Options pour éviter une crise brutale en cas de Brexit sans accord

Bruxelles, le 6 février 2019

 

Alors que la date du Brexit, le 29 mars, approche rapidement sans perspective claire d’un accord de sortie ordonné, le pire scénario d’un Brexit sans accord est de plus en plus probable.

Même si un accord est toujours possible et hautement souhaitable, l’impasse politique autour de la question apparemment insoluble du «filet de sécurité», visant à garantir qu’aucune frontière rigide ne revienne sur l’île d’Irlande, augmente la probabilité d’un non-accord.

Nous l’avons répété à maintes reprises, un non-accord signifie un désastre pour le Royaume-Uni et pour le secteur agroalimentaire de l’UE. Nous avons systématiquement averti nos Membres et nos lecteurs qu’un Brexit difficile à négocier était une possibilité bien réelle avec laquelle il fallait compter.

Reprendre le 30 mars l’application des droits de douane de l’OMC au commerce entre l’UE27 et le Royaume-Uni perturberait les courants d’échanges actuels dans un certain nombre de secteurs clés et provoquerait des ondes de choc dans les communautés agricoles et le secteur alimentaire de l’UE.

Des barrières tarifaires élevées seraient mises en place dans le cadre de nouvelles procédures lourdes aux frontières, ce qui aggraverait l’impact sur le commerce.

La perturbation brutale des flux commerciaux toucherait également d’autres secteurs économiques, l’intégration des systèmes de production dans de nombreux secteurs industriels, y compris dans l’industrie pharmaceutique, étant élevée de part et d’autre de la Manche.L’UE et le Royaume-Uni sont confrontés à des pénuries de produits clés, notammentles produits alimentaires, les médicaments et les produits industriels.

Plutôt que d’envisager avec horreur ce qui se passerait, nous avons mieux à faire en cherchant quelles options restent ouvertes dans le cas où un Brexit difficile à négocier deviendrait la nouvelle réalité.

La première option consiste à réduire à zéro les tarifs douaniers les plus importantes pour que le commerce reste fluide. Cela pourrait se faire en suspendant temporairement les taxes existantes pour tous les membres de l’OMC, y compris bien sûr le Royaume-Uni.

Ce n’est toutefois pas une option qui préserverait notre secteur agroalimentaire d’une crise brutale. Pour maintenir les flux commerciaux du Royaume-Uni ouverts, nous sacrifierions notre secteur aux importations d’autres origines sans aucune réciprocité. Cela ne ferait que remplacer un gros problème par un problème encore plus important.

Il existe cependant une autre option, qui maintiendrait le statu quoavec le Royaume-Uni pendant une période suffisamment longue pour permettre de nouer de nouvelles relations mutuellement bénéfiques.

La perturbation des courants d’échanges mettrait en péril la disponibilité d’aliments, de médicaments et d’autres produits essentiels à l’économie et au bien-être des citoyens. Cela créerait sans aucun doute une situation d’urgence qui devrait être évitée à tout prix. Cela mettrait en cause pendant un certain temps la sécurité des pays touchés.

Selon les règles de l’OMC, il est possible d’évoquer l’article XXI du GATT, qui permet à un pays « de prendre toute mesure qu’il juge nécessaire pour la protection de ses intérêts essentiels en matière de sécurité » « … pris en temps de guerre ou dans un autre état d’urgence dans les relations internationales« .

L’article XXI pourrait donc être utilisé pendant une période limitée pour conserver les flux commerciaux existants jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé sur les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni. Cela ne réduirait ni n’altérerait les termes de l’échange existants avec tous les autres membres de l’OMC. Cela n’augmenterait pas les protections tarifaires, n’imposerait pas d’interdiction du commerce avec d’autres pays. Cela ne maintiendrait que pendant une période limitée les termes de l’échange existants entre l’UE et le Royaume-Uni.

Pendant cette période, l’Union européenne et le Royaume-Uni maintiendraient leur union douanière intacte, ce qui signifie donc que le Royaume-Uni ne pourrait pas avoir la liberté d’appliquer des accords commerciaux avec d’autres pays.

Les États-Unis ont récemment évoqué l’Art XXI pour protéger leurs industries de la sidérurgie et de l’aluminium, les Émirats arabes unis pour bloquer les échanges commerciaux avec le Qatar et le Qatar avec les Émirats arabes unis. Ces situations ne correspondent pas à la véritable situation d’urgence que l’UE et le Royaume-Uni seraient confrontés dans l’éventualité d’un Brexit sans accord.

Dans le passé, les États-Unis ont également évoqué l’Article XXI sur l’imposition d’un embargo secondaire à Cuba et d’un embargo sur le Nicaragua. L’UE l’a utilisé pendant la guerre des Malouines pour imposer un embargo à l’Argentine.

En plus d’évoquer l’article XXI, l’UE et le Royaume-Uni devraient convenir d’un statu quoqui maintiendrait tous les règlements, normes et autres procédures existants dans le cadre du marché unique, jusqu’à ce qu’un accord sur les relations futures soit trouvé.

Les enjeux sont trop importants pour accepter un échec faute d’initiative, alors que l’absence d’accord politique auparavant avait conduit le Royaume-Uni et l’Union européenne au bord d’une catastrophe, en particulier dans le secteur agroalimentaire.

Bien que nous ayons fermement soutenu les Accords de Retrait et de Transition, et que nous ayons espéré son approbation par le Parlement britannique, nous ne pouvons pas nous résigner à accepter une crise brutale en cas de non-accord alors qu’il existe de bonnes options pour l’éviter, et créer le temps et l’espace pour un meilleur résultat.

DIRECTIVE PCD : LES INSTITUTIONS DE L’UE PARVIENNENT À UN ACCORD POUR PROTÉGER LES ACTEURS DE LA CHAINE D’APPROVISIONNEMENT ALIMENTAIRE

Au terme d’un sixième et ultime trilogue, le Parlement européen et le Conseil réunis,le 19 décembre,sont parvenus à un accord sur la Directive visant à lutter contre les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne de distribution agro-alimentaire. C’est une excellente nouvelle pour tous les producteurs et les entreprises du secteur, qui attendaient une réglementationeuropéenne depuis plus de 15 ans, alors que de nombreuses initiatives d’auto-régulation n’ont pas permis, jusqu’à présent, de mettre un terme aux pratiques déloyales. La nouvelleestd’autant meilleure que le champ d’application ainsi que le nombre de pratiques, très limité dans la proposition initiale de la Commission,ont été étendu au cours des discussions.

L’accord conclu s’appliquera à toute personne impliquée dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire avec un chiffre d’affaires allant jusqu’à 350 millions d’euros – sept fois le seuil initialement proposé par la Commission – et des niveaux de protection différenciés fournis en dessous de ce seuil. La volonté du Parlement européen d’élargir à l’ensemble des entreprises n’a pas été retenue. Les nouvelles règles concerneront les détaillants, les transformateurs de produits alimentaires, les grossistes, les coopératives ou les organisations de producteurs, ou un seul producteur qui se livrerait à l’une des pratiques commerciales déloyales identifiées.

Les pratiques commerciales déloyales interdites étaient au départ limitées aux seuls produits périssables(paiement après 60 jours). Elles ont été étendues pour couvrir : les retards de paiement pour les produits alimentaires périssables (paiement après 30 jours) ; les annulations de commandes de dernière minute ; les modifications unilatérales ou rétroactives des contrats ; le fait de forcer le fournisseur à payer pour les produits gaspillés et le refus des contrats écrits. D’autres pratiques ne seront autorisées que si elles sont subordonnées à un accord préalable clair et sans ambiguïté : un acheteur retournant des produits alimentaires invendus à un fournisseur ; un acheteur faisant payer un fournisseur pour garantir ou maintenir un accord de fourniture de produits alimentaires ; un fournisseur payant pour une campagne promotionnelle, publicitaire ou de marketing d’un acheteur.

Les États membres pourront élargir le champ d’application de la directive dans leur législation nationale, notamment en adoptantun seuil supérieur à plus de 350 millions d’euros, ou prendre des mesures supplémentaires, s’ils le souhaitent. « Il s’agit d’une harmonisation a minima, par conséquent les Etats membres peuvent, ou doivent à mes yeux aller plus loin pour renforcer le dispositif prévu par cette directive » a relevé le rapporteur du Parlement Paolo De Castro suite à l’accord. Il leur reviendra de désigner les autorités chargées de faire respecter les nouvelles règles, y compris leur capacité à infliger des amendes et à ouvrir des enquêtes sur la base de plaintes. La confidentialité peut être demandée par les parties déposant une plainte afin de répondre aux préoccupations relatives à d’éventuelles représailles.

La Commission mettra en place un mécanisme de coordination entre les autorités de contrôle afin de permettre l’échange de bonnes pratiques.

L’accord comprend également une clause de révision fixée à 4 ans, ce qui signifie que les dispositions du texte législatif devront être évaluées et éventuellement révisées au cours du prochain mandat du Parlement.

Il doit maintenant être formellement approuvé par les États membres au sein du Comité Spécial sur l’Agriculture,puissoumis au voteen séance plénière du Parlement,puis duConseil,pour être enfin transposé dans les législations nationales.

 

UN NOUVEAU PROJET D’US FARM BILL EN FORT CONTRASTE AVEC LES NOUVELLES PROPOSITIONS DE PAC

Le Congrès américain a adopté une nouvelle loi agricole quinquennale qui améliore les programmes de produits et les outils d’assurance-récolte qui étaient auparavant disponibles pour les agriculteurs américains, contrastant ainsi avec les propositions de la Commission européenne sur la PAC, qui réduisaient radicalement le budget et le soutien aux agriculteurs de l’UE.
Le nouveau US Farm Bill augmente le soutien à tous les niveaux. Il augmente la plupart des taux de prêt pour des produits tels que les céréales (blé, maïs, riz, etc.), les oléagineux (soja), le coton, le sucre et d’autres produits, tels que les pois et les lentilles. Il offre la possibilité d’augmenter les prix de référence pour le programme d’Assurance Couverture de perte de prix et améliore les rendements calculés de la Couverture de risque agricole.
Enfin, il renforce l’assurance revenu laitier en réduisant fortement les primes des plus petits producteurs – inférieur à 240 vaches en moyenne, oui 240, ce n’est pas une erreur, cela reflète la taille des exploitations laitières aux États-Unis – et en augmentant le niveau de protection de tous les agriculteurs entre autres améliorations.
Le nouveau Farm Bill augmente également les ressources consacrées à la protection de l’environnement et aux programmes de promotion des exportations.
Ainsi, le concurrent numéro un des agriculteurs de l’UE bénéficie d’une augmentation significative du budget de l’État au moment où les agriculteurs de l’UE sont confrontés au contraire – une réduction de 12% en termes réels du budget de la PAC proposée par la Commission.
Deux côtés de l’Atlantique, deux contes différents. Le Farm Bill américain repose sur des outils qui ne correspondent pas au modèle et aux besoins de l’UE, mais il est frappant de constater que les États-Unis renforcent leur soutien lorsque la Commission européenne propose des réductions drastiques, même lorsque le secteur fait face à des revenus stagnants et à de terribles perspectives pour l’avenir.
Les agriculteurs américains disposeront d’un ensemble encore plus robuste d’outils pour améliorer leur résilience aux chocs de marché et aux phénomènes climatiques, tandis que les agriculteurs de l’UE, qui en disposent peu, en auraient encore moins selon les propositions de la Commission.
Le modèle de l’UE a supprimé les paiements contra-cycliques qui compensent les agriculteurs lorsque les prix chutent, ce qui a conduit par le passé à gaspiller et à aliéner le secteur des signaux du marché et des marchés d’exportation, ce qui concentre les aides publiques dans la plupart des zones productives et des exploitations agricoles, et il ne devrait pas imiter le modèle américain à cet égard.
Mais la PAC n’a pas fourni d’outils de résilience suffisants pour absorber les chocs climatiques et de marché. Nous avons besoin de davantage d’assurances climatiques et de revenus et de fonds communs de placement, ainsi que d’un fonds de gestion de crise réel et bien financé – mais cela ne se produira pas sans le soutien de la PAC.
Nous devons également faire plus pour protéger en même temps l’environnement et améliorer l’économie du secteur, qui souffre d’une productivité inférieure à négative, ce qui compromet l’avenir des revenus des agriculteurs et la durabilité du secteur. Cela ne se fera pas non plus sans un soutien bien ciblé de la PAC sur les investissements à double performance.
Ce nouveau Farm Bill américain obligera-t-il la Commission européenne à réajuster ses propositions et son financement au titre de la PAC? Si pas la Commission actuelle, la prochaine ? Est-ce que cela va sonner l’alarme dans les capitales, trop enclines à laisser tomber l’aide à l’agriculture ? Cela donnera-t-il un « coup de fouet » au Parlement européen pour défendre le secteur agricole de l’UE ?
Nous ne pouvons que l’espérer. Sinon, notre avenir semble plus compromis.

Plateforme Agriculture Digitale

Plateforme AgricultureDigitale

Pour accélérer la numérisation des secteurs agricoles : connaître et faire connaître

Quoi – Contexte et aperçu

Les principaux défis pour le secteur agricole européen et les politiques publiques connexes peuvent être résumés comme suit :

– accompagner la transition de l’agriculture européenne et des zones rurales afin de relever les défis économiques, environnementaux et climatiques auxquels l’Union européenne est confrontée, et

– répondre aux impératifs de sécurité alimentaire et de souveraineté.

