Créer un réseau européen d’observatoires coordonnés pour le suivi de l’agrobiodiversité

Depuis 2022, Farm Europe participe activement au projet BioMonitor4CAP, financé par le programme de recherche et d’innovation Horizon Europe, aux côtés de vingt-deux organisations partenaires (experts environnementaux, agronomes, data scientists, etc.) provenant de dix pays européens et du Pérou.

L’un des principaux objectifs du projet BioMonitor4CAP est d’identifier et de cartographier les observatoires, institutions et réseaux pertinents qui collectent des données et des indicateurs dans ce domaine. En centralisant ces ressources, le projet vise à faciliter l’accès à ces informations précieuses, favorisant ainsi une meilleure collaboration et compréhension dans ce secteur. Par conséquent, l’équipe du projet est en recherche constante d’institutions collectant des données sur l’agrobiodiversité. Plus de 500 institutions ont déjà été identifiées, détenant potentiellement des données sur l’agro-biodiversité en Europe.

Êtes-vous intéressé à contribuer à notre base de données sur l’agrobiodiversité ? Nous vous invitons à contacter l’équipe de BioMonitor4CAP à cette adresse e-mail : biomonitor4cap(at)irwirpan.waw.pl.

Après le vin, un groupe de haut niveau sur l’élevage durable est nécessaire

Les recommandations adoptées en début de semaine par le groupe de haut niveau de l’UE sur le vin mettent en évidence les avantages tangibles d’une approche multipartite, comme l’a souligné Farm Europe dès le début de ce processus. Rassembler les différents acteurs de la chaîne de valeur, avec une vision claire et une stratégie concrète permet de soutenir la durabilité économique des secteurs stratégiques de l’UE et de tracer la voie à suivre.

Une compréhension approfondie des défis – qu’ils soient structurels, climatiques ou liés aux attentes des citoyens – est essentielle pour élaborer des recommandations politiques et des propositions législatives efficaces. Ce résultat important pour le secteur viticole devrait inspirer la création d’un cadre de travail similaire pour le secteur de l’élevage également, même si les défis et les solutions sont différents.

Compte tenu des résultats positifs et concrets du GHN sur le vin, ainsi que de l’engagement politique du Parlement européen à favoriser un débat transparent et non idéologique sur le secteur de l’élevage – illustré par la création de l’intergroupe dédié du Parlement européen, Farm Europe et Eat Europe estiment qu’il est temps pour la Commission européenne de lancer un processus similaire pour le secteur de l’élevage.

Comme le montrent les travaux de Farm Europe, le secteur de l’élevage se trouve à un carrefour critique. Pour relever ses défis, nous devons adopter une approche scientifique et factuelle, en nous concentrant à la fois sur sa durabilité économique et sur le discours public qui l’entoure. Il s’agit notamment de présenter, de manière objective, non seulement les défis environnementaux, mais aussi les contributions positives du secteur :

– Son rôle dans la bioéconomie et l’économie circulaire, la qualité des sols : le fumier et les sous-produits produits des ruminants sont transformés en un modèle positif et vertueux de bioéconomie sous forme d’énergie (biogaz, biométhane, biodiesel), ou d’engrais organique (digestat, RENURE). Quatre-vingt pour cent de l’eau utilisée dans le cycle de production d’une vache retourne à la terre, améliorant ainsi la qualité du sol en l’enrichissant en matière organique, pour ne citer que quelques exemples ;

– La vitalité des campagnes et des régions isolées qui, sans un secteur de l’élevage solide et rentable, seraient abandonnées avec des conséquences dramatiques sur l’environnement (érosion, fertilité des sols, etc.) et l’économie de ces régions ;

– la production d’aliments de qualité et nutritifs, essentiels à une alimentation équilibrée.

Il est temps pour l’Europe de dynamiser son secteur animal pour en exploiter tout le potentiel, en rejetant les stratégies qui conduiraient à le remplacer par des protéines importées de moindre qualité ou par des protéines cultivées en laboratoire, déconnectées des cycles naturels. La finalisation de l’accord UE/Mercosur suscite des doutes quant aux double-standards suivis par la Commission européenne.

À l’heure où les producteurs sont confrontés à d’importants défis, il est essentiel de développer une stratégie renouvelée et partagée largement par le secteur, soutenu par tous les niveaux de gouvernement, de l’UE aux autorités régionales et locales. Le modèle d’élevage de l’UE doit rester économiquement viable tout en s’adaptant aux exigences sociétales et environnementales croissantes. Des questions essentielles, telles que la santé, la biodiversité, les incidences sur le climat et l’environnement, le potentiel économique et le tissu social lié aux activités d’élevage, doivent être abordées de manière cohérente et intégrée.

