut être combiné avec les pratiques ou le parcours de certification, permettant d’améliorer l’effet global sur la biodiversité (association haies et mosaïque de cultures, ou haies et prairies, ou haies et gestion biologique des terres). La présence de haies est associée à une exigence de gestion durable de ces haies vérifiée par une certification (par exemple le  » Label Haie  » existant). 

Il existe deux niveaux d’exigences pour chacune des voies d’accès : un niveau de base et un niveau supérieur pour les agriculteurs qui s’engagent dans des pratiques plus ambitieuses.

Outre l’éco-régime, l’architecture verte repose sur les mesures environnementales du deuxième pilier, notamment les engagements agro-environnementaux et climatiques (MAEC) et le soutien à la conversion à l’agriculture biologique. La plupart des MAEC doivent être adaptés au niveau local. Le niveau d’ambition poursuivi par ces mesures est plus élevé que celui requis dans les pratiques de l’éco-schéma.

Le budget des mesures agro-environnementales et climatiques est augmenté de +10 M€ pour atteindre 260 M€ en moyenne par an (contre 250 M€ versés en 2019 et 2020).

Le PSN français contribuera à l’atteinte d’un objectif d’au moins 18% de la SAU française en agriculture biologique d’ici 2027, soit près de 4,8 millions d’hectares de terres agricoles, avec l’ambition d’atteindre les 25% visés au niveau européen en 2030. 

Pour soutenir ce doublement des surfaces en agriculture biologique d’ici 2027, 340 millions d’euros par an en moyenne seront consacrés aux aides à la conversion à l’agriculture biologique, ce qui correspond à une augmentation de 90 millions d’euros par an par rapport aux 250 millions d’euros par an versés en 2019 et 2020, qui couvraient non seulement les aides à la conversion (220 millions d’euros) mais aussi les aides au maintien (30 millions d’euros).

Paiement couplé

Afin de prendre en compte les enjeux et difficultés de certaines filières et de soutenir l’augmentation des surfaces cultivées en protéagineux, dans l’objectif d’améliorer l’autonomie protéique française et de réduire ainsi la dépendance aux importations de protéines, notamment de soja, la France consacre 15 % de ses aides directes aux aides couplées, soit 5 milliards d’euros. 

Le budget consacré à l’aide couplée aux protéines végétales augmentera de 15% à partir de 2023 (pour atteindre 2,3% des paiements directs) puis progressera chaque année de 0,3% jusqu’à atteindre un budget de 236,8 millions d’euros en 2027, soit une augmentation de 75% (3,5% des paiements directs). Sur l’ensemble de la future période de programmation, 100 millions d’euros supplémentaires seront donc consacrés aux aides couplées aux protéines végétales par rapport à la période de programmation actuelle.

Le soutien couplé ira aussi aux : ovins ; caprins ; bovins ; veaux sous la mère ; légumineuses à grains et légumineuses fourragères déshydratées ou pour la production de semences ; légumineuses fourragères en zone de plaine et de piémont ; légumineuses fourragères en zone de montagne ; blé dur ; pomme de terre féculière ; riz ; houblon ; semences de graminées ; chanvre ; prunes d’Ente pour la transformation ; cerises de Bigarreau pour la transformation ; poires Williams pour la transformation ; pêches de Pavie pour la transformation ; cultures maraîchères ; tomates pour la transformation ; petits ruminants en Corse ; bovins en Corse.

Gestion des risques

L’appui aux outils de gestion des risques dans le cadre du PSN s’inscrit dans une double perspective de continuité avec la programmation 2014-2022 et de renforcement des outils existants. 

Concernant les risques climatiques, le PSN renforce le soutien à l’assurance récolte multirisque, avec pour objectif de couvrir plus d’exploitations et une plus grande surface agricole contre ces risques d’ici 2027. Le dispositif devrait passer de 156 millions d’euros de financement FEADER en 2023 à près de 216 millions d’euros en 2027, en prévision d’une augmentation du nombre de contrats d’assurance dans les années à venir. 

Le régime des catastrophes agricoles, un instrument de solidarité nationale qui couvre les risques climatiques considérés comme non assurables, sera profondément remanié pour permettre une meilleure coordination des différents instruments de compensation des pertes causées par les risques climatiques. 

Ainsi, le gouvernement français a élaboré fin 2021 un projet de loi sur la réforme de l’assurance climatique multirisque et la révision du régime des calamités agricoles. Cette loi repose sur le principe d’une architecture de gestion des risques à trois niveaux (faible, modéré et catastrophique). Les risques modérés seront couverts par le système d’assurance, dont la contribution sera partiellement couverte par le PSN, tandis que les risques catastrophiques seront couverts par la solidarité nationale, payée par l’État. Pour faciliter la prise en charge du risque par l’agriculteur, un guichet unique d’indemnisation est prévu, quelle que soit la source de couverture. 

Afin d’inciter le plus grand nombre d’agriculteurs à s’assurer, les indemnités seront plus élevées pour les agriculteurs assurés que pour les non assurés. Par ailleurs, le nouveau système devrait générer une meilleure protection contre les risques et une meilleure adaptation au changement climatique dans les exploitations agricoles, notamment en développant une tarification individualisée de l’assurance qui tient compte des moyens de protection utilisés par l’agriculteur, et en incitant fortement à proposer et déployer des contrats d’assurance avec franchise au niveau de l’exploitation, ce qui favorisera des exploitations plus diversifiées, donc plus résilientes et moins coûteuses en intrants. 

