Alimentation en Europe: Quelles voies pour des politiques efficaces ?

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RÉSUMÉ

L’objectif de cette étude est d’ouvrir le débat sur l’efficacité des politiques publiques européennes concernant la nutrition et la consommation. La baisse de la mortalité liée aux maladies non transmissibles (qui sont corrélées aux habitudes alimentaires) est devenue un thème majeur pour les Nations Unies, l’un des objectifs de développement durable pour 2030 (n°3.4) étant consacré explicitement à « réduire d’un tiers la mortalité prématurée due aux maladies non transmissibles par la prévention et le traitement et promouvoir la santé mentale et le bien-être ».

Ce rapport étudie les principales causes des maladies liées aux habitudes de consommation alimentaire, ainsi que les politiques publiques mises en place par les États (européens et non européens) pour limiter les conséquences sanitaires des régimes alimentaires déséquilibrés. Ce travail s’est astreint à une démarche objective et factuelle, basée sur des articles de littérature scientifique fiable pour étayer nos conclusions.

Il ressort que les outils publics les plus efficaces sont les programmes d’éducation et la mise en place de programmes informatifs destinés à toute la population (particulièrement aux jeunes), combinés à des programmes de sensibilisation passant par des étiquettes sur les aliments conditionnés . En ce qui concerne les labels apposés sur les emballages, la présente étude analyse les avantages et les inconvénients des systèmes actuels et propose des lignes directrices pour tout développement futur.

Table des matières

RÉSUMÉ………………………………………………………………………………………………………………….. 6

Quelles maladies le déséquilibre des habitudes alimentaires entraîne-t-il ?……………………….. 7

Maladies liées à la surconsommation de sel……………………………………………………………….. 7

Maladies liées à la surconsommation de graisses et graisses saturées……………………………. 8

Maladies liées à la surconsommation de sucre……………………………………………………………. 9

Etat des lieux en Europe :………………………………………………………………………………………….. 10

Enjeux économiques liés aux maladies non transmissibles dans l’UE………………………….. 12

Cadre législatif…………………………………………………………………………………………………….. 13

Campagnes de sensibilisation…………………………………………………………………………………….. 16

Exemples…………………………………………………………………………………………………………….. 17

Les étiquettes sur les emballages :……………………………………………………………………………… 19

Pourquoi les étiquettes de Front-of-Pack peuvent faire partie de la solution………………… 19

Qu’est-ce qui devrait être amélioré dans le FOP actuel ?……………………………………………. 22

Description du FOP actuel sur le marché…………………………………………………………………. 24

NUTRISCORE…………………………………………………………………………………………………….. 25

Comment fonctionne le Nutri-Score……………………………………………………………………. 25

Discussion sur le fonctionnement du Nutri-score :………………………………………………… 27

NUTRINFORM……………………………………………………………………………………………………. 30

Comment fonctionne le NutrInform…………………………………………………………………….. 30

Discussion sur l’outil Nutrinform :………………………………………………………………………. 31

FEUX DE TRAFIC………………………………………………………………………………………………. 32

LOGOS POSITIFS……………………………………………………………………………………………….. 33

Degré de transformation………………………………………………………………………………………… 35

CAMPAGNES DE COMMUNICATION…………………………………………………………………… 35

Marketing social…………………………………………………………………………………………………… 35

Publicité………………………………………………………………………………………………………………. 36

OUTILS FISCAUX………………………………………………………………………………………………….. 38

Les effets des taxes sur les strates socio-économiques………………………………………………. 39

Approche paternaliste……………………………………………………………………………………………. 40

Efficacité…………………………………………………………………………………………………………….. 40

BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………………………………… 44

PARTIE I

LES PROBLÈMES DE SANTÉ LIÉS À LA NUTRITION

Cette première partie de l’étude vise à donner un aperçu général des problèmes de santé découlant d’une alimentation déséquilibrée (maladies liées au régime alimentaire) ; quels sont leurs impacts sur la santé publique et les budgets des États membres de l’Union européenne (EM) ? Quelles sont les mesures que les États membres mettent actuellement en œuvre pour y remédier ?

La partie suivante de l’étude aura pour but de décrire et d’évaluer les stratégies nationales que les EM ont adoptées afin de prévenir et réduire l’occurrence de ces maladies.

Quelles maladies le déséquilibre des habitudes alimentaires entraîne-t-il ?

Les maladies liées aux habitudes alimentaires sont fréquentes à l’échelle mondiale et touchent tous les types de populations, quels que soient l’âge, le sexe ou la situation géographique. Cependant, les plus répandues sur le continent européen sont ce que les médecins appellent les « maladies non transmissibles » (MNT), notamment l’obésité, les maladies cardiovasculaires, respiratoires et métaboliques, les caries, l’hypertension, la résistance à l’insuline, la stéatose hépatique et les cancers. À l’exception du diabète, ces maladies n’ont pas d’influence génétique (elles ne peuvent pas être héritées), et même si une prédisposition génétique à ces maladies est présente chez l’individu, leur manifestation peut être considérablement réduite et/ou retardée si une attention particulière est accordée à l’hygiène de vie.

Maladies liées à la surconsommation de sel

Le corps humain a besoin d’une petite quantité de sodium pour mener à bien ses activités vitales de base telles que l’influx nerveux, la contraction et la relaxation des muscles, ainsi que le maintien de l’eau et des minéraux. On estime que le besoin physiologique minimal est d’environ 500 mg de sodium par jour pour ces fonctions vitales, mais un excès de sodium dans l’organisme peut entraîner de graves problèmes de santé, notamment des problèmes cardiovasculaires tels que l’hypertension, les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies rénales ou encore le cancer de l’estomac. Chez la plupart des individus, les reins peinent à réguler l’excès de sodium dans le sang. Lorsque le sodium s’accumule, l’organisme commence à retenir l’eau pour le diluer. Ce processus augmente à la fois la quantité de liquide entourant les cellules et le volume de sang dans la circulation sanguine. Un volume sanguin plus important signifie un travail plus important pour le cœur et une pression accrue sur les vaisseaux sanguins qui, avec le temps, peuvent se raidir, entraînant les problèmes cardiovasculaires mentionnés (Harvard T.H. Chan ; Commission européenne, 2012).
Alors que l’apport en sel (selon un article de Harvard T.H. Chan) devraient être d’environ 6 grammes par jour, le citoyen européen moyen en consomme entre 7 et 12 grammes (Commission européenne, 2020c ; Commission européenne, 2012), tandis que de son côté, l’OMS (2015a) recommande de se limiter à 5 grammes par jour (2 grammes de sodium). En 2017, l’excès de sodium dans l’alimentation a été responsable de plus de 182 000 décès dans l’UE. L’image 2 montre comment ce chiffre est réparti entre les EM.

Figure 1 : Décès/100 000 attribuables à l’excès de sodium en Europe, 2017.
Source : Commission européenne

Maladies liées à la surconsommation de graisses et graisses saturées

De nombreuses études pointent la corrélation positive entre l’apparition de quantités excessives de graisses dans un régime alimentaire et la manifestation de maladies non transmissibles telles que le diabète, les maladies cardiaques ou les cancers (sein, côlon, prostate) (Law, 2000). Il existe différents types de graisses, et si certaines – introduites à des doses appropriées – peuvent être bénéfiques pour la santé (comme les polyinsaturés), beaucoup, comme les acides gras saturés, ne le sont pas, même en petites quantités. Certains acides gras saturés augmentent par exemple le taux de cholestérol sanguin et, par conséquent, le risque d’athérosclérose. En outre, une consommation importante de graisses peut augmenter le risque de contracter un cancer du sein, notamment en raison de l’augmentation du taux d’œstrogènes dans le sang et, éventuellement, de l’obésité (Kuller, 1997).
De nombreux organismes de nutrition et de santé recommandent une consommation quotidienne de graisses comprise entre 20 et 35 % de l’apport énergétique total quotidien. Cependant, les Européens en ingèrent en moyenne 37 %, ce qui entraîne des problèmes de santé susmentionnés (Commission européenne, 2020a). La figure 3 montre leur répartition au sein de l’UE à 28.

Figure 2 : Décès/100 000 attribuables à un excès d’acides gras trans en Europe, 2017. 
Source : Commission européenne

Maladies liées à la surconsommation de sucre

Une partie de la population européenne est touchée par des maladies liées à une surconsommation de sucre, notamment le surpoids et l’obésité, qui sont une porte d’entrée pour le diabète de type 2, des maladies cardiaques, des maladies du foie et de certains types de cancer.
Selon une étude de la Harvard Medical school (2017), l’excès de sucre en Europe se traduit principalement sous la forme de sodas & boissons énergisantes, suivis des desserts à base de céréales et des boissons aux fruits. Le même document mentionne que la population consomme en moyenne 24 cuillères à soupe de sucre par jour, alors que l’organisation mondiale de la santé (OMS) en recommande six. Une consommation excessive de sucre entraîne une surcharge du foie. Elle peut augmenter la pression artérielle, accroître l’inflammation chronique et endommager la paroi des vaisseaux du corps, ce qui entraîne des problèmes liés aux maladies cardiovasculaires. On a constaté que le sucre, en particulier celui qui est introduit dans les boissons (Pepin et Imbeault, 2020), « trompe » la sensation de faim en agissant sur la perception cérébrale de la saveur sucrée, en augmentant les niveaux de sucre dans le sang et la production d’insuline , ce qui entraîne une perception accrue, mais artificielle, de la faim et, finalement, une augmentation des quantités de nourriture ingérées.
Les cancers peuvent également être le résultat d’apports en sucre trop élevés. Il a été démontré [Harvard Medical School, 2017] que l’activation d’un métabolisme à base de sucre dans une cellule, entraînée par des quantités élevées de sucre sur la membrane cellulaire, est à l’origine de cancers, qui se développent dans la prostate, le rectum et le pancréas.
Une autre conséquence de la consommation excessive de sucre est la possibilité de développer des problèmes dentaires, notamment des caries. L’étude de Pepin et Imbeault (2020) suggère que les édulcorants et les substituts du sucre ont des conséquences similaires. La figure 1 montre comment les décès dus à des maladies liées à la surconsommation de sucre sont répartis entre les États de l’UE.

Figure 3 : Décès/100 000 attribuables à une surconsommation de sucres et de boissons sucrées en Europe, 2017. Source : Commission européenne

Etat des lieux en Europe

Comme le montrent les figures 1 à 3 des pages précédentes, l’Europe n’est pas à l’abri des MNT. Les paragraphes précédents ont décrit la corrélation entre l’introduction déséquilibrée de certains nutriments dans un régime alimentaire et la présence de MNT.
Les pays européens abritent 550 000 cas et on constate que les problèmes de santé liés à la nutrition ont une incidence plus élevée dans les États de l’Est de l’UE. Si l’héritage culturel et les habitudes culinaires jouent un rôle important dans l’alimentation globale en fonction du pays et des traditions régionales, les pouvoirs publics ont également essayé de mieux informer leurs populations sur ce qu’est une alimentation saine et équilibrée et sur la proportion de nutriments à ingérer quotidiennement.
Le graphique 1 rassemble des données de la Commission européenne (2018) sur les décès dus à certaines des MNT mentionnées ci-dessus en Europe entre les années 2011 et 2016. Comme on peut le constater, des progrès ont été réalisés, réduisant le nombre total de décès de 2293 pour 100 000 habitants à 2270. L’amélioration la plus importante concerne les maladies cardiaques, dont le nombre de décès diminue de façon permanente chaque année, ce qui représente une réduction globale de 14,7 % sur la période analysée.

