Les travaux

Commerce - 22 décembre 2017

BREXIT : UN DEFI MAJEUR POUR LE SECTEUR AGRO-ALIMENTAIRE DE L’UE

écrit par Farm Europe

Octobre 2017.

 

Le choc politique du Brexit n’a pas encore été traduit en termes économiques et commerciaux réels, mais l’horloge est déjà en train de tourner.

À la fin du mois de mars, le Royaume-Uni a annoncé son intention de se retirer de l’UE, ouvrant la période de deux ans pour négocier les conditions du retrait et les termes de la future relation UE-RU.

 

L’incertitude quant à savoir quel sera le modèle futur des relations commerciales entre l’UE et le RU est encore entière. Les négociations réussiront ou échoueront-elles ? Si le succès est au rendez-vous, dans quelle mesure le RU conservera-t-il l’accès au marché de l’UE à l’avenir ? Si les négociations échouent, quelles seront les conséquences pour le secteur agroalimentaire de l’UE ?

 

Au-delà de ces incertitudes, il est cependant possible discerner un certain nombre de facteurs qui façonneront les relations entre l’UE et le RU dans le secteur agroalimentaire. Un certain nombre de faits et d’hypothèses raisonnables indiquent des changements substantiels à venir dans le commerce de l’UE avec le RU.

 

Cette analyse examine les conséquences du Brexit pour le secteur agroalimentaire UE-27 selon les deux scénarios, des négociations réussies ou échouant.

À ce stade, il est difficile de prévoir quel scénario est plus probable.

 

L’UE a adopté des directives de négociation qui suivent une approche en deux étapes.Tout d’abord, l’UE entend régler les conditions du départ ordonné du RU de l’UE, clarifier les conditions pour les citoyens de l’UE dans un post-Brexit et éviter une transition difficile en Irlande.

Ce n’est que dans une deuxième phase que l’UE veut négocier le cadre de la relation future, y compris les termes cruciaux des relations commerciales futures.

 

Le RU a énoncé ses objectifs généraux pour les négociations, visant une relation future en dehors du marché unique et liant les termes du démantèlement aux termes de la future relation. Pour le dire autrement, le RU veut savoir quelles seront les conditions futures qui régiront les échanges commerciaux avant de finaliser réellement les termes de son retrait, y compris la question très contentieuse de ses responsabilités financières restantes.

 

Les premiers cycles de négociations ont eu lieu dans un contexte où la position politique du côté britannique a été affaiblie par les résultats des élections de mai. Cela rend encore plus difficile l’exercice de prévoir le résultat des négociations. La position de négociation du RU pourrait devenir plus difficile à gérer et sa marge de manœuvre plus limitée.

 

Il est donc trop tôt pour faire pencher la balance en faveur d’un succès ou d’un échec. Les enjeux sont élevés, en particulier pour le RU, et la raison serait d’encourager à trouver des compromis acceptables. Cependant, le contenu politique chargé de nombreuses questions en cours de négociation, au cœur même de la souveraineté nationale, pourrait entraver l’accord. Le contrôle de l’immigration et les contrôles aux frontières en général, la décision sur une juridiction suprême, et les paiements à honorer pour sortir de l’UE figurent parmi les dossiers les plus chargés politiquement qui pourraient faire échec aux négociations, en particulier avec un gouvernement britannique affaibli.

L’idée d’un demi-tour s’agissant du Brexit est poursuivie par certains au RU (et dans l’UE), au regard de ses coûts élevés et un environnement économique futur plus sévère pour le RU. Mais sa probabilité est faible voire nulle du fait du spectre politique actuel au RU et de l’acceptation par le public des résultats du référendum. Il est à notre avis souhaitable de se préparer aux conséquences du Brexit plutôt que d’espérer mieux.

 

À l’heure actuelle, nous sommes confrontés à une négociation extrêmement difficile dans un délai très limité. Le 29 mars 2019, dans 1 an et demi, le RU ne sera probablement plus membre de l’UE et sortira du marché unique à cette date ou à une date pas si lointaine après une courte période de transition.

 

L’impact sur le secteur agroalimentaire de l’UE sera important, voire énorme dans le scénario où les négociations échouent. Aucun autre secteur économique de l’UE n’est confronté à un impact aussi important que le secteur agroalimentaire, en raison de l’importance des flux commerciaux actuels avec le Royaume-Uni et du niveau relativement élevé des tarifs appliqués aux échanges avec les pays tiers.

