LA CRISE DU COVID-19 ET L’AGRICULTURE UE : CE DONT NOUS AVONS BESOIN ET CE DONT NOUS N’AVONS PAS BESOIN

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Dans toute crise majeure, il y a un moment de déni, un moment de blâme et un moment d’évaluation. Nous vivons une crise majeure et sans précédent, une crise pour laquelle les États ont décidé d’arrêter l’activité économique afin de protéger des vies. Malheureusement, nombreux sont ceux qui nient encore l’impact inévitable de cette crise sur l’agriculture.

Farm Europe a écrit sur l’impact probable de la crise Covid-19 sur les marchés agricoles, et sur ce qu’il convient de faire pour anticiper le choc.

Nous voulons ici nous tourner vers l’avenir et contribuer à ce qui devrait être la réponse globale de la politique agricole de l’UE, et ce qu’il convient d’éviter à tout prix à ce stade.

La Commission européenne a fait part de sa volonté de réviser le CFP, la proposition de budget pluriannuel. Vous vous souvenez sans doute que la PAC avait été malmenée dans la proposition initiale, avec des réductions du budgétaires réel de 12 % sur la période de sept ans.

La crise actuelle a cependant montré une chose : nous avons besoin de sécurité alimentaire.Certains pays tiers ont annoncé des restrictions à l’exportation de denrées alimentaires. Quelle aurait été la situation dans l’UE si nous étions à court de denrées alimentaires ?

Farm Europe est d’accord avec ceux qui soulignent que la sécurité alimentaire ne peut être déléguée et que la PAC n’est pas une politique réservée aux seuls agriculteurs mais plutôt une politique au profit des citoyens de l’UE.

La sécurité alimentaire n’est pas réalisable au niveau local, seule une approche à l’échelle de l’UE permettra d’y parvenir. Nous ne préconisons pas un concept étroit et malavisé selon lequel chaque canton ou région devrait être autosuffisant, car cela n’est tout simplement pas faisable ni souhaitable. Ce n’est qu’à un niveau plus large comme celui de l’UE, avec un marché intérieur qui fonctionne, que nous pourrons parvenir à une véritable sécurité alimentaire. Nous ne préconisons pas non plus que l’UE ne fasse pas d’échanges commerciaux avec le reste du monde, car nous pouvons tirer profit du commerce et profiter de ses avantages économiques sans compromettre la sécurité alimentaire.

Nous devons également inverser le traitement défavorable réservé à l’agriculture dans la proposition de budget de l’UE. L’agriculture de l’UE a été le fondement de l’approvisionnement alimentaire des citoyens européens, même lorsque la majeure partie de l’économie est inactive. Elle est toutefois confrontée à des difficultés dues à la réduction et à la modification de la demande, à la suite de la fermeture de commerces, et, dans un avenir proche, à la réduction du pouvoir d’achat de nombreux consommateurs européens et mondiaux. La dernière chose dont l’agriculture européenne a besoin, c’est de nouvelles réductions des aides. Lorsque les lignes de vie sont étendues à des pans entiers de l’économie, il serait irresponsable de réduire le soutien à l’agriculture.

En revanche, nous n’avons pas besoin d’un ensemble de politiques qui alourdissent la charge de la production alimentaire dans l’UE. Nous n’avons pas besoin d’une stratégie « de la ferme à la fourchette », ou d’une stratégie en faveur de la biodiversité, qui ne feraient qu’accroître les restrictions sur l’utilisation des intrants, qui réduiraient la surface et la productivité agricoles et qui diminueraient les revenus des agriculteurs déjà mis à rude épreuve.

Farm Europe veut être très clair : nous pensons que les politiques de l’UE doivent contribuer à une meilleure protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique. Mais cela doit aller de pair avec l’amélioration de la situation économique des agriculteurs et la garantie de la sécurité alimentaire.

En portant à 10 % les terres réservées à la biodiversité et à 30 % la production biologique, comme certains le proposent, on réduirait la production alimentaire de l’UE de 15 %, ce qui est stupéfiant. Réduire l’utilisation de pesticides et d’engrais sans fournir aux agriculteurs les investissements et la combinaison de technologies nécessaires pour atteindre des objectifs environnementaux significatifs entraînera une nouvelle réduction de la production alimentaire et des difficultés économiques pour les agriculteurs. C’est inacceptable.

C’est pourquoi le second besoin logique est de promouvoir les bons investissements dans l’agriculture, ceux qui permettent de réduire l’empreinte écologique et les émissions de gaz à effet de serre tout en maintenant ou en développant la production agricole, en assurant la sécurité alimentaire et en préservant les moyens de subsistance des agriculteurs.  

Nous devons également renforcer la résilience du secteur. Comme Farm Europe l’a constamment préconisé, et comme la COMAGRI du Parlement européen l’a proposé, nous avons besoin d’une réserve de crise bien financée dans la PAC qui aurait les moyens et le mandat d’intervenir rapidement en temps de crise, en recourant à des mesures exceptionnelles et en consolidant les assurances et les fonds de mutualisation.

Cette crise du Covid-19 laissera des cicatrices pendant un certain temps et nous devons tirer les leçons des expériences passées qui ont montré que les outils actuels de gestion de crise de la PAC ne sont pas suffisants. La dernière crise des produits laitiers ou des fruits et légumes témoigne des problèmes auxquels nous avons été confrontés par le passé, à un coût économique et budgétaire élevé.

Ce dont nous n’avons pas besoin, c’est d’attendre et voir ce qui se passe, de nous asseoir et d’attendre que la crise se développe dans le secteur des produits laitiers, de la viande bovine, du vin, des fruits et légumes, du sucre, de l’éthanol ou dans tout autre secteur. Les producteurs de fleurs et de plantes ornementales sont déjà confrontés à d’énormes difficultés. Farm Europe appelle les décideurs, et en particulier la Commission européenne, à passer à la vitesse supérieure et à devenir plus proactifs que réactifs.