Graphique 1 : Décès/100 000 attribuables à certaines MNT en Europe, 2011-16. Source : Commission européenne

En ce qui concerne les apports en sel, l’UE s’est alignée sur le Réseau européen d’action sur le sel de l’OMS, qui vise à réduire la consommation de sel à 5g par jour ou moins (OMS, 2018), et a adopté un Programme pour la réduction du sel. Depuis la mise en œuvre de ce programme (en 2008), tous les États membres de l’UE, plus la Norvège et la Suisse, ont adopté certaines initiatives publiques pour la réduction de la consommation de sel, ce qui a donné lieu à des dynamiques globalement positives.

L’action européenne pour la réduction des apports en graisses peut se résumer au règlement de 2019 qui modifie l’annexe III de la loi (CE) 1925/2006,  » sur les graisses, autres que les graisses trans naturellement présentes dans les graisses d’origine animale  » par lequel il a fixé une limite maximale d’acides gras trans de 2 g par 100 g de graisses, et l’obligation pour les entreprises d’informer sur la quantité d’acides gras trans dans les aliments (Commission européenne, OMS, 2015a). Il existe également de nombreuses initiatives volontaires, souvent le résultat d’une collaboration entre les industries et les gouvernements. On peut citer l’objectif volontaire de reformulation des produits, le développement collaboratif d’aliments alternatifs à faible teneur en acides gras trans, la production de normes d’étiquetage volontaire (OMS, 2015a).

En ce qui concerne les actions européennes visant à réduire les apports en sucres, aucune initiative légale spécifique n’a été prise au niveau européen, délégant la responsabilité aux EM et aux efforts volontaires de l’industrie alimentaire. Des mesures non contraignantes ont toutefois été prises par le Programme de l’UE pour les initiatives nationales concernant certains nutriments en 2015, où l’objectif de réduire de 10% les sucres ajoutés d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 2015 a été énoncé.

Enjeux économiques liés aux maladies non transmissibles dans l’UE

Le cadre que nous venons de décrire est lié principalement au mode de vie. On dit que plus de la moitié de ces cas pourraient être évités si une attitude de prévention efficace était observée. La sédentarité, l’alimentation, le tabagisme et la consommation excessive d’alcool sont les principales causes des MNT en Europe et dans le monde. Les maladies non transmissibles représentent également une charge pour les systèmes de santé européens, puisqu’elles représentent au moins 0,8 % du PIB européen. Chaque année, les systèmes de santé publique de l’UE doivent débourser 115 milliards d’euros pour le traitement de maladies qui auraient pu être évitées .
La totalité des États membres de l’UE offrent aux citoyens des services de santé gratuits qui sont, la plupart du temps, l’un des principaux postes de dépenses des budgets publics. Les années qui ont suivi la crise financière de 2008 et les règles fiscales strictes mises en œuvre dans toute l’Europe ont eu des conséquences sur les réductions budgétaires des programmes de santé publique, obligeant les infrastructures et le personnel de santé à maintenir leurs services habituels avec moins de ressources disponibles. La conséquence naturelle d’une telle politique a été une diminution de l’efficacité et un système hospitalier paralysé dans toute l’Europe. Ce n’est que récemment, en raison du regain d’attention dû à la pandémie mondiale de Covid-19, que les États commencent à consacrer des enveloppes financières plus importantes aux programmes de santé dans leurs budgets, dans l’espoir de restaurer l’efficacité des systèmes de santé publique. Cependant, même si l’investissement dans les infrastructures peut résoudre des problèmes à court terme, la solution à long terme se situe en amont, c’est-à-dire dans la prévention.
Dans ce contexte d’infrastructures de santé encombrées par le virus Covid-19 et de dettes publiques croissantes dans toute l’Europe, il semble rationnel, du point de vue des décideurs publics, de trouver des moyens d’améliorer l’efficacité de l’action publique et la santé des citoyens en investissant dans des mesures qui pourraient permettre, à moyen terme, de sauver les finances publiques et d’améliorer les infrastructures de santé. La prévention des maladies non transmissibles et notamment, la sensibilisation sur les habitudes de consommation, devrait faire l’objet d’une attention renouvelée de la part des gouvernements de l’UE en tant qu’outil permettant d’améliorer la santé des citoyens et de réduire les pertes financières. Le nouveau programme budgétaire européen Health4Eu pour la période 2021-2027 pourrait être le point de départ pour définir les lignes directrices d’une politique européenne harmonisée en matière de nutrition et d’alimentation.

Cadre législatif

Au niveau européen, le règlement 1169 de 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (règlement FIC) visait à donner un cadre général pour informer les acheteurs quant aux valeurs nutritives de leurs aliments, afin, à terme, de sensibiliser les citoyens à l’équilibre de leur régime alimentaire. Le règlement était un point de départ, mais il a entraîné la prolifération d’un grand nombre d’outils différents qui, au bout du compte, risquent de semer la confusion dans l’esprit de la population. En outre, les données de l’OMS montrent que depuis son application en 2014, la tendance des maladies non transmissibles ne semble pas avoir changé dans l’UE .

En outre, l’action de l’UE s’appuie principalement sur les lignes directrices des Nations Unies dans son engagement à « soutenir les pays de l’UE dans leurs efforts pour atteindre les neuf objectifs volontaires des Nations unies et de l’Organisation mondiale de la santé d’ici 2025, ainsi que l’objectif de développement durable 3.4 ». Pour ce faire, la Commission a mis en place un groupe de pilotage sur la promotion de la santé, la prévention des maladies et la gestion des maladies non transmissibles, et a mené un processus de réflexion « afin d’identifier les moyens d’optimiser la réponse aux maladies non transmissibles et la coopération entre les pays de l’UE » (Conseil de l’Union européenne, 2013).

Tout particulièrement liées à l’OMS, ces politiques trouvent leur place dans la stratégie et la vision européenne pour son programme et son action en matière de santé, notamment dans le  » Plan d’action européen pour l’alimentation et la nutrition 2015-2020  » (OMS, 2015b) selon lequel, la région européenne pourra  » réaliser l’accès universel à une alimentation abordable, équilibrée et saine, avec équité et égalité des sexes en matière de nutrition pour tous les citoyens « , dans le but final  » d’éviter les décès prématurés et de réduire considérablement la charge des maladies non transmissibles évitables liées à l’alimentation, de l’obésité et de toutes les autres formes de malnutrition « . Le document fixe les objectifs/priorités politiques régionaux que les États européens doivent atteindre d’ici 2020, notamment :

▪ Favoriser des gammes d’aliments et boissons saines ;
▪ Sensibiliser sur les bienfaits d’une alimentation saine tout au long de la vie ;
▪ Renforcer les systèmes de santé et promouvoir des régimes alimentaires sains ;
▪ Soutenir la surveillance, le suivi, l’évaluation et la recherche ;
▪ Renforcer la gouvernance, les alliances intersectorielles et les réseaux pour une approche de la santé dans toutes les politiques.

PARTIE II

LES POLITIQUES PUBLIQUES MISES EN ŒUVRE POUR PRÉVENIR LES PROBLÈMES DE SANTÉ LIÉS À LA NUTRITION

Compte tenu de la situation au niveau européen et étant donné la corrélation positive frappante entre la nutrition et les problèmes de santé, certains États ont mis en œuvre des politiques publiques visant à améliorer la santé des citoyens en général. Les plus courantes sont les outils éducatifs, les campagnes de communication et les politiques fiscales (taxation / subventions). En fonction de la politique et des caractéristiques culturelles de la population, certaines politiques publiques se sont révélées plus efficaces que d’autres.

La liste des politiques parmi lesquelles l’autorité publique peut choisir est large. Les plus analysées sont toutefois les suivantes :

▪ Taxation : taxe élevée sur les aliments à éviter et taxe réduite sur les aliments sains ; subventions pour les aliments vertueux ; aide au revenu pour les aliments à privilégier ;
▪ Restriction dans les médias de la commercialisation d’aliments à éviter (en particulier pour les aliments destinés aux enfants) ;
▪ Politiques en matière d’alimentation scolaire saine ;
▪ Étiquetage des denrées alimentaires avec des vignettes visibles ; informations sur les nutriments ; réglementation des allégations alimentaires ;
▪ Objectifs de composition des aliments ;
▪ Politiques d’alimentation saine en magasin ;
▪ Politiques alimentaires sur le lieu de travail privé ;

D’une manière générale, les études ont montré que les politiques fiscales n’ont eu qu’un succès limité dans la modification des comportements à l’égard de l’alimentation et de la perception de l’alimentation saine (on a notamment constaté un effet discriminatoire envers les groupes socio-économiques inférieurs), tandis que les politiques éducatives (y compris l’étiquetage) sont jusqu’à présent les plus efficaces.

En effet, selon l’analyse des méta-données réalisée par Grummon et Hal (2020) – qui ont analysé 23 expériences, représentant plus de 16 000 individus – les politiques d’avertissement sur les aliments et les boissons sont particulièrement efficaces sur la population, notamment dans le « changement de comportement, ainsi que des émotions, des perceptions et des intentions » lors de l’achat d’un produit alimentaire « marqué ». Les auteurs ont noté que « les avertissements suscitaient des réactions émotionnelles négatives plus fortes et une réflexion plus poussée sur les effets sur la santé ». Ils considèrent deux types d’avertissements sur les aliments : les « avertissements sur les nutriments » et les « avertissements sur la santé ». Alors que le premier est représenté sous la forme de messages qui avertissent les consommateurs qu’un aliment ou une boisson contient une quantité élevée d’un ou plusieurs nutriments nocifs, le second décrit les effets nocifs d’un produit particulier sur la santé (comme le montre la figure 4). Il convient toutefois d’ajouter l’existence d’étiquettes de type Front of Package (FOP). Il s’agit d’un outil qui vise à informer les consommateurs de la quantité de nutriments présents dans un produit, à les aider à interpréter et, finalement, à choisir l’aliment le plus sain.

Figure 4 : Étiquettes des produits alimentaires comportant un avertissement nutritionnel (à gauche) et un avertissement sanitaire (à droite). Source : PLOS Medicine, 2020

Il n’y a pas de point de vue partagé sur les politiques de tarification des aliments : selon Pfinder et al. (2020), la taxation pourrait être une solution possible pour améliorer les habitudes alimentaires du public, mais elle n’est pas l’outil le plus efficace. Par exemple, ils ont découvert qu’après la mise en œuvre de la taxe hongroise sur les aliments à teneur en sucre ajoutée, la consommation moyenne n’a diminué que de 4 % . Pour Eyles et al. (2012), « les taxes et les subventions alimentaires ont le potentiel d’influencer considérablement la consommation alimentaire et la santé, en particulier lorsque ces taxes/subventions sont importantes (environ 15% du prix du produit ou plus) ».
Néanmoins, d’autres études (Mahesh et al., 2017) montrent des résultats contrastés, classant la  » minimisation des taxes sur les aliments sains  » comme la meilleure solution, et la  » déclaration des nutriments sur les aliments emballés  » comme la moins recommandée.
En tout cas, l’efficacité des campagnes d’éducation n’a été remise en question par aucune étude.

