UE/Mercosur : le volet agricole, incompatible avec la cohérence politique de l’UE

Alors que la pression sur les négociateurs de l’UE pour conclure l’accord avec le Mercosur augmente en raison de la tempête parfaite qui affecte les constructeurs automobiles européens inondés par les producteurs chinois, cet accord reste antagoniste aux intérêts agricoles de l’UE et annihilerait la plupart – sinon tous – les efforts des producteurs de l’UE sur la voie difficile de la transition climatique.

Il ne saperait pas seulement les principales chaînes de valeur agricoles de l’UE, mais aussi, en l’état, la cohérence et l’alignement des politiques de l’UE, comme l’ont demandé plusieurs rapports récents. Un fond dédié serait loin d’être suffisant pour compenser ses impacts économiques compte tenu de la puissance de feu du secteur agroalimentaire du Mercosur, sans parler des effets néfastes sur l’Amazonie, le poumon de la planète.

Par conséquent, Farm Europe regrette l’engagement renouvelé hier du commissaire Šefčovič de faire avancer les négociations avec le Mercosur et considère que les conditions ne sont pas réunies pour inclure l’agriculture dans cet accord. Les accords de libre-échange peuvent offrir des opportunités importantes pour l’économie de l’UE, mais seulement si et quand les principes de réciprocité sont dûment pris en compte, en particulier pour l’agriculture de l’UE. Ces conditions ne sont pas remplies et sont loin de l’être dans les négociations du Mercosur.

Déforestation

  • L’Union européenne a connu une réduction de plus de 10 millions d’hectares de sa surface agricole au cours des trois dernières décennies (ce qui équivaut aux deux tiers de la surface agricole de la Pologne). Les forêts de l’UE ont augmenté de 12 millions d’hectares.
  • Dans le même temps, le Brésil a perdu 90 millions d’hectares de forêts. L’UE est devenue le deuxième importateur de forêts tropicales et d’émissions associées (16 % de la déforestation tropicale est liée au commerce international). Au cours des 30 dernières années, on estime que les importations de l’UE ont entraîné la déforestation de plus de 11 millions d’hectares.

Pesticides

  • L’utilisation de pesticides dangereux a diminué de plus de 25 % dans l’UE en moins de 10 ans.
  • Dans la zone du Mercosur, l’augmentation des surfaces cultivées en soja, en maïs et en canne à sucre a entraîné une hausse significative de l’utilisation des pesticides. Rien qu’au Brésil, le volume de pesticides vendus a quadruplé entre 2000 et 2020. Mais il ne s’agit pas seulement d’une question de quantité : 27 % des produits utilisés au Brésil en 2020 sont interdits dans l’UE. Le chlorothalonil, un fongicide, est interdit dans l’UE depuis 2019, et un insecticide comme le Novaluron a été interdit en 2012. Ce ne sont là que quelques exemples.

Hormones

  • Depuis les années 1980, l’Union européenne a établi une interdiction d’utiliser des hormones de croissance chez le bétail ; cette interdiction a été renforcée à plusieurs reprises dans les années 1990 et en 2006 avec l’exclusion des antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance.
  • Dans un rapport d’audit récemment publié sur les contrôles des résidus de substances actives, de pesticides et de contaminants dans les animaux et les produits d’origine animale, la Commission européenne a reconnu la nécessité de suspendre les importations de bovins en provenance du Brésil en raison de l’absence de garanties sur l’utilisation d’hormones. Sachant que même si les importations en provenance de la zone Mercosur de viande dont la production implique l’utilisation d’ hormones de croissance pour le bétail sont interdites, cette contrainte est en partie surmontée par l’utilisation de certains antibiotiques en tant que facteurs de croissance.

Il est donc urgent, plutôt que d’ouvrir grand les portes de l’Union européenne aux géants agricoles d’Amérique latine, à l’heure où les producteurs de l’UE sont confrontés à des défis difficiles :

  • D’être crédible dans la lutte contre la déforestation avec une mise en œuvre simple et solide du règlement de l’UE sur la déforestation pour les normes et les pays à haut risque, tout en évitant les charges administratives pour les pays à risque faible ou nul, en particulier pour les producteurs de l’UE ;
  • Protéger notre agriculture contre la concurrence déloyale, non seulement en ce qui concerne la sécurité des consommateurs, mais aussi en ce qui concerne les normes environnementales de l’UE, avec une réciprocité totale en matière de normes de production ;
  • Et, bien sûr, élaborer une nouvelle vision pour l’agriculture et l’alimentation de l’UE, qui corresponde à une véritable ambition pour le « Made in Europe ».

Audition de Christophe Hansen : au-delà du dialogue stratégique ?

Le 4 novembre sera un moment fondateur pour la prochaine politique européenne dans le domaine agricole, à l’occasion de l’audition par le Parlement européen du commissaire désigné Christophe Hansen. Saura-t-il tracer sa propre voie politique ou mettra-t-il strictement ses pas dans ceux du dialogue stratégique ? C’est la principale question que se poseront les députés européens à l’issue de l’audition pour savoir si un commissaire fort prend la barre de l’agriculture européenne en cette période de tempêtes.

Le candidat commissaire connait parfaitement les arcanes du Parlement et ses dynamiques politiques. Il a eu l’occasion de pratiquer le Parlement en tant qu’assistant parlementaire au début de sa carrière, puis de député européen. Il s’est fortement impliqué sur des sujets commerciaux — le Brexit notamment — ou encore la déforestation, dont il été rapporteur.

