La PAC : une politique européenne en besoin de rupture ou d’adaptation ?

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Alors que le débat sur les nécessaires évolutions de la PAC va rebondir grâce au Conseil informel des ministres de l’agriculture de l’UE, sous l’impulsion de la présidence néerlandaise, ce week-end, voici une bonne opportunité pour faire le point et le bilan des échanges qui ont eu lieu dans le cadre des activités de Farm Europe depuis maintenant plus d’un an.

Ce travail, basé sur une note stratégique publiée plus tôt cette année, au mois de janvier, s’est concentré sur 3 grands sujets prioritaires qui devrait être au cœur de toute politique agricole à l’avenir : la Résilience, la Durabilité, et l’Investissement.

Aux termes de la réforme de la PAC de 2014, qui a conforté le volet “biens publics”, la réforme économique de ce qui demeure la première politique commune, elle, n’a pas eu lieu. Avec elle, il s’agit de relever le défi sociétal majeur: celui de la durabilité de production ou, autrement dit, du défi des contributions de l’agriculture aux besoins de la planète et de la responsabilité que l’Union européenne doit assumer en la matière.

Pour y répondre, les différentes zones de production du monde sont toutes confrontées :

  • Au défi d’investissements durables et cohérents tant agricoles qu’industriels,
  • Au défi de l’intégration de l’innovation et des technologies de performances.
  • Au défi de la volatilité des marchés pour qu’elle ne casse pas un développement 
pérenne des productions.

Dans l’Union européenne, la productivité agricole européenne marque le pas depuis maintenant deux décennies. Les revenus par unité de travail agricole stagnent depuis le milieu des années 90 dans l’UE 15, malgré les restructurations d’exploitations réalisées et la baisse du nombre d’UTA : les efforts réalisés par le secteur agricole semblent être consumés par la baisse en euros constants des aides publiques (PAC) et des transferts de valeur ajoutée vers les autres maillons de la filière.

Aujourd’hui, nombre de secteurs font le constat d’un besoin urgent d’investissements de compétitivité.

Aujourd’hui, le constat de l’indissociabilité des deux volets – durabilité environnementale et durabilité économique – apparaît comme la condition liminaire à tout développement pérenne et à toute politique publique efficace.

Pour cela, trois clés semblent incontournables: Durabilité, Résilience, Investissement.

La PAC actuelle y apporte-elle les réponses adéquates, i.e. simples et efficaces ?

Répondre à la volatilité des marchés 

  • L’UE est la seule grande zone agricole dans le monde à prétendre y répondre par un dispositif d’aides découplées de l’acte de produire. Au delà des vertus comparées des dispositifs, peut-on avoir raison quand les autres jouent avec une autre règle de jeu ? Face aux crises de marché, les dispositifs nouveaux PAC restent à ce jour embryonnaires (dispositifs de stabilisation du revenu du 2nd pilier), ou se sont révélées peu efficace lors des dernières crises pour (mesures d’urgence et de marchés de l’OCM unique).
  • -Dés lors, doit-on expertiser la possibilité de basculer une partie de la PAC sur un dispositif d’assurances revenus/marges à deux étages : avec un niveau 1 d’assurance de base par secteur, européenne, financée par la PAC et visant un degré minimal de garantie par rapport aux coûts de production ; un niveau 2 de garanties, choisies par les agriculteurs, de marges positives ou de revenus positifs, par productions, cofinancé EU et basé sur des dispositifs à déterminer soit européens, nationaux ou régionaux. 
Il devrait être analysé également les possibilité de développer et d’encourager l’épargne individuelle au niveau des exploitations pour anticiper les crises, notamment, par exemple, à travers des provisions comptables.

Durabilité et rémunération des biens publics

  • Tant les mesures greening que celles du 2nd pilier sont décriées du fait de leur complexité et leur efficacité questionnée. Pour l’avenir, doit-on travailler sur un seul dispositif d’aides avec :
    • une mesure pour répondre au défi des biens publicsde base communs à l’UE en laissant aux acteurs économiques le soin de décider et mobiliser les moyens les plus pertinents pour les réaliser (avec 3 niveaux aides/ha selon leur efficience A, B ou C)
    • une mesure pour compenser ponctuellement les coûts liés à l’engagement d’aller au delà pour répondre à des problématiques régionales particulières
    • une mesure pour traiter du déficit structurel de compétitivité d’une région ou d’une filière dans une région.
  • Pour le volet «biens publics de base», peut-on relever le défi de changer la démarche pour une politique d’objectifs en matière d’environnement/émissions (greening et mesures agri-environnement)? Dans cette optique, deux schémas sont imaginables (l’un étant exclusif de l’autre):
    • Soit reprendre l’ergonomie du greening actuel et faire reconnaître l’usage de techniques d’agriculture de performance comme moyen de remplir l’ensemble des exigences greening,
    • Soit se baser sur une comptabilité émissions des exploitations avec une définition des résultats à atteindre et non des moyens à mettre en œuvre pour se faire

Pour l’aspect durabilité des modes de consommation, donner la capacité à des programmes européens de distribution de délivrer des « food stamps » sur le modèle américain, en faisant la promotion de régimes équilibrés dans les écoles (cantines scolaires) et services publics (hôpitaux, cantines des administrations, etc), et auprès des organismes de distribution aux plus démunis. Ces food stamps feraient l’objet de critères d’origine pour les achats notamment.

Politique d’investissements

  • La PAC doit-elle consacrer plus de moyens au soutien des investissements ? 
Si oui, y-a-t-il lieu de prévoir un plan européen d’investissements de compétitivité du secteur agricole européen pour promouvoir un saut technologique rapide et de masse vers l’agriculture de performance ?
  • Dans un tel cadre, et du fait du contexte économique de volatilité renforcée des marchés au besoin d’investissements, les outils financiers sur lesquels adosser la réalisation des investissements doivent-ils être revisités ? 
Garanties bancaires 
Assurances « pertes de revenus, pertes de marges » ?
Rôle BEI et rôles banques commerciales et compagnies d’assurance ?

L’ensemble de ces sujets et leurs possibles évolutions pour l’avenir sont en cours d’évolution dans le cadre du travail quotidien de Farm Europe et seront évaluées et discutées au Global Food Forum qui se tiendra plus tard dans l’année à Milan, en Italie (pour davantage d’informations sur cet événement, vous pouvez nous contacter : info@farm-europe.eu).