Campagnes de sensibilisation

La sensibilisation est certainement l’outil le plus adapté dont disposent les gouvernements pour améliorer la santé des citoyens. Grâce à la sensibilisation, il est possible de former les citoyens et de leur permettre de comprendre les avantages d’une alimentation saine et les facteurs de risque menant aux MNT. De plus, si la campagne d’éducation est réussie, surtout si elle cible les jeunes, il s’agit d’un investissement à vie dans la vie des gens, bénéfique pour la population, ainsi que pour les caisses de l’État et les services hospitaliers publics.
Si la sensibilisation est de loin l’outil théoriquement le plus efficace, elle n’est pas sans poser de problèmes. La principale étant la sélection de la population ciblée, étant donné qu’un effort d’éducation de l’ensemble de la population est théoriquement, et pratiquement, impossible. En fait, l’inconvénient des outils de sensibilisation est qu’ils ne sont pas très efficaces, notamment sur la population plus âgée qui a des habitudes d’achat consolidées et un avis déjà établi vis-à-vis de ses habitudes alimentaires. Le débat reste donc ouvert sur le kit d’outils à utiliser pour ne laisser personne de côté et obtenir une amélioration dans tous les groupes d’âge de la société en ce qui concerne l’achat de nourriture , chaque groupe étant différent des autres et nécessitant une approche bien ciblée.

Il faut cependant considérer que le concept d’éducation nutritionnelle trouve sa base non seulement dans les campagnes publiques, mais aussi et surtout dans les dynamiques non formelles/affectives développées, notamment, par les cercles familiaux et sociétaux internes. De ce fait, la perception de l’alimentation représente plus que de simple nutriments et éléments qu’il faut consommer pour survivre. L’alimentation délivre un message culturel auquel sont liés des émotions, des souvenirs, des traditions, des affections privées et des histoires entrelacées avec la sphère personnelle des expériences. Lorsque l’information nutritionnelle provient d’un cercle social extérieur à l’intérieur, comme l’autorité publique, elle peut être perçue par la population ciblée comme une imposition qui va à l’encontre des connaissances antérieures . Les autorités publiques devraient faire preuve de délicatesse dans leurs interventions et prévoir les éventuelles réactions sociales que tout type de politique pourrait provoquer.

Exemples

Les exemples de sensibilisation concernant nutrition ne manquent pas et peuvent être trouvés dans de nombreux États. Toutefois, la littérature fait surtout état d’expériences menées aux États-Unis, un pays qui se distingue par ses activités particulièrement productives dans ce domaine : cours d’éducation nutritionnelle, fiches d’information, bulletins d’information, guides de conseils individuels et plans de cours pour les écoles. Ils ont également créé des programmes spécifiques destinés à différents groupes de population, tels que le Food Stamp Program (destiné aux familles et aux enfants à faibles revenus), le Special Supplemental Program for Women, Infant, and Children, et le Child Nutrition Program, et bien d’autres encore, ainsi que des campagnes de communication (Institute of medicine, 2006).
Il existe également des expériences réussies aux Pays-Bas ; elles ont été mentionnées par Stephan Peters lors du Food Forum en 2019.

La nutrition dans les écoles représente une grande partie de l’effort public pour éduquer les gens à une alimentation plus saine, notamment les jeunes qui n’ont pas encore développé des habitudes d’achat et de consommation consolidées. Cibler les jeunes a le double effet bénéfique d’éduquer le goût dès le plus jeune âge (notamment à les goûts pauvres en sucres et en sel) – qui resteront en place en grandissant -, et de cibler également, en tant qu’externalité positive, les familles des enfants (parents et frères et sœurs) qui seront affectées par ces information à travers les comportements alimentaires de l’enfant.
Les programmes de nutrition à l’école ne comportent pas seulement des enseignements et des formations préalables, mais aussi l’élaboration de menus équilibrés dans les cantines scolaires visant à faire comprendre la relation entre l’alimentation et la santé, ainsi qu’à identifier et à sélectionner les aliments sains.
Certaines campagnes de promotion des « fruits et légumes » dans les écoles ont été mises en œuvre et financées par le budget de la politique agricole commune en Europe au cours des dernières années, mais à une échelle limitée, avec dans certains cas une mise en œuvre très restreinte laissant une large part des financements inutilisés, ce qui n’a finalement donné que peu de résultats.

En outre, il faut noter la présence dans les écoles d' »aliments concurrents », tels que les snacks et les boissons des distributeurs automatiques. Ces dernières tendances à avoir une valeur nutritionnelle plus faible et une teneur plus élevée en calories, en graisses, en sel et en sucres ajoutés. Ils représentent un produit que les élèves devraient éviter. Les politiques publiques devraient également tenir compte de cet aspect et prendre des mesures pour réduire leur exposition à ces aliments concurrents. Jusqu’à présent, aucune politique en ce sens n’a été mise en œuvre.

Au niveau européen, des politiques publiques d’éducation alimentaire dans les écoles ont été mises en œuvre depuis les années 70 avec le programme européen de distribution de lait dans les écoles, le programme de distribution de fruits et légumes dans les écoles et le réseau « Schools for Health in Europe ».
Le cadre juridique actuel de l’UE combine depuis 2017 deux régimes antérieurs (pour le lait et pour les fruits et légumes, respectivement en vigueur depuis 1977 et 2009). Tous les sept ans, il alloue environ 1,75 milliard d’euros aux États membres (250 millions d’euros par année scolaire) – à répartir en différents pourcentages pour la distribution de lait et de fruits et légumes -, sur la base de leur population en âge scolaire. En outre, chaque État membre peut décider d’ajouter la somme de son choix.
La majorité des États membres (EM) de l’UE ont adopté des politiques spécifiques : par exemple, certains ont mis en place des services de cantine dans les écoles où les élèves peuvent bénéficier d’un repas équilibré en nutriments et des lois nationales conséquentes pour les normes de qualité de la nourriture ; d’autres ont introduit l’éducation nutritionnelle dans le programme scolaire officiel (France, Portugal, Suède), ou des cours de cuisine ; des politiques ciblant les très jeunes enfants, comme l' »Aistear » irlandais (le cadre du programme d’enseignement pour la petite enfance) ; la création d’outils de communication alternatifs, comme la « roue de l’alimentation » portugaise, et bien d’autres (Weichselbaum et al., 2011).
Cependant, quels que soient les efforts déployés par les États et les institutions européennes, la santé nutritionnelle infantile reste un problème à résoudre. Par exemple, l’incidence du diabète chez les enfants en âge scolaire a augmenté en Europe (Green et al, 2000 ; Patterson et al, 2012). Une révision de ces programmes devrait être effectuée par les institutions européennes ainsi qu’au niveau national.
Le cadre d’initiative législative de la Commission européenne de la Ferme à la Fourchette (FTF), entre autres actions, prévoit, au cours de l’année 2023, d’avancer une proposition législative pour revoir ces programmes  » afin d’améliorer sa contribution à la consommation alimentaire durable et en particulier de renforcer les messages éducatifs sur l’importance d’une nutrition saine, de la production alimentaire durable et de la réduction des déchets alimentaires « .

La révision de ces programmes doit être l’occasion de repenser l’action de l’Union européenne en faveur des enfants afin de la rendre plus efficace et réellement adaptée.
Le moment est peut-être venu de définir un programme européen inclusif à grande échelle, axé sur les points suivants :

  • toutes les écoles et tous les enfants (et adolescents) doivent être concernés,
  • Des cours de cuisine, d’alimentation et de nutrition interactifs et pluridisciplinaires faisant le lien de manière adaptée selon les tranches d’âge avec la biologie, la saisonnalité des productions, la philosophie, l’art culinaire, la médecine…. Doivent être dispensés
  • Le bon usage de tous les aliments doit être promu.
  • Des campagnes de co-information ciblant les familles des étudiants doivent êtres misent en place.
  • Des incitations pour que les achats de cantines ne se limitent pas à fournir des repas équilibrés mais bons et savoureux. Aujourd’hui proposer des repas équilibrés mais peu savoureux à bas prix est faisable, donne bonne conscience mais a l’effet inverse sur les enfants qui trouvent à juste titre que si cantine = équilibré alors équilibré = pas bon. Une alimentation bonne et équilibrée a un prix, les autorités scolaires doivent le reconnaître.
  • interdire les produits ultra-transformés dans les écoles.
  • demander un cofinancement national (à partir de fonds publics ou privés).
  • pour les adultes, la promotion des « lieux de travail privés et publics ». Pourrait-on définir d’autres incitations supplémentaires au financement européen ? par exemple en reconnaissant ces programmes comme des programmes de formation pour les employés que les entreprises doivent mettre en place et en suggérant des incitations fiscales supplémentaires pour les entreprises qui le font (déduction de X% sur les résultats imposables des entreprises concernées ?)

Les étiquettes sur les emballages

Compte tenu de l’importance de l’initiative européenne visant à harmoniser l’étiquetage sur les emballages des denrées alimentaires, comme le souligne la stratégie « de la ferme à la table », et de l’impact que cet outil pourrait avoir en matière d’éducation pour les jeunes (en tant qu’outil complémentaire), ainsi que pour les adultes (en les sensibilisant davantage au problème de la malnutrition et en les aidant à faire des choix plus sains), l’étiquetage sur le dessus des emballages (FOP) nécessite une session complète de ce chapitre.

Pourquoi les étiquettes de Front-of-Pack peuvent faire partie de la solution

Les informations figurant sur l’étiquette des produits alimentaires sont destinées à permettre aux consommateurs de comparer les produits (de la même catégorie) et de choisir en connaissance de cause les aliments et les boissons qui répondent le mieux à leurs besoins nutritionnels. Notamment, les recherches de la FDA (Food and Drugs Administration) américaine (Institute of medicine, 2006) ont montré qu’environ la moitié des consommateurs adultes utilisent les étiquettes alimentaires lorsqu’ils achètent un produit alimentaire pour la première fois, notamment pour évaluer sa teneur en graisses et en calories. L’Union européenne fixe un cadre général sur le fonctionnement des étiquettes nationales sur le devant des emballages (FOPNL) dans le règlement 1169/2011, qui combine les deux directives sur « l’étiquetage, la présentation et la publicité des denrées alimentaires » (13/2000/CE) et sur « l’étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires » (496/90/CEE). Le règlement prévoit certaines améliorations dans la clarté des informations concernant l’OFPNL, rendant les règles suivantes contraignantes pour les normes des EM. Les limites et obligations que le règlement introduit peuvent être résumées dans les points suivants (Journal officiel de l’Union européenne, 2011 ; Commission européenne) :

▪ Meilleure lisibilité (taille minimale de la police pour les informations obligatoires)
▪ Présentation plus claire et harmonisée des allergènes pour les aliments préparés dans la composition.
▪ Informations obligatoires sur les allergènes pour les aliments non préemballés, y compris dans les restaurants et les cafés.
▪ Exigences de certaines informations nutritionnelles pour la majorité des aliments transformés préemballés
▪ Informations obligatoires sur l’origine des viandes fraîches de porc, de mouton, de chèvre et de volaille
▪ Mêmes exigences d’étiquetage pour la vente en ligne, la vente à distance ou l’achat en magasin
▪ Liste des nanomatériaux manufacturés dans les ingrédients
▪ Informations spécifiques sur l’origine végétale des huiles et graisses raffinées
▪ Des règles renforcées pour empêcher les pratiques trompeuses
▪ Indication de l’ingrédient de substitution pour les aliments « d’imitation ».
▪ Indication claire de « viande formée » ou de « poisson formé ».
▪ Indication claire concernant les produits décongelés