Les députés européens de la commission de l’agriculture seront chargés d’évaluer la compétence du candidat sur le portefeuille attribué, mais aussi le respect des valeurs de l’Union et sa capacité de communication. Le Commissaire a déjà eu l’occasion de donner de premières orientations politiques dans les réponses au questionnaire écrit que lui ont adressé les députés.

L’audition débutera par une déclaration introductive de 15 minutes, suivie de questions venant de tous les groupes politiques, le candidat ayant deux fois la longueur du temps pris pour poser la question pour répondre à celle-ci. Lors de l’audition, à n’en pas douter, de nombreux sujets seront abordés — l’avenir de la PAC, et des paiements directs en particulier, l’enjeu de l’élargissement à l’Ukraine pour l’agriculture européenne, l’approche du candidat pour réformer la chaine de valeur alimentaire, lutter contre les pratiques commerciales déloyales et améliorer le revenu des agriculteurs, ou encore sa relation au commerce avec, en particulier la question des négociations avec le Mercosur.

Au-delà de ces sujets importants, il est clair que c’est surtout la question du dialogue stratégique et des suites à donner à cet exercice dans lequel le Parlement n’a pas été impliqué, qui retiendra l’attention des députés européens. Le Commissaire-désigné aura la difficile tâche de s’inscrire dans les pas de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a placé la mise en oeuvre du dialogue stratégique au coeur de sa lettre de mission, tout en prenant des distances avec les recommandations spécifiques de ce groupe pour affirmer son autonomie et sa propre identité politique, indispensable pour acquérir sa stature de commissaire européen.

C’est avant tout dans cet exercice d’équilibre et de dosage subtile que sa prestation sera évaluée et permettra de rassembler les soutiens politiques dont il a besoin, non seulement pour remporter l’adhésion des rapporteurs représentant 2/3 des voix de la commission, mais aussi, entamer son mandat et bâtir sa propre vision stratégique des cinq prochaines années de politique agricole.

Cette capacité politique sera d’autant plus importante et nécessaire que la majorité qui a porté Ursula von der Leyen pour un second mandat à la tête de la Commission européenne ne sera pas suffisante pour obtenir une confirmation lors de la première audition. S’il entend être confirmé sans passer par une seconde audition et un vote à la majorité, le commissaire-désigné devra convaincre au-delà des groupes PPE, S&D, Renew et Verts, ceux-ci ne lui apportant que 31 voix sur les 33 nécessaires. Il lui faudra donc également le soutien du groupe ECR.

BUDGET 2028-34 : DES IDÉES INITIALES QUI INTERROGENT

Dans son exercice de préparation des perspectives financières pour la période 2028-2034, la Commission européenne se livre à son exercice favori, d’un côté de créer des marges sans marge financière nouvelle, et de l’autre de tenter de forcer la main des Etats membres sur le financement du budget européen tout en gardant un rôle de donneur d’ordres.

Traditionnellement, la Commission sondait avant tout les capitales sur les coupes acceptables des budgets des principales politiques européennes et l’acceptabilité d’un budget européen total un peu en croissance. Dans cet exercice de premier round, la PAC était proposée comme à toiser (proposition jusque – 30% en 2018…).

Dans le contexte actuel de frugalité budgétaire, la Commission tente un autre chemin, en s’inspirant finalement de la proposition de réforme (administrative) de la PAC qu’elle avait faite en 2018.

Elle propose de regrouper les 530 programmes européens (représentant un total de budgets de plus de 12 trillions d’euros) en un seul grand fond européen, nommé Pilier I. A côté de ce pilier, deux autres existeraient : un visant le fonctionnement des services (permettant ainsi de découpler un peu plus les négociations sur le budget de fonctionnement de la commission des discussions sur le financement des politiques européennes) et un troisième relatif à l’élargissement et des grands investissements d’interêt collectif européen dont la défense (Pilier pour lequel l’argent reste à trouver).

Au sein du Pilier I, toutes les grandes politiques européennes seraient donc regroupées. Les Etats membres seraient priés de définir des plans stratégiques nationaux, établissant leurs priorités et leurs souhaits quant à la mobilisation de l’argent qui leur est alloué au titre des différentes politiques.

La création d’un tel fonds induit, sans doute aucun, un certain degré de fongibilité des budgets antérieurement affectés à telle ou telle politique. On peut supposer que tant la PAC que la politique de cohésion – dont les budgets attisent toujours les convoitises à défaut d’autres politiques réellement communes- ne verraient plus leurs financements sanctuarisés sur la période de programmation. Les financements seraient calés en début de période en fonction des priorités nationales et sans doute ajustables en cours de route, notamment si les décaissements se profilaient moindres que prévus.

Dans ce schéma, les transferts aux Etats membres des financements reliés aux différentes politiques seraient conditionnées au respect de l’état de droit et à la mise en place de mesures prioritaires, définies au niveau européen. Ensuite, les Etats membres pourraient activer des mesures prévues par les différentes politiques qui agiraient comme des boites à outils que les Etats membres pourraient activer ou non.

