Chaque fois que je vois un nouveau rapport sur le déficit récurrent en protéines alimentaires de l’UE, je me demande si je trouverai enfin une analyse complète assortie d’un ensemble de solutions réalisables.
Malheureusement, ce n’est pas le cas. Le dernier rapport de la Commission, qui date de fin 2018, d’autres rapports et les déclarations communes des États membres ne font guère plus que répéter d’anciennes solutions.
Le problème peut être résumé de la manière suivante. Le déficit en protéines alimentaires est aigu, en particulier dans le segment des aliments à haute teneur en protéines, où l’UE souffre d’un déficit de 71 % en protéines alimentaires brutes.
Le dernier rapport de la Commission examine plus en détail quelles sont les cultures les plus déficitaires :
« Selon la source de protéines, le taux d’autosuffisance de l’UE varie considérablement (colza 79 %, tournesol 42 %, soja 5 %). En conséquence, l’UE importe chaque année environ 17 millions de tonnes de protéines brutes (dont 13 millions de tonnes à base de soja et l’équivalent de 30 millions de tonnes de soja), principalement du Brésil, de l’Argentine et des États-Unis. L’UE importe également 1,5 million de tonnes de protéines brutes de tournesol et jusqu’à un million de tonnes de colza, tous deux provenant principalement d’Ukraine ».
Ce déficit était encore plus important auparavant. Le rapport de la Commission l’indique à nouveau : « Pour le colza – principale graine oléagineuse cultivée dans l’UE – la superficie a augmenté de 66 %, passant de 4,1 à 6,8 millions d’hectares entre 2003 et 2018. La production de l’UE a atteint 20 millions de tonnes ˗, principalement en raison de la demande de biodiesel (directive sur les énergies renouvelables). Son sous-produit (tourteau de colza) est une source importante d’aliments riches en protéines. Les principaux producteurs de colza sont la France, l’Allemagne et la Pologne ».
Le point positif du rapport de la Commission est donc le développement du colza pour la production de biodiesel.
Rappelons que nous ne nous approvisionnons qu’à 29 % sur le marché intérieur. Sur les 29 % de cet approvisionnement sur le marché intérieur, il ressort du bilan des protéines alimentaires de l’UE que la majeure partie (85 %) provient du secteur des biocarburants (DDGS de maïs et tourteau de colza).
Maintenant que nous avons le fait essentiel, revenons aux remèdes proposés, rapport après rapport, et déclaration après déclaration : développer la production de légumineuses (légumineuses à grains, soja et fourrages légumineux (luzerne, trèfle), par une recherche accrue et souvent par des aides couplées.
Les légumineuses sont excellentes d’un point de vue agronomique et environnemental. Mais les légumineuses posent un problème économique. Citant le même rapport de la Commission : « Les systèmes de production de nombreuses légumineuses sont comparativement exigeants et les légumineuses souffrent d’écarts de rendement et d’une plus grande variabilité des rendements par rapport aux céréales ou au colza ». Les agriculteurs le savent, et les fonctionnaires de la Commission le savent, mais ils insistent sur le fait que la solution consiste à surmonter ces écarts en dépit de décennies d’échec.
Ce qui est vraiment déroutant, c’est que le seul point positif ne fait pas partie des remèdes proposés jusqu’à présent. Je parle des sous-produits de la production de biocarburants à partir de maïs et de colza – DDGS et tourteau de colza. C’est ce segment qui a contribué à réduire le déficit.
Pourquoi ne pas lever les restrictions actuelles à la production durable de biocarburants à partir des cultures de l’UE ? La production de biocarburants est désormais pratiquement gelée par la directive sur les énergies renouvelables. La production pourrait être stimulée, car la demande de biocarburants durables dans les transports va forcément augmenter pour atteindre les objectifs en matière de GES et d’énergies renouvelables. Le nouveau « Green Deal » augmente le niveau d’ambition et pousse les objectifs vers le haut. La production de biocarburants pourrait augmenter tout en respectant tous les critères de durabilité stricts de l’UE.
Cela contribuerait réellement à réduire le déficit de l’UE en protéines pour l’élevage. Nous savons que cela fonctionne, ce devrait être le remède qui fonctionnerait enfin.