Ces éléments devraient être pleinement intégrés dans la stratégie européenne visant à assurer un avenir durable à l’élevage européen, en commençant par la création d’un groupe d’experts de haut niveau.

Aides d’État à l’agriculture : plus de 18 milliards d’euros depuis 2021

Dans le cadre des réflexions sur la PAC et la gestion des crises, Farm Europe a analysé les aides d’État accordées au secteur agricole depuis le début de la période budgétaire.

Sur la période 2021-2024, les États membres ont alloué plus de 18 milliards d’euros d’aides d’États au secteur agricole, ce qui représente pas moins de 11% des aides totales du 1er pilier de la PAC — une proportion qui monte à 14 % si l’on se concentre uniquement sur la période 2021-2023.

Les volumes d’aides accordés varient considérablement entre les États membres, révélant une “Europe à trois vitesses”.

Les Pays-Bas ont de loin le plus soutenu leur agriculture, tant en montant absolu que relativement aux aides directes ou à la valeur de la production agricole nationale. Sur la période étudiée, les aides atteignent 101 % du premier pilier reçu par les agriculteurs néerlandais pour près de 3 milliards d’euros. Le Danemark, la Grèce, la Hongrie, la République Tchèque et la Slovaquie ont aussi octroyé des fonds substantiels, allant de 20 à 43% de leurs aides directes respectives. Sur la période 2021-2022, l’Espagne a distribué un équivalent de 28% de son premier pilier. Enfin, si les sommes totales distribuées par l’Italie, la France et l’Allemagne restent conséquentes, ces États ont limité leur soutien entre 5 et 10% de leurs aides directes respectives, soit un niveau inférieur à la moyenne européenne.

En moyenne, les aides d’État n’ont compensé que partiellement (70%) la perte de la valeur réelle des aides du 1er pilier de la PAC découlant de leur non-indexation sur l’inflation. Toutefois, la situation varie considérablement d’un État membre à l’autre :

  • Quatre pays ont surcompensé la baisse, apportant aux agriculteurs des liquidités pouvant dynamiser la capacité d’investissement. C’est le cas en particulier des Pays-Bas qui se démarquent nettement avec un soutien 8 fois supérieurs à la baisse liée à l’inflation. La Pologne et l’Espagne (1,4 fois), ainsi que la Grèce (1,3 fois), suivent. 
  • Les autres États ayant le plus soutenu leur agriculture ont compensé la baisse entre 50 et 75%. 
  • Enfin certains pays, rappelons-le, ont versé peu d’aide d’État à leur agriculture (Lettonie, Estonie, Irlande, Roumanie, Belgique, Luxembourg, Bulgarie et Portugal).

Vous trouverez dans nos travaux une analyse plus détaillée du sujet, ainsi qu’une infographie permettant de visualiser la situation dans chacun des pays de l’union européenne, sur la période et par année. 

UE / Ukraine : analyse des principales productions végétales agricoles

Dans le cadre du processus entamé d’élargissement de l’Union Européenne à l’Ukraine, Farm Europe a analysé à la fois le poids et la compétitivité comparée des principales filières végétales de l’Ukraine par rapport à celles de l’Union Européenne.

Le différentiel de compétitivité s’affiche entre 19 et 39% selon les filières, l’essentiel tenant à des facteurs structurels. A celle-ce doit s’ajouter la compétitivité « carbone » conférée par la richesse naturelle des sols exploités.

Alors que les étapes et conditions d’adhésion vont être à dessiner et que les programmes de pré-adhésion seront définis et lancés, il nous parait important que des données objectives puissent être la base (ou contribuer) à définir la feuille de route de l’Union Européenne, sans oeillères ni faux-fuyants.

Ukraine & Union européenne : chiffres clés des principales productions végétales agricoles 

En 2022, la surface agricole utile ukrainienne s’étendait sur 41,3 millions d’hectares, dont 32,7 millions d’hectares de terres arables (Service national des statistiques d’Ukraine (SSSU)). Cette surface agricole fait de l’Ukraine le plus grand pays agricole du continent européen. 45 % de la surface du pays est composée de sols riches en humus, particulièrement fertiles, appelés tchernozioms “riches”.

Marqué par son passé communiste, le secteur agricole ukrainien est caractérisé par 110 énormes entreprises agricoles intégrées verticalement, appelées agro-holdings, qui contrôlent tout ou partie de la chaîne de production (culture-élevage, transformation, commerce). Celles-ci ont un objectif de rentabilité des capitaux investis, et investissent pour cela dans des équipements de pointe, de grandes dimensions, ainsi que dans l’utilisation des intrants. Vingt d’entre elles détiendraient 14 % de la Surface Agricole Utile (SAU) ukrainienne. 57 % de la SAU est exploitée par des entreprises agricoles de plus de 1 000 ha. L’agriculture joue un rôle économique majeur pour le pays, représentant 10,9 % du PIB en 2021 et près de 14,7 % de l’emploi. 