Dans ce contexte, les performances environnementales et économiques des secteurs agricoles sont les deux faces d’une même pièce. Une performance environnementale accrue ne peut être atteinte si la compétitivité des secteurs agricoles européens diminue. Une durabilité accrue exige des secteurs économiques plus rentables, capables d’investir dans des actions environnementales, pour en supporter les coûts tout en gagnant leur vie dans le monde ouvert d’aujourd’hui.

Il est donc temps de penser à une «nouvelle agriculture» qui prend en compte le passé, ses erreurs et ses succès. Un corpus considérable de connaissances agronomiques et d’innovations numériques peut être aujourd’hui mobilisé au service de la performance économique et environnementale des exploitations agricoles et dans l’intérêt des citoyens, des agriculteurs et des consommateurs.

Dans le même temps, l’adoption à grande échelle de l’agriculture numérique est un catalyseur pour une convergence de toutes les agricultures de l’UE, permettant aux agriculteurs en retard de compétitivité de rattraper très rapidement leurs collègues plus avancés, ouvrant la voie à un développement équitable de l’agriculture de l’UE dans son ensemble.

Pour assurer le plein succès d’une telle évolution numérique, il s’agit de :

démontrer aux décideurs politiques et aux acteurs économiques la réalité de cette évolution, c’est-à-dire évaluer et mettre en évidence les contributions économiques et environnementales concrètes qu’elle génère ;

– convaincre qu’encourager cette transition est plus efficace que de voir le futur avec le miroir du passé ;

– donner accès au plus grand nombre d’agriculteurs à ces outils.

Encourager les secteurs agricoles à innover dans les exploitations et à investir considérablement dans des outils techniques à double performance requiert non seulement des agriculteurs convaincus, mais aussi un soutien politique adéquat et, au niveau européen, une mobilisation complémentaire des politiques européennes, dans le but d’encourager ces types d’investissements et créer un environnement économique favorable sur des marchés très instables.

C’est dans ce contexte et face à la nécessité pressante de montrer combien il est important que les décideurs et les parties prenantes s’impliquent pleinement dans la transition des agricultures de l’UE vers des agricultures à double performance, que Farm Europe met en place une Plateforme Agriculture Digitale pour les acteurs des secteurs agricole et numérique partageant une vision commune d’une numérisation des secteurs agricoles en Europe : inclusive, centrée sur les besoins des agriculteurs et en interaction constante avec eux.

Pourquoi – Objectif, vision

Cette plateforme vise à réunir les secteurs agricoles et les opérateurs partageant à la fois la nécessité de passer au numérique et de mener ce changement afin de répondre aux besoins des agriculteurs, en interaction avec eux.

La plateforme agriculture numérique vise à partager des expériences et à mettre en évidence les avantages d’un tel changement. Aujourd’hui, des expériences et des activités pilotes sont menées dans différents secteurs, sans réunir les éléments communs pertinents qui permettraient de concrétiser les intentions positives des décideurs politiques en faveur de l’adoption de modèles numériques innovants.

Une telle approche présente un intérêt particulier, car le défi économique et politique de la double performance fait déjà partie de l’environnement politique de l’UE.

Au cœur de la Plateforme Agriculture Digitale, l’objectif est de faire de la numérisation de l’agriculture la priorité politique des mois et des années à venir.

1) Transformation numérique de l’agriculture de l’UE : une «nouvelle agriculture» pour relever les défis économiques, environnementaux et climatiques pressants et permettre la convergence de toutes les agricultures de l’UE ;

L’agriculture numérique est un concept de gestion agricole qui exploite les moyens de la technologie numérique pour veiller aux ressources agricoles et optimiser l’application des intrants et des pratiques agricoles dans le processus agricole.

(Mots-clés : changement de paradigme, nouvelle agriculture, double performance, convergence)

2) L’agriculture numérique : une solution valable pour tous les agriculteurs, tous les secteurs et tous les types d’agriculture dans l’Union européenne à compter d’aujourd’hui et non dans un avenir lointain ;

L’agriculture numérique fait référence à un processus décisionnel qui n’est pas défini mais qui peut être optimisé par l’utilisation de la technologie, notamment par l’utilisation combinée de données et de connaissances provenant de différents appareils et sources.

Ce processus implique fortement le facteur humain : l’agriculteur est placé au centre, animé et accompagné tout au long du processus par des conseillers qui agissent en tant que courtiers en innovation le connectant à un écosystème d’appareils produisant des données et des experts, générant, partageant et utilisant les connaissances.

(Mots-clés : modèles commerciaux fondés sur les besoins, faibles obstacles à l’entrée)

3) Promouvoir des approches d’agriculture numérique holistiques, inclusives et centrées sur l’homme, permettant de développer une nouvelle culture d’entreprenariat agricole fondée sur des décisions éclairées ;

L’agriculture numérique ne produit pas seulement des données, elle génère également une nouvelle culture d’entreprise : l’agriculteur n’est pas un consommateur passif d’intrants coûteux qui produisent des produits bon marché. Il doit faire des choix et des décisions économiques en toute connaissance de cause sur la base des connaissances : données, avis scientifiques et informations sur le marché.

(Mots clés: processus de prise de décision, écosystème d’appareils et d’experts, apport de connaissances, nouvelle culture de l’entreprenariat agricole)

Comment – Programme de travail et Activités

Au sein du think tank Farm Europe, la Plateforme Agriculture Digitale offre la possibilité de réfléchir et de renforcer les moyens d’action proposés à ses membres sur la numérisation des secteurs agricoles de l’UE ainsi que sur des problématiques plus larges qui y sont liées. Il fournit un environnement riche généré par des membres de divers horizons, tous animés par une volonté commune de mieux intégrer la compétitivité et l’environnement en tant que principes fondamentaux du développement durable.

La Plateforme Agriculture Digitale est un lieu de formulation de recommandations et de propositions à l’intention des décideurs, dans le but de définir une vision européenne forte pour le secteur agricole, de proposer des solutions et d’indiquer les moyens de mettre en place pour des politiques efficaces, capables de libérer le vaste potentiel des systèmes agroalimentaires européens.

Cette plateforme organisera ses activités sur la base des principes suivants :

  1. Partage d’expériences et de meilleures pratiques avec une approche «multi- acteurs» (agriculteurs, chercheurs, agronomes, industrie), avec la garantie de la confidentialité totale des résultats et des données spécifiques fournis à la Plateforme pour l’agriculture numérique par ses membres et autres organismes ;
  2. Promotion d’une collaboration active entre les participants (des réseaux informatiques / de recherche aux agriculteurs) ;
  3. Identification des facteurs / éléments influençant la mise en œuvre effective en fonction des spécificités sectorielles et / ou locales et prise en compte de celles-ci ;
  4. Développement d’analyses et études thématiques, par ses propres moyens et en association avec les membres, en alimentant les travaux de l’ensemble de la plateforme ;
  5. Echanges mensuels pour évaluer les résultats et les développements techniques, en tenant compte à la fois des aspects économiques, sociaux et environnementaux ;
  6. Promotion de l’approche consistant à « numériser l’agriculture européenne en tant que vecteur approprié pour permettre aux secteurs de l’agriculture de converger et d’atteindre une double performance – économique et environnementale » ;
  7. Développement de propositions et d’actions dans les domaines législatif et communication, notamment dans le contexte de la proposition concernant la PAC après 2020.

Public cible :

  • DÉCIDEURS EUROPÉENS ET NATIONAUX

Communication :

–  Sensibiliser les décideurs en organisant des réunions / événements / publiant des rapports ;

–  Suivre l’évolution de la politique agricole et numérique et l’analyser du point de vue des utilisateurs

  • PRODUCTEURS DE L’UE

Diffusion :

– Mise en réseau et sensibilisation des secteurs / organisations agricoles de l’UE en organisant des réunions / événements / publication de rapports.

Coordination de projets pilotes sur le terrain :

– Encourager, coordonner et superviser l’élaboration de projets pilotes sectoriels permettant à la fois la diffusion de pratiques agricoles intelligentes et la démonstration de ses avantages avec des résultats concrets.

Un premier projet a marqué le lancement de la Plateforme Agriculture Digitale en tant qu’exemple concret : le Projet de Nouvelle Viticulture. Lancé en 2018 par Farm Europe et son Wine Institute, ce projet implique déjà des agriculteurs, des coopératives et des acteurs du numérique de trois pays différents. La mise en œuvre progressive de ce projet démontrera concrètement les avantages de la numérisation du secteur vitivinicole, les conséquences multidimensionnelles des innovations et permettra de proposer un moyen efficace et équilibré de numériser les secteurs agricoles de l’UE. 

La Plateforme Agriculture Digitale vise à rassembler des expériences et des projets pilotes dans chaque secteur agricole, à travailler sur des indicateurs et des jalons et à collecter tous les résultats et données pertinents (sous clause de confidentialité si nécessaire) afin d’évaluer les résultats et les avantages de la numérisation des secteurs agricoles dans chaque cas et enfin pour promouvoir la numérisation en se basant sur des faits et raisonnements très concrets.

La Plateforme Agriculture Digitale ne promeut pas un modèle spécifique de numérisation des secteurs agricoles de l’UE. Elle favorise la transition des agricultures de l’UE vers des pratiques agricoles numériques / intelligentes, chaque secteur étant responsable de définir et de choisir la meilleure méthode en fonction de ses spécificités, tout en étant pleinement conscient des avantages et des implications de la numérisation de leurs systèmes.

Qui – les gens

Les membres de la plateforme sont des organisations et des entreprises partageant la même ambition de croissance durable et désireuses de préparer le terrain de manière proactive à la transition de leurs membres vers des systèmes agricoles plus performants sur les plans économique et environnemental. Les membres de la Plateforme Agriculture Digitale sont multisectoriels et proviennent de plusieurs États membres. Ils représentent les secteurs de l’agriculture, des sociétés de collecte et de transformation, des sociétés fournissant des solutions aux systèmes agroalimentaires, des fournisseurs de services de vulgarisation et des instituts de recherche. La plateforme est présidée par l’un des membres de Farm Europe pour qui la numérisation revêt une importance particulière.

Des coordinateurs des membres de la plateforme agriculture Numérique en charge des relations avec la plateforme et assurant une implication profonde de chacun de ses membres;

Une équipe multiculturelle sous la responsabilité de Yves Madre et Luc Vernet, mobilisant des experts du numérique, de l’agriculture et des politiques européennes.

 

Plateforme Agriculture Digitale

La Plateforme Agriculture Digitale consacre ses travaux à la transition des secteurs agricoles de l’UE vers une double performance économique et environnementale.

C’est un lieu indépendant, engagé et créatif, qui contribue au débat par ses idées, par le travail de son équipe, ses publications, ses événements et le travail de ses membres.

En tant qu’organe du think tank Farm Europe, la Plateforme Agriculture Digitale n’a pas d’orientation politique. Elle vise à catalyser la pensée de tous ses membres. EIle dispose d’une équipe multiculturelle d’experts reconnus. EIle est ouverte à une grande variété de membres qui souhaitent participer aux discussions, échanger des idées et trouver une plateforme pour donner de la visibilité à leurs points de vue.

Les actions de la plateforme agricole numérique :

– Des rapports, nourris par les membres du groupe de réflexion et de l’équipe ;

– Petits groupes de travail pour permettre le libre échange d’idées ;

Des événements publics axés sur les problèmes des secteurs

agroalimentaires aux niveaux national, européen et mondial ;

Accès au travail et aux principaux événements du groupe de réflexion.

Pour plus d’informations, contactez-nous au : digagriplatform@farm-europe.eu

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Plateforme Agriculture Digitale – 1ère rencontre

26 et 27 Novembre 2018, Hérault (France)

PROGRAMME

Réunion Wine Institute. Programme de travail, membres. Arrivée des participants.
Déjeuner sur le site de Pomérols – Vignerons de Beauvignac

Réunion et lancement de la Plateforme Agriculture Digitale – Wine Institute

  • –  Valeurs, objectifs et structure
  • –  Actions de communication
  • –  Table-rondePause café

    Discussion sur le Projet viticulture digitale

  • –  Objectifs et points d’étapes
  • –  Présentation par chaque participant du projet
  • –  Plan d’actionsDiner

    Visite du Mas Numérique

    Réunions bilatérales entre participants

    Déjeuner sur le site de Pomérols – Vignerons de Beauvignac

    Départs – Aéroports

PlateformeAgricultureDigitale

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Farm Europe – Rond-Point Schuman, 9 – 1040 Brussels – BELGIUM

www.farm-europe.eu – info@farm-europe.eu

©2018 Farm Europe

Mise en place d’un FONDS EUROPEEN DE GESTION DES CRISES EN AGRICULTURE

POLICY PAPER

 Novembre 2018

La PAC comporte quelques dispositions visant à lutter contre les crises qui frappent trop souvent les secteurs agricoles.

Les paiements directs constituent une première couche de stabilisation des revenus, mais ils ne sont pas conçus pour répondre à une crise soudaine et de forte ampleur, qu’elle soit climatique ou de marché.

