L’UE DOIT RELEVER LE DÉFI DE LA CRISE DU COVID-19 SUR LES MARCHÉS AGRICOLES
La crise du Covid-19 a déjà des répercussions sur l’agriculture à plusieurs égards : les flux transfrontaliers de produits agricoles sont retardés et, dans certaines régions, les travailleurs sont en nombre insuffisant.
Il s’agit là de problèmes graves. Des mesures sont prises pour accélérer les échanges transfrontaliers, quant aux pénuries de main-d’œuvre, elles ne peuvent être résolues qu’au niveau régional et local.
Toutefois, il y a un domaine dans lequel l’UE, et en particulier la Commission européenne, doit être extrêmement vigilante et proactive, car il relève clairement de sa responsabilité.
Il s’agit des marchés agricoles, qui sont sur le point de subir de plein fouet les conséquences de la crise de Covid-19.
L’impact est déjà dramatique pour le secteur des fleurs et desplantes ornementales, qui ressent directement et rapidement le coup des fermetures de magasins. D’autres secteurs, plus dépendants de la restauration, seront également touchés. La consommation de produits frais sont aussi susceptibles de souffrir du confinement, car les familles font moins souvent leurs courses et la routine quotidienne est perturbée.
Cependant, le pire est malheureusement encore à venir. La crise du Covid-19 va se transformer en une crise économique à part entière, en raison de la fermeture de tant de secteurs économiques. Certains pays seront plus touchés que d’autres, mais tous en souffriront et l’UE va être, sans aucun doute, confrontée à une forte récession.
Or, une récession entraînera une réduction de la demande de produits agricoles et un déplacement de la demande vers des produits moins chers. Pour aggraver les choses, il n’y aura pas de soupape d’échappement par les exportations, car la crise frappe le monde entier. Au contraire, les exportations en souffriront également.
Il est donc prévisible que les marchés agricoles tomberont dans une certaine mesure, certains plus que d’autres, en crise dans un environnement économique déprimé.
Qu’est-on en droit d’attendre de la Commission européenne dans un tel contexte ? Devrait-elle adopter une politique d’attentisme ? Devrait-elle s’appuyer uniquement sur les outils actuels de gestion de crise de la PAC ? Devrait-elle se contenter d’augmenter le niveau des aides d’État, au lieu de poursuivre une approche commune ?
Les États-Unis ont suivi une autre voie, ils se sont préparés aux conséquences en augmentant le budget agricole de 48 milliards de dollars, dont 14 milliards pour reconstituer le Commodity Credit Corp, un programme de l’époque de la dépression conçu pour stabiliser les revenus agricoles, et 9,5 milliards pour soutenir les producteurs de cultures spécialisées, de bétail et de produits laitiers, ainsi que ceux qui approvisionnent les marchés agricoles, les restaurants et les écoles.
Ce programme d’aides s’ajoute aux deux programmes d’aides précédents destinés à compenser les pertes des agriculteurs américains liées aux guerres commerciales entre les États-Unis et la Chine.
Dans l’UE, les producteurs touchés par les représailles américaines dans le cadre du conflit Airbus, en particulier les producteurs de vin, n’ont pas reçu de soutien spécifique. Comme Farm Europe l’a déjà souligné, la divergence des soutiens aux agriculteurs de part et d’autre de l’Atlantique s’accentue.
Jusqu’à présent, la Commission européenne n’a fait qu’assouplir les règles en matière d’aides d’État pour faire face à la crise de Covid-19. S’il est compréhensible d’assouplir ces règles en temps de crise, cela induira inéluctablement des distorsions entre les agriculteurs des pays qui ont la puissance économique et la volonté politique d’aider le secteur et ceux qui ne l’ont pas.
De plus, une multitude d’aides d’État ne constituent pas une réponse à une crise du marché à l’échelle de l’UE. Seules des mesures communes peuvent y remédier.
Farm Europe est fermement convaincue que nous devons tirer les leçons de l’expérience passée. Lors des dernières crises du marché, que ce soit les deux crises du secteur laitier ou celle des fruits et légumes, il est apparu clairement qu’intervenir alors que la crise avait atteint son plein développement coûtait plus cher et causait davantage de dégats économiques et sociaux qu’agir dés les prémices.
La PAC actuelle est mal équipée pour faire face à une grave crise du marché dans de nombreux secteurs. Les seuils de déclenchement des interventions sont beaucoup trop bas et la boîte à outils n’est ni complète ni opérationnelle. Les outils de gestion des risques définis en 2013 et affinés grâce à l’Omnibus financier ne sont pas prévus pour faire face à une telle crise. Ils apportent des réponses à la volatilité des marchés et non à une crise profonde.
Une approche attentiste serait donc clairement une erreur. L’UE doit anticiper les difficultés à venir et se donner les moyens d’y faire face.
Il est essentiel que l’UE agisse rapidement pour créer une véritable réserve de crise, avec les règles d’engagement appropriées. Comme l’a proposé la COMAGRI, la Commission européenne devrait prendre l’initiative de toute urgence.
Nous avons besoin de plus de 400 millions d’euros, nous devons disposer de règles d’engagement qui permettent à la Commission d’intervenir rapidement pour redresser les marchés, par les meilleurs moyens disponibles – par exemple en réduisant l’offre et en indemnisant les agriculteurs pour la perte de production, en intervenant de manière plus décisive. Et la dernière chose dont les agriculteurs ont besoin, c’est de voir leurs paiements directs réduits des montants utilisés pour lutter contre la crise.
Cette crise risque d’être plus sévère et plus profonde que les précédentes. La Commission européenne ne doit pas s’appuyer sur les outils actuels de gestion de crise de la PAC qui n’ont pas fonctionné correctement dans un passé récent, mais en créer de nouveaux. Le règlement de transition pourrait être un instrument législatif permettant de les mettre en œuvre rapidement. Ne laissons pas passer cette occasion.