Sucre

Le secteur sucrier ukrainien est caractérisé par un schéma d’organisation et de compétitivité très différent de celui européen : les agro-holdings, énormes exploitations intégrées verticalement, exploitent 93 % de la surface betteravière. La surface moyenne cultivée est de 23 700 ha, soit 1 763 fois plus qu’ en Union européenne.

L’Ukraine dispose d’un coût de la main d’œuvre et de coûts d’investissements bien moindres. De plus, la présence de sols fertiles permet une utilisation plus faible d’intrants pour les cultures : jusqu’à 1,5 fois moins de fertilisants qu’en Union européenne.

L‘ouverture du marché européen à l‘Ukraine s‘est traduite par un afflux de sucres qui a entraîné une augmentation des stocks européens. Les exportations de sucre de l’Ukraine vers l’Europe ont augmenté de 230% entre 2022 et 2023, avec une capacité annoncée d’exportation sur l’UE de 800 000 T à 1 MT. La mise en place de mesures de sauvegarde limite désormais les exportations, pour le temps de leur application.

Analyse détaillée pour la filière sucre

Céréales

La production céréalière n‘est pas autant dominée par les grosses structures agricoles que la filière sucrière: 51 % de la production est réalisée par des structures de moins de 1 000 ha. A noter toutefois que 22% de la production est réalisée par des entreprises de plus de 3 000 ha. 

Si l’Ukraine venait à entrer dans l’Union européenne, le pays représenterait 20 % de la production céréalière européenne, soit 49 % de la production de maïs et 15 % de la production de blé.
Les coûts de production céréaliers ukrainiens sont en moyenne 30 % moins chers que ceux européens. 

Pour ces raisons, les importations de céréales depuis l’Ukraine ont doublé entre 2019/21 et 2023. L’Union européenne est devenue un pilier du soutien à l’économie ukrainienne, représentant 51 % des exportations de blé en 2023, contre 30% en 2021.

Analyse détaillée pour la filière céréales

Tournesol

Si 58 % de la production est réalisée par des structures de moins de 1000 ha, les entreprises de plus de 3000 ha représentent toutefois 17 % de la production. En 2023, la production ukrainienne seule était supérieure à l’ensemble de la production de l’UE. Ainsi, si l’Ukraine venait à entrer dans l’Union européenne, le pays deviendrait le premier producteur européen de graines, mais également d’huile de tournesol.

L’Ukraine est le premier fournisseur en huile de tournesol de l’UE depuis déjà une dizaine d’années. L’ouverture du marché européen à l’Ukraine n’a pas eu d’impact significatif sur les flux d’huile de tournesol en provenance d’Ukraine.

Analyse détaillée pour la filière tournesol

Colza

Les structures de moins de 1000 ha réalisent 73 % de la production de graines de colza, mais la production d’huile est dominée par 5 entreprises responsables de 92 % en 2021.
En 2020, le coût de production de colza ukrainien était en moyenne 1,5 fois moins cher que le coût de production français.

Par rapport à la moyenne 2018-2021, les productions ukrainiennes de graines et d’huile de colza ont augmenté de 57% et 174%. Parallèlement, les exportations ont augmenté de 37% et de 170% respectivement. Si l’Ukraine venait à entrer dans l’Union européenne, elle deviendrait le premier producteur de colza au sein de l’UE et représenterait 24 % de la production de graines et 4% de la production d’huile et de tourteaux.

L’UE était déjà le premier importateur des produits issus de colza d’Ukraine avant la guerre.Toutefois, les importations de graines ont augmenté et l’UE reçoit désormais 93% des exportations ukrainiennes de graines, contre 83% en 2020/21.

Analyse détaillée pour la filière colza

(Cliquez sur l’image pour l’agrandir)

QUELLES NOUVEAUTÉS DANS LE DERNIER TEXTE DE L’ACCORD UE-MERCOSUR ? 

La Commission européenne est parvenue à un accord révisé entre l’UE et le Mercosur en décembre 2024, qui présente quelques changements par rapport à l’accord précédent de 2019.

L’accord de Paris sur le changement climatique est désormais inclus. Il permettrait la suspension de l’accord si un pays quitte l’Accord de Paris et également s’il cesse d’être partie « de bonne foi ». Mais quelles sont les obligations des pays en développement, comme ceux du Mercosur, dans le cadre de l’accord de Paris ?

