Crise laitière: la Commission doit agir sans délai

Aujourd’hui, Farm Europe a tenu un groupe de réflexion sur la situation du marché du lait, réunissant des acteurs globaux et européens.

La crise du lait entre dans sa deuxième année consécutive, sans perspective de redressement à court terme.

Chaque jour, des exploitations agricoles disparaissent. Si rien n’est fait, pas moins de 20% des fermes laitières européennes et des dizaines de milliers d’emplois associés seront rayés de la carte ou déplacées vers des zones où la production laitière est déjà très concentrée.

Pourtant, à l’heure du changement climatique et des préoccupations grandissantes liées à l’environnement, au bien-être animal ou à la vitalité des zones rurales, la répartition harmonieuse de la production laitière sur l’ensemble du territoire européen est loin d’être une idée du passé.

La Commission est la seule à pouvoir jouer collectif en utilisant à plein sa capacité exclusive à proposer.

Des solutions concrètes existent

Face à la crise, une réponse immédiate, simple et efficace réside dans la mise en place d’un dispositif européen visant à remettre rapidement de l’équilibre dans le marché du lait.

Cette opération est simple à organiser. Deux voies, dont les règles doivent être définies à l’échelon communautaire, sont possibles pour cela :

  • Option 1 : Construire sur la base de l’Article 222. Cette option passerait par l’introduction, sur la base de l’article 219 de l’OCM unique, d’une obligation européenne de cibler les aides d’urgence mises en place tant à travers un financement européen, notamment dans le cadre de l’Article 222, que celles ressortant du régime des aides d’Etat. L’ensemble des aides publiques seraient dès lors exclusivement ciblées sur les producteurs laitiers s’engageant réduire leur production (par rapport au niveau 2015) soit par ajustement technique de la conduite de leur troupeaux, soit par augmentation du taux de réforme de leurs vaches, soit par décision d’abandon définitif de la production laitière. A charge pour les Etats membres de définir des niveaux des soutiens publics adéquats, selon l’effort réalisé par l’exploitant et le mode de réduction de la production mis en œuvre. Cette option garantirait qu’aucun financement publique au sein de l’UE n’est attribué à des producteurs qui ne participent pas à l’effort de réduction de la production. Néanmoins, il serait nécessaire de fixer très clairement un objectif minimal de réduction à l’échelle européenne, pouvant déclencher le déblocage d’une aide UE ou nationale par les Etats membres.
  • Option 2 : L’organisation d’un « appel d’offres » européen de réduction volontaire de la production laitière, accessible à l’ensemble des producteurs européens. Ces derniers s’engageraient, pendant un laps de temps limité de 6 mois, à réduire leurs livraisons aux laiteries par rapport à 2015 pour un volume déterminé, en bénéficiant en retour d’une compensation suffisamment attractive. Ceci serait une mesure réellement européenne, gérée et financée directement par la Commission européenne, avec un objectif clair de réduction. Plus de 2 milliards de litres pourraient ainsi être retirés du marché à brève échéance, avec une enveloppe budgétaire de moins de 500 millions d’euros. Cette option offre davantage de visibilité sur les quantités qui seraient ainsi retirées du marché en comparaison de l’option 1.

De telles mesures – l’option 1 ou 2 – seraient bonnes pour l’emploi et pour nos territoires. Cette décision économique serait bien plus efficace qu’un nouveau plan de saupoudrage d’argent public sans effet et catastrophique pour l’image de l’Europe, tant auprès des contribuables que des agriculteurs.

Ce plan communautaire devrait être bâti et annoncé avant l’été et mis en œuvre d’ici à l’automne.

La Commission dispose aujourd’hui de toutes les marges de manœuvres politiques et budgétaires, pour soumettre, sans délai, aux Etats membres et au Parlement européen, sur la base de l’OCM unique, ce type de mesures.

Financièrement, les marges existent dans le budget PAC 2016 pour financer des mesures ambitieuses et efficaces, sans recours à la réserve de crise.

De plus, la Commission européenne devrait travailler sur un paquet de mesures cohérent qui prévoit notamment un mécanisme d’identification obligatoire de l’origine des matières premières dans le secteur du lait, de façon à encourager les efforts réalisés par les producteurs de l’UE pour créer de la valeur.

Il est également nécessaire d’engager rapidement, avec le soutien de l’UE, une réponse structurée aux campagnes de communication trompeuses sur les produits laitiers, en mettant en valeur les propriétés nutritionnelles des produits laitiers et leur caractère fondamental dans le cadre d’un régime équilibré.