La PAC prévoit également, depuis 2013, un soutien aux instruments d’assurance climatique et de stabilisation des revenus. Force est de constater que leur mise en œuvre a été très modeste et inégale au sein l’Union européenne. Dans le cadre budgétaire actuel, seuls 380 millions d’euros par an sont mobilisés par la PAC pour soutenir les outils de gestion des risques, soit moins de 1% du budget.

La grave sécheresse qui a sévi en 2018 dans de nombreuses régions d’Europe a montré à quel point le secteur est faible et mal préparé pour faire face à ces phénomènes climatiques extrêmes qui sont appelés à se multiplier. Dans un contexte où les régimes d’assurances privés restent rares, les agriculteurs sont à la merci des évènements et de la volonté des gouvernements nationaux de prodiguer des aides exceptionnelles.

Une nouvelle fois en 2018, la sécheresse a été gérée en ordre dispersée, avec des aides d’Etat variant d’un pays à l’autre selon l’intensité de la crise, certes, mais aussi en fonction de la capacité budgétaire des pouvoirs publics locaux et de la visibilité médiatique des évènements, créant des distorsions de traitement entre agriculteurs européens et un manque d’objectivité dans la couverture du risque. Au total, quelques800 millions d’euros d’aide d’urgence ont été annoncés, principalement en Allemagne, Suède, Pologne, Finlande et Irlande.

La crise laitière de 2015/16 avait, quant à elle, montré l’extrême vulnérabilité des exploitations agricoles face à des sauts de marché brusques et profonds affectant profondément les marges des exploitations et leur capacité à continuer à se projeter.

Bien qu’un certain nombre d’améliorations ait été introduit récemment au niveau de l’UE avec le paquet Omnibus financier, les propositions de la Commission pour l’avenir ne semblent pas à la hauteur pour bâtir un dispositif efficace :

  • de gestion des risques basé sur les acquis précédents
  • et de gestion des crises graves, relai indispensable à un développement de la gestion à l’initiative des filières des risques d’ampleur moyenne.

Pour faire face à des crises sévères en agriculture, les dispositions qui demeurent en matière d’intervention publique ne sont pas susceptibles de faire face aux enjeux. Ni les dispositions sur le stockage privé ni les niveaux de déclenchement des achats publics n’ont fourni un niveau de réponse adéquat lors des dernières crises du marché – la crise laitière de 2009 et celle de 2016, la crise des fruits et légumes de 2011 ou l’embargo russe.

La PAC actuelle ouvre également la possibilité d’interventions spéficiques ponctuelles en cas de crise. Le manque de structuration de ces possibles interventions, l’absence de garantie de financement et d’action, et le peu de transparence sur la manière dont l’UE est censée agir en font un dispositif au mieux incertain, au pire lacunaire. La réserve de crise souffre de n’avoir ni une mission claire ni un mode et un niveau de financement adéquats. D’ailleurs, malgré les crises, nombreuses depuis sa création, qui auraient pu justifier son utilisation, la Commission n’a jamais proposé son activation.

Ce cadre flou de gestions des crises induit deux conséquences :

  • un attentisme face à l’espoir de voir les pouvoirs publics trouver des financements exceptionnels – sans assurance aucune de leur niveau d’engagement face aux situations rencontrées – ; ce qui va à l’encontre de la mise en place d’une gestion solide des risques et crises,
  • un fort degré d’incertitude et de risque pour les filières agricoles qui limitent leurs capacités à investir.

La PAC ressemble donc à un grand bâtiment sans toit. Les fondations (aides aux revenus), les allées et les pièces (outils de gestion des risques, soutiens aux investissements) sont construites avec soin, mais en cas de crise, le bâtiment prend l’eau par le toit, mettant en danger ses propres fondations.

Faute de gestion des crises clairement assurée au niveau communautaire, les outils de gestion des risques peinent à prendre leur envol étant donné les risques systémiques pesant sur leur viabilité à long terme ou sur leur capacité à assurer un niveau de couverture uniforme dans la durée.

Le moment est venu de changer cet état de fait et de doter la PAC d’un toit adéquat. La discussion sur la nouvelle PAC nous offre une opportunité unique d’achever notre maison commune, avec la création d’un toit consolidant naturellement les fondations et les murs de l’édifice en clarifiant leur rôle.

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Figure 1: Politique de gestion des crises de la PAC

En prenant appui sur les décisions prises par les co-législateurs européens de renforcer les outils de gestion des risques privés cofinancés par la PAC lors de l’Omnibus Financier, la réforme de la PAC doit dès lors :

– conforter ces outils de gestion des risques en renforçant leur attractivité pour les agriculteurs afin d’offrir des possibilités de réponse effective pour les niveaux de risques moyens,

– fonder un dispositif européen venant prendre le relai de ces dispositifs en cas de crises profondes. Un tel dispositif – Fonds européen de gestion des crises en agriculture – est destiné à venir en appui de second rang après l’action des outils de gestion de risques. Il doit se déclencher sur la base d’indicateurs objectifs de niveau de crise valables pour toute l’Union européenne.

– bâtir ainsi une gestion des risques et des crises cohérente et transparente incitant les opérateurs à réagir sans attendre aux signaux des marchés et bannissant les délais inhérents aux attentes et espoirs d’interventions hypothétiques de l’Union européenne et/ou des pouvoirs publics nationaux, souvent mises en œuvre avec de forts délais.

Concrètement, un Fonds européen de gestion des crises en agriculture, financé par une réserve de crise pluriannuelle et dotée de façon adéquate, devrait avoir les missions suivantes :

  • Agir en réassurance partielle des assurances climatiques privées répondant aux conditions visées à l’article 70 de la proposition de réforme de la Commission (règlement plans stratégiques PAC). Cette mesure serait de nature à aider à l’offre de telles assurances climatiques aux agriculteurs, à réduire les montants des primes d’assurance, alors que le taux de couverture dans l’Union européenne demeure trop
  • Venir en soutien de second rang aux agriculteurs en cas de crises de marché, en prenant le relai des instruments de stabilisation des revenus au-delà d’un niveau de crise prédéfini. Il s’agira de couvrir la partie afférente des décaissements que ces fonds devraient opérer, sans quoi ces ISR ne seront pas en mesure de survivre à une crise profonde du marché. L’accès à cette aide de second rang pourrait être ouverte aux producteurs n’adhérant pas à un ISR, dès lors qu’aucune aide publique ne serait autorisée à se substituer, même partiellement, à l’aide apportée par les ISR aux adhérents de dits ISR. Les aides débloquées par le fonds de crise, en cas de crise grave,seraient débloquées au niveau européen, plaçant l’ensemble des agriculteurs européens sur un pied d’égalité. De plus, les agriculteurs couverts par un ISR, comme les agriculteurs ne l’étant pas, auraient de la visibilité quant à la capacité des pouvoirs publics à intervenir en cas de crise, avec des niveauxd’aide d’urgence prévisible. Un agriculteur ferait ainsi en connaissance de cause, selon le niveau de risque associé à sa production et à ses investissements, le choix de se couvrir, ou pas, étant dans le premier cas assuré du déclenchement de son ISR et des fonds d’urgence supplémentaires éventuels, et pour le second ayant uniquement la seconde partie, à savoir les fonds d’urgence.
  • Créer un cadre pour des interventions rapides via des mesures exceptionnelles de marché en cas de crise en vue d’en minimiser les effets, en agissant rapidement pour rééquilibrer les conditions du marché. Ce niveau d’action serait discuté immédiatement dès lors que les signaux de perturbationdes marchés déclencheraientles outils de gestion des risques. En fonction de la situation et de la nécessité, les autorités de gestion auraient la capacité à intervenir à travers des outils ad hoc.

Les coûts de gestion d’un tel fonds seraient minimes, puisque ses interventions seraient calées sur les outils de gestion de risques reconnus au titre de l’article 70 du projet de règlement sur les plans stratégiques et de l’article 36 de la PAC actuellement en vigueur. Ces outils sont contrôlés par les services de paiement de chaque pays lesquels sont contrôlés par des contrôleurs de la cour des comptes européenne et font l’objet d’audits menés par le niveau communautaire.

Les critères de déclenchement de l’indemnisation par le fonds de gestion de crise pour le point 1 (réassurance partielle des assurances climatiques) et le point 2 (soutien apporté en relai du déclenchement d’ISR) seraient prédéfinis de façon objective au niveau de l’Union européenne :

  • ratio de 170 % indemnités à verser/primes payées pour les aléas climatiques (ce qui correspond à une récurrence de crise d’un an sur 60), l’engagement du fonds étant par ailleursplafonnéàunevaleurde230%pourcemêmeratio(fréquencederisqued’uneannée sur100),
  • récurrence de crises de marchés au-delà de laquelle la crise est qualifiée de majeure et déclenche le fonds de gestion des crises en agriculture.

Ce seuil de récurrence de crises de marchés devra être déterminé par secteur au niveau européen. Pour le secteur laitier, en se basant sur l’analyse des marges d’exploitation et sur la base d’une simulation économétrique, une récurrence de 12 ans apparaît comme indicateur économique d’un passage à un état de crise majeure de marché. Ces seuils définis au niveau européen assureraient l’activation du fonds au moment voulu et dans les régions concernées lorsque la crise n’affecte pas uniformément un secteur donné sur l’ensemble de l’Union européenne. Cette fréquence du risque étant définie pour l’ensemble de l’Union, il y aura donc équité entre les Etats membres sans distorsion de marché sur le marché intérieur. Grâce à ces indicateurs de déclenchement du fonds européen de gestion des crises en agriculture, la réponse face à une crise grave serait prévisible, rapide et permettrait ainsi de limiter la portée de celle-ci et d’empêcher les faillites des exploitations. Le niveau de stress lié au risque économique pesant sur les agriculteurs serait ainsi réduit dès lors que les interventions publiques se feraient dans un cadre clair, prévisible, défini par avant, ce qui serait non seulement bénéfique du point de vue de la durabilité sociale et de l’attractivité du métier d’agriculteur, mais également sur le plan de l’investissement, nécessaire, notamment, pour atteindre les objectifs de développement durable de l’Union.

S’agissant du secteur laitier, le seuil de niveau de crise retenu (récurrence 12 ans) aurait induit une intervention lors des crises de la filière laitière de 2009 et de 2016. Ce schéma de déclenchement du fonds de gestion des crises serait applicable à toutes les filières. L’indemnisation versée par le fonds ne serait pas réservée uniquement aux agriculteurs ayant souscrits à un instrument de stabilisation des revenus, mais bénéficierait à l’ensemble des exploitations du pays et de la filière où le seuil de déclenchement aura été dépassé. Les agriculteurs ayant participé à un fonds bénéficieraient de la couverture du fonds de gestion des risques et de l’aide d’urgence supplémentaire associée au fonds de gestion des crises. Les exploitants ayant fait le choix de ne pas souscrire à un outil de stabilisation du revenu bénéficieraient quand même de l’aide du fonds d’urgence mais n’auraient bien évidemment pas la couverture de risque de l’outil de mutualisation. Il s’agirait là d’un choix économique pour chaque agriculteur, en fonction de la capacité de résilience de son exploitation. La figure 2 résume l’utilisation du fonds de gestion des crises en agriculture dans le cas de la prise de relai des instruments de stabilisation des revenus agricoles.

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Figure 2: Représentation graphique de l’utilisation du fonds d’intervention européen de gestion des crises en agriculture dans le cas de la prise de relai des instruments de stabilisation des revenus agricoles pour le secteur laitier

A noter que les modélisations réalisées (cf. la note technique Farm Europe “Mise en œuvre d’un fonds européen de gestion des crises en agriculture”) aboutissent à une estimation d’un montant annuel total de subvention publique PAC de 420 millions € (cofinancement PAC 2ndpilier de 70%) pour des ISR qui couvriraient 70% de la production laitière EU.

Le fonds de gestion des crises interviendrait quant à lui lorsque l’indemnisation des ISR dépasserait celle d’un risque ayant une fréquence d’une année sur 12 dans la limite d’un risque d’une année sur 40.

Impact de cette proposition pour un producteur de lait en Allemagne :

Cette simulation est construite sous l’hypothèse de la mise en place d’un ISR unique dans le secteur laitier en Allemagne, ISR n’intégrant que la composante lait des exploitations agricoles concernées. Au regard des caractéristiques des élevages laitiers dans ce pays, trois zones typées se dégagent qui pourraient inciter à la constitution d’ISR spécifiques.

Sous l’hypothèse de ISR aux critères communs, avec une franchise de 30 % s’y appliquant :

– un tel ISR serait intervenu en appui des producteurs laitiers en 2009, 2015 et 2016 pour des aides versées respectives d’environ 42 €/T en 2009, 19 €/T en 2015 et 29 €/T en 2016.

– Le fonds européen de gestion de crises proposé aurait alors pris en charge une partie de ces versements d’aides, à hauteur de 17 €/t en 2009 et 4 €/t en 2016).

– La cotisation annuelle que les producteurs auraient été amenés à payer pour cet ISR se situant, quant à elle, à 1,55 €/t (hors frais de gestion du fonds ISR).

