Ambition économique et environnementale doivent être au cœur de la future PAC
Aujourd’hui, Farm Europe a présenté le rapport final de l’édition 2016 du Global Food Forum aux institutions européennes, dans le contexte de la consultation publique sur l’avenir de la Politique agricole commune lancée par la Commission européenne.
« L’heure est venue de mettre sur la table une réelle stratégie économique pour les systèmes agricoles et alimentaires de l’Union européenne. Envoyer un chèque aux agriculteurs lorsque la pression politique est trop forte pour faire face à la volatilité des prix n’est pas tenable. Nous devons réfléchir sérieusement sur la meilleure façon d’employer l’argent public. Ce faisant, nous restaurerons la confiance, nous retrouverons l’optimisme, et nous construirons la croissance de demain », a indiqué Mario Guidi, le Président du Global Food Forum, et de Confagricoltura en présentant les recommandations du rapport.
Ouvrant l’événement, Phil Hogan, Commissaire européen en charge de l’Agriculture et du Développement rural indiqué : « présenter les recommandations du Forum juste une semaine après le lancement de la consultation publique vient à point nommée. Je me réjouis que le rapport mentionne clairement la nécessité de renforcer la résilience de nos exploitations, avec un focus particulier sur la gestion des risques. Nous devons moderniser la PAC et la doter d’une boîte à outils qui permette de réagir vite et de façon effective face aux chocs de prix à venir ».
Accueillant l’évènement au Parlement européen, Michel Dantin, Député Européen, a indiqué: « Il est essentiel que la Commission européenne et le Parlement européen travaillent main dans la main afin de répondre aux enjeux auxquels font face nos agriculteurs à court et moyen terme et préparer la prochaine PAC. J’invite tous les acteurs à se poser sans tabou des questions stratégiques : est-ce que nous souhaitons que la PAC soit une politique économique ou seulement une politique sociale visant à assurer la subsistance des agriculteurs et des zones rurales ? Devons-nous rester dans le cadre contraignant de l’Organisation Mondiale du Commerce ou s’en affranchir comme tous nos concurrents internationaux ? »
Le rapport présente une série de recommandations clefs pour bâtir une agriculture performante à la fois sur le plan économique et environnemental, résumées ci-dessous (le rapport complet est téléchargeable à l’adresse suivante: Report GlobalFoodForum FR) :
Renforcer les outils de gestion des risques, dès 2017
Toute nouvelle stratégie pour des filières agroalimentaires résilientes doit intégrer un fait: plus que jamais, l’agriculture est confrontée aux perturbations croissantes du climat et des marchés.
Pour le bénéfice de l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire de l’UE, la PAC doit mettre à disposition un ensemble d’outils efficaces de gestion des risques pour renforcer la résilience de l’ensemble des modèles agricoles européens.
Cela ne sera pas obtenu au moyen d’un seul instrument, mais à travers la mise en place d’une palette d’outils complémentaires proposés aux agriculteurs, en plaçant ceux-ci au cœur des décisions en fonction de leur situation et de leurs besoins. Dans chaque État membre, les agriculteurs devraient être libres d’opter pour des dispositifs d’assurances et / ou des fonds mutuels conçus au regard des défis qu’ils doivent relever et aux besoins qui en découlent.
En 2017, les co-législateurs de l’UE ont la responsabilité de saisir l’occasion des négociations liées à la proposition de règlement Omnibus pour renforcer ces outils de résilience, les rendant réellement opérationnels, attrayants et efficaces.
Bâtir un « new deal » au sein de la chaine alimetnaire
Le manque de coopération au sein de la chaîne alimentaire de l’UE compromet la capacité du secteur à faire face aux défis posés par la mondialisation et les investissements. Un “new deal” doit d’abord réaffirmer la prééminence de la PAC sur les règles générales de concurrence. Ce principe doit être la base d’action pour les autorités nationales de la concurrence.
La transparence au sein de la chaine doit être améliorée, notamment en ce qui concerne les prix et les volumes au niveau de la première transformation et au stade du consommateur final. Les relations contractuelles doivent être encouragées sur la base de règles plus claires, permettant des négociations de contrats collectifs au niveau des organisations de producteurs ou des groupes d’organisations de producteurs. Afin d’encourager la coopération entre les agriculteurs et les transformateurs, des négociations de filière devraient être explicitement autorisées pour ce qui a trait à une meilleure répartition de la valeur, que les prix augmentent ou baissent.