  • Planification de l’adaptation : les pays en développement doivent s’engager dans des processus de planification de l’adaptation et mettre en œuvre des actions pour renforcer la résilience au changement climatique. Cela inclut : d’évaluer les impacts du changement climatique et la vulnérabilité ; de formuler des actions prioritaires ; de surveiller, évaluer et tirer des enseignements des plans et actions d’adaptation.
  • Les pays en développement doivent également préparer, communiquer et maintenir leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), qui sont leurs actions climatiques pour l’après-2020. Les CDN comprennent des actions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à renforcer la résilience au changement climatique. 
  • Les pays en développement doivent régulièrement rendre compte de leurs émissions et des progrès réalisés dans la mise en œuvre de leurs CDN. 

Aucune de ces obligations ne comporte d’objectifs spécifiques ou quantifiés. En outre, l’Accord de Paris ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect. Il n’y a pas d’engagements de réduction de GES à respecter, ni aucun autre engagement chiffré.

Par conséquent, si un pays du Mercosur ne quitte pas l’Accord de Paris ou ne cesse pas de préparer son NDC, son inclusion dans l’Accord UE-Mercosur n’implique pas de conséquences prévisibles.

Une nouvelle annexe au chapitre sur le Commerce et le Développement Durable (CDD) a été négociée, qui aura le même caractère juridiquement contraignant que le chapitre CDD lui-même. L’une des principales caractéristiques de l’annexe est qu’elle contient de nouveaux engagements en matière de déforestation : « Chaque partie réaffirme ses engagements internationaux pertinents et met en œuvre des mesures, conformément à ses lois et réglementations nationales, pour prévenir toute nouvelle déforestation et intensifier les efforts visant à stabiliser ou à accroître le couvert forestier à partir de 2030 ». Mais l’annexe précise également : « Ils reconnaissent en outre que leurs politiques doivent tenir compte des défis sociaux et économiques des pays en développement et de leur contribution à la sécurité alimentaire mondiale. » Ils soulignent également la nécessité d’un soutien et d’investissements accrus pour atteindre ces objectifs, notamment par le biais de ressources financières, de transferts de technologie, de renforcement des capacités et d’autres mécanismes prévus dans le présent accord.

D’après le texte ci-dessus, il est loin d’être évident que, si une partie comme le Brésil ne parvient pas à arrêter la déforestation à partir de 2030, alors qu’elle a mis en œuvre des mesures à cet effet, cette partie enfreint l’accord. En outre, cette partie ne pourrait-elle pas faire valoir qu’elle n’a pas bénéficié d’un soutien accru de la part de l’UE, y compris d’un soutien financier, pour atteindre ces objectifs ? 

La nature précise de l’engagement à mettre fin à la déforestation à partir de 2030, et son efficacité réelle, sont loin d’être claires. En outre, une référence est ajoutée au règlement de l’UE sur la déforestation (EUDR), soulignant que « l’UE reconnaît que le présent accord et les mesures prises pour mettre en œuvre les engagements qui en découlent doivent être considérés favorablement, parmi d’autres critères, dans la classification des risques des pays ». Ce point ne doit pas justifier l’abaissement de la catégorie de risque EUDR du Brésil ou d’autres pays du Mercosur en raison de l’accord, ni biaiser l’évaluation factuelle attendue par la Commission européenne lors de la classification des risques.

Dans le calendrier de libéralisation tarifaire, quelques modifications concernent les concessions commerciales et les mesures de sauvegarde pour les voitures, mais ce qui frappe le plus sont les concessions supplémentaires accordées à l’agriculture au bénéfice du Paraguay :  un quota supplémentaire de 1500 tonnes de porc et un quota supplémentaire de 50 000 tonnes de biodiesel.

En ce qui concerne les droits à l’exportation de matières premières et les marchés publics, quelques changements et des concessions ont été accordées.

Mais l’accord prévoit un nouveau, et potentiellement plus significatif, mécanisme de rééquilibrage. Si une partie estime qu’une mesure de l’autre partie annule ou altère considérablement ses avantages en vertu de l’accord, elle peut demander à un panel de se prononcer sur cette question. Le mécanisme de rééquilibrage concerne les effets commerciaux de mesures que le plaignant n’aurait pas pu anticiper lors de la conclusion de l’accord. Ce nouveau mécanisme de rééquilibrage pourrait, par exemple, concerner l’application du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM) par l’UE. Comme les taxes du CBAM ne seront appliquées qu’à partir de 2026, il semble probable que les pays du Mercosur pourraient amener l’UE devant un panel de règlement des différends bilatéral, dans le but de retirer des concessions en vertu de l’Accord UE-Mercosur, ou de demander une compensation, dans le cas où le CBAM taxerait leurs exportations.