Pour les risques climatiques, le fonds permettrait de mettre fin aux interventions financières ponctuelles décidées dans l’urgence par certains Etats membres (selon leurs moyens financiers et leurs attentions politiques) en cas de catastrophes climatiques. Le fonds n’aurait pas vocation à prendre le rôle des réassureurs, mais à alléger le coût global de l’Assurance Récolte en réduisant le coût de la réassurance (coût reporté dans les primes d’assurance payées par les agriculteurs). Il favoriserait le développement de cet outil dans l’ensemble de l’Union européenne.

Pour garantir rigueur au dispositif et partager les coûts de la réassurance entre public et privé, l’accès y serait restreint à la condition que la moitié de l’indemnité versée soit issue de fonds privés (assurance ou réassurance). La figure 3 résume l’utilisation du fonds de gestion des crises en agriculture dans le cas de la réassurance de l’assurance climatique.

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Figure 3: Représentation graphique de l’utilisation du fonds d’intervention européen de gestion des crises en agriculture dans le cas de la réassurance de l’assurance climatique

Pour couvrir 70 % des productions européennes des secteurs céréales, cultures industrielles, pommes de terre, vin etfourrages, le montant total du cofinancement PAC à 70% des primes d’assurance s’élèverait alors à 3 847 millions d’euros par an.

Le fonds européen de crise agirait alors en réassurancepartielle pour des évènements de fréquences comprises entre 1/60 et 1/100. La mutualisation de ce risque de réassuranceau niveau européen limitant les montants financiers de précaution à mettre en place.

Niveaux de pertes moyennes par types de cultures susceptibles de déclencher la réassurance pour aléas climatiques par le fonds de crise

Céréales : 27,14 %                  Cultures industrielles : 27,14 %

Pommes de terre : 28,33 %      Vignes : 31,05 %         Plantes fourragères : 33,26 %

Par construction des modes d’intervention du fonds européen de gestion des crises agricoles, tout risque d’effet d’aubaine est écarté :

  1. s’agissant de l’intervention en réponse à des aléas climatiques graves, le fonds ne viendrait prendre le relai des assurances climatiques que pour un niveau d’aléas graves, donc nettement après le déclenchement normal de compensations supportées en totalité par les assureurs privés. Cette action de relai en second rang et pour uniquement 50% de la part supportée par les systèmes de réassurance pour les niveaux d’aléas compris entre 170% et 230 % du ratio compensations à verser/primes payées, exclut tout risque de recherche d’effet d’aubaine et de distorsion du dispositif
  2. s’agissant de l’intervention en réponse aux aléas forts de marché par prise de relai des IST pour des crises de récurrence supérieure à un niveau fixé, ce dispositif n’encouragera aucunement des comportements individuels irresponsables de prise de risque, car il n’intervient qu’en complément des outils ISR mis en place par des filières et dont les paramètres ont été validés par les Etats membres, et en aucun cas en substitution. Par ailleurs,unteldispositifdoitinterdiretouteaidepubliquequiviendraitenremplacementdes compensationspayéesparlesISRpourdesagriculteursayantfaitlechoixdenepasadhérer à un ISR. A l’inverse, le soutien de second rang apporté par le fond mutuel pourrait être apporté tant aux agriculteurs sous ISR qu’à ceux non couverts par un ISR dans la région et la filière en crise.
  3. s’agissant des mesures exceptionnelles de marché qui pourraient être décidées à l’image de la mesure de réduction volontaire de production laitière mise en place en 2016, elles doivent viser à rééquilibrer les niveaux d’offre/demande et en aucun cas apporter une aide complémentaire au revenu sans contrepartie, aide qui alors saperait les outils privés de gestion des risques renforcés par l’Omnibus financier et confirmés à l’article 70 de la proposition de règlement sur les plans stratégiques

A noter s’agissant de la compatibilité de la mesure proposée avec les engagements de l’UE à l’OMC, le fonds répond aux règles OMC de la boite verte pour les mesures avec franchise de 30% et indemnisation ne dépassant pas les 70% de pertes et pour les autres mesures est exempté des engagements de réduction de la boite orange (ou AMS).

Le fonds devrait être doté d’un capital de 1,7 milliard d’euros, niveau qui permettrait de faire face à des situations de crises pouvant apparaître dans différents secteurs agricoles et financer les actions liées de manière adéquate. Cette dotation peut être envisagée, soit au premier jour de la création du fonds, par décision des chefs d’Etats et de gouvernements dans le cadre des discussions sur le cadre financier européen 2021-2028, soit, à défaut, de façon progressive entre 2021 et 2023.

Dès lors que le fonds serait sollicité, il serait ré-abondé l’année ou les années suivantes à raison de 400 millions € par an et dans la limite d’un montant total du fonds de €1,7 milliard.

Ce niveau se compare favorablement aux 2,8 milliards d’euros que l’UE a dépensés pour faire face à la seule crise laitière dernière. Si ce Fonds avait été opérationnel, les dépenses auraient été beaucoup plus faibles.

Ce montant de €1,7 milliard  a été établi au regard de l’expérience des crises passées et des actions qui eussent été à financer si un tel fonds avait existé, en prenant en compte que :

  • des crises climatiques sont de nature plus systémiques quand elles surviennent
  • si des crises de marché peuvent exister une même période dans plusieurs secteurs, la probabilité que tous les secteurs agricoles soient affectés en même temps est statistiquement faible.

Dès lors, il apparaît pertinent et d’une sécurité suffisante que le fonds ait en réserve l’équivalent de 4 années d’actions à mener –alors même que le risque d’une suite continue de telles crises est faible – à raison de :

  • Réassurance des assurances climatiques (dotation annuelle de précaution de 150M€/an au fonds de gestion des crises),
  • Prise de relai des instruments de stabilisation des revenus agricoles (dotation annuelle de précautionde135M€/anaufondsdegestiondescrises)
  • Mesures de rééquilibrage offre/demande (dotation annuelle de précaution de 130M€/an au fonds de gestion des crises)
  • avec un montant de 5 M€/an supplémentaires pour financer les dispositifs de communication sur les outils de gestion de risques, la recherche et le développement sur les risques en agricultures en Europe.

La solidarité et la mutualisation permettent une efficacité économique qui est un fondement de la politique européenne agricole, mise en avant lors de la création de la PAC.

NB : Dans ces schémas, les mesures traditionnelles de crises telles que l’intervention publique et l’aide au stockage privé doivent continuer à être financés en plus de ces crédits, comme elles sont aujourd’hui financées hors de la réserve de crise. A noter toutefois que l’utilisation à propos de mesures de rééquilibrage (donc avec des déclenchements rapides et ciblés) réduira considérablement le besoin de recourir à une politique de stockage publique.

NOTE POLITIQUE Budget Européen & Budget PAC 2021-2027 Clés de lecture des différentes analyses publiées sur les propositions de la Commission

2018

Le 2 mai dernier, la Commission européenne a proposé ses orientations budgétaires pour la période 2021-2027 pour l’Union européenne et ses politiques. Depuis lors, de nombreuses analyses et commentaires ont été faits, avançant des chiffres variables quant à l’impact financier réel de ces propositions pour la PAC.

Cette note vise :

  • à décrypter ces différentes analyses qui, si elles sont toutes mathématiquement exactes, donnent des lectures très variables des propositions de la Commission ;
  • à mettre en lumière l’impact économique effectif des dites propositions sur les secteurs agricoles européens et sur les revenus des agriculteurs européens.

 

I- Un budget en hausse pour l’UE27, un budget PAC en réduction de « seulement » 5%, selon la Commission

La Commission européenne a présenté sa proposition comme un budget d’ambition pour faire face à de nouvelles priorités et relancer la dynamique européenne.

Il apparaît, parallèlement, que le budget proposé, exprimé en pourcentage du PIB de l’UE27, est en diminution par rapport à ce que représente les actions européennes actuellement financées dans les 27 Etats membres. Alors que la mise en œuvre des politiques européennes actuelles dans l’UE ramenée à 27 Etats membres représente aujourd’hui 1,16 % du PIB de l’UE27, le budget pour la période à venir est proposé à 1,11% pour financer à la fois les politiques actuelles, mais aussi ce qui est proposé comme nouvelles priorités. Il est demandé par la Commission moins d’argent que celui actuellement utilisé pour les politiques européennes existantes dans l’UE27 pour plus d’actions à financer. Celle-ci a donc renoncé à demander aux Etats membres de compenser, XXX même partiellement XXX, le départ du contributeur net qu’est le Royaume-Uni. Elle s’est limitée à demander aux Etats membres les plus contributeurs nets, qui bénéficient aujourd’hui d’un rabais sur le rabais britannique (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Autriche), d’ajuster leur contribution pour mettre fin à cette anomalie mise en place après l’accord de Fontainebleau de 1984.

De ce fait, les contributions des Etats membres proposées sont quasi stables ou en faible hausse. Par exemple, le rabais sur le rabais dont bénéficie l’Allemagne au titre d’important contributeur net représente environ 840 millions d’euros, soit à peine 3,6% de sa contribution moyenne pour la période 2010-2016.

Dès lors que la Commission a renoncé à demander des ressources supplémentaires de façon significative, le financement des dites nouvelles priorités proposées pour l’UE (défense, immigration, digital…) suppose dans le projet de la Commission de demander aux politiques existantes de couper leurs budgets à la fois pour compenser le départ du contributeur net britannique et pour financer les nouvelles politiques proposées. C’est le cas pour la PAC pour laquelle la Commission propose une baisse de 19,6 milliards en euros courants du budget sur la période, plus une perte en valeur réelle annuelle du montant de l’inflation, accentuant l’érosion engagée depuis les années 2000 du budget PAC dans le budget européen.

 

 

– Alors que la proposition budgétaire de la Commission incrémente de 2% (taux d’inflation théorique retenu) par an les contributions nationales que les EM devront payer au budget de l’UE,

– Alors que les coûts de production des secteurs agricoles et agro-alimentaires suivront vraisemblablement largement l’évolution de l’inflation en EU27,

l’expression de l’évolution du budget PAC en euros courants ne permet pas de donner une lecture réelle et objective de l’impact économique des propositions présentées sur le secteur économique agricole et agro-alimentaire européen.

 

II- Analyse conduite par le Parlement Européen : comparaison des deux périodes budgétaires rapportées en euros 2018.

 

En choisissant de comparer les financements communautaires dévolus aux différentes politiques en euros 2018 pour la période 2014-2020 et pour 2021-2027, le Parlement européen pointe une différence, pour l’actuelle rubrique 2 (essentiellement la PAC), de   -21 % entre les deux périodes, la proposition de la Commission pour la période  à venir se situant alors inférieure de 90 milliards €2018.

Il convient de noter qu’un budget 2014-2020 exprimé en « euros2018 » aboutit à un montant (nombre d’euros) plus important que celui ressortant de la décision des chefs d’Etat et de gouvernement de 2013 qui ont décidé du maintien du budget PAC en euros courants uniquement.

Parallèlement, exprimer la proposition de budget de la Commission pour la période 2021-2027 en « euros2018 »  conduit à inclure dans le calcul le manque lié à la non indexation sur le taux d’inflation pour les années 2019 et 2020, étant donné qu’il s’agit de décisions prises en 2013 qui ne seront pas remises en cause.  Par conséquent, au regard des décisions prises et acceptées en 2013 de non indexation pour la période allant jusque 2020, l’expression du budget 2021-2027 en euros 2018 augmente le manque de budget PAC proposé par la commission pour la période. Et ce d’autant que compter le manque lié à la non indexation sur l’inflation à partir de 2018 à un effet cumulatif (par multiplication chaque année par un facteur 1,02) jusque la fin de la période 2027. Le calcul du Parlement est donc mathématiquement juste. Toutefois, il amplifie la baisse du budget de la PAC étant donné que la baisse, et ce pour les deux raisons suivantes :

  • d’une part, l’inflation sur la période 2013-2020 avait été acceptée par les chefs d’Etats et de gouvernement. La Commission a naturellement pris comme année de référence, la dernière année budgétaire entérinée politiquement pour caler sa proposition. Pour analyser la capacité de la PAC à maintenir son niveau effectif en comparaison à 2020. Une analyse plus juste est de prendre l’année 2020, et de la comparer à la période 2021-2027. Cela permet d’exclure du champ de l’analyse les années pour lesquelles la Commission actuelle et les co-législateurs en cours de mandat ne sont pas comptable – les responsables de ces coupes budgétaires sont les décideurs de février 2013.
  • d’autre part, en utilisant les « euro2018 » comme base, l’analyse grossit mécaniquement de deux années d’inflation déjà actées dans le périmètre du calcul.

 

            III – Analyse de l’institut Bruegel : comparaison du budget PAC 2014-2020 exprimé en euros courants et de la proposition 2021-2027 exprimée en euros2018.

 

 

Par son analyse comparant le budget PAC 2014-2020 exprimé en euros courants (prise en compte stricte de la décision du conseil européen de 2013) avec un budget 2021-2027 traduit en euros2018, l’institut Bruegel conclut à une proposition de la Commission inférieure de -15% à ce qu’il aurait fallu pour maintenir le budget PAC à son niveau précédent exprimé en euros2018, donc pour maintenir ce budget en valeur (termes réels) 2018, manque se décomposant pour le 1er pilier par un manque de -13% et le second pilier par un manque de -23%.