En revanche, les solutions déconnectées du marché sont à exclure. Elles ne font qu’alimenter la sur-production à travers un débouché public factice, à l’instar de l’intervention publique, qui n’est pas l’outil de la situation. Un nouveau relèvement du seuil d’intervention ne résoudrait rien à ce stade. Il encouragerait, au contraire, le maintien de niveaux de productions intenables et retarderait encore un peu plus la reprise, en raison du poids des stocks.

La PAC : une politique européenne en besoin de rupture ou d’adaptation ?

Alors que le débat sur les nécessaires évolutions de la PAC va rebondir grâce au Conseil informel des ministres de l’agriculture de l’UE, sous l’impulsion de la présidence néerlandaise, ce week-end, voici une bonne opportunité pour faire le point et le bilan des échanges qui ont eu lieu dans le cadre des activités de Farm Europe depuis maintenant plus d’un an.

Ce travail, basé sur une note stratégique publiée plus tôt cette année, au mois de janvier, s’est concentré sur 3 grands sujets prioritaires qui devrait être au cœur de toute politique agricole à l’avenir : la Résilience, la Durabilité, et l’Investissement.

Aux termes de la réforme de la PAC de 2014, qui a conforté le volet “biens publics”, la réforme économique de ce qui demeure la première politique commune, elle, n’a pas eu lieu. Avec elle, il s’agit de relever le défi sociétal majeur: celui de la durabilité de production ou, autrement dit, du défi des contributions de l’agriculture aux besoins de la planète et de la responsabilité que l’Union européenne doit assumer en la matière.

Pour y répondre, les différentes zones de production du monde sont toutes confrontées :

  • Au défi d’investissements durables et cohérents tant agricoles qu’industriels,
  • Au défi de l’intégration de l’innovation et des technologies de performances.
  • Au défi de la volatilité des marchés pour qu’elle ne casse pas un développement 
pérenne des productions.

Dans l’Union européenne, la productivité agricole européenne marque le pas depuis maintenant deux décennies. Les revenus par unité de travail agricole stagnent depuis le milieu des années 90 dans l’UE 15, malgré les restructurations d’exploitations réalisées et la baisse du nombre d’UTA : les efforts réalisés par le secteur agricole semblent être consumés par la baisse en euros constants des aides publiques (PAC) et des transferts de valeur ajoutée vers les autres maillons de la filière.

Aujourd’hui, nombre de secteurs font le constat d’un besoin urgent d’investissements de compétitivité.

Aujourd’hui, le constat de l’indissociabilité des deux volets – durabilité environnementale et durabilité économique – apparaît comme la condition liminaire à tout développement pérenne et à toute politique publique efficace.

Pour cela, trois clés semblent incontournables: Durabilité, Résilience, Investissement.

La PAC actuelle y apporte-elle les réponses adéquates, i.e. simples et efficaces ?

Répondre à la volatilité des marchés 

  • L’UE est la seule grande zone agricole dans le monde à prétendre y répondre par un dispositif d’aides découplées de l’acte de produire. Au delà des vertus comparées des dispositifs, peut-on avoir raison quand les autres jouent avec une autre règle de jeu ? Face aux crises de marché, les dispositifs nouveaux PAC restent à ce jour embryonnaires (dispositifs de stabilisation du revenu du 2nd pilier), ou se sont révélées peu efficace lors des dernières crises pour (mesures d’urgence et de marchés de l’OCM unique).
  • -Dés lors, doit-on expertiser la possibilité de basculer une partie de la PAC sur un dispositif d’assurances revenus/marges à deux étages : avec un niveau 1 d’assurance de base par secteur, européenne, financée par la PAC et visant un degré minimal de garantie par rapport aux coûts de production ; un niveau 2 de garanties, choisies par les agriculteurs, de marges positives ou de revenus positifs, par productions, cofinancé EU et basé sur des dispositifs à déterminer soit européens, nationaux ou régionaux. 
Il devrait être analysé également les possibilité de développer et d’encourager l’épargne individuelle au niveau des exploitations pour anticiper les crises, notamment, par exemple, à travers des provisions comptables.