Ces approches doivent être considérées en tenant compte du fait que les marchés pertinents des principaux produits agricoles sont plus souvent à l’échelle européenne que nationale ou régionale. En ce qui concerne les pratiques commerciales déloyales, il s’agit d’interdire une liste claire de pratiques déloyales au niveau européen, avec des mécanismes de sanction clairs et dissuasifs, et en garantissant l’anonymat des plaignants.
Durabilité environnementale : se focaliser sur les résultats
Les progrès technologiques dans le secteur agricole créent de nouvelles opportunités pour les politiques environnementales et de durabilité au niveau européen. Les institutions de l’UE peuvent saisir l’énorme potentiel des innovations pour construire des politiques simples et efficaces et réduire la bureaucratie pesant sur les agriculteurs.
L’enjeu pour l’Union européenne serait alors de passer d’une politique normative à une politique véritablement axée sur les résultats qui serait cohérente avec les critères de « verdissement » actuels et fondée sur la volonté des agriculteurs eux-mêmes, les producteurs pouvant opter pour l’application de mesures telles que demandées par les politiques existantes ou une approche axée sur les résultats.
Une telle option serait basée sur des objectifs quantifiables adaptés aux connaissances et aux capacités techniques des agriculteurs. Celle-ci compléterait les dispositions actuelles en formant une option alternative innovante.
Durabilité économique : se focaliser sur l’investissement
L’ambition de maintenir un secteur agroalimentaire dynamique sur l’ensemble de l’UE doit se transformer en réalité. Au cours des dix dernières années, la compétitivité effective du secteur agricole de l’UE a diminué. Le taux de croissance de la productivité agricole totale de l’UE a régressé de 54% et la productivité du capital est devenue négative.
L’Europe ne doit pas limiter ses actions à un ensemble d’initiatives visant à accompagner le ralentissement de son secteur agricole. Ni accepter de limiter son ambition à une agriculture de conservation des zones les plus fragiles. Au contraire, le cadre politique européen doit se concentrer sur le lancement de stratégies économiques dynamiques et ciblées pour relancer les investissements dans l’ensemble de la chaîne alimentaire de l’UE.
Aujourd’hui, il est impératif que la dimension économique de la Politique agricole commune soit renouvelée.
Nutrition et santé : retrouver la confiance
La chaine alimentaire européenne est confrontée au défi de trouver une relation harmonieuse et positive entre nutrition et santé.
Pour y parvenir, un certain nombre d’obstacles doivent être levés : une stratégie claire et commune de la part des acteurs de la chaine alimentaire (agriculture, industrie, commerce) devrait être définie ; la crédibilité de l’EFSA, en tant que pole d’excellence et de référence du législateur européen devrait être renforcée, le consensus scientifique amélioré pour éviter la confusion des consommateurs, et la loi devrait être basée sur des réalités scientifiques solides et crédibles, plutôt que des suppositions.
De plus, un dialogue avec la Société Civile devrait être encouragé afin de bâtir un nouveau consensus et d’aller au-delà des positions idéologiques. L’absence de débat entre acteurs publics et privés sur les questions de nutrition et de santé est inacceptable.
Ce défi devrait être pris à bras le corps au niveau européen, afin de construire la confiance entre les acteurs et définir une vision et des solutions européennes.
Brexit et commerce : se focaliser sur les intérêts de l’UE
La plupart des Etats membres de l’UE ont des intérêts commerciaux substantiels sur le marché britannique dans le secteur agro-alimentaire.
Quel que soit le résultat des négociations entre l’UE et le Royaume-Uni, tant l’évolution des politiques internes britanniques que les stratégies commerciales divergentes entre les deux, vont mener, à moyen et long terme à des changements pour le secteur agro-alimentaire européen.
Ceux-ci ne devraient pas être sous-estimés, et ce, d’autant plus compte tenu de l’engagement clair des nouveaux dirigeants britanniques à faire du Royaume-Uni « la plus grande économie ouverte du monde ». Cette stratégie va rendre difficile un accord de libre échange complet entre l’UE et le Royaume-Uni, sans mécanismes de protection. Le point commun aux défis représentés par le Brexit et les ouvertures commerciales est une concurrence exacerbée pour le secteur européen et un défi encore plus pressant pour le secteur viande bovine.
En ce qui concerne l’agenda commerciale global de l’UE, le Brexit est l’occasion de revoir la façon d’accorder les mandats de négociation à la Commission européenne, et de relancer une politique commerciale européenne sur la base d’une nouvelle méthode de gouvernance, plus transparente et plus acceptable pour la société civile.