A partir de là, chaque EM peut mettre en œuvre un FOP  » sur mesure  » sur les denrées alimentaires préemballées sur le territoire national, après notification et approbation des services de la Commission européenne. En effet, de nombreux États ont adopté des étiquettes spécifiques qui, même si elles suivent toutes les indications du règlement 1169/2011, ont toutes un aspect très différent (du point de vue de la conception), affichent des informations différentes et soulignent des caractéristiques différentes du produit, ce qui conduit finalement à des choix d’achat différents.
Il a été démontré que l’amélioration de l’information sur les aliments du point de vue des consommateurs a des effets positifs sur leurs choix lorsqu’ils font leurs courses. En fait, selon l’étude menée par Himmelsbach et al. (2014), « l’accès à l’étiquette nutritionnelle a eu un effet positif plus fort pour inciter à des choix plus sains que la liste des ingrédients, peut-être parce que la conception plus structurée de l’étiquette nutritionnelle est mieux adaptée pour montrer les informations alimentaires pertinentes (les quantités en particulier) ». En outre, le plan d’action européen pour l’alimentation et la nutrition 2015-2020 (OMS, 2015b) prévoit l’utilisation d’étiquettes FOP, en avançant les arguments suivants :

"L'étiquetage sur le devant des emballages peut faciliter la compréhension par les consommateurs du contenu nutritionnel de nombreux aliments, notamment les aliments transformés complexes, et pourrait également avoir un effet sur les régimes alimentaires en encourageant les producteurs et les détaillants à changer la formule de leurs produits. Un étiquetage frontal de l'emballage facile à comprendre ou à interpréter peut limiter la consommation d'aliments riches en énergie, en graisses saturées, en graisses trans, en sucre ou en sel dans le contexte d'une amélioration globale de la qualité nutritionnelle des régimes alimentaires. "

Tarabella et Voinea (2013) affirment également que le placement des informations nutritionnelles sur le devant des emballages alimentaires, afin de compléter le tableau nutritionnel plus complexe figurant au dos, est soutenu par les clients comme une méthode permettant de fournir des informations nutritionnelles simplifiées et visibles. Ils soulignent également que les consommateurs comprennent généralement le lien entre l’alimentation et la santé et que la plupart d’entre eux ont intérêt à utiliser les informations nutritionnelles. En outre, le rapport 2020 du Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne indique que « en ce qui concerne l’évaluation quantitative du dispositif, les études montrent que la plupart des étiquettes FOP ont un effet positif sur la capacité des consommateurs à identifier l’option la plus saine par rapport à une situation sans étiquette », et en même temps que « l’étiquetage FOP pourrait augmenter le nombre de personnes choisissant une option alimentaire plus nutritive d’environ 18% ».

Les FOPs pourraient donc être des outils crédibles et efficaces, et c’est pourquoi l’UE les considère comme l’un des éléments de la boîte à outils pour informer les citoyens sur leur santé. Le défi se situe au niveau des barrières nationales encore sur la perception des aliments et les directives nationales quotidiennes (ou apports de référence), alors qu’un système d’étiquetage harmonisé pourrait non seulement contribuer à améliorer la santé publique dans toute l’Europe, mais aussi avoir un effet bénéfique sur les entreprises, notamment sur les coûts d’emballage et l’analyse des aliments.

Cependant, une solution standard européenne sera difficile à concevoir étant donné que des études ont montré que les différents pays ont des priorités différentes dans la façon dont ils utilisent l’étiquetage des aliments et que l’efficacité d’un tel outil change en fonction du pays (et du type de FOP). Par exemple, les Européens du Sud, en particulier les Italiens, se distinguent par leur désir de manger des aliments 100 % sains et naturels, avec moins de considération pour les calories. 50 % des Italiens vérifient les additifs alimentaires, tandis que 30 % seulement vérifient les calories sur l’étiquetage des aliments (Commission européenne, 2008). La solution européenne doit donc tenir compte des attitudes culturelles nationales à l’égard de l’alimentation et trouver le bon équilibre entre normalisation, sensibilité culturelle, exigences du marché unique et flexibilité. Ce n’est certainement pas une tâche facile.

Qu’est-ce qui devrait être amélioré dans le FOP actuel ?

Au moment où nous écrivons ces lignes, plusieurs systèmes d’étiquetage FOP sont adoptés par les pays de l’UE. Même s’ils partagent tous l’objectif commun d’améliorer les choix nutritionnels des consommateurs européens, aucun ne l’atteint pleinement. Les principaux obstacles peuvent être résumés comme suit :

Trompeur : dans l’analyse d’impact réalisée avant la dernière refonte de la législation européenne actuelle sur l’étiquetage des denrées alimentaires (Commission européenne, 2008), la Commission européenne indique que l’objectif de tout FOP est de  » disposer d’étiquettes simples, lisibles, compréhensibles et non susceptibles d’induire en erreur « . Alors que nous sommes d’accord avec le respect des trois premières normes des étiquettes actuelles, certaines ne sont pas conformes à la dernière, étant donné qu’elles peuvent créer des sentiments de jugement envers la denrée alimentaire elle-même, et envers la personne qui l’achète. En outre, le fait qu’il existe plus d’un système FOP dans différents États membres est un facteur supplémentaire qui peut entraîner une confusion chez les consommateurs.

Maintien du bon fonctionnement du marché unique et de sa non-perturbation : la présence d’un grand nombre de régimes pourrait affecter la performance du marché intérieur. En raison des réglementations divergentes dans les États membres, les opérateurs privés actifs sur plusieurs marchés nationaux de l’UE seraient directement ou indirectement amenés à recourir à différents types de règles selon le territoire sur lequel ils opèrent. La Commission européenne (2008) tentait déjà de parvenir à une  » mise en œuvre harmonisée  » tout en  » assurant le bon fonctionnement du marché intérieur « , de  » simplifier les exigences techniques et de supprimer les charges administratives inutiles  » afin de  » créer un environnement de marché favorable à la concurrence dans lequel des opérateurs dynamiques, efficaces et innovants peuvent utiliser pleinement le pouvoir du packaging pour vendre leurs produits  » en 2008 à l’occasion de la révision du règlement. Mais à l’époque comme aujourd’hui, ces principes restent d’une extrême actualité lorsqu’on envisage une éventuelle mise à jour du règlement actuel et, éventuellement, une norme européenne en matière de label alimentaire.

Distrayant : Les FOP sont censés orienter le consommateur vers une information plus complète sur les nutriments des produits alimentaires. Néanmoins, la façon dont les principaux FOP actuels sont conçus incite le consommateur à ne regarder que le FOP lui-même, ce qui le fait négliger l’analyse de l’étiquette plus complète du dos de l’emballage qui contient des informations plus précises.

Outil de marketing : il faut éviter que les étiquettes FOP, qui sont destinées à fournir des informations objectives, ne deviennent un outil de marketing comme un autre.

Nécessité d’une plus grande clarté : tant dans les études réalisées avant (analyse d’impact) qu’après (TNS, 2014) l’approbation du règlement actuel sur l’étiquetage, la plupart des parties prenantes s’accordent sur la nécessité d’une plus grande clarté et d’une meilleure lisibilité des informations sur les aliments. Cependant, l’utilité de l’étiquetage des aliments et son impact sur la santé des consommateurs ont été confirmés. Il s’agit d’un outil efficace compte tenu de son canal de communication direct et immédiat avec l’utilisateur final et des informations qu’il est en mesure de délivrer pour produire, espérons-le, des comportements sains et durables.

Par ailleurs, il convient de se demander si les systèmes actuels de FOP répondent aux besoins plus généraux d’un outil neutre, notamment :

▪ de garder comme jalon le principe objectif selon lequel rien n’est mauvais en soi, mais cela dépend de la qualité et de la quantité utilisée et mangée… ;

▪ en matière de politiques nutritionnelles, il ne devrait pas y avoir de société duale, ce qui signifie que les différences socio-économiques ne devraient pas jouer un rôle dans la possibilité pour un client de choisir l’option la plus saine (qui est aussi, généralement, la plus chère) ;

▪ Il est de la plus haute importance de prendre en compte le processus de prise de décision des consommateurs afin de comprendre les choix effectués lors des achats de produits alimentaires ;

▪ Les nutriments introduits par les personnes sont le résultat des régimes alimentaires, et non des ingrédients isolés, ni des plats. Il est important d’informer et d’éduquer le public sur les régimes alimentaires et la gestion de leurs composants ;

▪ Manger ne consiste pas seulement à introduire des nutriments, mais représente aussi du plaisir et des émotions. Interdire ou accuser certains produits est un outil contre-productif car il entraînera des comportements compensatoires.

Toutes les FOP qui sont analysées dans ce document sont des FOP complémentaires, donc volontaires. En fait, selon le règlement 1169/11, toute denrée alimentaire préemballée vendue dans le marché commun doit afficher sur son emballage l’information nutritionnelle de l’énergie et des six nutriments : graisses, saturés, glucides, sucres, protéines et sel, exprimée par 100g/ml de produit ; elle peut en outre être exprimée par portion (plusieurs formats sont autorisés, comme celui de la figure 5).
Par conséquent, chaque FOP décrit dans les pages suivantes ne peut accompagner qu’un seul produit qui affiche déjà l’étiquette d’information nutritionnelle (Back of Pack Label). Ils sont destinés à rendre les informations des étiquettes obligatoires plus visibles et plus compréhensibles pour le public qui, en général, a tendance à ne pas lire ce type d’informations lorsqu’il achète des denrées alimentaires. Contrairement au FOP, l’étiquette obligatoire est normalement affichée au dos de l’emballage.

Figure 5 : étiquette européenne obligatoire d’information sur les nutriments. Source : ESHA

Le « besoin » d’une étiquette FOP est de faciliter le passage des informations nutritionnelles du tableau nutritionnel de base (figure 5) à un message plus simple. En fait, le principal obstacle à l’utilisation correcte des informations nutritionnelles pourrait être le manque de connaissances nutritionnelles de base, le manque de disposition cognitives nécessaires pour comparer les produits et interpréter les nutriments dans le contexte d’un régime alimentaire complet ou, plus simplement, le manque de temps (Tarabella et Voinea, 2013). C’est pourquoi les fabricants de produits alimentaires, les détaillants et les organisations à but non lucratif de différents pays ont créé une série de systèmes de « signalisation » des profils nutritionnels.
Dans l’ensemble, une variété de systèmes FOP ont été développés par des institutions publiques, des organisations non gouvernementales de santé publique et le secteur privé dans toute l’Europe. Ils vont des systèmes purement numériques qui répètent certaines des informations contenues dans la déclaration nutritionnelle (systèmes dits réducteurs) aux versions à code couleur qui résument la notation du produit, en passant par les logos d’approbation dichotomiques (CCR, 2020).

