GUERRES COMMERCIALES ET SOUTIEN AUX AGRICULTEURS – DEUX HISTOIRES DIFFÉRENTES DE PART ET D’AUTRE DE L’ATLANTIQUE
Nous avons déjà écrit sur la question, soulignant la différence de traitement entre les agriculteurs américains et ceux de l’UE. Aux États-Unis, les agriculteurs ont été dédommagés à deux reprises pour les pertes résultant de la guerre commerciale avec la Chine. Dans l’UE, les agriculteurs sont laissés à eux-mêmes après les représailles américaines dans l’affaire des subventions d’Airbus, où ils n’étaient pas partie prenante dans le litige, mais où ils étaient toujours la cible principale des sanctions.
Il est maintenant clair que l’impact des programmes d’indemnisation américains sur les agriculteurs américains est en train de devenir évident. Selon une multitude d’analyses économiques, l’administration américaine a surcompensé les agriculteurs d’environ le double des pertes subies. L’Administration ne conteste pas ce fait, mais explique plutôt qu’elle a fait ses calculs sur les pertes commerciales brutes plutôt que sur les pertes commerciales nettes, ce qui ne tient pas compte du fait que les États-Unis ont trouvé, dans une certaine mesure, des alternatives aux pertes sur le marché chinois.
Le résultat de ces mesures d’indemnisation sur les revenus des agriculteurs est énorme. Aux États-Unis, le revenu agricole devrait augmenter de plus de 10 % cette année, et 40 % de ce revenu proviendra de subventions gouvernementales (à la fois du Farm Bill et des programmes de compensation commerciale). Il est vrai que les élections présidentielles approchent aux États-Unis, mais le fait est que les agriculteurs sont pris en charge lorsqu’ils sont confrontés à des dommages collatéraux résultant de différends commerciaux.
Entre-temps, dans l’UE, les agriculteurs sont confrontés à une baisse attendue des subventions de la PAC et à l’inaction totale de la Commission pour renforcer la résilience du secteur.
Les sanctions commerciales imposées par les États-Unis à la suite de l’affaire Airbus ont déjà de graves répercussions sur les exportations de produits laitiers et de vin vers les États-Unis. Malheureusement, pas plus tard que la semaine dernière, les États-Unis ont ouvert une consultation interne sur l’opportunité d’augmenter les droits de douane supplémentaires de 25% à 100% et d’étendre la portée des sanctions à d’autres produits agricoles. Sont notamment visés les fromages (ceux qui n’ont pas encore été touchés), l’huile d’olive et le vin en vrac, les vins mousseux et les whiskies, les jambons et les pâtes.
Ce nouveau cycle de sanctions est conforme aux droits de l’OMC des États-Unis, puisque le premier cycle était bien en deçà du montant maximal de droits supplémentaires autorisé (7,5 milliards de dollars), et pourrait constituer un avertissement contre la détermination de l’UE à appliquer son propre cycle de sanctions à la suite d’une décision attendue de l’OMC contre les subventions Boeing. Si les deux parties ne parviennent pas à un accord sur les subventions à l’aviation, l’avenir est sombre pour nos exportations vers les États-Unis. Les produits laitiers, le vin, l’huile d’olive seront probablement complètement bloqués, ainsi que d’autres produits.
Je n’ai même pas mentionné ici les menaces que représente pour la France la question de la fiscalité des GAFA, ni le différend automobile qui continue de peser telle une épée de Damoclès sur le commerce entre l’UE et les États-Unis.
La Commission continuera-t-elle à fermer les yeux pendant que les sanctions commerciales s’abattent sur le secteur agricole ? L’écart dans la façon dont les agriculteurs sont traités de part de d’autre de l’Atlantique va-t-il continuer à s’élargir ?