Cette analyse conduit à calculer ce qu’aurait dû être la proposition de la Commission pour maintenir la valeur du budget PAC précédent en valeur réelle 2018. Par conséquent, elle s’affranchit de la décision du Conseil européen d’une PAC non indexée sur l’inflation jusque fin 2020 et revient à calculer le manque par rapport à un budget PAC qui serait indexé sur l’inflation non seulement durant toute la période 2021-2027 mais aussi dés 2019 et 2020 à raison de 2% par an, soit une majoration d’un facteur 1,0404  par rapport à un budget maintenu en termes réels uniquement sur la période 2021-2027, principe qui accepterait  ainsi la décision de 2013 des chefs d’Etats d’un budget PAC dégradé de l’inflation jusque fin 2020.

 

IV – L’approche de Farm Europe : comparaison entre le budget PAC 2020, aides versées au Royaume-Uni exclues, et la proposition 2021-2027 de la Commission – détermination du manque financier par rapport à un objectif de maintien du budget PAC pour l’UE27 en valeur réelle 2020 (euros2020).

L’approche retenue par Farm Europe vise à calculer les montants manquants dans le budget proposé par la Commission européenne pour maintenir l’intensité du budget de la PAC à son niveau décidé pour 2020.

Considérant que la décision prise en 2013 par le Conseil européen ne sera pas remise  en cause pour la période 2013-2020, la comparaison des niveaux de budgets PAC proposés par la Commission pour les années 2021 à 2027 doit alors être faite avec le niveau de la dernière année de la période budgétaire actuelle : 2020. Cette année intègre les conséquences de toutes les décisions prises en 2013.

Pour l’UE27, aides PAC versées au Royaume Uni exclues, le budget PAC 2020 se situe à 56,6 milliards €, à raison de 41,35 milliards € pour le 1er pilier et 15,3 milliards € pour le second pilier.

Maintenir pour les agriculteurs de l’UE27 ce niveau 2020 de soutiens PAC pour chacune des années de la période 2021-2027 supposerait d’accroître les sommes 2020 de 2% (taux d’inflation retenu par la Commission pour déterminer l’évolution des contributions nationales au budget de l’UE) par an, d’une année sur l’autre.

Le tableau ci-après présente (en gras) les montants qui manquent chaque année à la proposition de la Commission, pour chaque pilier, pour combler la différence entre la dite proposition de la Commission et un objectif de maintien du budget PAC en valeur réelle au niveau de l’année 2020.

Au total, la proposition de la Commission s’avère inférieure de -12% à ce qu’elle nécessiterait d’être pour remplir cet objectif, à raison d’un manque de -9,56 % (27,37 milliards d’euros sur la période 2021-27) pour le 1er pilier et d’un manque de -21% (16,23 milliards € sur la période) s’agissant du 2nd pilier.

 

Farm Europe, May 2018

Ces taux prennent en compte l’ensemble de la période. Il convient d’avoir à l’esprit que du fait de la non-compensation de l’inflation dans la proposition de la Commission, la situation se détériore d’année en année, la différence atteignant pour l’année 2027 quelque -14,85 % pour le 1er pilier de la PAC

La proposition de la Commission, du fait de ce manque important de financement alors que les aides PAC représentent en moyenne 46% des revenus agricoles dans l’UE, aurait des conséquences substantielles sur l’évolution des revenus agricoles dans les Etats membres.

Ces revenus seraient amputés du seul fait de l’évolution proposée du budget agricole, de façon très conséquente, hors impact de la réforme PAC qui sera présentée début juin. A noter que l’impact des futures propositions législatives PAC a été évalué, à budget PAC constant, par les services de la Commission. Il ressort de cette analyse d’impact une baisse supplémentaire de revenu des agriculteurs  (entre – 8% et – 10% minimum de revenus pour les agriculteurs européens) à ajouter, donc, aux baisses de revenus évaluées dans le tableau ci-dessous.

 

Impact de la proposition budget PAC de la commission sur l’évolution des revenus agricoles moyens Evolution des revenus moyens sur la période 2021-2027 (%) Impact sur les revenus moyens agricoles pour l’année 2027 (%)
Belgique -5,45 -7,48
Bulgarie -4,71 -6,46
République Tchèque -13,27 -18,19
Danemark -26,91 -36,89
Allemagne -7,07 -9,69
Estonie -5,83 -7,99
Irlande -7,44 -10,2
Grèce -5,21 -7,14
Espagne -3,10 -4,25
France -6,32 -8,67
Croatie -1,86 -2,55
Italie -3,59 -4,93
Chypre -2,32 -3,06
Lettonie -5,33 -7,31
Lituanie -7,32 -10,03
Luxembourg -10,29 -14,11
Hongrie -6,07 -8,33
Malte -0,74 -1,02
Pays Bas -3,35 -4,59
Autriche -4,71 -6,46
Pologne -3,47 -4,76
Portugal -4,96 -6,80
Roumanie -2,73 -3,74
Slovénie -3,59 -4,93
Slovaquie -60,76 -83,30
Finlande -6,69 -9,18
Suède -10,91 -14,96
UE27 -8,31 -11,39

Farm Europe – mai2018 – Evaluation de l’impact sur l’évolution des revenus agricoles européens de la proposition de budget PAC de la Commission, à PAC inchangée (PAC 2013).

 

Annexe : tableaux Commission Européenne – communication sur le budget 2021-2027

European Commission

 

 

 

 

 

BREXIT ET NEGOCIATIONS COMMERCIALES AVIS DE TEMPETE

I – BREXIT

Le Brexit a été un défi évoqué lors de chacun des Global Food Forum. L’analyse préparée l’année dernière soulignait que «Le choc politique du Brexit doit encore être traduit en termes économiques et commerciaux, mais le compte à rebours a déjà commencé». Le temps s’est écoulé et le Brexit est au tournant, arrivant dans 6 mois. Où en sont les négociations ? Quels sont les perspectives probables ? Quelles en seront les conséquences dans les secteurs agro-alimentaires au sein de l’Union Européenne ?

Nous sommes arrivés à une étape ou, malgré le fait que seuls quelques mois nous séparent du Brexit, nous avons plus de questions que de réponses. Si nous nous en tenons aux faits, la seule certitude que nous avons est que le 29 Mars 2019, le Royaume-Unis ne fera plus partie de l’Union Européenne. Un abandon du Brexit n’est pas envisageable au regard de la politique actuelle du Royaume-Unis, et le temps se fait court.

Le niveau d’incertitude actuel est stupéfiant. Il n’y a toujours aucune clarté quant à la forme de la relation post-Brexit entre le Royaume-Unis et l’Union Européenne à 27. Le sujet des frontières Irlandaises a été un obstacle majeur, sans aucune solution acceptable à ce jour. La situation politique du Royaume-Unis ne fait qu’accentuer l’incertitude des négociations.

Nonobstant, nombreux sont ceux qui pensent que l’Union Européenne et le Royaume-Unis trouveront une « sortie de secours » du désordre actuel, protégeant les intérêts des deux partis. L’idée première d’étendre la participation du Royaume-Unis au sein du marché unique jusqu’à fin 2020 s’ajoute à une perception (dangereuse) que rien de fondamental ne changera.

Afin d’examiner plus en profondeur où nous en sommes réellement, il s’avère utile de comprendre que le Brexit doit être pensé comme un processus, au lieu d’un évènement unique.

Ce processus a évolué durant l’année 2017 : il y a eu un premier compromis qui a permis à l’Union Européenne d’accepter d’engager les négociations sur le futur des relations, incluant les termes commerciaux. Comme dit précédemment, un des éléments de ce compromis fut le maintien du Royaume-Unis dans le marché unique jusqu’à fin 2020, afin d’avoir plus de temps pour trouver une solution générale évitant un retour d’une frontière rigide entre le Royaume Uni et l’Irlande.

Peu d’autres avancées ont été accomplies. Même la compréhension du problème crucial qui est d’éviter une frontière rigide est un peu plus que confuse. Cet objectif s’avère  irréalisable sous les termes exprimés avec les solutions suggérées jusqu’alors par les parties. Nonobstant, ce flou a tout de même permis d’entamer les négociations sur le futur des relations, ce qui, en soit, a été un point positif.

Cependant les négociations n’ont pas réellement avancé depuis. Le Royaume-Unis admet devoir éviter une frontière rigide entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, mais refuse de la remplacer par une frontière entre l‘Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni. Si ce dernier, avec son gouvernement figé en sa position actuelle, refuse de rester dans un marché unique, ni dans l’union douanière, avec toutes ses obligations, il n’existe pas de solution concrète permettant d’équilibrer le processus d’exclusion et de ne pas avoir de frontière rigide avec l’UE. Comment les flux de marchandises en provenance de pays tiers pourraient-ils être contrôlés s’ils pouvaient franchir librement la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord ? Comment la protection des frontières de l’UE et la conformité aux normes et réglementations de l’UE seraient-elles appliquées ? Par le Royaume-Uni sous délégation de l’UE ? Quelles garanties l’UE aurait-elle en particulier si le Royaume-Uni n’accepterait plus la juridiction des tribunaux européens ?

La conclusion inéluctable est qu’il n’y a pas de modèle imaginable qui permettrait d’éviter une frontière rigide autre que laisser le Royaume-Unis dans l’Union douanière. Le Royaume-Uni pourrait demander de prolonger la période de transition au-delà de 2020, mais une période trop longue se heurterait à une forte réaction de ceux qui veulent quitter l’UE, mais resteraient soumis aux règles de l’UE sans avoir de place à la table des décisions.

Sans surprise, le gouvernement du Royaume-Uni cherche des voies intermédiaires qui protégeraient ses intérêts économiques. Une option proposée en juillet serait de rester dans l’Union douanière, mais uniquement pour les biens, excluant ainsi les services, tout en étant libres d’adopter des accords de libre-échange avec des pays tiers. Cette option est présentée par les autorités britanniques comme permettant d’éviter la nécessité d’une frontière ferme et maintiendrait le statu quo en ce qui concerne le commerce des marchandises. Ceci est avancé comme pouvant être une bonne nouvelle, en particulier pour le secteur agroalimentaire de l’UE, car cela maintiendrait la situation actuelle, l’UE27 bénéficiant d’un excédent commercial avec le Royaume-Uni. Sans parler de tous les autres secteurs où l’UE27 a une balance commerciale positive, et ceux-ci sont clairement dominants.

Le problème avec cette solution intermédiaire d’un point de vue commercial est double : premièrement les échanges de services et de biens sont inséparables dans de nombreux domaines ; deuxièmement si le Royaume-Unis décide de signer des accords de libre échanges avec les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, pourquoi pas le Mercosur, la concurrence pour les produits agro-alimentaires sur le marché du Royaume-Unis changerait dramatiquement au détriment des intérêts de l’Union Européenne. De plus, le marché UE serait ouvert à un détournement d’échanges et aux produits peu chers importés au Royaume-Uni. Cela pourrait ne pas être un problème dans les secteurs économiques qui ont peu voire pas de protection tarifaire, mais serait définitivement un problème majeur pour le secteur agro-alimentaire. Nous devons nous demander encore : comment est-ce-que les flux de biens provenant de pays tiers peuvent être contrôlés s’ils peuvent passer librement les frontières? Comment la protection des frontières de l’Union Européenne et la conformité aux normes et réglementations de l’Union Européenne seraient-elles appliquées ?

Or, nous sommes à peine six mois avant que le Brexit n’arrive réellement. Le manque de solutions politiquement viables est alarmant. Alors que l’idée de garder le Royaume-Unis dans l’union douanière jusqu’à fin 2020 n’est actuellement rien de plus qu’une hypothèse, dépendant d’un accord officiel prenant effet à la fin des six prochains mois, la possibilité d’un Brexit ‘’dur’’ (avec une frontière rigide) est actuellement à son apogée, sans être la seule solution possible.

Les conséquences d’un Brexit ‘’dur’’ sont si importantes pour le Royaume-Uni, et pour certains secteurs au sein de l’Union Européenne —le secteur agro-alimentaire avant tout— qu’un autre résultat possible serait d’accepter de prolonger la période de transition afin de donner le temps aux deux partis de trouver un terrain d’entente pour les relations futures. Certains espèreraient qu’avec le Royaume-Unis déjà en dehors de l’Union Européenne l’état d’esprit des négociations et le climat politique seraient enclins à trouver une solution, tellement insaisissable actuellement. Dans ce scénario, nous nous retrouverions probablement à négocier un accord de libre-échange le plus large possible, ce qui, pour le secteur agro-alimentaire de l’Union Européenne, serait préférable à un Brexit ‘’dur’’, mais clairement pire que la situation actuelle — car le Royaume-Uni négociera par ailleurs des accords de libre-échange avec des pays tiers extrêmement compétitifs, comme mentionné précédemment.

Le chapitre prochain traite de l’impact du Brexit sur les secteurs clefs de l’agro-alimentaire au sein de l’Union Européenne — bœuf, porc, volaille, viande de mouton, de chèvre, produits laitiers, sucre et vins— afin d’illustrer et sensibiliser les défis à venir.

 

Aperçu général des échanges actuels

60% des produits issus de l’agroalimentaire consommés au Royaume-Uni sont importés. Et presque 75% proviennent de l’Union Européenne.