Description du FOP actuel sur le marché

Une dizaine de systèmes d’étiquetage FOP publics et privés existent et sont déjà mis en œuvre dans plusieurs EM en Europe. Les systèmes d’étiquetage FOP développés ou approuvés par le secteur public sont les suivants : le « Nutri-Score » (utilisé en France, en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg), la « batterie NutrInform » (adoptée par l’Italie et soutenue par la République tchèque et la Pologne), le « Multiple Traffic Light » britannique combiné aux apports de référence, et les logos positifs tels que le « Keyhole » (utilisé en Suède, au Danemark, en Lituanie, mais aussi en Islande, en Norvège et en Macédoine du Nord), le « Heart Symbol » finlandais, le signe « Little Heart » slovène, le « Healthy Living » croate, le logo « Choices ».
D’un point de vue juridique, jusqu’en juillet 2019, les seuls régimes de FOP européens mis en œuvre qui relèvent de l’art. 35 de la directive 1169/2011 de l’UE sont le Traffic light label britannique et les régimes d’apports de référence. Les autres systèmes existants dans l’UE ne relèvent pas strictement de l’art. 35 car ils ne reprennent pas les informations fournies dans la déclaration nutritionnelle (un critère de qualification). Ces autres systèmes sont considérés comme des « informations volontaires » et relèvent de l’article 36 puisqu’ils ne répètent pas les informations fournies sur l’étiquette de la face arrière de l’emballage mais fournissent des informations sur la qualité nutritionnelle globale de l’aliment.
En tout état de cause, l’étiquetage nutritionnel FOP est défini comme les informations nutritionnelles qui apparaissent dans le champ visuel principal sur les emballages des aliments et des boissons. Selon le règlement de l’UE, le FOP peut répéter tout ou partie des informations numériques de la déclaration nutritionnelle obligatoire de manière neutre ou évaluative, ou exprimer la valeur nutritionnelle globale d’un aliment. Il peut être appliqué à tous les produits ou uniquement aux produits répondant à certains critères nutritionnels.

NUTRISCORE

Comment fonctionne le Nutri-Score

La méthode FOP appelée « Nutri-score » est, de loin, la plus discutée. Elle a été mise en œuvre comme norme dans certains États membres européens (France, Belgique, Allemagne, Luxembourg ) et a été adoptée comme référence et/ou comme outil de marketing par certains producteurs et détaillants alimentaires privés.
L’ambition du Nutri-score est de donner une information synthétique sur les perspectives nutritionnelles globales d’un produit alimentaire en un simple coup d’œil. Ce système est basé sur un algorithme dont le résultat est un chiffre ; ce chiffre est ensuite traduit en une échelle dans laquelle s’affichent des lettres dans l’ordre alphabétique de A à E et des couleurs du vert au rouge. Plus le résultat tend vers le rouge et la lettre E, plus le produit est censé être dangereux pour la santé. Le résultat de cette représentation est une échelle graphique (voir figure 6) divisée en cinq classes dans le but « d’aider le consommateur à mieux voir, interpréter et comprendre la qualité nutritionnelle » des produits.

Figure 6 :  » Échelle des couleurs et des lettres dans le Nutri-score FOP « . Source : Santé publique France

L’algorithme est appliqué à l’analyse d’une mesure standard de 100 g de produit tel qu’il est vendu. Le calcul des points dépend de la quantité des nutriments suivants présents dans le produit : calories (Kcal/Kj), quantité de graisses (g), quantité d’acides gras saturés (g), quantité de glucides (g), quantité de sucres (g), quantité de protéines (g), quantité de sel (mg), fibres (g).
Pour chaque catégorie de nutriments, un nombre est désigné en fonction de sa quantité dans le produit. L’algorithme prévoit des points positifs (à additionner) et négatifs (à soustraire). La somme de tous les montants donne le nombre final qui définira la lettre et la couleur sur l’étiquette visuelle. Pour promouvoir cet outil, Santé publique France indique que « le score nutritionnel utilise les nutriments et les ingrédients de l’aliment qui ont un impact significatif sur la santé pour en déduire une valeur estimée unique de la qualité nutritionnelle de l’aliment sur une échelle ordinale allant de « quinze négatif » -15 (plus nutritif) à « quarante positif » +40 (moins nutritif) » [Santé publique France, « Nutri-Score Frequently Asked Questions »,] .
Les points positifs (nutriments mauvais pour la santé) s’accumulent avec des quantités élevées de calories (énergie), de graisses et d’acides gras (acides gras saturés), de sucres et de glucides (sucres), et de sel (sodium), qui sont notés de 0 à 10 pour chaque catégorie. Les points négatifs (nutriments plus sains) sont obtenus avec des quantités plus élevées de fibres, de protéines et de vitamines (fruits, légumes, légumineuses, noix, huiles de colza, de noix et d’olive), qui sont notées de 0 à 5 pour chaque catégorie.
Au total, le maximum de points positifs à gagner est de + 40 (quatre catégories pour lesquelles le maximum de points est de dix chacune), et le maximum de points négatifs à gagner est de – 15 (trois catégories pour lesquelles le maximum de points est de cinq chacune). Le nombre final est le résultat de la somme des points positifs et négatifs totaux : plus le montant est proche de -15, plus le produit sera évalué proche de la lettre « A » ; plus le montant est proche de + 40, plus le produit sera évalué proche de la lettre « E ». Ce processus est expliqué graphiquement dans la figure 7.

Il convient de noter qu’il existe déjà des adaptations du Nutri-score pour les fromages, les boissons et les graisses ajoutées (huiles, crème, beurre, etc.), ainsi qu’une méthodologie différente pour les boissons.

Pour conclure, il est important de noter que le Nutri-Score ne s’applique pas à toutes les catégories d’aliments et de boissons : en effet, il ne s’applique pas à tous les produits qui ne nécessitent pas une déclaration nutritionnelle obligatoire selon le règlement n° 1169/2011, notamment les produits non transformés qui comprennent un seul ingrédient (comme les fruits et légumes frais, la viande crue coupée, etc.), les herbes, le sel, le café, le thé, les infusions, le vinaigre, l’eau aromatisée, les boissons qui contiennent plus de 1,2% d’alcool, et plus encore [11].

Figure 7, « Les points du Nutri-Score ». Source :  Santé Publique France

Discussion sur le fonctionnement du Nutri-score

DES POINTS INÉGAUX DANS LES CATÉGORIES : La manière dont le système attribue les points des catégories liées aux couleurs et aux lettres n’est pas proportionnelle. Comme on peut le voir dans la figure 8, un produit peut être inclus dans la catégorie « A – vert » si le score final est dans une fourchette de 15 points, alors que pour qu’un produit soit étiqueté dans la catégorie « E – rouge », le score doit être dans une fourchette de 21 points. Il en va de même pour les autres catégories :  » B – vert clair  » se situe dans une fourchette de 3 points,  » C – jaune  » dans une fourchette de 8 points, et  » D – orange  » dans une fourchette de 8 points. Il est clair que la catégorisation est déséquilibrée et que les chances qu’un produit soit étiqueté avec une note inférieure sont plus élevées que les autres. De petits changements dans les points attribués entraînent un changement disproportionné dans la catégorisation.

Figure 8, « Points et catégories du Nutri-Score », Source : Santé Publique France

CELA PEUT INDUIRE LE CONSOMMATEUR EN ERREUR: Nutri-score a été critiqué par beaucoup, car il simplifie à l’excès la classification des aliments, notamment en étiquetant avec les signes « D orange ou E rouge » des produits qui sont considérés par les experts comme sains s’ils sont introduits avec modération dans un régime équilibré. Des produits comme l’huile d’olive, le poisson, les produits laitiers, etc. risquent d’être exclus des paniers à provisions en raison de la stigmatisation « mauvaise » qu’impliquent les étiquettes jaune, orange ou rouge, alors que le consensus scientifique s’accorde sur le fait que l’éviction de certains nutriments qu’on y trouve pourrait causer des problèmes de santé.

IL NE REFLETE NI L’INGESTION NI L’UTILISATION FINALE DU PRODUIT : calculé pour 100gr de produits vendus, le Nutri-Score ne tient pas compte de la quantité habituellement consommée dans le cadre d’une alimentation normale et équilibrée et envoie donc un message erroné aux consommateurs selon lequel les produits D orange ou E rouge devraient être exclus d’une alimentation saine. A l’inverse, en se focalisant uniquement sur les produits tels qu’ils sont vendus, Nutri-score ne tient pas compte de la cuisson des produits. Ainsi, les frites surgelées peuvent être notées A ou B vert alors que le beurre ou l’huile d’olive brute sont notés D ou E rouge.

IL CRÉE DES JUGEMENTS POUR LES PRODUITS : le Nutri-Score tel qu’il est structuré aujourd’hui tend à privilégier certains produits (ou même des producteurs) plutôt que d’autres, alors que le rôle de l’étiquette elle-même devrait être d’informer l’utilisateur final sans créer un sentiment de jugement envers le produit. Des études (Tarabella et Voinea, 2013) ont montré que les cultures occidentales ont tendance à juger mal quelque chose lié à la couleur rouge, et « bon » quelque chose lié à la couleur verte. Le système Nutri-Score utilise des signaux inconscients pour modifier le comportement d’achat des clients, créant une attitude de jugement chez le consommateur pendant l’expérience d’achat et entraînant une perception déformée de produits et de marques spécifiques qui sont déjà utilisés par certains acteurs comme outil de marketing. Ce système catégorise les produits alimentaires de manière binaire, simpliste et discriminatoire (ce qui est « bon » contre ce qui est « mauvais »), allant à l’encontre du principe selon lequel chaque aliment peut avoir sa place dans tout régime alimentaire.

IL EST UTILISÉ COMME OUTIL MARKETING : le Nutri-Score a déjà été utilisé par certains opérateurs du marché (notamment les revendeurs) comme outil marketing, faisant du FOP de conception française l’objet de promotions et d’incitations dans les prix. Dans une enseigne de supermarchés, il a été mis en place une révision du résultat nutritionnel du Nutri-Score, afin « d’améliorer le Nutri-Score de vos produits préférés [des clients] » . Avec cette approche, la chaîne de supermarchés ne fixe pas ses résultats à des normes objectives, mais elle utilise le Nutri-Score comme un outil de marketing, le modifiant en fonction des fluctuations de la demande de ses clients. De cette façon, le concept d’outil éducatif est renversé, cédant à des logiques de profit plutôt qu’à des logiques éducatives et sanitaires.

IL CHANGE D’UN PAYS À L’AUTRE : Puisque le Nutri-score est basé sur les directives diététiques nationales et que les producteurs et détaillants des États membres ont développé leur propre adaptation spécifique de l’outil. Il arrive que certains produits vendus dans deux pays différents soient classés différemment dans le Nutri-score . Le fait que le classement Nutri-score d’un même produit puisse être modifié en fonction du pays où il est appliqué, remet en question la cohérence et la finalité de cet outil.

IL EN RESULTE UNE INCITATION A PLUS DE TRANSFORMATION : pour obtenir un meilleur score, les entreprises agroalimentaires ont eu tendance à changer la composition de leurs produits et à passer d’un mélange de composants naturels à des produits de plus en plus transformés faisant appel à la chimie pour maintenir l’apparence et le goût du produit vendu et obtenir des scores verts A ou B. Sans oublier le lien scientifiquement prouvé entre les aliments ultra-transformés et le risque de NDC et notamment de cancer.

Au contraire, le Nutri-Score est :

FACILE À COMPRENDRE : le design de l’étiquette rend l’expérience d’achat très facile et rapide. En attribuant des couleurs et des lettres, le client a déjà l’impression de savoir quel type de produits il a l’intention d’acheter lorsqu’il fait ses courses. Il n’est pas nécessaire de lire les spécificités, ni d’avoir des connaissances scientifiques pour comprendre le message que le Nutri-score est censé transmettre. La simplicité de ce système permet de toucher toutes les couches sociales de la population (indépendamment du niveau d’éducation et de la situation économique).

