Options pour éviter une crise brutale en cas de Brexit sans accord
Bruxelles, le 6 février 2019
Alors que la date du Brexit, le 29 mars, approche rapidement sans perspective claire d’un accord de sortie ordonné, le pire scénario d’un Brexit sans accord est de plus en plus probable.
Même si un accord est toujours possible et hautement souhaitable, l’impasse politique autour de la question apparemment insoluble du «filet de sécurité», visant à garantir qu’aucune frontière rigide ne revienne sur l’île d’Irlande, augmente la probabilité d’un non-accord.
Nous l’avons répété à maintes reprises, un non-accord signifie un désastre pour le Royaume-Uni et pour le secteur agroalimentaire de l’UE. Nous avons systématiquement averti nos Membres et nos lecteurs qu’un Brexit difficile à négocier était une possibilité bien réelle avec laquelle il fallait compter.
Reprendre le 30 mars l’application des droits de douane de l’OMC au commerce entre l’UE27 et le Royaume-Uni perturberait les courants d’échanges actuels dans un certain nombre de secteurs clés et provoquerait des ondes de choc dans les communautés agricoles et le secteur alimentaire de l’UE.
Des barrières tarifaires élevées seraient mises en place dans le cadre de nouvelles procédures lourdes aux frontières, ce qui aggraverait l’impact sur le commerce.
La perturbation brutale des flux commerciaux toucherait également d’autres secteurs économiques, l’intégration des systèmes de production dans de nombreux secteurs industriels, y compris dans l’industrie pharmaceutique, étant élevée de part et d’autre de la Manche.L’UE et le Royaume-Uni sont confrontés à des pénuries de produits clés, notammentles produits alimentaires, les médicaments et les produits industriels.
Plutôt que d’envisager avec horreur ce qui se passerait, nous avons mieux à faire en cherchant quelles options restent ouvertes dans le cas où un Brexit difficile à négocier deviendrait la nouvelle réalité.
La première option consiste à réduire à zéro les tarifs douaniers les plus importantes pour que le commerce reste fluide. Cela pourrait se faire en suspendant temporairement les taxes existantes pour tous les membres de l’OMC, y compris bien sûr le Royaume-Uni.
Ce n’est toutefois pas une option qui préserverait notre secteur agroalimentaire d’une crise brutale. Pour maintenir les flux commerciaux du Royaume-Uni ouverts, nous sacrifierions notre secteur aux importations d’autres origines sans aucune réciprocité. Cela ne ferait que remplacer un gros problème par un problème encore plus important.
Il existe cependant une autre option, qui maintiendrait le statu quoavec le Royaume-Uni pendant une période suffisamment longue pour permettre de nouer de nouvelles relations mutuellement bénéfiques.
La perturbation des courants d’échanges mettrait en péril la disponibilité d’aliments, de médicaments et d’autres produits essentiels à l’économie et au bien-être des citoyens. Cela créerait sans aucun doute une situation d’urgence qui devrait être évitée à tout prix. Cela mettrait en cause pendant un certain temps la sécurité des pays touchés.
Selon les règles de l’OMC, il est possible d’évoquer l’article XXI du GATT, qui permet à un pays « de prendre toute mesure qu’il juge nécessaire pour la protection de ses intérêts essentiels en matière de sécurité » « … pris en temps de guerre ou dans un autre état d’urgence dans les relations internationales« .
L’article XXI pourrait donc être utilisé pendant une période limitée pour conserver les flux commerciaux existants jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé sur les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni. Cela ne réduirait ni n’altérerait les termes de l’échange existants avec tous les autres membres de l’OMC. Cela n’augmenterait pas les protections tarifaires, n’imposerait pas d’interdiction du commerce avec d’autres pays. Cela ne maintiendrait que pendant une période limitée les termes de l’échange existants entre l’UE et le Royaume-Uni.
Pendant cette période, l’Union européenne et le Royaume-Uni maintiendraient leur union douanière intacte, ce qui signifie donc que le Royaume-Uni ne pourrait pas avoir la liberté d’appliquer des accords commerciaux avec d’autres pays.
Les États-Unis ont récemment évoqué l’Art XXI pour protéger leurs industries de la sidérurgie et de l’aluminium, les Émirats arabes unis pour bloquer les échanges commerciaux avec le Qatar et le Qatar avec les Émirats arabes unis. Ces situations ne correspondent pas à la véritable situation d’urgence que l’UE et le Royaume-Uni seraient confrontés dans l’éventualité d’un Brexit sans accord.
Dans le passé, les États-Unis ont également évoqué l’Article XXI sur l’imposition d’un embargo secondaire à Cuba et d’un embargo sur le Nicaragua. L’UE l’a utilisé pendant la guerre des Malouines pour imposer un embargo à l’Argentine.
En plus d’évoquer l’article XXI, l’UE et le Royaume-Uni devraient convenir d’un statu quoqui maintiendrait tous les règlements, normes et autres procédures existants dans le cadre du marché unique, jusqu’à ce qu’un accord sur les relations futures soit trouvé.
Les enjeux sont trop importants pour accepter un échec faute d’initiative, alors que l’absence d’accord politique auparavant avait conduit le Royaume-Uni et l’Union européenne au bord d’une catastrophe, en particulier dans le secteur agroalimentaire.
Bien que nous ayons fermement soutenu les Accords de Retrait et de Transition, et que nous ayons espéré son approbation par le Parlement britannique, nous ne pouvons pas nous résigner à accepter une crise brutale en cas de non-accord alors qu’il existe de bonnes options pour l’éviter, et créer le temps et l’espace pour un meilleur résultat.