Dans le cas de la PAC, la commission illustre son propos avec deux exemples qui interrogent un peu sur la connaissance fine des problématiques agricoles par les argentiers de la commission européenne. Elle imagine comme mesure conditionnant l’accès des Etats membres à l’argent de la PAC le fait de promouvoir l’agriculture biologique. Exemple original s’il en est quand il est clair que l’objectif avancé par la Farm to Fork de 25 % de terres en agriculture biologique ne correspond ni aux attentes des marchés, ni aux impératifs de souveraineté alimentaire, ni à ceux de la durabilité en Europe. Quant au chapitre « investissements » de la PAC, la commission prend l’exemple des paiements directs. Si ces paiements sont certes vitaux actuellement pour les revenus des agriculteurs, cet exemple est-il le plus pertinent quand on vise les investissements pour gagner résolument le défi de la double performance : retrouver les chemins de la rentabilité pour l’agriculture européenne tout en poursuivant la voie de la durabilité renforcée ? Sans parler de l’arrivée de l’Ukraine.

Cette suggestion de refonte du budget européen et de son fonctionnement pose un certain nombre de questions que le Parlement européen avait posées lors de la proposition PAC de 2018 de la commission avant de la re-formater pour lui redonner un sens commun minimal.

Ce schema renverrait aux Etats membres le soin de mettre en oeuvre l’essentiel des politiques européennes selon leurs priorités nationales du moment, hormis les quelques mesures « portes d’entrée » aux financements, condition que le Conseil européen (qui doit statuer à l’unanimité sur les questions financières) édulcorerait sérieusement sans doute.

Nous sommes bien, comme dans la proposition PAC de 2018, dans un schéma de renationalisation large de toutes les politiques européennes du dit pilier I. l’Europe ne resterait finalement commune en vérité que pour le pilier III (élargissement, grands plans européens d’investissements).

Dés lors, qu’en est-il du marché commun ?

Quelle serait l’efficacité économique d’un tel dispositif dénationalisé, avec la tentation de certains de concentrer les financements sur quelques secteurs afin de les subventionner plus pour qu’ils puissent avoir un avantage sur leurs concurrents européens ? L’argent ainsi utilisé ne ferait pas de croissance européenne, mais plus de fractures et au final de la gabegie des impôts payés par les européens.

Cette idée de grand pot commun est sans doute à mettre aussi en relation avec le leitmotiv de la présidente de la commission ces dernières semaines (au moins vis à vis de la PAC) d’avoir un budget plus ciblé et des mesures plus ciblées. Si l’objectif est d’avoir des mesures plus efficaces, tout le monde peut en convenir. S’il s’agit d’une réthorique pour faire accepter un budget à la baisse en expliquant que, malgré tout, tout ira bien moyennant plus de ciblage, les doutes sont permis. Or, à ce stade, le doute existe sur les intentions de l’exécutif européen vis à vis de l’agriculture et son financement.

Un seul chiffre : si le budget PAC pour la période 2028-2034 était maintenu en euros courants, cela signifierait que l’Europe fait le choix d’une PAC dont la valeur économique en 2034 (si l’inflation redevient faible) ne sera plus que de 46% de celle de 2020. Avec en face de nous les défis de la souveraineté, de la perte de compétitivité depuis 2 décennies, de l’élargissement à l’Ukraine…

Ce qui est vrai pour le lait doit l’être pour la viande ! 

Suite à notre évaluation de la déclaration de la Cour de justice sur les dénominations de viande, Farm Europe lance un appel à l’action aux institutions européennes.

Depuis 1987, le lait et les produits laitiers sont protégés par la législation européenne pour assurer une information claire aux consommateurs et éviter un usage marketing ambigu de ces termes par des produits alternatifs. 

Questionnée sur le bien-fondé de l’initiative française visant à interdire l’utilisation des dénominations de viande pour désigner un produit contenant des protéines végétales, la Cour de justice européenne vient de conclure qu’un Etat membre ne peut pas édicter de mesure nationale qui réglementent ou interdisent l’usage de dénominations, autres que des dénominations légales.

Face au déferlement de produits alternatifs ultra-transformés dans les rayons, cette interprétation juridique de la Cour de justice met désormais les institutions européennes au pied du mur : c’est avant tout à elles de se saisir du sujet. A elles de protéger les consommateurs, d’assurer la transparence sur les dénominations du secteur de la boucherie-charcuterie et de mettre fin à un double standard entre la viande et le lait qui a trop duré. 

La Cour ouvre des voies d’action aux Etats membres, leur permettant de nouvelles initiatives dans un cadre juridique clarifié. Mais il revient avant tout à l’Europe de préserver son marché intérieur et de protéger les consommateurs. 

Aujourd’hui, en matière de viande, des règles très précises existent sur ce qu’est, par exemple, de la viande hachée, un steak haché ou encore une escalope hachée. Un steak haché doit contenir a minima 99% de viande, et moins de 1% de sel ! Il s’agit d’un produit faiblement transformé, avec principalement un produit. 

Avec l’approche de la Cour, les substituts et imitations de viande – y compris ultra-transformés – pourraient en toute légalité utiliser ces dénominations sans la moindre exigence quant au caractère naturel du produit. 

Cet avis pose à l’évidence la question d’une discrimination de la viande par rapport aux substituts et immitations, et celle de la protection effective des consommateurs. Nous lançons donc un appel aux décideurs européens pour qu’ils interviennent au plus vite et mettent de l’ordre dans les rayons et sur le marché intérieur ! 

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Background

En se basant sur le règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, la Cour de justice estime qu’un État membre ne peut pas édicter des mesures nationales qui réglementent ou interdisent l’usage de dénominations, autres que des dénominations légales, constituées de termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales au lieu des protéines d’origine animale.

Cette décision écarte les-dits secteurs des dispositions que les co-législateurs ont estimé nécessaires pour les produits laitiers dès 1987 (règlement (CEE) n° 1898/87 du Conseil, du 2 juillet 1987), lorsque des produits de substitution et d’imitation ont commencé à être mis sur les marchés. Elle induit, de plus, un traitement discriminatoire au détriment des secteurs de la viande au regard de la règlementation sur la protection des consommateurs. 