COMPLET : le système implique l’analyse d’une grande quantité de nutriments que l’on peut trouver dans la majorité des produits alimentaires. Les catégories standard analysées par l’algorithme des nutriments permettent au système de s’adapter facilement à presque tous les produits.

ADAPTABLE et déjà adapté : afin de répondre à certaines préoccupations soulevées par les secteurs et les consommateurs, l’algorithme Nutri-Score a été adapté pour certains produits comme les fromages, les boissons… Néanmoins, les producteurs de fromages traditionnels ont récemment pris position contre lui, soulignant la déconnexion entre la qualité de leurs produits et la note A ou B attribuée aux concurrents ultra-transformés et non chauffés. En conséquence, le ministre français de l’agriculture a ouvert la porte à une nouvelle adaptation de l’algorithme.
Toutefois, cela soulève également la question de la base scientifique objective de l’outil et de son algorithme.

L’étude menée par le Comité scientifique français (2017) a révélé que le label lui-même a un impact lors de l’expérience d’achat, notamment en soulignant que les produits qui ne présentaient aucun label FOP avaient tendance à être exclus de l’achat.

NUTRINFORM

Comment fonctionne le NutrInform

Comme pour la méthode française, la méthode italienne a trouvé sa base juridique dans l’article. 35 du règlement 1169/2011. Le système NutrInform a pour objectif d’informer les consommateurs sur les valeurs nutritionnelles d’un produit alimentaire par le biais d’un design en batterie, représentant visuellement le pourcentage d’un certain nutriment par rapport aux quantités journalières recommandées (Figure 9). Ce système analyse l’énergie (kilojoule et calories), les graisses, les graisses saturées, les sucres, le sel. Les quantités journalières de référence sont affichées dans le tableau 1. Le niveau de remplissage de la pile correspond au pourcentage de ce nutriment spécifique que la portion recommandée de l’aliment apporte au régime du consommateur, en se référant aux apports de référence. Le consommateur doit donc veiller à ne pas « remplir » plus que nécessaire la batterie correspondant aux différents nutriments, en tenant compte des autres aliments, et donc des nutriments et des calories, consommés au cours de la journée.
De plus, le NutrInform prend en compte les portions comme unité analysée, et non la référence de 100g. Seules les informations concernant l’énergie seront affichées sous la forme de 100g/ml, comme l’oblige le règlement 1169/11. Les informations nutritionnelles doivent être exprimées à la fois en termes de quantité absolue (en kJ et kcal pour l’énergie et en grammes pour les nutriments) et de pourcentage d’apport de référence, sur la base d’une portion facilement reconnaissable et significative pour le consommateur. Par ailleurs, le NutrInform n’est pas applicable aux IG, IGP, AOP. Pour des informations plus spécifiques sur la façon de mesurer les portions et les nutriments, veuillez vous reporter à la source
[https://www.tuttocamere.it/files/alimenti/Dichiarazione_Nutrizionale_Schema_Decreto_02_2020.pdf

Comme pour le NutriScore, le NutrInform est « propriété » du ministère italien du développement économique, qui en assure la gestion. L’utilisation de la marque est volontaire et gratuite. Les utilisateurs peuvent être des personnes physiques ou morales, des producteurs et des distributeurs de produits alimentaires destinés à être vendus en Italie et sur le marché européen.

L’Italie l’a adopté et a transmis la demande à la Commission au début du mois de novembre 2020.

Tableau 1 : Apports nutritionnels journaliers recommandés. Source : Ministero dello sviluppo economico italien
Figure 9 : Conception de la batterie Nutrinform. Source : Ministero dello sviluppo economico italien

Discussion sur l’outil Nutrinform :

CONTRE-INTUITIVE : dans la perception générale, le symbole de la pile est normalement censé être rempli. Dans ce cas, si l’on remplit tout, on atteint la quantité maximale autorisée de nutriments – le consommateur ne doit pas atteindre la marque des 100 % car cela signifierait essentiellement que l’on remplit trop de calories, de graisses totales, de graisses saturées, de sucres ou de sel par rapport à la ration totale de la journée.

IL MANQUE DE COMPRÉHENSION IMMÉDIATE : en raison de la façon dont sa conception est structurée, le NutrInform peut créer une certaine confusion. En effet, il est demandé au consommateur d’additionner la somme des pourcentages en nutriments des différents aliments afin de pouvoir évaluer si le panier est équilibré ou non.

NORMES DE RÉGIME ALIMENTAIRE MOYEN : les RNJ sont basés sur les besoins nutritionnels d’un adulte moyen de poids sain et de niveau d’activité moyen, de sorte que plusieurs segments de consommateurs peuvent faire des choix non corrigés, comme les enfants, les femmes et les personnes âgées.

Cependant,

NutrInform n’est pas basé sur un algorithme à points dont le résultat est un vote sur le produit alimentaire. Au contraire, il considère chaque nutriment principal dans le contexte d’un régime alimentaire ; les résultats sont des suggestions vers quel nutriment une personne devrait se tourner pour diminuer ou augmenter son régime alimentaire. En fait, les maladies neurodégénératives sont les conséquences des déséquilibres nutritionnels, qui ne dépendent pas d’un seul produit, mais des proportions des aliments qu’une personne consomme. Cette approche est plus proche de la réalité et des habitudes alimentaires. En outre, Tarabella et Voinea, (2013) ont constaté que le concept d’apport de référence (ou GDA -Guideline Daily Amount-) sur lequel NutrInform est basé, est bien compris par les clients. 89% de la population étudiée pouvait définir correctement un apport journalier recommandé comme un maximum plutôt qu’un objectif à atteindre.

Il ne discrimine ni ne juge le produit : la façon dont le NutrInform est conçu n’implique aucune sorte de jugement inconscient envers l’aliment ciblé. En fait, le principe qui sous-tend ce label FOP est celui de l’information, et une information de qualité est le processus de transmission de données sans intention d’influencer la perception de la réalité. De plus, une information neutre devrait être le principe pour que chaque consommateur puisse faire un choix indépendant.

Portions, et non 100 g : cette façon de mesurer se révèle plus proche des habitudes alimentaires réelles des clients, ce qui permet de mieux comprendre l’apport en nutriments lors de la consommation du produit alimentaire. Les portions de référence ont été définies pour chaque catégorie de produits sur la base d’études scientifiques menées par le CREA et l' »Istitutio Superiore di Sanità » .

FEUX DE TRAFIC

Le système de feux tricolores est la méthode FOP utilisée par le gouvernement britannique qui a été développée par la Food Standards Agency en 2006 . Comme les autres FOP en Europe, elle n’est pas obligatoire, mais de nombreux supermarchés et transformateurs alimentaires l’ont adoptée comme norme.
Ce système prend en compte les nutriments suivants : calories, graisses, graisses saturées, sucres et sel, et les affiche sur l’étiquette en associant la quantité de nutriments présents dans le produit à un pourcentage et, par conséquent, à une couleur. Le pourcentage fait référence à l’apport de référence relatif d’un adulte, et la couleur indique si un produit a une teneur élevée (rouge), moyenne (orange) ou faible (vert) en graisses, graisses saturées, sucres et sel. Elle fournit également des informations sur la quantité d’énergie (calories et kilojoules) qu’il fournit. Les nutriments sont étiquetés en rouge si la quantité de nutriment par 100g ou 100ml de l’aliment représente plus de 25% (pour les aliments) et 12,5% (pour les boissons) de l’apport maximal journalier recommandé pour un adulte pour ce nutriment particulier.

Le système Traffic light est apprécié par certains revendeurs mais aussi par certains organismes de santé (Tarabella et Voinea, 2013) compte tenu de sa conception visuelle intuitive qui lui permet de transmettre efficacement le message qu’il est censé envoyer. L’analogie avec le feu de signalisation, avec lequel la majorité des gens ont confiance (indépendamment de leur âge, de leur sexe ou de leur couche sociale), rend le FOP Traffic Light très facile à comprendre.
Dans le cas où de nombreuses denrées alimentaires présentent une combinaison égale de couleurs rouge et verte, cet OPF ne donne pas d’indication claire sur celle qui est recommandée. Ce résultat n’est pas nécessairement négatif, au contraire, il est l’expression du principe que c’est le consommateur qui est responsable du choix et que le rôle de l’OPF s’arrête à l’informer sans manipuler ses actes d’achat. Le même principe se retrouve dans le FOP similaire NutrInform.

En revanche, elle se concentre uniquement sur les nutriments néfastes pour la santé, ce qui rend difficile la perception de l’aspect général d’un produit et la rend inefficace pour comparer des aliments de la même catégorie. En outre, elle ne fournit pas d’indications sur la fréquence de consommation d’un produit dans le cadre du régime alimentaire global et peut désavantager certaines catégories de produits, notamment les produits laitiers. En outre, d’après les recherches de Tarabella et Voinea (2013), il semble que le système Traffic Light soit caractérisé par une certaine exagération de la signification des couleurs, 73 % des consommateurs pensant que le rouge indique l’évitement plutôt que la consommation occasionnelle.

LOGOS POSITIFS

Keyhole, choices, heart symbol – logos positifs – ces systèmes sont les plus utilisés dans les pays nordiques (keyhole), en Finlande (heart logo), en Pologne et en République tchèque (Choices). Par le biais d’un symbole (qui peut être soit un cercle vert avec la forme d’un trou de serrure blanc au centre, soit une forme de cœur, soit un chèque), ces méthodes impliquent l’identification des aliments qui sont considérés comme « meilleurs de leur catégorie » dans leur catégorie de produits. Elle s’applique uniquement aux produits considérés comme sains et qui répondent à une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : moins de graisses et plus saines, moins de sucre, moins de sel, plus de produits diététiques et complets (trou de serrure), par rapport aux produits alimentaires qui ne sont pas étiquetés ou, plus généralement, dont la quantité de nutriments reste inférieure à un certain seuil.
Ces méthodologies – appelées « logos positifs » – se sont révélées très efficaces pour être reconnues et comprises, mais elles négligent l’information nutritionnelle complète du client. Elles valorisent les produits dans leur ensemble et ne considèrent pas chaque nutriment comme un élément unique. De plus, ils ne prennent pas en compte le régime alimentaire de l’individu.
Le trou de serrure n’oblige pas le client à lire des informations nutritionnelles détaillées, ce qui le rend facile à identifier et à comprendre ; en même temps, il manque les informations qui pourraient intéresser l’utilisateur final du produit. Le Keyhole est le plus ancien système positif du continent, mis en œuvre depuis 1989 en Suède, puis étendu au Danemark et à la Norvège.

Le tableau 2 présente les logos positifs utilisés dans MS.

Tableau 2 : « logo positif dans l’UE ». Source : JRC, 2020.

Nom du FOP Pays Visuels Caractéristiques principales

Trou de serrure
Suède, Norvège, Danemark, Islande, Lituanie, Macédoine du Nord. – Système d’approbation basé sur des seuils pour l’énergie et divers nutriments en fonction de la catégorie de produit.

  • Les aliments étiquetés avec le Keyhole contiennent moins de sucres et de sel, plus de fibres et de céréales complètes et des graisses plus saines ou moins importantes que les produits alimentaires du même type ne portant pas le logo.
  • Certaines catégories d’aliments ne sont pas autorisées à porter le logo (snacks sucrés et salés).
  • La base de référence est généralement de 100g ou 100 ml.

