Mercosur: toujours plus de concurrence déloyale pour les agriculteurs de l’UE ?

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Le projet de protocole négocié par la Commission européenne n’apporte pas de réponse aux préoccupations environnementales et climatiques liées au projet d’accord avec le Mercosur, et encore moins au besoin d’établir des conditions de concurrence équitables pour les agriculteurs de l’Union européenne. Il empile des declarations politiques vagues sans obligation de mise en oeuvre. Cela suffira-t-il pour convaincre le Parlement européen et le Conseil ? 

La Commission européenne cherche à obtenir un protocole additionnel avec le Mercosur qui répondrait aux préoccupations du Parlement européen et du Conseil concernant l’absence de dispositions strictes en matière d’environnement et de climat dans l’accord. 

En l’absence de nouvelles garanties, le processus politique de ratification de l’accord a été gelé. 

Une fuite sur le projet de protocole, intitulé « Instrument conjoint UE-Mercosur », met en lumière l’approche suivie par la Commission. Le projet consiste en un rappel des engagements internationaux antérieurs de toutes les parties ; il énumère une série de bonnes intentions générales en matière d’environnement et de lutte contre le changement climatique ; il fixe un nouvel objectif unique et non contraignant de réduction de la déforestation (-50 % d’ici 2025), sans aucun processus de vérification indépendant approprié. Enfin, il est dépourvu de tout mécanisme d’application. 

Quelle est la valeur ajoutée du rappel des engagements internationaux ? Dans quelle mesure, le cas échéant, cela s’ajouterait-il aux engagements existants ? Que valent les bonnes intentions générales, sans objectifs et sans dispositions d’application ? Même s’agissant du problème bien connu de la déforestation, qu’est-ce que le projet de protocole ajoute aux dispositions du règlement de l’UE récemment adopté sur la déforestation importée ? Un objectif ambitieux et non contraignant apaise-t-il les inquiétudes largement répandues quant à la préservation de l’Amazonie ? S’il n’y a pas de mécanisme d’application, dans quelle mesure les bonnes intentions et les déclarations ne sont-elles que des paroles en l’air ? 

Il est essentiel de replacer les négociations en cours sur le protocole additionnel dans le bon contexte. 

L’accord UE-Mercosur négocié entre la Commission et les pays du Mercosur était déjà considéré comme trop faible en matière de protection de l’environnement et du climat. Depuis lors, la Commission s’est lancée dans une série de propositions – le Green Deal – qui additionnent de nouvelles restrictions et obligations pour les agriculteurs de l’UE : la proposition SUR de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides chimiques ; la directive IED sur les émissions industrielles englobant une grande partie de la production animale de l’UE ; les propositions sur les réductions obligatoires des engrais chimiques,  sur la mise en réserve de terres pour la biodiversité ; les efforts supplémentaires demandés au secteur agricole pour réduire les émissions de GES.

Le projet de protocole aborde-t-il l’une de ces nouvelles mesures environnementales et climatiques proposées ? Tente-t-il de mettre en place de véritables « clauses miroirs » sur les importations en provenance du Mercosur ? 

Il n’en est rien. 

L’application de l’accord entraînerait en fait une concurrence déloyale accrue pour les agriculteurs de l’UE. Ce derniers seraient confrontés à des coûts plus élevés et à une rentabilité moindre en raison des propositions de la Commission relatives au Green Deal, sans que cela soit le cas de leurs concurrents du Mercosur. 

La situation actuelle est pire pour le secteur agricole de l’UE que lorsque les négociations ont été finalisées en 2019. Le projet de protocole fait fi de ce fait. Inévitablement, les importations en provenance du Mercosur continueraient d’augmenter par rapport aux prévisions antérieures. La production agricole de l’UE diminuerait et la consommation de l’UE serait satisfaite par davantage d’importations produites sous des normes environnementales et climatiques bien moins strictes. 

Ce projet de protocole n’apporte pas de réponse aux préoccupations environnementales et climatiques, et encore moins au besoin d’établir des conditions de concurrence équitables pour les agriculteurs de l’UE. Il empile des declarations politiques vagues sans obligation de mise en oeuvre. 

Cela suffira-t-il pour convaincre le Parlement européen et le Conseil ?