En résumé, les modifications apportées en 2024 à l’accord UE-Mercosur semblent échanger des engagements principalement déclaratoires du Mercosur sur le changement climatique et la déforestation, contre la possibilité pour le Mercosur de demander des concessions de rééquilibrage si l’UE applique de nouvelles mesures ayant des effets sur le commerce, comme le CBAM ; et ajoute quelques concessions sur l’agriculture (porc, biodiesel) en faveur du Mercosur. 

L’UE semble avoir payé un prix pour conclure l’accord, car elle était manifestement la partie la plus intéressée dans les négociations.

BioMonitor4CAP : Nouveaux outils pour l’agro-biodiversité

Depuis 2022, Farm Europe est un membre actif du projet BioMonitor4CAP, financé par le programme de recherche et d’innovation Horizon Europe, aux côtés de vingt-deux organisations partenaires (écologistes, agronomes, scientifiques des données, etc.) issues de dix pays européens et du Pérou.

Le suivi de l’agro-biodiversité est aujourd’hui reconnu comme essentiel pour une gestion efficace des agro-écosystèmes et pour la mise en œuvre appropriée et efficace de stratégies et politiques visant à préserver la biodiversité. Les pratiques agricoles non durables étant l’un des principaux facteurs affectant la diversité des habitats et des espèces dans les paysages agricoles de l’UE.

Le projet BioMonitor4CAP vise à développer des systèmes simples et avancés de surveillance et de suivi de l’agro-biodiversité pour soutenir et mettre en œuvre des politiques axées sur les résultats dans les paysages agricoles européens.

INDICATEURS DE BIODIVERSITÉ

Le suivi de la biodiversité repose sur quatre domaines principaux : la télédétection, les sols, les insectes et les oiseaux.

RECHERCHE DE TERRAIN : NOUVELLES TECHNOLOGIES DE SURVEILLANCE

Traditionnellement, l’évaluation de la biodiversité reposait principalement sur la collecte de données de terrain. Ces méthodes classiques sont souvent chronophages, coûteuses en main-d’œuvre et limitées en termes de couverture géographique. Ces dernières années, les technologies basées sur la télédétection ont émergé comme un outil précieux pour le suivi de la biodiversité, permettant de collecter des données à grande échelle et à intervalles réguliers.

Le projet BioMonitor4CAP vise à développer des méthodes de collecte de données sur l’agro-biodiversité via des approches multiples et complémentaires. Les relevés classiques in situ et ex situ (observations et mesures de terrain) seront combinés à de nouvelles méthodes : échantillonnage d’ADN environnemental (eDNA), méthodes optiques, capteurs acoustiques, drones et télédétection.

FACILITER L’ADOPTION DU SUIVI DE LA BIODIVERSITÉ ET DES BONNES PRATIQUES AGRICOLES

L’identification des groupes de parties prenantes et la compréhension de leur perception de l’agro-biodiversité sont essentielles pour le développement de mesures politiques efficaces visant à promouvoir des décisions positives en faveur de l’agro-biodiversité. 

  1. Les perceptions des agriculteurs concernant l’agro-biodiversité et leurs motivations à adopter les pratiques définies par les politiques agricoles ont été étudiées. Les agriculteurs reconnaissent le lien entre leurs pratiques de gestion, les programmes agro-environnementaux et la biodiversité, ainsi que les effets positifs de cette dernière sur l’agriculture. Cependant, les activités de conservation, la gestion des exploitations et les politiques agricoles associées entrent souvent en conflit avec les décisions de gestion des agriculteurs.  Les résultats préliminaires d’une revue de la littérature suggèrent des éléments clés pour la conception de mesures politiques favorisant l’agro-biodiversité :
  • Formation théorique et pratique sur l’agro-biodiversité pour les agriculteurs : les formations augmentent la compréhension et la motivation des parties prenantes envers l’agro-biodiversité ;
  • Incitations au suivi et l’amélioration de l’agro-biodiversité : diverses mesures pour favoriser l’adoption et le développement de pratiques agricoles préservant l’agro-biodiversité ;
  • Soutenir la coopération entre agriculteurs et les autres acteurs de la chaîne de valeur agricole : encourager et intensifier les échanges d’informations, la définition d’objectifs communs et l’adoption de bonnes pratiques pour un impact positif sur l’agro-biodiversité tout au long de la chaîne de valeur agricole.
  1. Les préférences alimentaires des consommateurs influencent indirectement les décisions de production des agriculteurs. Les perceptions des consommateurs et leurs choix alimentaires peuvent jouer un rôle significatif dans la conservation de l’agro-biodiversité. Les citoyens apprécient la valeur intrinsèque de l’agro-biodiversité, en contraste avec les agriculteurs, qui mettent davantage en avant ses valeurs instrumentales. Pour les citoyens, l’agro-biodiversité est principalement associée aux valeurs esthétiques, en particulier pour ceux qui privilégient des paysages restaurés et traditionnels. Les résultats préliminaires de la revue de littérature suggèrent des considérations clés pour concevoir des mesures politiques favorisant l’agro-biodiversité :
  • Information sur l’agro-biodiversité des produits alimentaires pour les consommateurs : sensibiliser les consommateurs aux impacts des produits sur l’agro-biodiversité ainsi qu’aux mesures prises par les agriculteurs pour améliorer l’agro-biodiversité, renforce l’orientation des consommateurs vers des choix alimentaires plus durables ;
  • Assurer un financement et des activités de diffusion sur la recherche en agro-biodiversité : sensibiliser l’ensemble des parties prenantes – représentants d’entreprises, les autorités, les enfants et les étudiants – pour souligner l’importance de l’agro-biodiversité dans la production alimentaire.