Logo des choix
Pologne, République tchèque – Système d’approbation basé sur des seuils pour les acides gras saturés et trans, les sucres ajoutés, le sel, les fibres alimentaires et/ou l’énergie, avec des seuils spécifiques à chaque catégorie.

  • Les aliments sont généralement subdivisés en aliments essentiels et non essentiels, et le logo est destiné à identifier les options les plus saines dans une catégorie donnée.
  • Applicable à la plupart des aliments et des boissons.
  • La base de référence est généralement de 100g ou 100ml.

Symbole du cœur finlandais
Finlande – Système d’approbation basé sur des seuils pour l’énergie et divers nutriments en fonction de la catégorie de produit.

  • Le logo identifie les options présentant un meilleur profil nutritionnel dans une catégorie donnée en ce qui concerne les matières grasses (qualité et quantité) et le sel ; dans certains produits du groupe, les teneurs en sucre et en fibres sont également prises en compte.
  • La base de référence est de 100g.

Degré de transformation

Dans l’ensemble, les systèmes FOP décrits dans les pages précédentes sont tous l’expression d’initiatives publiques et privées visant à orienter le choix du consommateur vers le produit alimentaire le plus sain.

Malgré leur efficacité réelle, un défaut commun est le manque d’information sur le degré de transformation. Plusieurs études (Moubarac et al., Poti et al., Steele et al. Pereia et al., NutriNet Santé, etc.) établissent une forte corrélation entre le niveau élevé de transformation des aliments (aliments ultra-transformés) et l’apparition de maladies non transmissibles, notamment de cancers. Plus l’aliment est transformé, moins il est nutritif (moins de fibres, de minéraux, de vitamines, de nutriments en tant que tels) et plus il est appétissant (plus sucré, plus salé, plus calorique), ce qui conduit à des calories « vides ».
Si l’objectif final des étiquettes du Front de l’emballage est de sensibiliser les citoyens à ce qu’ils mangent, tout système européen de FOP performant devrait informer sur le degré de transformation afin d’accroître la transparence et les connaissances du public.

Le Nova-Score ou le Siga-Score représentent tous deux bien le système de face avant de l’emballage qui se concentre sur la transformation : dans sa conception d’étiquette à quatre échelles de couleurs et de lettres, le Nova-score est censé informer le consommateur des différentes étapes de transformation par lesquelles un produit est passé . Malgré ce niveau d’information supplémentaire, ce FOP néglige de fournir des informations sur les aspects nutritionnels du produit.

CAMPAGNES DE COMMUNICATION

Marketing social

Les campagnes de communication dans le domaine de la santé publique et de la nutrition prennent, pour la plupart, la forme de stratégies de marketing social. Ces campagnes ont été mises en œuvre dans le but d’éduquer les citoyens et d’améliorer leurs habitudes alimentaires. L’institut de médecine (2006) le décrit comme « [l’application] des concepts et techniques du marketing – théorie de l’échange, segmentation de l’audience, orientation du consommateur, concurrence et mix marketing intégré – pour promouvoir un changement de comportement volontaire dans des groupes spécifiques ou des audiences cibles en fonction de leurs caractéristiques sociodémographiques, comportementales et psychologiques ».
Comme dans toutes les campagnes de marketing, tous les médias sont utilisés comme vecteur de diffusion des messages ; tous les types de sponsor (préférablement de la part des organisations à but non lucratif, non commerciales et gouvernementales) sont les bienvenus ; et une participation active de la population cible est souhaitable. Les programmes de marketing social efficaces utilisent de multiples canaux de communication, ainsi que des politiques publiques et des changements de l’écosystème d’achat pour influencer les comportements des consommateurs. Pour ce faire, les gouvernements mettent en place des unités de communication chargées de la couverture médiatique (notamment sur les réseaux sociaux), des programmes communautaires, des communications interpersonnelles, des affiches, des brochures, des promotions, etc.
Dans ce type de campagnes, il est important de garder à l’esprit la notion d' »échange » (Institut de médecine, 2006), car les efforts de communication visent à modifier les comportements des clients en « échange » de quelque chose qui offre plus de valeur, dans ce cas, un comportement qui améliorera/évitera les problèmes de santé. Cependant, tout échange est basé sur des compromis, et plus le consommateur ciblé est âgé, plus le compromis sera difficile à réaliser. Ainsi, « un programme de marketing social efficace identifie les motifs ou les moteurs du comportement, structure ces motifs dans le cadre des avantages offerts, et développe des choix pour les consommateurs qui offrent un avantage comparatif ». Une campagne publique bien connue qui a été mise en œuvre dans une majorité d’États membres est celle qui vise à augmenter les portions quotidiennes de fruits et de légumes, afin de sensibiliser les gens aux risques liés à la consommation de graisses et au tabagisme.

Toutes ces campagnes, après tout, pourraient être considérées comme des exemples de « branding comportemental », dans le sens où elles tentent de changer le style de vie de millions de personnes par la proposition constante d’images, de slogans et d’une perception générale de l’attitude de l’individu envers la société. A l’image des marques privée, lesquelles tissent avec le consommateur un lien parfois fort et durable, et qui offrent un instrument symbolique qui permet à des groupes d’individus de projeter une image de soi spécifique répondant à des normes sociales. Les autorités publiques ont à leur disposition des outils puissants qui devraient être orientés vers la notion de bien public correspondant aux intérêts des citoyens. L’amélioration de la santé publique par l’information nutritionnelle, est l’un de ces intérêts.

Publicité

La publicité est l’un, sinon le principal, outil utilisé dans les campagnes de communication. Elle permet de transmettre des messages à la population ciblée de manière directe et efficace influence avec succès la perception et les comportements.
La publicité pour les produits alimentaires est très répandue dans tous les médias, et les pouvoirs publics ont déjà mis en œuvre certaines politiques visant à interdire la publicité pour certains produits alimentaires considérés comme nocifs, ou à réduire l’exposition à la commercialisation de ces aliments , en particulier pour les enfants. Les options de réglementation de la publicité dans divers pays comprennent des restrictions partielles de la publicité par type d’aliment, groupe cible, taille de la portion, et les moments d’exposition à la publicité ; l’établissement de bornes temporel pour l’exposition à la publicité chez les enfants, et l’interdiction totale de la publicité.
En Europe, la directive « Télévision sans frontières » de 2007 permet non seulement d’harmoniser le secteur de la télédiffusion au sein du marché intérieur, mais elle protège également les enfants de l’exposition à des publicités « nocives ». En effet, elle stipule que « la publicité télévisée ne doit pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs », et elle ne permet pas que les programmes télévisés pour enfants d’une durée inférieure à 30 minutes soient interrompus par de la publicité. En outre, cette directive réglemente le sponsor et les placement de produits, notamment en ne permettant pas à un sponsor d’influencer le contenu du programme télévisé, en identifiant clairement un sponsor en tant que tel au début ou à la fin du programme, et en n’autorisant aucune incitation à acheter le produit du sponsor.
De plus, en Europe (Commission européenne, 2020a), la majorité du marketing alimentaire (via la télévision et les canaux en ligne) fait référence à la publicité d’aliments riches en calories, de faible qualité nutritionnelle, riches en graisses, en sucres et en sel, avec une sous-représentation ou une absence de publicité pour les fruits et légumes ; la plupart des publicités alimentaires font référence à des céréales sucrées pour le petit-déjeuner, des confiseries, des snacks riches en graisses, des boissons gazeuses et des restaurants à service rapide ; et les aliments annoncés sont en contradiction avec ceux recommandés pour une alimentation saine. Citant une étude de l’OMS , la Commission européenne (2020a) déclare que « la publicité télévisée reste le principal moyen de commercialisation des produits alimentaires dans l’UE, même si l’on observe une baisse des dépenses de publicité télévisée et, parallèlement, une augmentation significative du marketing Internet et numérique ».

OUTILS FISCAUX

Le prix est l’un des facteurs les plus importants dans le choix des aliments (Smed et al., 2005) et les stratégies de prix ont été proposées comme un outil pour améliorer le régime alimentaire de la population et réduire les taux d’obésité et de MNT (Eyles et al., 2012, OMS, 2015).
Certains pays ont mis en place des taxes sur les aliments par le passé dont certaines ont été supprimées par la suite. Certains pays ont décidé de cibler spécifiquement certains ingrédients qui peuvent être dangereux pour la santé s’ils sont introduits sans modération .

Il y a principalement deux modèles d’imposition qui ont été appliqués jusqu’à présent, souvent en même temps :

▪ Soutien des prix : subventions ou TVA réduite sur les aliments sains. Il peut s’agir d’un taux d’imposition forfaitaire ou proportionnel, en corrélation positive avec la quantité de nutriments sains.

▪ Incitations fiscales : imposition de taxes sur certains aliments et boissons, en particulier sur ceux qui sont salés, riches en calories, en graisses, en sucres ajoutés et à faible teneur en nutriments. Une mesure dissuasive précieuse pour décourager la consommation d’aliments et de boissons moins bons pour la santé.

Le plan d’action européen pour l’alimentation et la nutrition 2015-2020 (OMS, 2015) suggère également un troisième outil :
Mesures incitatives le long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire : des actions telles que des investissements dans la production, la logistique de la chaîne d’approvisionnement, les politiques d’achat, etc. pourraient permettre de « réaligner les politiques du système alimentaire au sens large sur les objectifs de santé publique et d’améliorer la disponibilité et l’accessibilité financière de régimes alimentaires sains ».

Le Food and Resources Economics Institute du Danemark a découvert que les taxes ou les subventions pouvaient avoir un impact sur la consommation, mais avec des résultats non cohérents selon la catégorie de nutriments et le statut socio-économique et géographique. Les auteurs de l’étude suggèrent que, pour être pleinement efficaces, ces incitations économiques devraient être combinées à d’autres interventions, telles que des campagnes d’information du public (Smed et al., 2005).
Le principe de taxation de la deuxième liste a été utilisé pour les produits du tabac. Certaines études ont montré que la taxation des cigarettes, en tant que composante d’un programme global de l’État, permet de réduire la consommation de tabac dans la population adulte, même si elle n’affecte pas nécessairement les jeunes (Institute of medicine, 2006 ; Eyles et al., 2012). Il convient toutefois de souligner que la nourriture et le tabac sont des produits différents et répondent à des besoins totalement différents.