La législation relative à la protection des consommateurs pour qu’ils ne soient pas induits en erreur par différents produits de consommation courante utilisant de la viande est drastique. Seules les viandes hachées répondant à la définition au point 1.13 de l’annexe I du règlement CE n°853/2004 bénéficient de la possibilité d’employer les appellations bifteck ou steak haché (bœuf), grillade hachée, escalope hachée (veau, porc). Les viandes hachées sont définies au point 1.13 de l’annexe I du règlement CE n°853/2004 en tant que viandes désossées qui ont été soumises à une opération de hachage en fragments et contenant moins de 1 % de sel. Pour prétendre à l’appellation 100% viande hachée de (l’espèce), même le simple ajout de sel. 

Les produits à base de viande sont définis au point 7.1 de l’annexe I du Reg CE 853/2004 en tant que « produits transformés résultants de la transformation de viandes ou de la transformation de produits ainsi transformés, de sorte que la surface de coupe à cœur permet de constater la disparition des caractéristiques de la viande fraîche ». « Les viandes hachées moulées peuvent recevoir les appellations suivantes : bifteck ou steak haché (bœuf), grillade hachée, escalope hachée (veau, porc) ». 

Peut-on considérer légitime que seules des viandes hachées répondant à une définition stricte puissent utiliser la dénomination steak hachée alors que des substituts et imitations souvent issus de l’ultra-transformé pourraient bénéficier sans condition de la possibilité d’utiliser cette dénomination ou d’autres telles que saucisse, jambon, hot dogs[1] ? 

Afin que les consommateurs européens puissent bénéficier d’un même degré d’information, de transparence et de sécurité, il revient aux institutions européennes de se saisir du sujet des dénominations de viande. Elles l’ont fait de façon non conclusive lors des discussions en 2020 sur l’Organisation Commune des Marchés dans le cadre de la réforme de la Politique agricole commune, pour les secteurs de la boucherie, de la charcuterie.  Mais doivent reprendre l’initiative pour faire en sorte que la loi s’appliquant à l’information des consommateurs soit mise en cohérence avec celle s’appliquant déjà au secteur du lait et des produits laitiers et avec les dispositions relatives à la protection des consommateurs dans le cadre du règlement 853/2004 qui encadre fortement les produits carnés.


[1] Pour exemple, composition moyenne de Hot Dogs végétariens se présente comme suit : eau, huile de colza, sel de table, amidon, protéines de pois, protéine de pomme de terre, fibre dagrumes, épaississant : E 407a, E 461, acidifiant E 330, arôme naturel, épices, dextrose, extraits d’épices, colorant E160a, concentré de radis rouge, fumée de bois de hêtre

Commissaire à l’agriculture : tous les ingrédients pour un nouvel élan positif

La structure de la nouvelle Commission européenne proposée ce jour par Ursula von cer Leyen est un pas prometteur pour ouvrir un nouveau chapitre de la politique européenne dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation. Le champ annoncé du portefeuille donnera potentiellement au futur commissaire en charge de l’agriculture et de l’alimentation la marge de manœuvre nécessaire pour fournir un cadre politique cohérent, dépassant l’approche fragmentée du mandat précédent qui a généré une polarisation inutile conduisant à des manifestations massives d’agriculteurs dans 17 États membres.

Le commissaire désigné Christophe Hansen devra travailler en étroite collaboration avec le vice-président exécutif Raffaele Fitto, responsable de la cohésion et des réformes. Dans sa lettre de mission, M. Fitto est chargé de guider les travaux du collège de la Commission « notamment pour renforcer la compétitivité, la résilience et la durabilité du secteur agricole et alimentaire, pour veiller à ce que (l’UE) soutienne les agriculteurs qui en ont le plus besoin, pour promouvoir des résultats environnementaux et sociaux positifs et pour soutenir le droit à des conditions propices ». 

Dans une certaine mesure, on peut regretter que le commissaire désigné pour l’agriculture et l’alimentation ne soit pas plus haut placé dans le protocole de la Commission européenne et qu’il ne lui est pas conféré une autorité sur les sujets alimentation. Cela ne reflète pas l’importance stratégique de ce portefeuille. Toutefois, cela est compensé par le profil du poste de vice-président exécutif et par le fait que M. Christophe Hansen possède toutes les compétences nécessaires pour réussir dans ses nouvelles fonctions. En tant qu’ancien député européen très respecté, dont l’influence s’étend bien au-delà de son groupe politique PPE, il est bien placé pour diriger les dossiers économiques et environnementaux de son portefeuille.

La lettre de mission remise par le président élu von der Leyen à M. Hansen est générale sur de nombreux points, laissant une grande marge de manœuvre au futur commissaire. Il devra respecter l’agenda de simplification et renforcer la compétitivité , la résilience et la durabilité du secteur. L’une de ses principales tâches consistera à veiller à ce que la future politique agricole commune soit adaptée à l’objectif visé, ainsi qu’à trouver des moyens de mobiliser des fonds privés. La capacité à se préparer aux risques climatiques et le développement d’outils de gestion de crise sont soulignés.