CONSEIL AGRICOLE : LE CONCEPT TROMPEUR DE « PROTÉINES VERTES ».

L’UE a besoin de toute urgence d’une stratégie sur les protéines d’origine végétale. Toutefois, ce travail doit viser à accroître l’autonomie stratégique de l’UE, et non à élaborer des raccourcis ou des récits simplistes conçus pour favoriser des intérêts spécifiques au détriment du secteur animal de l’UE. Les deux types de protéines sont complémentaires et nécessaires.

Aujourd’hui, le Conseil « Agri-pêche » de l’UE débat des stratégies en matière de protéines. Il est largement reconnu que l’UE est confrontée à un déficit important en matière de production de protéines végétales et qu’il convient d’y remédier afin de répondre aux besoins en matière d’alimentation humaine et animale, tout en renforçant l’autonomie stratégique de l’UE.

Toutefois, le document présenté par l’Allemagne et le Danemark reste vague sur le nouveau concept proposé de « protéines vertes ». Plutôt que l’ambition d’autonomie stratégique de l’UE, ce concept semble plus aligné sur l’agenda des protéines alternatives. Cet agenda, souvent promu par certaines ONG et entreprises mondiales, préconise les protéines synthétiques comme solution principale.

Dans ce contexte, le débat agricole est une fois de plus confronté à des concepts trompeurs qui tentent d’opposer et de diviser le secteur à un moment où la complémentarité doit être encouragée. Dans le document présenté, le terme « protéine verte » est utilisé comme un outil de marketing, basé sur des affirmations non scientifiques et non fondées.

Vérifier les faits :

1.  L’augmentation de la production végétale européenne : Au cours des trois dernières décennies, l’augmentation de la production végétale européenne a été largement stimulée par le développement de l’industrie des biocarburants. Dans l’UE, il existe une relation complémentaire entre la production alimentaire et la production de biocarburants, avec plus de 13 millions de tonnes de protéines de haute qualité coproduites par l’industrie des biocarburants de l’UE, valorisant les matières premières de l’UE, augmentant la chaîne d’approvisionnement en protéines de l’UE, en plus de réduire les émissions dues au transport.

2.  Consommation de protéines animales : Contrairement à ce qu’affirme le rapport sur le dialogue stratégique, la consommation de protéines animales dans l’Union européenne est restée stable et n’a pas diminué. Selon les dernières perspectives agricoles de l’UE, la consommation de viande devrait légèrement augmenter en 2024, pour atteindre 66,8 kg par habitant. Si l’on tient compte des déchets alimentaires, ce chiffre est conforme aux recommandations internationales de l’UE et de l’OMS en matière de santé.

L’Union européenne doit aller au-delà d’une communication simpliste sur les « protéines alternatives » en Europe et promouvoir le droit des consommateurs à faire des choix éclairés entre les sources de protéines végétales et animales et à comprendre pleinement les processus qui sous-tendent chaque produit, y compris l’utilisation potentielle d’OGM, d’hormones, d’antibiotiques, de facteurs de croissance et l’impact énergétique. La définition proposée de «sources de protéines alternatives au soja ou aux produits animaux conventionnels» présente le concept comme une baguette magique sans aucune évaluation tangible de leur capacité à réduire l’utilisation des terres et les émissions et à être plus respectueux de la nature et de l’environnement.

Les décideurs politiques devraient suivre les traces du futur commissaire européen à l’agriculture et à l’alimentation, Christophe Hansen, qui a souligné lors de l’audition au Parlement européen qu’« il est délicat d’imposer d’en haut qui doit manger quoi… les produits carnés font partie d’un régime alimentaire équilibré ». Les protéines végétales et animales sont complémentaires et doivent être encouragées.

LES ALIMENTS VIENNENT DES AGRICULTEURS, PAS DES LABORATOIRES !