Concernant les risques sanitaires et les incidents environnementaux, le soutien au Fonds national agricole de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux (FMSE), créé en 2013, en l’absence d’un marché de l’assurance comparable à celui qui existe pour les risques climatiques, sera poursuivi, avec des évolutions potentielles liées à l’évolution de la catégorisation des risques sanitaires et phytosanitaires aux niveaux européen et national, à l’émergence de nouvelles maladies, et à l’articulation entre l’intervention de l’État et celle du fonds. Ainsi, le PSN prévoit la mobilisation du FEADER à hauteur de 1,5 million d’euros par an pour financer l’indemnisation des pertes pouvant être couvertes dans ce cadre. 

Concernant les risques de revenus, une expérimentation d’un fonds commun couvrant les variations de revenus (outil de stabilisation des revenus) sera lancée par la région Grand-Est pour la filière betterave. Elle devrait permettre d’apprécier pour la première fois le fonctionnement d’un outil de gestion des risques qui compense les variations de marge, qu’elles soient imputables à un événement climatique, sanitaire ou environnemental ou à une évolution du marché. La Région a prévu de consacrer chaque année 2 millions d’euros de fonds FEADER à ce projet. 

Jeunes agriculteurs

Le PSN renforce l’effort de ciblage entrepris dans la programmation actuelle, en prévoyant un soutien supplémentaire au revenu des jeunes agriculteurs à hauteur de 1,5% de l’enveloppe des paiements directs (101 millions d’euros), contre 1% aujourd’hui. Ce soutien supplémentaire représente la moitié de l’effort total demandé de 3% du PSN pour les jeunes agriculteurs. 

Afin de ne plus lier ce versement à la surface d’installation et de ne plus soutenir les installations sur les plus grandes surfaces exploitées plus que les autres, l’aide au revenu complémentaire des jeunes agriculteurs interviendra désormais sous la forme d’un montant forfaitaire uniforme par exploitation (avec application de la transparence BCAE), et toujours pour une durée maximale de soutien de 5 ans. Le montant programmé du forfait est d’environ 3885€ par exploitation et par an, conduisant à un total de soutien cumulé sur 5 ans qui devrait atteindre plus de 19 400€ pour les bénéficiaires entre 2023 et 2027, contre un montant cumulé de 12 500€ pour 80% des bénéficiaires entre 2015 et 2020.

Convergence interne

Les choix de convergence permettront à la France d’atteindre, via deux étapes successives en 2023 et 2025, plus de 85% de convergence interne de l’aide découplée de base vers le revenu en 2026. En 2023, un plafond intermédiaire sera introduit pour financer intégralement un plancher à 70% de la valeur moyenne des droits de 2023 ; ce plafond devrait être de l’ordre de 1350€ (valeur à confirmer en fonction de la situation réelle en 2023). En 2025, le plafond sera abaissé à 1000€ par DPB et un plancher de 85% de la valeur cible sera introduit. Les droits supérieurs à la valeur cible de 2026 (évaluée à 129€ en 2026) feront l’objet d’une réduction de 50% de la différence par rapport à cette valeur cible. Toutefois, afin de ne pas déstabiliser les exploitations qui bénéficient encore d’une valeur de paiement par hectare très supérieure à la valeur moyenne, dans des zones géographiques et avec des modèles de production très spécifiques, parfois intensifs en termes d’emploi, un plafonnement des pertes individuelles supérieures à 30% a été introduit. Toutefois, cette limitation des pertes ne peut conduire à un droit à paiement dépassant la valeur plafond de 1000€. 

Ainsi, 96% des exploitations bénéficieront, à partir de 2026, de droits à paiement compris entre +/-10% de la valeur moyenne (contre 69% en 2019 et 29% en 2015). En d’autres termes, aucune exploitation ne devrait avoir de droits à paiement dont la valeur est inférieure à 90% de la moyenne (contre 41% en 2015 et 21% en 2019), et 4% des agriculteurs conserveront des droits à paiement dont la valeur est supérieure à 110% de la moyenne (contre 10% en 2019 et 30% en 2015).

Pilier 2 : Allocation de fonds et priorités

Grâce au transfert de 2,742 milliards d’euros du pilier I au pilier II (7,53%), la France peut compter sur 10 milliards d’euros dans le fonds FEADER pour toute la période de programmation 2023-2027.

Une grande partie de ce budget, à hauteur de 3,586 milliards, est consacrée à l’indemnité compensatoire de handicaps naturels permanents (ICHN), outil de réduction des écarts de revenus entre les territoires. L’ICHN concerne principalement l’élevage, et vise notamment les exploitations les plus extensives en maintenant des fourchettes de taux de chargement adaptées, permettant maintien des prairies permanentes, maintien de conditions favorables à la biodiversité, captage du carbone et bien-être des animaux qui pâturent. 

Malgré la réduction du taux de financement du FEADER prévue par le règlement du plan stratégique pour cette mesure (65% du FEADER mobilisable en 2023-2027 contre 75% en 2015-2022), la France garantit le maintien de l’enveloppe totale à 1,1 milliard d’euros et s’engage à couvrir le surcoût de 100 millions d’euros induit par le changement de taux de financement. Le FEADER ainsi libéré permettra de financer l’augmentation du budget de la conversion à l’agriculture biologique. 

Les ressources du FEADER pour l’agriculture biologique s’élèvent à un total de 980 millions, ce qui laisse 1,832 milliards pour les investissements et 988 millions pour les mesures agro-environnementales climatiques (MAEC).