L’un des principaux tests sera sa capacité à faire preuve d’autonomie et à prendre ses distances par rapport aux conclusions du dialogue stratégique qui est proposé comme base de référence au commissaire désigné. Il devra façonner sa propre vision et la mettre en œuvre, en intégrant également les recommandations du rapport Draghi et les besoins urgents du secteur en matière de compétitivité. Il s’agira très probablement d’un des principaux points d’attention et de contentieux potentiels lors des auditions, en particulier si l’on considère les réactions d’hier du Parlement européen à ce rapport (voir ci-après). 

Il faut également s’attendre à des tensions en ce qui concerne l’agenda commercial. Alors que les négociateurs s’efforcent de finaliser un accord, les paroles du commissaire désigné concernant la lutte contre la déforestation et, plus généralement, la réciprocité des normes dans la stratégie commerciale de l’UE seront écoutées attentivement par les décideurs du Parlement européen. La lettre de mission souligne clairement que le commissaire chargé de l’agriculture et de l’alimentation travaillera en étroite collaboration avec le commissaire chargé du commerce en vue d’assurer la réciprocité et des conditions de concurrence équitables au niveau international. 

Réactions mitigées des élus européens au rapport du dialogue stratégique

EP Plenary session – Commission statement – Outcome of the Strategic Dialogue on the Future of EU Agriculture

Le Parlement européen a tenu une session plénière, le 16 septembre, pour discuter du dialogue stratégique sur l’agriculture et de son document final. La commissaire Mairead McGuinness, représentant la Commission européenne, a présenté les résultats du dialogue, soulignant qu’il s’agissait d’une initiative utile qui a rassemblé toutes les parties prenantes concernées, contribuant à combler le fossé qui est apparu ces dernières années entre l’agriculture et les préoccupations environnementales. Toutefois, M. McGuinness a précisé que le document final issu du dialogue stratégique n’est pas une proposition formelle de la Commission, qui s’est au contraire engagée à publier une vision pour l’avenir de l’agriculture dans les 100 premiers jours du mandat de la commission Von der Leyen II.

De nombreux députés européens ont participé au débat, y compris ceux des commissions autres que celle de l’agriculture. Si la plupart d’entre eux ont reconnu les aspects positifs du document et se sont accordés sur l’importance de consulter tous les acteurs concernés, plusieurs ont émis des critiques importantes. Cristina Maestre (ES, S&D) et Céline Imart (FR, PPE) ont toutes deux souligné que le document ne mettait pas suffisamment l’accent sur la compétitivité et que la rentabilité et la productivité de l’agriculture devaient être au cœur des politiques futures.

Le coordinateur S&D de la COMAGRI, Dario Nardella (IT), a également souligné l’importance de la compétitivité dans ses remarques, en reliant ce point au rapport Draghi et en soulignant le besoin d’innovation et de ressources pour assurer une transition juste dans le secteur agricole. De même, Herbert Dorfmann (IT, coordinateur AGRI du PPE) et Veronika Vrecionova (ECR, présidente de la COMAGRI) ont souligné le rôle crucial du Parlement européen dans l’élaboration de la prochaine réforme de la PAC, en insistant sur le fait que le dialogue stratégique sert de première base pour des discussions plus approfondies.

Plusieurs députés, dont Carlo Fidanza (IT, ECR, coordinateur de la COMAGRI) et Céline Imart (FR, PPE), ont critiqué le document pour avoir simplement reflété les objectifs de la stratégie « de la ferme à la table », sans apporter le changement de paradigme attendu en réponse aux récentes protestations des agriculteurs. Benoit Cassart (BE, Renew) a axé son intervention sur le secteur de l’élevage et sur la nécessité de clauses miroirs dans les accords commerciaux internationaux.

Enfin, certains députés ont exprimé leur soutien à de nombreux éléments du document, en particulier en ce qui concerne la transition écologique essentielle dans l’agriculture. Maria Noichl (DE, S&D), Camilla Laureti (IT, S&D) et Thomas Waitz (AT, coordinateur des Verts au sein de la COMAGRI) ont notamment souligné l’importance de prendre en compte les préoccupations environnementales pour façonner l’avenir du secteur agricole.

Construire la feuille de route stratégique d’une agriculture à la croisée des chemins.

L’agriculture européenne est confrontée à un défi de triple performance. Trois défis en un, indissociables :

  • retrouver une compétitivité économique qui a décliné depuis plus de deux décennies, tourner le dos à une crise des installations,
  • réussir une transition écologique au profit à la fois de l’agriculture et de l’ensemble de la société européenne
  • relever le défi social de retrouver une alimentation équilibrée et de qualité pour tous les Européens, mais aussi de la valorisation des métiers agricoles et du lien fort entre activités agricoles et dynamique des territoires ruraux.

Chercher à répondre à seulement une partie de ces défis en obérant les réponses à apporter aux autres aboutit irrémédiablement à une impasse.

Le rapport Draghi est à cet égard très clair, étayé par des analyses pointues :

  • l’Union européenne ne pourra pas réussir la transition de son économie et demeurer une grande puissance mondiale si elle ne préoccupe pas en même temps de sa compétitivité, voire si cela ne devient pas une priorité. Ce constat vaut pour l’économie agricole.
  • Le rapport Draghi souligne le besoin de beaucoup augmenter les investissements dans l’économie pour accroitre la compétitivité et répondre aux défis climatiques. Ce constat vaut aussi pour l’agriculture.
  • Le rapport Draghi plaide pour une vraie simplification règlementaire qui réduise les couts et enlève les blocages au développement économique. Ce constat vaut aussi pour l’agriculture.