 

1) Brexit : les faits de base pour le secteur agroalimentaire

Concurrence accrue

Le secteur de l’agriculture et de l’alimentation est de loin le domaine dans lequel la relation UE-RU est la plus intégrée en termes politiques, économiques et budgétaires.

Le secteur agroalimentaire de l’UE fera face à une concurrence beaucoup plus grande sur le marché intérieur du RU par rapport à ses concurrents mondiaux, avec des effets en cascade sur le marché intérieur UE, quelques soient les termes de l’accord futur UE-RU.

L’agriculture et la nourriture n’ont jamais été un sujet important outre-Manche. Un virage en U complet serait surprenant, ce qui signifie que l’agriculture et le secteur agroalimentaire du RU seront ouverts à des accords de libre-échange avec les principaux partenaires commerciaux à travers le monde.

Depuis que le RU a décidé de quitter l’UE, il a ouvert des discussions commerciales exploratoires avec 10 pays ou groupes de pays, y compris les États-Unis.

 

Le RU poursuivra activement la négociation d’Accords de Libre- Echange avec les acteurs clés dès que possible après avoir quitté le marché unique, afin de contrebalancer les pertes commerciales et économiques attendues sur le marché de l’UE.

Les conséquences de la position du RU sont indépendantes du modèle de la future relation entre le RU et l’UE, le marché britannique sera un nouveau marché pour les produits de l’UE car ils seront confrontés à beaucoup plus de concurrence d’autres fournisseurs. Ces Accords de Libre-Echange auront un impact sérieux sur les exportations de l’UE vers le RU et créeront de nouveaux défis pour le marché de l’UE, comme expliqué plus loin dans les détails.

Le marché britannique est aujourd’hui protégé par le tarif extérieur commun de l’UE et par une foule de règlements sanitaires et autres de l’UE. Alors que le marché de l’UE est déjà ouvert à certains partenaires de l’ALE et que d’autres ALE sont en cours de négociation, il est probable que le RU sera à l’avenir ouvert à d’autres pays que ceux qui négocient avec l’UE, voire, acceptera des termes de l’échange plus larges avec les pays avec lesquels l’UE négocie.

L’UE a protégé les secteurs sensibles dans l’agriculture (voir les viandes, le sucre) dans des accords antérieurs et devra le faire à l’avenir lors des négociations avec les États-Unis et le Mercosur. Le RU aura vraisemblablement une position plus libérale.

Quel que soit le résultat des négociations entre l’UE et le RU, le changement de politique interne au RU et les stratégies commerciales divergentes entre l’UE et le RU conduiront à des changements à moyen et long terme pour le secteur agroalimentaire de l’UE, plus encore suite à l’engagement clair des nouveaux dirigeants britanniques à créer la plus grande économie ouverte au monde. Cette stratégie rendra difficile un accord de libre-échange entre l’UE et le RU sans aucune garantie, comme le soulignent certains des exemples sectoriels examinés ci-dessous. Sinon, la stratégie commerciale de Londres deviendrait de facto la stratégie de l’UE, qu’elle le veuille ou non.

 

Aperçu général du commerce actuel :

 

60% de l’agriculture et des produits alimentaires consommés au RU sont importés. Et près de 75% proviennent de l’UE. Le Royaume-Uni est un débouché important pour les pays UE tels que les Pays-Bas (6,9 milliards d’euros), l’Irlande (5,2 milliards d’euros), la France (5 milliards d’euros) et l’Allemagne (4,5 milliards d’euros).

Le secteur agroalimentaire en Espagne (3,2 milliards d’euros), la Belgique (2,6 milliards d’euros), la Pologne (1,5 milliard d’euros) et le Danemark (1,4 milliard d’euros) sont également exposés au Brexit avec certains secteurs présentant de sérieux risques. A noter toutefois que les chiffres pour les Pays-Bas et la Belgique reflètent dans une large mesure l’importance de leurs ports plutôt que leur production nationale.

