Restoration de la nature: échec de la méthode « Timmermans »

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Quelle que soit l’issue du vote sur la loi de restauration de la nature à Strasbourg demain, la situation de polarisation extrême du débat est d’ores et déjà un échec majeur pour le vice-président Frans Timmermans et sa vision personnelle de la mise en œuvre du Green Deal et de Farm to Fork.

En définitive, elle pose la question d’une Commission européenne qui se veut  » politique « , et qui n’a plus la capacité de jouer son rôle d' »honest broker « , à même de faciliter le dialogue et d’élaborer des compromis ne laissant personne de côté. L’inclusion de l’agriculture dans ce texte pose question dans la mesure où les co-législateurs viennent de trouver un accord via la Politique Agricole Commune sur des points importants rouvert dans la Loi de Restauration de la Nature. Cela crée une méfiance dans la prise de décision politique et le sentiment dans le monde agricole que la Commission européenne revient par la petite porte arrière, malgré les équilibres politiques récemment mis en place.

La loi sur la restauration de la nature est loin d’être le seul texte visant à protéger les ressources naturelles. L’objectif de cette loi est avant tout de placer la protection de la biodiversité et la politique environnementale sous la juridiction des tribunaux, de faire peser un risque juridique sur les Etats membres et les responsables politiques, et in fine de faire pression sur tous ceux qui sont en contact direct avec les ressources naturelles, en particulier les agriculteurs, les pêcheurs et les forestiers.

A cet égard, l’article 16 proposé par la Commission européenne (qui facilite l’action en justice des particuliers contre les responsables politiques) est révélateur de cette approche : avec cette loi, il ne s’agit pas d’encourager et de promouvoir une dynamique positive. Il ne s’agit pas d’incitations, mais de sanctions. La Commission européenne se positionne comme un superviseur qui valide ou distribue des sanctions, sans prendre la responsabilité politique de définir la voie à suivre pour atteindre les objectifs — la manière de mettre en œuvre les transitions —, et en s’appuyant si nécessaire sur les tribunaux. La Commission européenne approuverait les plans nationaux.

Aucun groupe politique, à l’exception des Verts et d’une partie de l’extrême gauche, ne se sent vraiment à l’aise avec l’approche définie par la Commission européenne. L’analyse des amendements déposés en plénière le confirme.

  • Le PPE rejette profondément ce texte. Il a finalement décidé qu’il était inutile d’essayer d’améliorer le projet de loi. Il a déposé une motion de rejet.
  • Il est rejoint dans cette démarche par les groupes ECR et ID. L’ECR a également déposé des amendements visant à supprimer l’objectif de 10 % pour les zones d’intérêt écologique (équivalent des terres en jachère) et à supprimer l’indicateur « papillon », qui obligerait les États membres à observer la croissance de certaines espèces.
  • Le groupe Renew Europe tente un compromis en proposant l’approche générale du Conseil, une proposition qui ne résout toutefois pas les questions agricoles les plus controversées.
  • En outre, des députés européens de Renew Europe et des Socialistes ont déposé des amendements sur ces sujets afin de limiter l’impact négatif potentiel sur l’agriculture, et en particulier la suppression de toute référence à l’objectif de 10 %.
  • Les Verts soutiennent l’approche globale du vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans.

Cependant, aucun amendement n’a été déposé concernant le considérant faisant de l’agriculture extensive l’alpha et l’oméga d’une politique environnementale efficace. Or, ce type d’approche, qui va dans le sens d’une décroissance de la production agricole, pose problème, non seulement du point de vue de la souveraineté alimentaire, mais aussi du point de vue de la protection des ressources naturelles. Cela signifierait plus de terres cultivées, donc plus de déforestation et moins de biodiversité. Par conséquent, en suivant cette voie d' »extensification », la loi sur la restauration de la nature serait en tant que telle mauvaise pour la nature.

Notre analyse de la proposition initiale est disponible ici.