Eyles et al. (2012) ont comparé certaines études sur les changements de prix des aliments, plus précisément sur « le potentiel des stratégies de fixation des prix des aliments pour améliorer la qualité des régimes alimentaires de la population et les résultats associés en matière de santé et de MNT » et ont constaté que, selon deux des études analysées, les subventions sur les fruits et légumes augmentaient leur achat. Ce fait est également confirmé par l’Institut de médecine (2006), selon lequel « les consommateurs ne sont pas très réactifs aux changements de prix de la volaille, des œufs, du poisson, du lait et du fromage, mais ils sont plus réactifs aux prix de certains fruits et légumes frais, ainsi que du porc et du bœuf ». Cependant, la possibilité d’achats compensatoires n’a pas été prise en compte, c’est-à-dire le fait que les individus confrontés à une subvention sur certains produits sains peuvent acheter davantage d’aliments pauvres en nutriments et riches en sucres et en sel, afin de compenser, en fait, l’argent économisé et l’aliment sain par un aliment nocif. Par exemple, Smed (2005) a démontré que les taxes sur toutes les graisses ou sur les graisses saturées ont tendance à augmenter la part du sucre dans l’apport énergétique total pour de nombreux groupes de consommateurs tout en réduisant la consommation du nutriment ciblé.
Grâce à des techniques de modélisation par simulation, les auteurs ont pu montrer que « les taxes et les subventions sur les denrées alimentaires ont le potentiel d’influencer considérablement la consommation alimentaire et la santé, en particulier lorsque ces taxes/subventions sont importantes (environ 15% du prix du produit ou plus) ». En tout état de cause, les 19 études de modélisation par simulation dans lesquelles des taxes ont été appliquées aux boissons sucrées, aux boissons gazeuses, aux graisses saturées, au sucre et aux aliments nocifs en général ont estimé que, dans chaque catégorie, la consommation de l’aliment taxé a diminué. En outre, l’effet le plus efficace de la taxe a pu être observé sur les produits à haute énergie provenant de graisses saturées . Néanmoins, il a également été constaté que  » l’on estime que les taxes sur les graisses saturées augmentent la consommation de sodium, d’énergie et de sucre, et qu’une taxe sur les aliments moins sains augmente la consommation de graisses saturées  » (Smed, 2005). Les résultats évalués dans les simulations de la subvention présentaient une variabilité importante.

Les États membres de l’UE qui ont mis en pratique des stratégies de tarification alimentaire sont le Danemark (qui a appliqué une taxe de 2,41 euros par kilo sur les graisses saturées), la France (qui a appliqué une taxe de 0,0036 euro par litre sur les boissons sucrées) et la Hongrie (qui a introduit une taxe de 10 forints – 0,04 euro – par article sur les aliments riches en graisses totales, en sucre et en sel).

Les effets des taxes sur les strates socio-économiques

Malgré les résultats plus ou moins convaincants des stratégies de tarification des denrées alimentaires, plusieurs études ont soulevé des inquiétudes quant à cet outil politique. Elles ont notamment mis l’accent sur l’impact que la tarification des aliments pourrait avoir sur les groupes socio-économiques de la société. En fait, au moins trois études (Darmon et al., 2020 ; Eyles et al., 2012 ; Smed, 2005) ont souligné l’effet régressif des taxes, qui affecte de manière disproportionnée les ménages à faibles revenus, ce qui peut entraîner une discrimination dans les groupes de revenus. Comme l’écrivent Darmon et ses collègues, il existe un risque que « l’amélioration de la santé de la population globale puisse accroître les disparités en matière de santé entre les groupes sociaux », et que « ceux qui étaient auparavant moins exposés au risque en tirent le plus de bénéfices que ceux qui étaient auparavant plus exposés au risque ». De même, Smed (2005), analysant l’expérience danoise d’une taxe sur les produits nocifs, suggère que « parmi les classes sociales, la réactivité des prix [à la taxe] semble être plus élevée pour les ménages des classes sociales inférieures, vraisemblablement parce que la contrainte budgétaire est plus contraignante ». Dans le même article, l’auteur affirme également que plus la classe socio-économique est basse, plus elle est exposée aux MNT, notamment au surpoids et au diabète.

Approche paternaliste

La question la plus débattue quant à la taxation des denrées alimentaires est l’idée que cet outil ressemble à du paternalisme : taxer revient à ne pas faire confiance à la capacité du citoyen de faire un choix sain par lui-même, donc, comme un père, « force » ses « enfants » à se comporter en imposant des contraintes de prix sur quelque chose qui n’est pas considéré comme « bon », privant le client de son droit de choisir indépendamment.
Cette approche pourrait conduire à ce que : 1) seuls les riches pourraient s’offrir des friandises et 2) comme pour les enfants, arrive un âge où ils commencent à avoir des attitudes rebelles, la population aussi réagira de manière non coopérative.

Efficacité

En conclusion, les outils de fixation des prix des denrées alimentaires cachent d’autres questions fiscales et sociales non résolues lorsqu’ils sont appliqués, notamment : s’il est préférable d’appliquer les taxes/subventions au point de vente ou au point de production ; si les changements de prix doivent être appliqués à un taux fixe ou à un taux par nutriment/volume de nourriture ; quel pourcentage de la taxe ou de la subvention doit atteindre le consommateur ; les effets sur les strates sociales ; le montant de la taxe ; la facilité avec laquelle les fabricants pourraient déplacer leurs ressources pour produire des produits non taxés ; et la façon dont les consommateurs réagiraient aux taxes.
D’après les sources analysées, il est difficile d’adopter une position tranchée sur la taxation en tant qu’outil politique positif ou négatif, car il a été démontré qu’elle est plus efficace sur les légumes et les fruits, et qu’elle cible principalement les groupes socio-économiques inférieurs (qui sont les plus touchés par les MNT), ce qui en fait un outil moyennement efficace.
En outre, les politiques fiscales en matière d’alimentation pourraient avoir un effet de rejet de la part des groupes économiques les plus vulnérables d’une société : en appliquant des prix plus élevés aux aliments nocifs, les groupes économiques les plus pauvres pourraient percevoir l’achat de produits plus sains comme une obligation, plutôt que comme une possibilité. Cet effet est souligné par le fait que les groupes à faible revenu ont tendance à trouver dans l’alimentation une valeur de confort plus élevée, étant donné également le caractère relativement abordable de l’alimentation par rapport à d’autres formes de distraction (telles que les activités culturelles, les voyages, les restaurants, etc.), ce qui entraîne, en définitive, un risque plus élevé de fracture sociale et de rejet de ces politiques.

PARTIE III

QUELLE SOLUTION EUROPÉENNE ?

Le Plan d’action européen pour l’alimentation et la nutrition 2015-2020 (OMS, 2015) indique que  » le profilage des nutriments est apparu comme un outil précieux pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques visant à promouvoir une consommation alimentaire plus saine « . Parmi toutes les méthodologies analysées, le FOP semble un outil efficace, même si une coordination des efforts au sein des EMs (programmes d’éducation en premier lieu) reste l’objectif majeur.
Par conséquent, l’initiative européenne qui prévoit d’adopter une solution harmonisée (programmée dans la stratégie « de la ferme à la fourchette ») devrait, dans l’ensemble, prendre en considération les points suivants :

  • NON-DISCRIMINATOIRE : le système d’étiquetage doit être conforme aux exigences prévues par le règlement 1169/2011 et doit donc viser à informer les consommateurs. Si un système d’étiquetage doit être informatif et facile à comprendre, il ne doit pas aboutir à une classification trop simpliste des « mauvais » et des « bons » produits alimentaires.
  • EFFICACE : un système de FOP européen devrait être basé sur les portions, afin de mieux informer les consommateurs sur l’apport et la valeur nutritionnels réels de chaque aliment. Il devrait être objectif et donc ne pas pénaliser les produits agroalimentaires indûment nutritifs, souvent utilisés comme ingrédients dans d’autres préparations alimentaires ou consommés en portions inférieures à 100 g, comme le préconisent les recommandations diététiques. Des études montrent que « lorsque la quantité de référence « pour 100 g » était très différente de la taille de la portion « typique », les produits portant une étiquette « pour 100 g » étaient jugés nettement moins bons pour la santé que les portions « typiques » ou « demi-typiques » ». La portion est une approche plus proche de la réalité qui ne déroute pas le consommateur.
  • NORMALISÉE : la méthodologie harmonisée doit être applicable aux marchés européens. En tant que norme européenne, il est donc prévu la nécessité d’avoir des bases et des fondements communs, et de respecter des directives générales. En particulier, la législation devrait décrire les caractéristiques de base que l’étiquette FOP devrait suivre dans chaque EM, menant au principe de standardisation qui permettrait au consommateur européen de reconnaître la valeur nutritionnelle du produit/nutriment partout en Europe, indépendamment de l’Etat membre ou du distributeur. Par conséquent, un tel système devrait être développé de manière à garantir le respect des spécificités de la culture alimentaire, du régime alimentaire typique et des directives nutritionnelles nationales de chaque État membre. Un système européen devrait être cohérent avec la politique européenne sur les productions de qualité et devrait prendre en considération le niveau de transformation.
  • FLEXIBLE : la méthodologie choisie doit prévoir une marge de flexibilité, dans le cadre des normes européennes convenues, afin de répondre aux différentes habitudes alimentaires et aux priorités nationales. La flexibilité devrait également permettre de ne pas catégoriser brusquement un produit/nutriment comme « bon » ou « mauvais », mais de responsabiliser le consommateur quant à ses effets sur la santé et le dosage.
  • COMPRÉHENSION : pour avoir un impact plus important sur les sociétés, la méthodologie doit être conçue de sorte que chacun puisse la comprendre et recevoir les messages qu’elle véhicule, quel que soit le niveau social, économique et éducatif de la personne, en tenant compte de la notion de « culture du produit ». L’acheteur a besoin d’informations précises et de moyens pour évaluer ces informations. De toute évidence, la transmission de l’information est restreinte lorsque les consommateurs n’ont pas accès aux références de base fiable pour évaluer les produits. Ainsi, des informations fiables sont un prérequis à toute sensibilisation. En outre, « une information véridique à elle seule peut ne pas être suffisante pour comprendre un produit, car l’information est inutile si l’on ne sait pas comment l’utiliser et la transformer en connaissances pratiques » (Pappalardo, 2012).
  • ENGAGANT : L’étiquetage FOP a été conçu comme un outil informatif. Les nouveaux consommateurs et les jeunes adultes sont souvent les plus réceptifs au début. Il est entendu que les effets sur la population ne pourront être constatés que quelques années après sa mise en œuvre. Il est donc impératif de travailler sur une méthodologie commune qui permettra de cibler également la population délaissée par la stratégie d’étiquetage, notamment les adultes, les personnes âgées ayant des habitudes alimentaires consolidées et les consommateurs qui ne disposent pas des connaissances culturelles nécessaires pour choisir les aliments à acheter en fonction des conditions particulières et de l’état de santé de chacun.
  • INCLUSIF : des études ont montré que  » l’amélioration de la santé de l’ensemble de la population peut accroître les disparités en matière de santé entre les groupes sociaux  » (Darmon et at, 2020), notamment,  » ceux qui étaient auparavant moins exposés au risque en tirent le plus de bénéfices que ceux qui étaient auparavant plus exposés au risque « . Guaresh (2018) confirme également la disparité dans l’utilisation de la FOP : les groupes à revenu élevé ont tendance à prêter plus d’attention à l’étiquette nutritionnelle par rapport aux groupes à faible revenu. De plus, selon l’étude TNS sur l’impact de l’information alimentaire sur la prise de décision des consommateurs (2014),  » moins d’un quart des acheteurs ont réellement pris le temps de lire les informations sur l’emballage. Parmi eux, seule une fraction des consommateurs lit les informations alimentaires pertinentes qui informent sur l’aspect santé du produit ». En moyenne, le consommateur passe 2 secondes pour choisir le produit en rayon, il est clair la corrélation est positive entre ceux qui lisent les informations et le niveau d’éducation (plus on est instruit, plus on est susceptible de lire l’étiquette nutritionnelle) (Guaresh, 2018). La solution européenne devrait tenir compte des effets que ces systèmes ont sur l’ensemble de la société et adopter une approche socialement holistique. La devise « ne laisser personne de côté » devrait alors être une ligne de conduite.

Dans l’ensemble, ces lignes directrices devraient pouvoir orienter le débat européen dans la recherche de solutions pour un futur étiquetage frontal des emballages à l’échelle européenne.

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