Tableau 1: Aperçu du commerce agroalimentaire UE / RU en 2015 (Source: HMRC,  Gouv. du RU)

 

 

Import provenant du RU (Euros) Export vers le RU

(Euros)

Autriche 94.318.746 251.526.706
Belgique 617.756.600 2.604.172.578
Bulgarie 56.194.333 51.222.306
Croatie 19.447.709 7.098.784
Chypre 86.165.948 71.195.244
République Tchèque 107.017.996 156.908.534
Danemark 362.851.241 1.462.364.846
Estonie 54.957.773 3.803.545
Finlande 119.437.681 31.929.068
France 2.441.796.662 5.067.814.230
Allemagne 1.397.286.506 4.506.542.294
Grèce 131.784.989 303.757.531
Hongrie 63.185.940 188.578.696
République d’Irlande 3.985.230.782 5.228.378.706
Italie 562.220.945 2.895.689.405
Lettonie 83.549.302 21.283.486
Lituanie 19.295.228 109.494.990
Luxembourg 11.347.879 14.521.458
Malte 59.764.250 8.873.363
Pays Bas 1.680.708.365 6.890.781.462
Pologne 307.409.448 1.530.058.102
Portugal 227.016.503 288.970.984
Romanie 43.612.159 129.803.664
Slovaquie 16.756.322 61.474.370
Slovénie 12.854.150 17.885.818
Espagne 1.010.320.620 3.221.110.105
Suède 318.031.451 375.272.432
Total 13.890.319.530 35.500.512.707

 

 

2) Analyse sectorielle des défis commerciaux UE-RU après le Brexit

 

2.1 Scénario 1- les négociations sont couronnées de succès

 

Dans ce scénario, l’UE et le RU seraient d’accord sur les termes de leur relation commerciale future. Selon l’hypothèse probable que le RU quitterait le marché unique comme l’indique son gouvernement, cela signifierait que le RU et l’UE auraient négocié un Accord de Libre-Echange qui débutera après la sortie du RU, le 29 mars 2019 ou après une période de transition convenue.

 

Secteur viande : un coup supplémentaire pour la communauté bovine de l’UE

Près de 1 milliard d’euros de produits de viande bovine de l’UE sont acheminés chaque année au RU, principalement d’Irlande (plus de 700 milliards d’euros). Il s’agit là d’une épée de Damoclès supplémentaire pour l’ensemble du secteur de la viande bovine de l’UE, qui est déjà sous la pression de l’agenda commercial de l’UE tout en faisant face à une crise structurelle en même temps.

 

Le véritable jeu pour l’avenir de ce flux commercial n’est pas lié aux termes de l’ALE entre l’UE et le Royaume-Uni, mais plutôt aux accords de libre-échange que le RU passera avec le reste du monde. Il est en effet difficile de croire que les ALE que le RU négociera avec des pays comme l’Australie, l’Argentine, le Brésil ou les États-Unis ne comprendront pas une part importante de viande de boeuf importée de ces pays sur le marché britannique de 65 millions de personnes.

 

Les exportateurs de l’UE devront à l’avenir rivaliser avec les producteurs de viande les plus compétitifs au monde. Il est donc illusoire de penser qu’ils conserveront leur part de marché au RU, au contraire, ils devraient s’attendre à ce qu’elle diminue, voire considérablement.

 

En outre, ces ALE signés par le RU pourraient avoir un effet indirect, en poussant les producteurs de boeuf irlandais à trouver de nouveaux débouchés sur le marché mondial, mais aussi, et peut être en priorité, sur le marché intérieur de l’UE.

Danois, allemands, néerlandais et, dans une moindre mesure, les producteurs porcins espagnols et français seront probablement également touchés, le RU étant un marché de 670 millions d’euros pour les exportateurs de l’UE.

D’autres mauvaises nouvelles provenant du RU viendraient pour le secteur porcin qui, après avoir vécu des conditions difficiles avec la Russie, connait une dépendance accrue des exportations vers la Chine.

 

Le RU devrait, lui, accorder une attention particulière au flux commercial de 350 millions d’euros de viande ovine exportée ou réexportée, notamment dans le cadre de ses futures relations bilatérales avec la Nouvelle-Zélande. Une part très importante de ce flux commercial est acheminée vers le marché français (190 millions d’euros). Les producteurs néo-zélandais bénéficient d’un contingent tarifaire de 280 000 tonnes vers l’UE. Ils considèrent le Brexit comme une «opportunité en temps de changement».

