Les projets agricoles de la nouvelle coalition gouvernementale allemande
L’Allemagne met le cap sur le progrès numérique, le bien-être animal, la bio et la PAC post-2027
Au terme des négociations trilatérales entre les Socialistes, les Verts et les Libéraux (FDP), un accord de coalition de 178 pages a été présenté, ouvrant la voie à la prise de fonction d’un nouveau gouvernement allemand à la tête d’une coalition rouge/vert/jaune.
Une partie importante de ce programme est consacrée à la transition écologique, aux enjeux alimentaires et énergétiques, ainsi qu’à la stratégie qui sera portée à Berlin à l’échelle européenne. La digitalisation de la société est l’un des grands projets transversaux porté par l’accord, projet qui irrigue l’ensemble du programme de la coalition qui porte l’ambition d’un « renouveau numérique global » pour l’Allemagne.
En matière agricole, ressortent clairement deux grands axes prioritaires: la transformation en profondeur du secteur de l’élevage, avec des sources de financement pour la filière, et le développement de l’agriculture biologique.
Il est, par ailleurs, annoncé une réflexion sur la Politique agricole commune en vue de « remplacer de façon adéquate les paiements directs » après 2027.
L’objectif global affiché par la nouvelle coalition est d’aller vers une « agriculture durable et viable, dans laquelle les agriculteurs et agricultrices peuvent exercer une activité économiquement viable et qui respecte l’environnement, les animaux et le climat ». Ceci devra s’appuyer sur des « chaînes de création de valeur régionales et contribuer au maintien des structures rurales ».
Bien-être animal.
Le bien-être animal est le projet central de la coalition allemande pour les prochaines années, avec des implications à l’échelle européenne importantes, l’ambition étant d’avoir des standards contraignants à l’échelle de l’Union.
Il est prévu « dès 2022 » d’introduire un étiquetage obligatoire pour l’élevage qui couvre également le transport et l’abattage, ainsi qu’à un stade ultérieur un étiquetage complet de l’origine. Un plan d’investissement ambitieux est prévu pour renforcer le bien-être animal, associant l’ensemble des maillons de la chaine à son financement. Le plan ne devra pas générer de bureaucratie, est-il souligné.
Un nombre important de mesures de contrôle sur la filière sont annoncées telles que la surveillance vidéo des abattoirs, une limitation des exportations d’animaux vivants à des corridors assurant le bien-être animal, et une extension de la base de données TRACES.
Une partie de la loi sur la protection des animaux sera transférée en droit pénal et accompagnée de sanctions renforcées. Un commissariat en charge de la protection des animaux sera créé.
Politique agricole commune.
L’Allemagne affiche son intention d’aller vite dans la mise en place de la réforme de la Politique agricole commune, et de se projeter vers l’avenir d’ores et déjà avec une réflexion sur l’avenir de celle-ci. Une réforme à mi-parcours du plan national est annoncée, qui sera accompagnée de réflexions pour la PAC post-2027 à l’échelle européenne. Cette réflexion portera sur le remplacement adéquat des paiements directs pour financer les services environnementaux et climatiques.
Nutrition.
La moindre consommation de viande apparaît comme une priorité de la politique nutritionnelle de la nouvelle coalition, ainsi que la mise en place d’une politique nutritionnelle pour les enfants, visant à limiter l’excès de sucre, gras et sel. Les protéines alternatives seront encouragées.
En 2023, une stratégie nutritionnelle sera adoptée, en concertation avec les parties-prenantes.
A l’échelle européenne, l’Allemagne se positionne en faveur d’un Nutriscore développé sur une base scientifique et compréhensible par tous, ainsi qu’un renforcement de l’étiquetage de l’empreinte écologique des produits.
Agriculture.
L’orientation de l’agriculture allemande vers l’agriculture durable et biologique est largement affichée, avec un cap de 30% d’agriculture biologique d’ici 2030, la fin du glyphosate en 2023, et la limitation des pesticides au strict nécessaire, tout en soulignant la nécessité de développer des solutions et préserver une prise de décision rapide. Le passage relatif à la protection des plantes est très équilibré dans sa formulation, avec la mention de la nécessité de réformer le processus d’autorisation au plan européen, et d’accroître la transparence.
La sélection de semences résistantes au changement climatique est soulignée, ainsi que la volonté de transparence dans les méthodes de sélection, en renforçant la recherche sur les risques et la détection.
La digitalisation de l’agriculture est également mentionnée comme étant un axe de travail fondamental, avec en particulier le développement de l’open source pour les données, sous l’égide des pouvoirs publics.
Une stratégie protéine est annoncée par ailleurs.
Energie et climat.
En ce qui concerne la transition énergétique, le point focal est l’électrification et l’hydrogène vert, et la mise en place d’une production électrique décarbonée qui passe par le gaz et le gaz renouvelable à court et moyen terme pour assurer la transition.
Un nouveau départ pour l’utilisation de la biomasse de façon durable est annoncée, sans plus de détails en la matière à ce stade.
Un soutien clair est affiché en faveur du paquet « fit for 55 » présenté par la Commission européenne, avec des instruments aussi neutres technologiquement que possible. Un appui au mécanisme ETS est apporté, y compris dans les transports, ainsi qu’au principe que ce qui est mauvais pour le climat doit coûter plus cher.
Europe.
Sur les institutions européennes, la nouvelle coalition prend le contre-pied du précédent gouvernement, affichant un soutien ambitieux au processus de réforme institutionnel de l’Union européenne lancé par le Président Macron à travers la Conférence sur l’avenir de l’Europe, dans une perspective de davantage de fédéralisme.
L’Allemagne est désormais favorable au principe d’une convention qui ouvrirait la voie à une réforme des traités, et défend l’idée de remettre en cause l’exclusivité du droit d’initiative actuellement dans les mains de la Commission pour l’ouvrir au Parlement européen, ainsi que le développement de listes transnationales et d’un candidat de partis européens pour le futur président de la Commission. L’Allemagne reprend le principe énoncé par la France qu’elle ira le plus loin possible à 27, mais n’hésitera pas à développer une relation plus approfondie avec un groupe d’Etats membres qui souhaite aller plus loin. Des réformes en vue des élections de 2024 sont envisagées, visant à conforter le Parlement européen (droit d’initiative) et la dimension transnationale du débat européen (partis européens, spizenkandidat, etc.).