Il est inacceptable que des récits trompeurs influencent le débat autour du secteur de l’élevage durable, impactant la Commission européenne et les décideurs politiques.  

Farm Europe et Eat Europe sont reconnaissants d’avoir été invités cette semaine à participer à l’atelier organisé par la DG Grow de la Commission européenne sur les produits laitiers fermentés, ou – en d’autres termes – les produits laitiers cultivés en laboratoire. Cela a été particulièrement éclairant !  

Un atelier censé être basé sur la science et les faits ne devrait pas commencer par des hypothèses trompeuses – comme décrire les vaches comme « un bioréacteur 10 fois moins efficace ». Une telle allégation – qui a été le leitmotiv de tous les panélistes – démontre clairement que l’approche fondée sur les preuves et les évaluations rigoureuses n’est pas au cœur du système alimentaire qu’ils promeuvent.  

Cette approche a sciemment laissé sans réponse des questions que tous les consommateurs européens se posent. Quel rôle sociétal et environnemental joue l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM) ? Comment l’efficacité est-elle mesurée ? Comment l’utilisation de l’énergie est-elle calculée ? Comparée à quel modèle de production animale ? Sur quelle base les produits laitiers synthétiques ou cultivés en laboratoire peuvent-ils être présentés comme ayant un « meilleur goût » ou comme un « meilleur ingrédient » ? Qu’en est-il de l’acceptation par les consommateurs de mettre des aliments chimiques dans leurs assiettes ?  

Les agriculteurs et les producteurs alimentaires devraient avoir la possibilité de répondre à ces préoccupations dans un débat équilibré et de prendre une position forte. Comme l’ont souligné Farm Europe et Eat Europe – notamment lors du débat – la fermentation n’est qu’un des processus de laboratoire en jeu, mais le débat doit être global, en tenant compte des aspects éthiques et environnementaux, ainsi que des conséquences pour la compétitivité du secteur agroalimentaire européen, en évitant des affirmations simplistes non fondées sur une science unanime.  

Lorsqu’il s’agit du rôle et de l’impact du secteur de l’élevage, le débat devrait également être basé sur la science et des chiffres réels, prenant en compte non seulement les émissions du secteur de l’élevage, dont personne ne nie l’impact – même si elles sont en baisse depuis plusieurs décennies – mais aussi les externalités positives du cycle de production animale ainsi que les différences entre les émissions et leurs effets sur l’environnement (le CO2 reste dans l’atmosphère entre 300 et 1 000 ans, alors qu’après 100 ans tout le CO2 émis au temps zéro sera encore présent dans l’atmosphère, tandis que l’émission initiale de méthane (CH4) disparaîtra après 11,2 ± 1,3 ans).  

Par ailleurs, 80 % de l’eau « consommée » dans le cycle de production d’une vache retourne au champ avec une meilleure qualité en matière organique, contribuant à rendre nos sols plus sains. Qu’en est-il de l’eau et des eaux polluées issues d’un processus de bioréacteur ?  

Le fumier et les sous-produits produits par une vache sont transformés dans un modèle vertueux de bioéconomie, en énergie (biogaz, biométhane) ou en engrais organique (digestat, Renure), pour ne citer que quelques exemples.  

Les bioréacteurs nécessiteraient une grande quantité d’énergie, supposée provenir de sources renouvelables, alors que nous savons que même l’énergie renouvelable est limitée, à moins que nous ne décidions de réserver nos terres agricoles uniquement à la production de panneaux solaires. La photosynthèse est la seule énergie gratuite, et elle est à la base même de la production animale dans l’UE.  

Enfin, n’oublions pas les risques d’abandon des zones rurales en réduisant la compétitivité du secteur de l’élevage au profit de quelques grandes entreprises capitalistiques ambitionnant de concentrer la production alimentaire entre leurs mains. Qui souffrira en premier ? Les agriculteurs situés dans des zones reculées : sommes-nous prêts à accepter tous les risques associés, tels que l’érosion des sols, l’instabilité hydrogéologique ou la désertification ?  

Sur le cadre législatif, comme rappelé dans une lettre que nous avons envoyée à la Commission européenne et soutenant les appels du Conseil agricole de l’UE et du Parlement européen, il est nécessaire d’évaluer si le règlement sur les « nouveaux aliments » est adapté, en envisageant des modifications futures qui aligneraient certains aspects de l’évaluation des aliments produits en laboratoire sur les procédures d’évaluation des médicaments, notamment en incluant des études précliniques et cliniques comme critères pour évaluer la sécurité des produits cultivés en laboratoire, en tenant dûment compte des réglementations sur les OGM et en abordant les enjeux éthiques.