 

Pour les produits à base de viande, l’effet cascade des accords commerciaux devra être soigneusement évalué. Des sauvegardes sérieuses vis à vis des futures exportations du RU seront nécessaires pour éviter qu’un marché post-Brexit ouvert au marché mondial de la viande ne conduise à une ouverture de facto de l’UE au marché mondial, en détournant la production de boeuf du RU vers le marché de l’UE et satisfaisant la consommation de boeuf au RU par les importations.

 

Vin et spiritueux : vins du Nouveau Monde et whisky écossais

Pendant plus de 20 ans, les producteurs de vin de l’UE ont travaillé dur pour empêcher le siphonage de leur part de marché sur le marché britannique. Leurs efforts pour repousser l’assaut du Nouveau Monde pourraient être de courte durée en raison de l’ouverture du RU aux exportations du Nouveau Monde.

Le marché semble s’être stabilisé pour les vignerons traditionnels de l’UE à 1,8 milliard d’euros, la France étant en tête (880 millions), suivie de l’Italie (540 millions d’euros) et de l’Espagne (228 millions d’euros).

Le RU cherchera, en parallèle, également à assurer un accès préférentiel au marché intérieur européen du whisky Scotch, qui est particulièrement sensible d’un point de vue économique. Cette ligne tarifaire (plus de 1,2 milliard d’euros) représente 10% des exportations agroalimentaires du RU, la France, l’Espagne et l’Allemagne étant les principaux marchés.

 

Nonobstant, la volonté du RU d’ouvrir son marché aux pays du Nouveau Monde pour le secteur viticole réduira sérieusement l’attractivité du marché britannique pour le secteur vitivinicole de l’UE et risque d’éroder encore sa part de marché.

 

Sucre et produits sucriers : les producteurs de l’UE-RU déterreront ils la hache ?

Le fait que le RU soit ouvert au marché mondial influera sur le paysage du sucre de l’UE et l’équilibre difficile atteint entre la betterave à sucre et les raffineurs de canne. Les tensions de longue date entre les coopératives continentales de betterave à sucre (allemand, français et néerlandais) et la société américaine de raffinage du sucre de canne (American Sugar Refining – Tate & Lyle, qui détient à Londres 25% de la capacité totale de raffinage dans l’UE) sont sur le point de rebondir.

 

D’une part, les producteurs de sucre de l’UE bénéficient d’une part de marché non négligeable sur le marché britannique (880 millions d’euros en 2015). D’autre part, Tate & Lyle est prête à reprendre une certaine compétitivité via des ALE britanniques renforcés à venir avec des pays producteurs de canne à sucre. Dans ce cas, en supposant que la société de production de sucre de betterave maintient sa production, le marché britannique serait très probablement en mesure de passer d’un déficit à un excédent.

Les restrictions imposées par les règles d’origine actuelles de l’UE pour le secteur du sucre devront également être mises en œuvre au RU pour éviter un commerce triangulaire dommageable dans un contexte post-Brexit, en tenant compte du fait que le raffinage du sucre brut en sucre blanc n’est pas considéré comme une transformation substantielle, permettant aux opérateurs de le re-étiqueter comme «produits locaux» .

 

Le lait et les produits laitiers : plus de concurrence dans un grand marché

Sur le papier, le défi du Brexit pour le secteur du lait est plus qu’important (2,5 milliards d’exportations de l’UE). Encore une fois, l’Irlande (718 millions d’euros) mais aussi la France (546 millions d’euros), l’Allemagne (345 millions d’euros), les Pays-Bas (186 millions d’euros) et l’Italie (167 millions d’euros) ont de sérieux intérêts sur le marché britannique.

Même si la balance commerciale n’est pas en sa faveur, le RU possède également une position significative sur le marché en Irlande (en particulier via l’Irlande du Nord) et en France. Au total, près de 1 milliard d’euros de produits laitiers sont exportés ou réexportés du RU vers le marché intérieur de l’UE.

Un ALE du RU avec la Nouvelle-Zélande et avec les États-Unis entraînerait inévitablement une concurrence accrue sur le marché britannique pour les exportateurs de l’UE, ce qui pourrait faire face à une érosion de leur part de marché. Les pertes sur le marché britannique pourraient entraîner une pression accrue sur le marché intérieur de l’UE-27, ce qui est la dernière chose dont le secteur ai besoin après la crise récente des produits laitiers et les risques de déséquilibres que cette filière doit faire face en quasi-permanence.

 

Fruits et légumes : l’empreinte carbone représente-t-elle un argument suffisant pour préférer l’origine de l’UE ?