Inversement, c’est l’une des grandes faiblesses des conclusions du Dialogue stratégique lancé par la Commission européenne en réponse aux manifestations :

  •  Aucun de ces trois constats clefs du rapport Draghi n’y est réellement développé pour arriver à des propositions d’actions efficientes.  Aucune analyse chiffrée de la situation de l’agriculture, de la souveraineté européenne dans ses différentes dimensions (économique, environnementale, sociale, bio-économie) n’est présentée.
  • Si le processus d’échange du dialogue stratégique devait avoir la vertu de renouer le dialogue entre les différentes parties présentes, il engage avant tout les personnes sélectionnées intuitu personae et retombe dans les travers de la Farm to Fork.
  • Il promeut une réorientation des moyens de la PAC en direction d’une plus grande ambition environnementale sans traiter sérieusement du volet ambition économique qui est pourtant indispensable à cette transition.
  • Il plaide pour un fonds hors PAC à créer et dont la création est sujette à interrogation alors que les grandes priorités européennes affichées – de défense notamment – sont loin d’être financées. Il convient plutôt de garder l’ambition d’une PAC intégrée, répondant à l’ensemble des défis de façon cohérente et simple pour les agriculteurs.
  • S’il appelle à plus d’innovation, les moyens d’en faire une réalité dans les fermes manquent. Par contre, il souligne la nécessité de mieux faire face aux risques et crises dans climatiques que de marché et reprend la proposition du Parlement européen de 2019 de refonder la réserve de crise agricole pour en faire un outil de réassurance d’assurances climatiques et fonds mutuels de gestion des risques des marchés.

La proposition de mise en œuvre du Green Deal pour le secteur agricole par la Commission précédente s’est focalisée avant tout sur l’atteinte d’objectifs environnementaux par la norme et des contraintes, sans se préoccuper d’allier à cette démarche l’obtention d’un regain de rentabilité en agriculture ou des incitants réels.

Ce déséquilibre s’est additionné à une PAC dont les moyens sont en recul substantiel : sous l’effet de l’inflation, la valeur économique des aides PAC a plongé de 30% en 20 ans, de 18% sur la période 2021-2027, alors que la promesse de montée en gamme sur les marchés européens ne s’est jamais matérialisée. Le prix demeure la composante principale des actes d’achats des consommateurs ; la crise économique actuelle ne saurait inverser cette tendance à moyen terme.

Pour autant, l’objectif d’une plus grande souveraineté européenne par son agriculture reste un impératif.

  • Il sera possible dès lors que nos politiques européennes s’ancreront dans la réalité et privilégieront les moyens concrets de progrès aux coûts normatifs et seront porteuses d’une véritable vision stratégique des opportunités réelles qui se présente à ce secteur pour contribuer à la transition de l’économie européenne dans son ensemble.
  • La souveraineté agricole de l’UE passe par sa capacité à fournir 20 à 25% de plus de biomasse d’ici à 2050, faute de quoi la transition environnementale de notre économie dans son ensemble ne pourra se faire ou elle se fera par une dépendance aux importations. L’Union européenne ne ferait qu’échanger une dépendance aux fossiles pour d’autres dépendances – comme cela se matérialise actuellement par l’explosion des importations d’énergies biosourcées faute d’encouragement volontariste en Europe.
  • S’agissant de la souveraineté dans toutes ses dimensions (production, économie, alimentation-nutrition, environnement, bio-économie) :
  • l’Union européenne demeure un producteur de premier plan grâce à la dynamique de pays de l’est de l’UE, qui, jusqu’à présent, compense le repli dans nombre de pays de l’UE15 ;
    • les consommateurs européens disposent d’une offre alimentaire de qualité et y consacrent une part toujours moins importante de leurs revenus ;
    • les progrès en matière d’environnement (carbone, biodiversité, eau, réduction des intrants) n’ont pas attendu le Green Deal pour se matérialiser avec, certes, des différences entre pays. Ils doivent se poursuivre et se réaliser à travers une dynamique de l’ensemble des territoires de l’UE.
    • En revanche, le géant agricole européen a trois talons d’Achille :
      • une capacité qui s’amoindrit à répondre à la demande des marchés mondiaux, qui constitue un risque géostratégique tant pour l’UE que pour les pays tiers structurellement importateurs, tout particulièrement africains et nord-africains.
      • une bio-économie qui se développe en recourant massivement à l’importation ;
      • une capacité qui s’amoindrit à répondre à la demande des marchés mondiaux, qui constitue un risque géostratégique tant pour l’UE que pour les pays tiers structurellement importateurs, tout particulièrement africains et nord-africains.

Que cela soit pour son alimentation, sa santé, son environnement, sa transition énergétique, son commerce, l’agriculture est ou devrait être au centre des priorités européennes. Il en va de la capacité de l’Union européenne de continuer à décider souverainement de son avenir en offrant une vision d’avenir enracinée  et forte de nos cultures européennes.

Dans un tel cadre, toutes les politiques européennes devront être mises en cohérence avec la politique que l’Europe adoptera pour son agriculture. Au sein de la Commission européenne qui se forme, le Commissaire européen doit avoir non seulement droit de regard mais de co-décision sur l’ensemble des domaines et politiques traitant de l’agriculture et l’agro-alimentaire.