L’année dernière, l’Union Européenne à 27 exporta des produits agro-alimentaires vers le Royaume-Unis d’une valeur de plus de 38 milliards d’euros, et en importa pour seulement 16 milliards d’euros — soit un surplus de 22 milliards d’euros.

Le Royaume-Uni est un débouché majeur pour les pays traditionnels exportant de biens agro-alimentaires, tel les Pays-Bas (€6.5 milliards), Irlande (€5.4 milliards), la France (€5.4 milliards) et l’Allemagne (€5.1 milliards).

Le secteur agro-alimentaire en Espagne (€3.8 milliards), l’Italie (€3.1 milliards), la Belgique (€2.9 milliards), la Pologne (€1.9 milliards) et le Danemark (€1.7 milliards) est aussi exposés au Brexit avec certains secteurs faisant face à de sérieux risques.

Un mot d’avertissement est approprié : les chiffres présentés pour les Pays-Bas et la Belgique peuvent refléter en grande partie les flux via leurs ports, et non strictement leur production nationale. Mais cela ne diminue en rien la conclusion selon laquelle de nombreux de pays de l’Union européenne ont des intérêts commerciaux substantiels sur le marché britannique.

 

Tableau 1 : aperçu des échanges entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni en 2017 (Sources : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis)

Dispatch from the UK (Euros2017) Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 89.801.177,28 262.319.627,65
Belgique 799.908.307,59 2.866.356.399,84
Bulgarie 68.551.981,72 65.547.096,60
Croatie 25.782.289,30 8.547.571,02
Chypre 94.038.267,09 97.009.688,96
République Chèque 146.960.068,62 168.623.918,42
Danemark 426.699.362,66 1.713.758.771,52
Estonie 30.412.539,19 11.302.386,59
Finlande 138.577.822,80 43.705.468,73
France 2.734.523.101,07 5.379.809.291,58
Allemagne 1.643.250.247,51 5.118.324.966,07
Grèce 153.158.103,85 356.268.112,87
Hongrie 61.468.589,82 190.632.540,77
République d’Irlande 4.599.262.510,30 5.395.789.091,28
Italie 663.652.013,60 3.127.815.529,79
Lettonie 192.582.213,11 61.364.804,46
Lituanie 31.919.482,99 137.225.712,69
Luxembourg 9.631.353,29 8.723.322,67
Malta 68.539.359,97 4.080.038,00
Pays-Bas 1.873.114.189,49 6.541.486.997,90
Pologne 442.847.817,00 1.930.722.826,51
Portugal 198.052.147,71 334.559.710,44
Roumanie 84.862.443,22 204.507.851,55
Slovaquie 27.556.642,43 74.014.482,70
Slovénie 20.783.834,16 20.176.250,51
Spain 1.135.634.933,57 3.754.265.086,64
Suède 398.067.072,15 508.952.955,02
Total €16.159.637.871,46  €38.385.890.500,78 

 

Analyse sectorielle des défis des échanges post Brexit entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni.

Viande : un froid supplémentaire pour le bœuf européen

Il est clair qu’en absence d’un ALE avec le Royaume-Uni, le commerce de la viande s’effondrerait, les tarifs WTO étant suffisamment importants pour empêcher un quelconque flux commercial. Même si un ALE est en place, le réel jeu pour le futur de ce commerce est lié avec les termes des ALE que le Royaume-Uni passera avec le reste du monde. Comme mentionné précédemment, il est prévisible que le Royaume-Uni négociera des ALE avec des pays tels les Etats-Unis, l’Australie, le Mercosur, ce qui paverait la route vers un approvisionnement important du marché des 65 millions d’Anglais par les pays susnommés. Les exportateurs de l’Union Européenne 27 risquent de devoir entrer en concurrence sur le futur marché britannique avec les producteurs de viande les plus compétitifs dans le monde. Par conséquent, il est illusoire de penser qu’ils vont garder leurs parts actuelles dans le marché du Royaume-Uni, au contraire, les exportateurs communautaires doivent s’attendre à ce qu’elles diminuent drastiquement.

Pour les producteurs de viande, l’effet de cascade d’accords commerciaux entre le Royaume-Uni et le reste du monde va devoir être géré avec précaution. Des mesures de précaution sérieuses quant aux futures exportations du Royaume-Uni seront nécessaires afin d’éviter un Royaume-Uni post-Brexit qui, ouvert sur le marché global de la viande, ne se transforme pas vers une ouverture de facto de l’Union Européenne sur le marché mondial, en divertissant la production de viande du Royaume-Unis vers l’Union Européenne et satisfaisant les besoins de la consommation du Royaume-Unis à travers des importations.

Plus d’un milliard d’euros de viande bovine de l’UE27 vont en direction du Royaume-Unis, majoritairement en provenance d’Irlande (785 millions d’euros). Le surplus commercial en faveur de l’Union Européenne à 27 est de plus de 600 millions d’euros. C’est une épée de Damoclès de plus pour tout le secteur bovin de l’Union Européenne, qui est déjà sous pression de l’agenda d’échanges de l’Union Européenne tout en faisant face à une crise structurelle.

De plus, des futurs ALE du Royaume-Uni avec les plus grands pays producteurs de bœuf hors UE auront un effet indirect, en poussant les producteurs de bœuf Irlandais à trouver de nouveaux débouchés sur le marché mondial mais aussi et surtout dans le marché domestique européen. L’impact sur les prix, en particulier pour les morceaux de choix, serait dévastateur pour ce secteur déjà dans une situation économique précaire.

L’Union Européenne à 27 jouit d’un surplus tout aussi important dans le secteur de la viande porcine, de plus de 800 millions d’euros en 2017 pour plus d’un milliard d’exports. Les producteurs danois, allemands, néerlandais et irlandais seront les plus affectés. Le Brexit, conjugué avec l’embargo russe, induirait une dépendance accrue d’exports de l’UE au marché chinois.

Aucun secteur de viande ne sera épargné : dans le secteur de la viande de volaille, l’Union Européenne à 27 exporte plus 1,2 milliard d’euros vers le Royaume-Unis, avec un surplus encore plus important que les autres viandes, d’un peu moins de 900 millions d’euros. Les Pays-Bas et la Pologne sont de loin les plus gros exportateurs dans ce secteur.

De son côté, le Royaume-Uni est censé porter une attention toute spéciale aux échanges de 440 millions d’euros de viande de mouton, exportée ou réexportée, en particulier dans le contexte de ses futurs relations bilatérales avec la Nouvelle-Zélande. Une partie importante de ces échanges est faite avec le marché français (200 millions d’euros).  Les producteurs de Nouvelle-Zélande bénéficient d’un quota de 280 000 tonnes sans tarif vers l’Union Européenne. Ils voient le Brexit comme une « opportunité d’un temps qui change », visant une présence tant sur le marché de l’UE27 que sur le marché britannique et la possibilité de s’arbitrer librement entre les deux marchés selon leur intérêt.

 

Tableau 2 : Aperçu des échanges bovins entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne en 2017 (Source : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis)

BOEUF Dispatch from the UK

(Euros2017)

Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 1.456.827,66 5.727.297,42
Belgique 15.450.650,68 8.107.493,02
Bulgarie 4.368.956,32 56.768,17
Croatie
Chypre 437.843,92 43.037,38
République Chèque 2.706.634,56 47.887,77
Danemark 10.692.518,66 5.192.296,21
Estonie
Finlande 341829,908 66.893,41
France 52.449.310,00 8.626.605,81
Allemagne 22.997.553,29 36.528.152,00
Grèce 1.903.216,53 2.130,25
Hongrie 22.079,49 52.482,58
République d’Irlande 143.601.118,65 784.933.069,39
Italie 31.835.649,15 11.355.261,67
Lettonie 124.637,14
Lituanie 87.014,94
Luxembourg 100.527,81
Malta 578.401,43 3.289,50
Pays-Bas 96.713.819,67 83.092.852,63
Pologne 4.534.575,89 73.455.096,04
Portugal 5.744.389,60 1.660.698,12
Roumanie 570.250,12 98.986,31
Slovaquie 290.425,58
Slovénie 7.908,27
Spain 9.712.575,38 9.646.310,66
Suède 5.227.239,34 35.841,09
Total € 411.955.953,98  € 1.028.732.449,42 

(Bovins vivants ; viande bovine réfrigéré ; viande bovine congelée)

 

Tableau 3 : Aperçu des échanges porcins entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne en 2017 (Source : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis)

PORCIN Dispatch from the UK (Euros2017) Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 4.995,30 4.900.734,20
Belgique 7.864.920,99 68.305.622,70
Bulgarie 670.647,85 171.906,48
Croatie 97.766,59
Chypre 236.944,62
République Chèque 824.035,91
Danemark 38.692.210,25 333.727.792,51
Estonie 179.861,54
Finlande 3461,794 52.255,52
France 5.774.171,98 50.898.761,75
Allemagne 42.967.201,80 211.406.645,62
Grèce 55.594,08 12.299,98
Hongrie 185.903,13 465.678,61
République d’Irlande 95.013.500,33 141.456.512,17
Italie 1.200.622,96 11.459.286,64
Lettonie 41.466,22 18.833,35
Lituanie 134.255,77
Luxembourg 1.179,79
Malta 88.309,98
Pays-Bas 12.442.088,13 108.829.901,28
Pologne 2.930.259,15 34.106.074,85
Portugal 289.633,72 6.092.751,74
Roumanie 787.148,52 2.797.244,79
Slovaquie 250.845,43 18.688,44
Slovénie
Spain 3.079.349,06 86.389.877,10
Suède 7.585.332,63 43.716,27
Total € 221.401.707,49  € 1.061.154.583,99

(Porc vivant ; viande porcine réfrigérée ou congelée)

 

Tableau 4 : Aperçu des échanges de volaille entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne en 2017 (Source : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis) 

VOLAILLE Dispatch from the UK (Euros2017) Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 130.889,82 371.355,57
Belgique 5.861.387,74 53.663.620,40
Bulgarie 581.470,72 1.680.596,02
Croatie 5.358,14
Chypre 512.520,09
République Chèque 1.390.452,27 2.868,47
Danemark 8.937.996,12 8.797.408,94
Estonie 1.175.117,04 1.694,39
Finlande 235401,992
France 40.339.373,82 36.978.560,61
Allemagne 31.531.636,55 108.818.062,26
Grèce 1.166.499,07 23.616,42
Hongrie 11.885.385,10 14.077.939,83
République d’Irlande 85.485.245,52 129.259.110,35
Italie 5.381.396,43 28.677.118,12
Lettonie 1.825.231,46 4.416,81
Lituanie 415.860,27 1.132.634,19
Luxembourg 1.983,06
Malta 951.102,23
Pays-Bas 46.141.752,47 514.886.615,99
Pologne 14.126.588,64 261.652.273,86
Portugal 4.054.877,81 354.318,15
Roumanie 7.836.540,89 30.712.125,85
Slovaquie 915.901,24
Slovénie 524,39 127.911,81
Spain 29.157.463,15 14.647.169,89
Suède 4.468.466,35
Total 304.516.422,34 € 1.205.869.417,91 €

(Volaille vivante : poules de l’espèce Gallus Domesticus, canards, oies, dindes et pintades ; viande et abats desdites espèces, réfrigérés ou congelés.)

 

Tableau 5 : Aperçu des échanges de moutons et chèvres entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne en 2017 (Source : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis)

MOUTON&CHEVRE Dispatch from the UK (Euros2017) Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 4.269.951,75 333,17
Belgique 48.895.554,83 397.713,81
Bulgarie 1.119.185,22 149.502,95
Croatie
Chypre 76.035,10
République Chèque 185.915,68
Danemark 2.182.483,12 62.968,37
Estonie
Finlande 32964,631
France 203.038.750,15 1.301.834,22
Allemagne 70.903.183,37 1.775.942,54
Grèce 121.190,17
Hongrie 7.724,57
République d’Irlande 48.659.424,88 23.796.912,79
Italie 24.279.660,76 6.478,60
Lettonie 39.142,01
Lituanie
Luxembourg 3.917,05
Malta 45.322,80
Pays-Bas 23.147.396,26 5.025.147,70
Pologne 2.104.875,72 131.380,45
Portugal 6.151.747,14
Roumanie 79,87 33.690,31
Slovaquie 6.159,12
Slovénie 7.739,40
Spain 3.045.294,77 4.656.336,57
Suède 785.099,28 84.181,84
Total € 439.108.797,65  € 37.422.423,30

(Moutons et chèvres vivants ; viandes de moutons et chèvre, réfrigérées ou congelées)

 

Vins et spiritueux : Vins du Nouveau Monde et Scotch Whisky

Pendant plus de 20 ans les producteurs de vin issus de l’Union Européenne ont travaillé afin de stopper le déclin de leurs parts du marché anglais. Leurs efforts pour repousser l’assaut du Nouveau Monde pourraient être remis en cause du fait du Brexit, conduisant le Royaume-Unis à s’ouvrir plus largement encore aux exports du Nouveau Monde. Le souhait du Royaume-Unis d’ouvrir son marché aux pays du Nouveau Monde pour le secteur viticole va diminuer l’attraction du marché anglais aux vins issus de l’Union Européenne, et probablement éroder ses parts de marché quelle que soit la situation, tout particulièrement dans le cas d’un Brexit ‘’Dur’’ (bien que les tarifs sont beaucoup plus bas que pour les produits à base de viande).