Déforestation : Farm Europe se félicite de la simplification pour les agriculteurs de l’UE, tout en maintenant le niveau d’ambition.

Le Parlement européen a fait un pas en avant dans son vote sur la déforestation importée (EUDR-2023/1115). Cette position supprimera les formalités administratives inutiles pour les agriculteurs de l’UE, tout en maintenant le niveau d’ambition dans la lutte contre la déforestation.

Le champ d’application du règlement couvrant les opérateurs et les négociants reste inchangé. Le délai est limité à un an, nécessaire pour finaliser les actes d’exécution de ce règlement qui est la pierre angulaire de la réciprocité commerciale, de la durabilité et des chaînes de valeur équitables pour les produits agricoles et alimentaires.

Les députés ont approuvé les amendements introduisant une nouvelle catégorie « sans risque » pour les pays, qui vient s’ajouter aux catégories existantes de risque de déforestation « faible », « standard » et « élevé ». Les pays désignés comme « sans risque » – définis comme ceux dont les zones forestières sont stables ou en croissance – seraient soumis à des exigences de conformité considérablement réduites.

La version actuelle du texte a été approuvée par le Parlement par 371 voix pour, 240 voix contre et 30 abstentions. Il est maintenant essentiel que le Conseil de l’Union européenne rejoigne l’approche du Parlement dès que possible et que la Commission achève la mise en œuvre du règlement, y compris la plateforme fournissant un « système d’alerte précoce » pour aider les autorités compétentes, les opérateurs, les négociants et les autres parties prenantes concernées, comme le prévoit le considérant 31.

La Commission devrait également achever un cadre d’évaluation comparative par pays d’ici le 30 juin 2025.

Déforestation (EUDR) : réduire les formalités administratives pour les agriculteurs de l’UE en préservant l’ambition globale, c’est possible !

Le règlement sur la déforestation (2023/1115) est la pierre angulaire de la réciprocité commerciale, de la durabilité et des chaînes de valeur équitables pour les produits agricoles et alimentaires. Un report d’un an est désormais inévitable compte tenu de la présentation tardive des règles de mise en œuvre, mais tout retard supplémentaire devrait être évité.

Afin de se conformer aux exigences de l’OMC et de garantir un traitement équitable à tous les opérateurs dans le monde, le règlement sur la déforestation a été conçu pour couvrir l’ensemble de la planète, quel que soit le niveau de risque de déforestation dans les pays concernés.

Une procédure simplifiée de diligence raisonnable a été mise en place pour éviter d’imposer une charge disproportionnée aux opérateurs qui produisent et commercialisent des matières premières provenant de pays présentant un faible risque de déforestation.

Toutefois, comme l’a souligné Farm Europe dans une analyse précédente, cette procédure simplifiée de diligence raisonnable ne permet qu’une dérogation partielle aux exigences administratives et à la collecte de données, ce qui fait peser une charge déraisonnable sur les opérateurs présentant un risque de déforestation faible ou nul.

Simplification oui, démantèlement non.

Par conséquent, les propositions d’amendement visant à créer une catégorie « sans risque » vont dans la bonne direction. Mais toute autre modification changerait la nature du règlement et porterait atteinte à son niveau d’ambition. En particulier, pour garantir un règlement solide, la responsabilité des grands opérateurs mondiaux ne doit pas être diluée.

Les corrections doivent être limitées aux parties du texte qui menacent sa propre crédibilité, à savoir le risque ultime d’avoir une nouvelle norme qui pèserait plus lourdement sur les agriculteurs et les producteurs de denrées alimentaires de l’UE, confrontés à une mise en œuvre tatillonne et disproportionnée du règlement, que sur les acteurs mondiaux.

Ces changements devraient être apportés rapidement, en tenant compte de la nécessité de limiter autant que possible le retard dans la mise en œuvre de ce règlement important, afin d’éviter de déstabiliser les chaînes de valeur européennes et de menacer leur fragile équilibre économique.

Une mise en œuvre complète de la part de la Commission européenne est nécessaire.

Entre-temps, la mise en œuvre du considérant 31 du règlement, qui invite la Commission européenne à créer une plateforme fournissant un « système d’alerte précoce » pour aider les autorités compétentes, les opérateurs, les négociants et les autres parties prenantes concernées, doit être pleinement mise en pratique, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent.

Cette plateforme a été ajoutée par le co-législateur à la proposition initiale de la Commission afin d’assurer « une surveillance continue et une notification rapide des activités possibles de déforestation ou de dégradation des forêts », et d’être opérationnelle dès que possible. Il s’agit d’un élément constitutif d’une mise en œuvre facile, uniforme et simplifiée du règlement par les pays tiers, et en particulier par les pays en développement qui devraient être mis en place.