A cet égard, les premiers dossiers qui se présenteront dès 2025 seront clés et devront tous être négociés sur la période 2025-27 :

  • Le budget pluriannuel et celui de la PAC en particulier qui, a minima, devrait être ré-indexé sur l’inflation ;
  • Réforme de la PAC pour une agriculture de triple performance en croissance et une capacité à valoriser réellement les efforts en matière environnementale par une mise en cohérence entre les mesures environnementales et les allégations faites auprès des consommateurs ;
  • Achever la construction d’une véritable stratégie européenne de gestion des risques et des crises à travers une réserve de crise à la hauteur des enjeux et une approche véritablement commune à l’échelle européenne des enjeux de résilience des exploitations ;
  • En cohérence avec cette orientation, la relance des initiatives en matière d’environnement (gestion des intrants, bien être) dans une approche systématique d’association entre performance économique et environnementale ;
  • Une véritable approche incitative dans la politique climat/agriculture carbone (séquestration et réduction des émissions, dispositif d’incitation et non un principe initial de pollueur-payeur qui paralyse tout progrès). L’EST agri doit reconnaitre pleinement les spécificités sur secteur en sortant l’agriculture des dispositifs prévus pour les industries polluantes, et comme le rapport Draghi le souligne, ne pas aggraver les coûts qui découleraient du différentiel d’ambition environnementale avec nos principaux concurrents ;
  • Avancer réellement sur les outils à mobiliser pour innover, en particulier NGTs ;
  • Mettre en cohérence la taxonomie, pièce essentielle pour l’investissement avec le volet vert de la PAC et rejeter une approche idéologique de celle-ci ;
  • Préserver les acquis de la discussion sur la réciprocité des normes du commerce international, en particulier le texte portant sur la déforestation. Pour celui-ci il convient de procéder à un ajustement très limité de la procédure simplifiée pour que la collecte des données se limite à l’origine du pays dès lors que le produit provient d’une zone à faible risque pour éviter la collecte de données et des coûts disproportionnés.
  • Avancer résolument dans la bioéconomie, valorisant le potentiel des bio-raffineries (souveraineté européenne de bio-économie) et bio-énergies, mais également de l’ensemble des opportunités qui se présentent à l’agriculture pour décarboner le reste de l’économie (bâtiment, textile, chimie, énergie, etc.). Ces nouvelles demandes peuvent être un moteur pour la santé économique du secteur et sa contribution positive aux enjeux environnementaux de l’économie de l’UE dans son ensemble, en plus d’une alimentation de qualité.

Au final, il reviendra à la prochaine Commission européenne de sortir de l’idée que les transitions seraient par nature porteuses de mauvaises nouvelles pour l’agriculture, et de travailler sérieusement à une stratégie positive pour son agriculture, seule à même de tracer la voie d’une attractivité retrouvée du secteur, tout en répondant aux besoins croissants en matières premières agricoles à moindre impact environnemental. 

RAPPORT STROHSCHNEIDER : UNE OPPORTUNITÉ MANQUÉE POUR DONNER UNE NOUVELLE DIRECTION À FARM TO FORK

Le groupe de dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’Union Européenne, institué par la Commission, vient de finaliser ses recommandations après plus de six mois de travail. 

Farm Europe s’est félicité du lancement d’un tel dialogue stratégique qui donnait la capacité à poser les vrais sujets et construire une vision d’avenir pour un secteur essentiel à l’Union Européenne.

Aujourd’hui, le constat le plus apparent est celui d’une proposition de continuité des lignes passées avec :

1) Un volet économique largement obéré si ce n’est pour reconnaitre des déséquilibres dans la chaine alimentaire, pour souligner que la réserve de crise doit être revue pour être plus ciblée (sans parler ni de dimension ni de cohérence avec gestion risques), que la transition doit faire appel à des financements publics-privés et aux banques, que l’accent doit être mis sur la formation, la recherche et l’innovation mais sans mention de la nécessité et du comment franchir le mur d’investissements à réaliser dans les fermes, que les aides économiques à l’agriculture doivent être plus ciblées vers les petites structures, les jeunes et les zones sous contraintes naturelles.

2) Un appel à un renforcement substantiel de la dimension environnementale de la PAC et de la répartition des financements liés.

3) Les sujets carbone et un éventuel EST agricole sont renvoyés à des travaux à venir ; l’enjeu de la compétitivité européenne n’est pas adressée. 

4) Un appel à une réduction de la consommation de viande dans l’Union Européenne par utilisation d’outils fiscaux et d’incitations financières, avec en parallèle une proposition de plan d’extensification, de réduction des émissions de l’élevage et d’un redimensionnement de la filière. 

5) Un constat d’une incohérence entre politiques européennes environnementales et politiques commerciales avec un appel à faire mieux à l’avenir.

6) La suggestion de pérenniser ce groupe de dialogue stratégique dans un board consultatif qui interviendrait sur les évolutions des politiques et les cohérences entre elles ; suggestion qui supposerait d’être plus précis sur les contours d’un tel board par rapport aux responsabilités d’orientations des co-législateurs et au travail technique des services de la Commission européenne et son pouvoir d’initiative règlementaire. 

Au total, à l’issue de ces six mois de travaux, demeure intacte la question de savoir si et comment l’Union Européenne entend : 

– compter sur son agriculture pour réussir la transition de son économie (qui nécessite de disposer de plus de 20 % de biomasse en plus),  

– affirmer sa souveraineté alimentaire,

– conduire l’agriculture européenne sur un chemin vertueux conjuguant en même temps rentabilité économique retrouvée, durabilité renforcée et performance sociale au profit de nos territoires.  

Hors l’engagement réaffirmé en faveur des nouvelles techniques génomiques, les recommandations du groupe de dialogue civil permettent-elles d’écrire une nouvelle page européenne pour une agriculture de triple performance revigorée ? Permettent-elles de répondre aux cris d’alarme lancés par les agriculteurs de toute l’Union Européenne ?