Durabilité et rémunération des biens publics

  • Tant les mesures greening que celles du 2nd pilier sont décriées du fait de leur complexité et leur efficacité questionnée. Pour l’avenir, doit-on travailler sur un seul dispositif d’aides avec :
    • une mesure pour répondre au défi des biens publicsde base communs à l’UE en laissant aux acteurs économiques le soin de décider et mobiliser les moyens les plus pertinents pour les réaliser (avec 3 niveaux aides/ha selon leur efficience A, B ou C)
    • une mesure pour compenser ponctuellement les coûts liés à l’engagement d’aller au delà pour répondre à des problématiques régionales particulières
    • une mesure pour traiter du déficit structurel de compétitivité d’une région ou d’une filière dans une région.
  • Pour le volet «biens publics de base», peut-on relever le défi de changer la démarche pour une politique d’objectifs en matière d’environnement/émissions (greening et mesures agri-environnement)? Dans cette optique, deux schémas sont imaginables (l’un étant exclusif de l’autre):
    • Soit reprendre l’ergonomie du greening actuel et faire reconnaître l’usage de techniques d’agriculture de performance comme moyen de remplir l’ensemble des exigences greening,
    • Soit se baser sur une comptabilité émissions des exploitations avec une définition des résultats à atteindre et non des moyens à mettre en œuvre pour se faire

Pour l’aspect durabilité des modes de consommation, donner la capacité à des programmes européens de distribution de délivrer des « food stamps » sur le modèle américain, en faisant la promotion de régimes équilibrés dans les écoles (cantines scolaires) et services publics (hôpitaux, cantines des administrations, etc), et auprès des organismes de distribution aux plus démunis. Ces food stamps feraient l’objet de critères d’origine pour les achats notamment.

Politique d’investissements

  • La PAC doit-elle consacrer plus de moyens au soutien des investissements ? 
Si oui, y-a-t-il lieu de prévoir un plan européen d’investissements de compétitivité du secteur agricole européen pour promouvoir un saut technologique rapide et de masse vers l’agriculture de performance ?
  • Dans un tel cadre, et du fait du contexte économique de volatilité renforcée des marchés au besoin d’investissements, les outils financiers sur lesquels adosser la réalisation des investissements doivent-ils être revisités ? 
Garanties bancaires 
Assurances « pertes de revenus, pertes de marges » ?
Rôle BEI et rôles banques commerciales et compagnies d’assurance ?

L’ensemble de ces sujets et leurs possibles évolutions pour l’avenir sont en cours d’évolution dans le cadre du travail quotidien de Farm Europe et seront évaluées et discutées au Global Food Forum qui se tiendra plus tard dans l’année à Milan, en Italie (pour davantage d’informations sur cet événement, vous pouvez nous contacter : info@farm-europe.eu).

Climate Change and Market Volatility: A global overview of Policy Actions to build resilient food systems 

IMG_3730Today, Farm Europe hosted a debate on how Climate Change is impacting agriculture and food system

in a world experiencing more instable and volatile markets.

Food production has become very interdependent and supply side shocks due to draught, disease, severe climate events and lately climate change contribute to a high degree of volatility on output. On the demand side political instability, population growth, economic development in emerging markets and advanced economies, change in dietary habits and financial problems are key factors. The result is increased volatility with consequent effect on agricultural prices, producer’s income and consumer prices leading to political and social unrest.

What is our response? And, specifically, how main worldwide agricultural regions and notably Europe should respond to one of the most crucial challenges that the world will face in the coming decades? 

This one, alongside other key questions about how it will be possible to establish a sustainable agricultural and food systems were thoroughly addressed by panelists and participants.

Farm Europe’s event started with the presentation of a very innovative study on the ”Food Chain Reaction: A Global Food Security Game” which, in November 2015, gathered 65 thought leaders and policy makers from several countries in Washington, D.C. This project, to which Farm Europe had the pleasure to participate, revealed the different approaches toward agri-food systems at global level in the context of Climate Change, through a simulation of a real global food crisis caused by population growth, rapid urbanisation, extreme weather, and political turmoil. The exercise put the issue of food security at the forefront of a global conversation and teams were able to see firsthand via the simulation what the future of food security could look like in an increasingly volatile world.

Farm Europe’s discussion was then opened and fuelled by Farm Europe’s Senior Fellow Lars Hoelgaard, alongside with Patrice de Laurens from the French Ministry of Agriculture, Joost Korte, DDG at the European Commission, Joe Stone, President at Cargill Animal Nutrition and Jeff Malcolm, Director at WWF – sponsor of the Global Food Security Game.

Overall, from panelists’ comments two clear concepts came out:

  1. At the end of the day, in this volatile context, Climate change and Food security challenges are common. Accordingly, decision makers have to build ambitious policy answers, not independently, but in a collaborative way, by taking into account political and economic interconnections in a ever more globalised world.
  2. There is no single solution, no “silver bullet”. The key lesson is that these issues need to be addressed in an integrated manner across all sector