Le Royaume-Uni est un marché important pour les producteurs traditionnels de l’Union Européenne, d’une valeur de 2,6 milliard d’euros, avec la France menant le cortège (1.1 milliard d’euros), suivi par l’Italie (780 millions d’euros) et l’Espagne (280 millions d’euros).

Le Royaume-Uni souhaitera, de son côté, sécuriser un accès privilégié à un marché de l’UE27 pour les Scotch Whiskies. Cette ligne tarifaire (plus d’1.7 milliard d’euros) représente 10% des exports agro-alimentaires du Royaume-Uni, avec la France, l’Allemagne et l’Espagne comme principaux débouchés.

 

Tableau 6 : Aperçu des échanges de vin entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne en 2017 (Source : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis)

VINS Dispatch from the UK

(Euros2017)

Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 2.559.715,98 € 6.681.710,83 €
Belgique 10.243.458,72 € 37.312.632,85 €
Bulgarie 337.924,27 € 2.083.610,91 €
Croatie 146.554,60 € 56.925,63 €
Chypre 2.079.561,50 € 181.148,58 €
République Chèque 3.936.202,40 € 1.792.643,36 €
Danemark 29.215.769,39 € 13.474.081,55 €
Estonie 1.644.241,47 € 35.430,33 €
Finlande 6.392.979,64 € 328.566,92 €
France 56.216.089,88 € 1.134.425.937,95 €
Allemagne 32.406.452,66 € 174.894.669,58 €
Grèce 315.718,12 € 2.736.686,22 €
Hongrie 568.801,05 € 9.940.844,98 €
République d’Irlande 55.678.918,49 € 16.229.524,67 €
Italie 3.802.521,70 € 775.860.992,08 €
Lettonie 5.801.067,64 € 46.277,82 €
Lituanie 863.229,26 € 108.765,83 €
Luxembourg 131.097,48 € 533.164,20 €
Malta 974.168,69 € 69.156,01 €
Pays-Bas 61.023.895,34 € 24.297.869,98 €
Pologne 4.104.155,32 € 10.940.503,60 €
Portugal 670.431,06 € 69.041.524,34 €
Roumanie 376.184,28 € 5.368.749,58 €
Slovaquie 273.174,80 € 831,79 €
Slovénie 129.401,95 € 520.208,14 €
Spain 15.880.933,19 € 282.231.105,69 €
Suède 19.621.716,53 € 9.990.104,23 €
Total € 315.394.365,39  € 2.579.183.667,66

(Vins de raisins frais, incluant Vins cuits ; le raisin doit être : en partie fermenté et d’une force alcoolique réelle de > 0,5 % degré ou le raisin doit être, avec l’alcool supplémentaire, d’une force alcoolique réelle de > 0,5 % degré ; vermouth et autres vins de raisins frais, aromatisés de plantes ou de substances aromatiques)

 

Tableau 7 : Aperçu des échanges de spiritueux (à base de raisin distillé ou de marc de raisin) entre le Royaume-Unis et l’Union Européenne en 2017 (Source : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis)

SPIRITUEUX Dispatch from the UK

(Euros2017)

Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 745.705,11 € 2.328.596,16 €
Belgique 2.033.606,58 € 19.868.701,95 €
Bulgarie 128.321,42 € 28.159,88 €
Croatie 99.116,39 € 12.828,26 €
Chypre 706.087,31 € 65.788,92 €
République Chèque 180.560,97 € 1.683.283,07 €
Danemark 3.916.318,20 € 6.828.469,68 €
Estonie 326.003,10 € 36.920,48 €
Finlande 925.397,78 € 13.645,22 €
France 12.333.131,76 € 228.595.001,65 €
Allemagne 7.694.556,00 € 29.921.475,61 €
Grèce 186.822,78 € 822.293,60 €
Hongrie 436.861,52 € 1.254.508,96 €
République d’Irlande 13.391.937,54 € 13.434.110,04 €
Italie 5.153.482,82 € 50.631.150,47 €
Lettonie 283.724,48 € 66.427,88 €
Lituanie 379.671,17 € 20.637,27 €
Luxembourg 65.802,61 € 619,56 €
Malta 400.826,45 €
Pays-Bas 8.949.003,34 € 12.735.619,51 €
Pologne 674.165,56 € 10.903.264,79 €
Portugal 333.764,18 € 4.954.340,66 €
Roumanie 313.267,26 € 1.225.739,79 €
Slovaquie 199.172,96 € 831,79 €
Slovénie 129.609,61 € 228.975,88 €
Spain 8.123.908,59 € 26.359.739,13 €
Suède 1.600.716,89 € 8.601.283,59 €
Total € 69.711.542,36  € 420.622.413,78 

 

Sucre et produits dérivés : produits raffinés de sucre de canne menaçant le marché de l’Union Européenne ?

Avoir le Royaume-Uni ouvert au marché mondial changera singulièrement le paysage du sucre de l’Union Européenne, et l’équilibre délicatement atteint entre les producteurs de sucre de betterave et sucre de canne. Les anciennes tensions entre les coopératives des raffineurs de sucre de betterave européens (Français, Allemands et Néerlandais) et celles des raffineurs de sucre de canne appartenant aux Etats Unis (American Sugar Refining — Tate&Lyle, qui possède, à Londres, 25% de la capacité totale de raffinage de l’Union Européenne) sont prêtes à refaire surface.

D’une part, les producteurs de sucre de l’Union Européenne jouissent d’un débouché important sur le marché anglais (970 millions d’euros), d’autre part, Tate&Lyle se tient prêt à redevenir compétitif grâce aux potentiels ALE du Royaume-Unis avec les pays producteurs de sucre de canne. Dans ce cas, en assumant que la filière de sucre de betterave maintient sa production, le marché anglais passera probablement d’une position déficitaire à une position de surplus.

Des restrictions via les strictes règles actuelles de l’Union Européenne sur les origines dans le secteur sucrier devront être appliquées au Royaume-Unis afin d’éviter un commerce triangulaire faisant des dégâts dans un contexte post-Brexit, prenant en compte que le sucre brut raffiné en sucre blanc n’est pas considéré comme une transformation suffisamment importante pour permettre aux opérateurs de rebaptiser leur produit comme ‘’local’’

 

Tableau 8 : Aperçu des échanges de sucre entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne en 2017 (Source : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis)

SUGAR Dispatch from the UK

(Euros2017)

Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 3.544.084,06 € 2.300.718,11 €
Belgique 16.795.677,46 € 179.627.172,46 €
Bulgarie 619.875,63 € 1.083.349,83 €
Croatie 194.524,53 € 72.563,04 €
Chypre 2.033.303,08 € 11.391,74 €
République Chèque 2.720.512,54 € 41.234.284,08 €
Danemark 10.619.931,67 € 11.202.972,40 €
Estonie 367.544,63 € 23.613,00 €
Finlande 2.132.546,12 € 9.908.677,91 €
France 23.961.729,10 € 255.426.222,52 €
Allemagne 31.431.212,58 € 133.142.309,88 €
Grèce 1.457.578,44 € 6.229.543,94 €
Hongrie 710.638,76 € 8.513.943,47 €
République d’Irlande 121.924.561,54 € 44.262.294,99 €
Italie 23.343.349,32 € 19.024.223,89 €
Lettonie 295.867,01 € 645.351,88 €
Lituanie 1.365.932,18 € 506.467,08 €
Luxembourg 384.477,07 € 86.916,82 €
Malta 2.434.711,44 € 2,28 €
Pays-Bas 35.940.517,60 € 157.756.964,82 €
Pologne 14.635.140,33 € 35.129.764,08 €
Portugal 2.845.615,21 € 1.362.188,56 €
Roumanie 1.071.422,96 € 386.193,13 €
Slovaquie 1.111.615,83 € 8.325.992,24 €
Slovénie 812.900,89 € 1.534,65 €
Spain 12.564.966,98 € 46.237.124,09 €
Suède 8.490.372,69 € 2.041.295,78 €
Estimations 346.179,40 € 3.541.381,03 €
Total € 324.156.788,99  € 968.084.457,68 

 

Lait et produits laitiers : une compétition accrue dans un grand marché.

Le défi du Brexit pour le secteur laitier est plus que significatif (3,7 milliards d’euros d’exportations dans l’UE27). L’Irlande (875 millions d’euros) mais aussi la France (678 millions d’euros), l’Allemagne (465 millions d’euros), les Pays-Bas (265 millions d’euros) et l’Italie (232 millions d’euros) ont de sérieux intérêts sur le marché britannique.

Même si la balance commerciale n’est pas en sa faveur, le Royaume-Uni occupe également une position importante sur le marché irlandais (en particulier via l’Irlande du Nord) et en France. Au total, près de 1,5 milliard d’euros de produits laitiers sont exportés ou réexportés du Royaume-Uni vers le marché intérieur de l’UE.

Pour mettre les choses en perspective, les volumes de beurre exportés vers le Royaume-Uni sont trois fois plus importants que ceux exportés vers la Russie et les volumes de fromage sont le double. Il convient de rappeler l’impact dévastateur de l’interdiction russe sur le marché laitier de l’UE.

Un Brexit ‘’Dur’’ aurait un impact de plus grande ampleur que la crise russe. Même en cas d’ALE Royaume-Uni-UE27, un accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande et les États-Unis entraînerait inévitablement une concurrence accrue sur le marché britannique pour les exportateurs européens. leur part de marché. Les pertes sur le marché britannique entraîneraient une pression accrue sur le marché intérieur de l’UE-27 et contribueraient à une autre crise laitière.

 

Tableau 9 : Aperçu des échanges de produits laitiers entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne en 2017 (Source : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis) 

PRODUITS LAITIERS Dispatch from the UK

(Euros2017)

Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 3.183.949,09 € 14.302.933,62 €
Belgique 117.922.502,89 € 244.524.751,39 €
Bulgarie 3.102.309,40 € 2.309.268,76 €
Croatie 689.133,19 € 70.302,72 €
Chypre 6.168.891,81 € 69.488.246,38 €
République Chèque 5.540.827,22 € 6.416.682,78 €
Danemark 60.983.982,02 € 265.800.359,97 €
Estonie 680.636,17 € 210.238,38 €
Finlande 2.792.831,41 € 2.613.926,03 €
France 173.682.535,08 € 678.384.348,87 €
Allemagne 123.902.583,16 € 465.225.006,31 €
Grèce 12.440.353,81 € 111.889.684,47 €
Hongrie 2.717.357,68 € 3.366.449,76 €
République d’Irlande 608.137.326,08 € 906.148.741,32 €
Italie 57.357.676,36 € 327.570.200,03 €
Lettonie 758.448,94 € 550.917,02 €
Lituanie 2.067.341,39 € 5.582.106,31 €
Luxembourg 360.103,02 € 619,56 €
Malta 4.187.729,01 € 38.312,50 €
Pays-Bas 205.749.127,19 € 296.648.515,84 €
Pologne 24.114.358,39 € 93.824.215,49 €
Portugal 8.499.368,33 € 8.083.630,15 €
Roumanie 3.810.326,14 € 5.838.581,43 €
Slovaquie 1.211.371,18 € 28.881.177,98 €
Slovénie 353.699,73 € 228.975,88 €
Spain 59.079.420,25 € 91.471.885,39 €
Suède 15.509.618,71 € 16.966.648,32 €
Estimations 1.177.201,65 € 13.251.109,61 €
Total 1.506.181.009,27 € 3.659.687.836,25 €

(Lait et crème de lait, non concentrés ni additionnés de sucre ou d’autres édulcorants; lait et crème concentrés ou additionnés de sucre ou d’autres édulcorants; babeurre, lait et crème caillés, yaourts, kephir et autres laits et crèmes fermentés ou acidifiés, concentrés ou aromatisés ou additionnés de sucre ou d’autres édulcorants, de fruits ou de cacao ou non; matières sucrantes, n.e.s. ; beurre, y compris beurre déshydraté et clarifié, et autres graisses et huiles dérivées du lait; pâtes à tartiner à base de produits laitiers; fromage et lait caillé)

 

Fruits et légumes: l’empreinte de carbone, un argument suffisant pour préférer une origine européenne ?

Avec environ 5.1 milliard d’euros en fruits et légumes exportés de l’Union Européenne à 27 vers le Royaume-Uni, les producteurs de l’Union Européenne sont extrêmement exposés aux conséquences du Brexit. L’Espagne (1.9 milliard d’euros) et les Pays-Bas (1.1 milliard d’euros) sont en tête de liste.

De nombreux autres pays sont aussi concernés, comme l’Italie, la Belgique, l’Irlande, la Pologne, la France, l’Allemagne, la Grèce, ou la Chypre, qui sont des exportateurs traditionnels vers le Royaume-Uni.

Les défis pour l’Union Européenne peuvent venir d’un accès plus libre du marché britannique aux exportations d’Afrique du Nord ou des Etats-Unis.

Néanmoins, la proximité au marché devrait permettre aux producteurs de l’Union Européenne de rester dans une position de force, même malgré une compétition accrue avec le reste du monde.