La mention du ciblage des moyens est un leitmotiv, et permet d’escamoter la question du dimensionnement de ces moyens. 

Les conclusions de ce groupe ne tournent pas le dos aux recettes avancées par la commission sortante pour sa Farm to Fork et son orientation vers toujours plus de flexibilités qui se rapproche d’une renationalisaiton de la PAC. 

La question demeure de comment construire une politique qui prépare l’avenir plutôt qu’elle ne préserve le passé, sans dresser les différents secteurs et acteurs les uns contre les autres. Une approche réussie nécessite des stratégies sectorielles spécifiques, s’éloignant des contraintes normatives qui conduisent à la décroissance pour aller vers des incitations qui promeuvent l’investissement et la modernisation en profondeur dans les secteurs européens.

IMPORTATIONS DE BIODIESEL : LES DROITS ANTIDUMPING N’ARRÊTERONT PAS LA FRAUDE

Farm Europe se félicite de l’imposition de droits antidumping sur les importations de biodiesel en provenance de Chine, récemment décidée par la Commission européenne à la suite d’une plainte déposée par l’EBB. Les importations de biodiesel en provenance de Chine ont plus que doublé depuis 2020 pour atteindre près de 2 millions de tonnes, entraînant une forte baisse des prix européens et portant préjudice aux producteurs européens. Nous encourageons la Commission à n’exclure aucun type de biodiesel de l’application des droits définitifs afin de ne pas créer de failles dans l’application de la mesure.

Ces droits antidumping, bien que bienvenus, ne freineront cependant pas les importations frauduleuses. Ce qui est en jeu ici, c’est l’étiquetage frauduleux du biodiesel en tant que biocarburant durable avancé dérivé de matières premières énumérées à l’annexe IX de la directive sur les énergies renouvelables, qui bénéficient d’un double comptage pour atteindre les objectifs fixés dans le règlement. Ces matières premières comprennent les huiles de cuisson utilisées (UCO) et certains dérivés de la production d’huile de palme, comme les effluents des moulins à huile de palme. Mais il est très probable que la véritable matière première utilisée soit de l’huile de palme provenant de n’importe quelle origine, y compris de zones récemment déboisées.

Le bénéfice économique pour les fraudeurs est élevé. Malheureusement, il n’existe pas de tests chimiques faciles à utiliser par les douanes pour démasquer la fraude, de sorte qu’elle se poursuit sans contrôle. En fin de compte, l’UE n’importe pas de biodiesel durable, mais encourage au contraire les pratiques non durables, notamment la déforestation.

Les conséquences négatives pour nos industries européennes sont sévères. Des usines ont fermé, de nouveaux investissements ont été abandonnés.

Nous demandons donc à la Commission de s’attaquer au problème des importations irrégulières de biodiesel en s’attaquant sérieusement au chaînon manquant : la fraude.

La Commission devrait renforcer la certification des biocarburants durables avancés en promulguant une accréditation ex ante obligatoire des usines désireuses d’exporter vers l’UE. Ces usines devraient faire l’objet d’une inspection physique, au lieu de se contenter d’accepter des certificats papier comme c’est le cas aujourd’hui. En cas de refus d’accepter les inspections physiques, les produits concernés ne devraient pas pouvoir être certifiés. La même pratique devrait s’appliquer en cas de pratiques suspectes après la certification. Les usines ou les terminaux de mélange doivent être inspectés physiquement et les entreprises concernées doivent communiquer tous les documents pertinents à l’inspecteur. Tant que l’enquête dure ou en cas de refus d’accès aux sites ou aux documents, le certificat et les documents de preuve de durabilité connexes devraient être suspendus, et au minimum l’éligibilité au double comptage doit être suspendue.

La Commission devrait également suspendre le bénéfice du double comptage pour les matières premières les plus exposées à la fraude afin de supprimer l’incitation économique, et mettre de l’ordre dans les codes douaniers applicables afin d’améliorer les contrôles. Les régimes volontaires devraient être suspendus vis-à-vis de la Chine tant que la fraude ne peut être exclue et que l’équivalence effective des contrôles avec l’UE ne peut être certifiée. En outre, la mise en place du groupe de travail convenu avec les ministres des transports le 30 mai pour prendre des mesures concrètes de lutte contre la fraude devrait être lancée sans plus tarder. Par principe, toutes les importations devraient être soumises à des contrôles au moins équivalents à ceux imposés aux matières premières similaires de l’UE.

Le problème des importations chinoises de biodiesel présente deux aspects : l’un a été réglé, l’autre exige une action urgente. Ne pas le faire compromettrait le résultat.

NGTs: LES LAURÉATS DU PRIX NOBEL APPELLENT À L’APPROBATION DU RÈGLEMENT, L’UE DÉBAT ET LES VOIX BAVAROISES S’ÉLÈVENT

Des lauréats du prix Nobel et des coalitions scientifiques appellent le Parlement européen à adopter les nouvelles techniques génomiques pour le climat et la sécurité alimentaire. Au sein de l’UE, les débats s’intensifient sur le point de breveter ou non les plantes génétiquement modifiées.

Le Parlement européen a adopté sa position de négociation, tandis que la présidence du Conseil est toujours à la recherché d’une majorité pour adopter sa position sur les NGT, ce qui ouvrirait la voie à des trilogues.

Parallèlement, la FAO étudie l’impact des biotechnologies sur les petits exploitants agricoles.