Avec environ 4,5 milliards d’euros de fruits et légumes exportés de l’UE vers le RU, il est clair que les producteurs de l’UE sont exposés aux conséquences du Brexit. L’Espagne (1,6 milliard d’euros) et les Pays-Bas (1 milliard d’euros) sont de loin les plus exposés.

De nombreux autres pays sont également concernés, comme l’Italie, la Belgique, l’Irlande, la Pologne, la France, l’Allemagne, la Grèce ou Chypre.

 

Le défi pour les exportateurs de l’UE pourrait provenir d’un accès plus libre au marché britannique des exportateurs d’Afrique du Nord.

Néanmoins, la proximité du marché devrait permettre aux producteurs de l’UE de maintenir des positions fortes, même en cas de concurrence accrue avec le reste du monde.

 

2.2 Scénario 2 – échec des négociations

Dans ce scénario, le RU quitte l’UE sans parvenir à un accord sur les relations commerciales futures.

Le 29 mars 2019, les deux parties doivent s’appliquer mutuellement les tarifs de l’OMC, qui sont incidemment les mêmes.

 

Ces tarifs sont en général faibles, à l’exception notable du secteur d’intérêt pour nous – le secteur agroalimentaire.

 

Par conséquent, alors qu’ils ne sont généralement pas une contrainte à la poursuite des flux commerciaux antérieurs (bien que les procédures personnalisées s’ajoutent aux coûts commerciaux), dans le secteur agroalimentaire où ils dépassent les 20% et atteignent plus de 100% dans les viandes, les secteurs des produits laitiers et du sucre, les tarifs constituent certainement un obstacle au commerce.

 

Même dans les secteurs moins protégés, les tarifs sont relativement élevés pour de nombreux produits. Pour les céréales, elles varient de 40% à 90%, et pour le secteur des fruits et légumes, les tarifs des agrumes sont de 30% et même plus élevés pour les pommes, les poires et les jus de fruits.

 

L’application de ces tarifs éliminerait pratiquement le commerce de ces produits entre le RU et l’UE, dans un contexte où le RU aurait signé des ALE avec d’autres pays importants, comme cela semble probable. Étant donné que l’UE bénéficie actuellement d’un excédent commercial important avec le RU, le secteur agroalimentaire de l’UE serait celui confronté à l’impact négatif le plus important d’un échec de la négociation.

 

En ce qui concerne les exportations, plus de 35 milliards d’euros d’exportations devraient faire face à un déficit critique. L’impact de cette perte de marché externe ne pourrait pas être amorti par les progrès réalisés dans les exportations vers d’autres marchés.

 

Dans les secteurs de la viande, des produits laitiers et du sucre, qui représentent plus de 5 milliards d’euros d’exportations annuelles de l’UE vers le RU, le commerce pourrait être complètement arrêté.

Les exportations de vins chuteraient, car elles devraient faire face à des tarifs plus élevés que ceux des producteurs du Nouveau Monde qui bénéficient des conditions de l’ALE avec le RU.

Même les exportations de fruits et légumes pourraient être réduites, si le RU parvient à élargir la portée géographique de ses nouveaux ALE.

Il est difficile de voir quelles exportations agroalimentaires de l’UE ne seraient pas affectées à l’exception de certains produits haut de gamme et transformés.

Ce scénario entraînerait également une grave perturbation du marché de l’UE pour autant de secteurs agricoles importants. Les agriculteurs de l’UE se retrouveraient confrontés à une surproduction grave sur les marchés de la viande, des produits laitiers et du sucre, ce qui entraînerait des réductions drastiques des prix suivies d’une importante restructuration de la production agricole et de la transformation.

 

Cela arriverait également à un moment où les négociations sur l’avenir de la PAC auraient à faire face probablement à des compressions budgétaires, car le Brexit signifierait également un coup sérieux pour le budget global de l’UE. Nonobstant, les ministres des finances de l’UE devront garder à l’esprit l’accord de juin 1984 (Fontainebleau) sur le remboursement britannique, résultant directement du faible taux de rendement pour Londres en ce qui concerne la Politique Agricole Commune. Quoi qu’il en soit, la réduction nette du Brexit pour la PAC se monte à environ 3,5 milliards d’euros, un montant non négligeable.

 

  1. Les ALE et les contingents tarifaires actuels du Brexit et de l’UE

Les ALE existants ont été négociés pour un marché qui comprenait le RU, et les contingents tarifaires (CTs) pour les produits sensibles ont été calculés en conséquence. En ce qui concerne le sucre, cela est particulièrement important : le quart du sucre brut importé dans l’UE entre actuellement par le Royaume-Uni.

 

L’UE sans le RU changera considérablement. Logiquement, la part du RU dans les contingents tarifaires actuels devrait être extraite, sinon les quotas existants ne reflèteraient plus l’équilibre des négociations et surchargeront le marché de l’UE-27.

 

Or, l’OMC a mis en place des règles lorsqu’un nouveau membre adhère à une union (article XXIV du GATT). L’élargissement de l’UE (y compris l’élargissement avec le RU en 1973) a donc conduit à des concessions pour compenser les augmentations tarifaires : pour le sucre, cela a abouti à des quotas CXL. De la même manière, il serait logique d’extraire la part du RU de ces quotas.

 

Toutefois, les conséquences d’un membre quittant une union dans les ALE existants ou dans les concessions de l’Art. XXIV ne sont pas prévues par les règles de l’OMC. Les règles de l’OMC visent à ouvrir les marchés, et leurs dispositions sont orientées vers cet objectif. Les termes commerciaux plus libres sont gravés dans la pierre et les renversements ne font pas partie des règles (ou sont sujets au règlement des différends).

Farm Europe se félicite de l’accord anticipé entre l’UE27 et le RU sur le partage de ces contingents tarifaires et que l’accord ait été déjà notifié aux parties intéressées de l’OMC et de l’ALE. La Commission européenne ne devra pas être trop impressionnée par les premières réactions des autres pays et des parties intéressées, qui, sans grande surprise, chercheront à soutirer de nouvelles concessions de la sortie du RU.

 

4) CONCLUSIONS

Le Brexit est un défi majeur pour un secteur qui affiche déjà un certain nombre de soucis, qui investit moins que ce qu’il devrait, qui a connu une productivité faible et pour lequel les revenus enregistrés stagnent.

 

Le secteur agroalimentaire ne devrait en aucun cas sous-estimer les impacts négatifs du Brexit, qui pourraient se faire sentir dans moins de 2 ans.

 

Sous le meilleur scénario, dans lequel la nouvelle relation commerciale entre le RU et l’UE est fixée sous un Accord de Libre-Echange, le Brexit entraînera une concurrence supplémentaire pour les exportations de l’UE dans des secteurs clés – viande bovine et autres viandes, produits laitiers, sucre, vin.

Le Brexit intensifiera également la concurrence sur le marché de l’UE pour certains produits en raison du détournement des exportations antérieures de l’UE vers le RU ou du commerce triangulaire suite aux nouveaux ALE britanniques avec d’autres grands exportateurs.

 

Dans le pire scénario, dans lequel, le 29 mars 2019, chaque partie applique aux autres exportations ses tarifs de l’OMC, le commerce s’arrêterait pratiquement dans de nombreux secteurs et serait réduit dans d’autres. La réduction drastique des exportations annuelles de 35 milliards de dollars vers le RU déstabiliserait de nombreux marchés de l’UE, réduirait gravement les prix à la production et entraînerait une crise et une restructuration des fermes et de l’industrie de transformation.

 

Cela viendrait également à un moment où les négociations sur l’avenir de la PAC se renforcerait probablement du fait de compressions budgétaires importantes, car le Brexit constituerait également un coup sérieux pour le budget global de l’UE.

 

La négociation sur l’avenir de la PAC sera la plus importante des dernières décennies compte tenu des défis auxquels est confronté le secteur et des pressions budgétaires.

 

La question est de savoir si la PAC actuelle est conçue pour relever ces défis. La question est de savoir si cette PAC offre au secteur ce dont il a besoin, et en particulier le bon ensemble d’outils pour accroître la résilience aux chocs du marché tels que ceux attendus d’un Brexit même négocié.

 

La meilleure réponse à une plus grande concurrence d’autres pays sur le marché britannique ou ailleurs, est d’améliorer votre propre position. Afin d’améliorer sa position, le secteur agroalimentaire de l’UE devrait également chercher à améliorer sa compétitivité et à accroître sa part de marché au niveau mondial.

 

Le défi du Brexit s’ajoute dramatiquement à la nécessité d’une réforme des politiques dans l’UE.

écrit par Farm Europe