 

Tableau 10 : Aperçu des échanges de fruits et légumes entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne en 2017 (Source : HMRC, Gouvernement du Royaume-Unis) 

FRUITS&

LEGUMES

Dispatch from the UK

(Euros2017)

Arrival to the UK

(Euros2017)

Autriche 2.951.234,15 € 3.550.442,85 €
Belgique 31.723.011,92 € 312.160.278,48 €
Bulgarie 266.005,89 € 790.059,21 €
Croatie 725.452,36 € 217.768,98 €
Chypre 1.128.414,77 € 15.164.509,56 €
République Chèque 2.802.036,99 € 347.962,78 €
Danemark 4.108.252,65 € 7.374.292,13 €
Estonie 114.920,38 € 31.386,63 €
Finlande 1.598.107,42 € 156.281,63 €
France 70.146.578,28 € 390.957.130,33 €
Allemagne 35.521.250,30 € 504.303.376,60 €
Grèce 4.980.782,20 € 73.241.540,78 €
Hongrie 1.143.669,94 € 20.019.792,03 €
République d’Irlande 212.789.595,81 € 216.241.313,64 €
Italie 27.415.857,86 € 280.027.053,10 €
Lettonie 108.976,91 € 78.408,38 €
Lituanie 770.101,98 € 2.431.382,00 €
Luxembourg 85.989,18 € 53.495,79 €
Malta 1.764.575,90 € 1.257.045,41 €
Pays-Bas 77.899.668,71 € 1.120.829.973,64 €
Pologne 22.391.595,58 € 215.405.781,02 €
Portugal 4.780.536,70 € 78.545.182,62 €
Roumanie 374.278,81 € 4.086.623,86 €
Slovaquie 1.421.063,01 € 1.933.413,09 €
Slovénie 510.047,54 € 203.768,91 €
Spain 47.557.045,45 € 1.862.768.149,17 €
Suède 10.443.796,64 € 1.307.070,27 €
Estimations 2.460.171,71 € 14.312.098,13 €
Total € 567.983.019,04  € 5.127.795.580,99 

 

II – NEGOCIATIONS COMMERCIALES

Les ALE que l’Union Européenne poursuit activement ajouteront une fois mis en œuvre à la peine de certains secteurs agricoles importants, en fournissant par ailleurs, certes, des opportunités  d’exportation à d’autres.

Le secteur le plus à risque est le bœuf. Avec l’exception notable de l’ALE avec le Japon où nous pouvons nous attendre à ce que l’UE développe dans une certaine mesure ses exportations, les ALE avec Mercosur et l’Australie auront directement un impact sur le marché interne par des importations accrues, y compris des morceaux de premier choix, en plus de l’accord récent avec le Canada. Le Mercosur seul risque de représenter une augmentation minimale de 100 000 tonnes sur le marché européen, double de ce qui a été concédé au Canada.

Le secteur de viande porcine serait probablement dans une situation similaire d’importations accrues si le Brésil arrive à exporter des viandes sans hormones vers l’Union Européenne. L’impact ne sera pas aussi important que pour la viande bovine, vue que les volumes importés actuels dans l’Union Européenne sont plus restreints.

De même, la volaille fera face à une compétition accrue, en particulier du Brésil, ce qui signifie que, in fine, tous les secteurs de la viande sont condamnés à être sous une contrainte considérable.

Les autres secteurs qui souffriront seront le sucre et l’éthanol. Encore une fois, le leader mondial qu’est le Brésil sera dans une position lui permettant d’accroitre ses exports vers l’Union Européenne de façon importante, augmentant la pression sur un marché encore en train de s’adapter à la fin des quotas de production.

Le secteur laitier pourrait tirer bénéfice d’un ALE avec le Mercosur, mais souffrirait d’un ALE avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Le juste milieu dépend de subtilités sur chacun des ALE, il est donc prématuré de spéculer sur l’effet général sur le marché interne.

En revanche, les produits agricoles transformés, vins et spiritueux, huile d’olive et autres peuvent se retrouver dans une meilleure position.

 

L’UNION EUROPEENNE ET LES ETATS-UNIS SE DIRIGENT-ILS VERS UN TTIP LEGER ?

Les récentes frictions commerciales résultant des mesures protectionnistes américaines sur l’acier et l’aluminium ont conduit à des discussions au plus haut niveau entre les États-Unis et l’Union Européenne sur la manière d’éviter une nouvelle escalade des droits de douane et des barrières commerciales.

Le résultat  n’est pas encore clair, beaucoup dépendra des discussions en cours.

La compréhension commune semble être de travailler au libre-échange sur les produits industriels, sauf dans le secteur automobile, et d’augmenter d’une manière ou d’une autre les importations de certains produits des États-Unis (soja et gaz).

L’Union Européenne prétend que l’agriculture serait hors des négociations, tandis-que les États-Unis contestent cela.

Le fait est que, sous les règles de l’OMC, négocier un ALE excluant entièrement un secteur important semble être pour le moins très problématique, voire même aller à l’encontre des principes mêmes de l’OMC sur la libéralisation de « essentiellement tout le commerce » et le respect de l’entendement sur l’application de ces règles.

La question est donc de savoir où vont ces discussions ? Elles pourraient être confrontés à un échec et à un nouveau risque d’escalade des mesures de rétorsion. Le risque existe, il a été clairement exprimé par les États-Unis et le principal objectif semble être le secteur automobile de l’Union Européenne. D’un autre côté, les États-Unis n’ont pas d’intérêt stratégique à ouvrir des fronts commerciaux avec la Chine et son principal partenaire commercial et allié, l’Union Européenne, en même temps. La volonté de trouver un compromis réalisable pourrait donc être forte des deux côtés.

Le compromis réalisable pourrait prendre la forme d’un TTIP léger. Personne ne veut plus utiliser l’acronyme TTIP, mais il s’agirait d’un accord de libre-échange avec de nombreuses exceptions, n’abordant pas les chapitres hautement politisés tels que l’ISDS ou les marchés publics. Une version allégée du TTIP.

L’Union Européenne pourrait pousser à exclure l’agriculture, mais les États-Unis ont intérêt à accroître leurs exportations et à rééquilibrer le déficit commercial du secteur. En fin de compte, la discussion pourrait porter les niveaux acceptables d’exceptions sans pour autant exclure aucun secteur a priori. Il s’agit d’une pente glissante en ce qui concerne le secteur agroalimentaire de l’Union Européenne, car ses intérêts défensifs sont particulièrement importants dans les secteurs de la viande et l’emportent sur ses intérêts offensifs.

 

L’IMPACT CUMULE DU BREXIT ET DES NEGOCIATIONS SUR LE COMMERCE

Tant le Brexit que la somme des nombreuses négociations commerciales apporteront des volumes supplémentaires importées sur le marché intérieur de l’UE, causant une dépréciation des prix, amaigrissant les revenus des agriculteurs et ayant un impact potentiellement fort sur les secteurs de la viande, du sucre et des transformateurs d’éthanol.

L’impact du Brexit sera d’autant plus élevé, voire même catastrophique si, en cas de Brexit ‘’Dur’’, le Royaume-Uni et l’Union Européenne à 27 décidaient d’appliquer leurs droits de douane consolidés à l’OMC aux échanges mutuels. Seul le scénario dans lequel le Royaume-Uni resterait dans l’union douanière mais donc ne serait pas libre de négocier des accords de libre-échange avec d’autres pays ne causerait aucun impact.

Au Brexit s’ajoute l’impact de tous les accords de libre-échange négociés et en cours de négociation par l’Union Européenne, qui viendront amplifier ces conséquences négatives. A la clé, il s’agit de quantités supplémentaires très importantes de viande bovine sur le marché intérieur, idem pour la viande de porc et la volaille.

Sur le sucre et l’éthanol l’impact pourrait s’avérer moins dramatique que pour le secteur de la viande, mais cela obérerait singulièrement les perspectives de la production de betterave à sucre dans l’UE.

L’actuelle PAC n’est pas conçue pour répondre à un impact aussi dramatique. Il manque d’outils de gestion des marchés, d’outils de résilience et les réserves budgétaires pour de tels événements.

La PAC réformée proposée serait encore moins préparée, avec un budget proposé en baisse de 12%  et sans nouvel outil européen des crises.

Point crucial: la Commission prévoit, avec les politiques de cohésion, des coupes importantes du budget PAC (et de celui des politiques de cohésion), alors que le secteur agroalimentaire sera le plus affecté par le Brexit et les négociations commerciales.

Le président de la Commission a déclaré que le budget proposé de l’Union Européenne pour 2021-27 dispose de la flexibilité nécessaire pour réagir aux conséquences négatives du Brexit. Le secteur qui souffrira le plus est indéniablement le secteur agroalimentaire. Au lieu de réduire le budget de la PAC, la Commission devrait inverser le cap et au moins maintenir l’enveloppe de la PAC post-Brexit. L’UE devrait intégrer dans la nouvelle PAC le déploiement de mécanismes de résilience – assurance-récolte et revenu et fonds mutuels – et créer une réserve de crise réelle et significative apte à conforter et complémenter ces outils.

 

Policy paper UN FONDS EUROPEEN POUR GERER LES CRISES AGRICOLES

Septembre 2018

La PAC comporte quelques dispositions visant à lutter contre les crises qui frappent trop souvent les secteurs agricoles. Les paiements directs constituent une première couche de stabilisation des revenus, mais ils ne sont pas conçus pour répondre à une crise soudaine, climatique ou de marché. La PAC offre également un certain soutien aux instruments d’assurance climatique et de stabilisation des revenus, mais force est de constater que leur mise en œuvre a été trop modeste et inégale dans l’UE. Entre 2014 et 2017, seuls 380 millions d’euros ont été décaissés par la PAC pour soutenir les outils de gestion des risques, soit moins de 1% du budget de la PAC.

La grave sécheresse qui sévit actuellement dans de nombreuses régions d’Europe a montré à nouveau à quel point le secteur est faible et mal préparé pour faire face à ces phénomènes climatiques extrêmes. Dans un contexte où les régimes d’assurance privés restent rares, les agriculteurs sont à la merci des événements et à la merci de la volonté des gouvernements nationaux de prodiguer des aides exceptionnelles.

Bien qu’un certain nombre d’améliorations ait été introduit récemment au niveau UE avec le paquet Omnibus financier, les propositions de la Commission pour l’avenir ne semblent pas susceptibles d’améliorer réellement la situation actuelle de manque généralisé d’outils de gestion des risques dans l’UE.

Les dispositions qui demeurent en matière d’intervention publique sont trop limitées pour faire face à la crise des grands marchés. Ni les dispositions sur le stockage privé ni les niveaux de déclenchement des achats publics n’ont fourni un niveau de réponse adéquat lors des dernières crises du marché – la crise laitière de 2009 et celle de 2016, la crise des fruits et légumes de 2011 ou l’embargo russe.

La PAC actuelle ouvre également la possibilité d’interventions ponctuelles en cas de crise. Mais il y a un manque de structuration de cette possible intervention, pas de garanties et peu de transparence sur la manière dont l’UE est censée agir. La réserve de crise souffre de ne pas avoir une mission claire et un manque de financement adéquat.

La PAC ressemble donc à un grand bâtiment sans toit. Les fondations, les allées et les pièces sont construites avec beaucoup de soin, mais en cas de crise, le bâtiment prend l’eau par le toit, mettant en danger ses propres fondations.

Ce n’est pas une découverte nouvelle, de nombreux membres du Parlement européen et des États membres ont signalé que l’UE est privée d’outils et de ressources de gestion des risques et de crises appropriés, contrairement aux États-Unis qui sont son principal concurrent parmi les pays développés.

Le moment est venu de changer cela et de doter le CAP d’un toit adéquat. La discussion sur la nouvelle PAC nous offre une opportunité unique d’achever notre maison commune.

Un nouveau Fonds européen de crise agricole devrait être créé avec un certain nombre de missions clairement définies :

  • Fournir en des termes très clairs une réassurance à une assurance climatique privée, réduisant ainsi la prime d’assurance et augmentant l’offre d’assurance à tous les agriculteurs
  • Prendre le relai des instruments de stabilisation de revenus au delà d’un certain niveau de crise pour en compenser une partie des décaissements sans quoi ces ISR ne seraient pas en mesure de survivre à une crise profonde du marché
  • Créer un cadre pour des interventions rapides en cas de crise en vue d’en minimiser les effets, en agissant rapidement pour rééquilibrer les conditions du marché

Le Fonds devrait progressivement se constituer jusqu’à un capital de 1,7 milliard d’euros, niveau qui permettrait de financer ses missions de manière adéquate. Ce niveau se compare favorablement aux 2,8 milliards d’euros que l’UE a dépensés pour faire face à la seule crise laitière dernière. Si ce Fonds avait été opérationnel, les dépenses auraient été beaucoup plus faibles.

Le Fonds pourrait être construit avec 4 années de contributions qui s’additionneraient à la réserve de crise actuelle pour créer un véritable Fonds de crise opérationnel.

Les études réalisées montrent que la réassurance climatique serait à déployer pour les événements se produisant au moins tous les 60 ans et qu’elle coûterait 150 millions d’euros par an (pour couvrir 70% de l’agriculture totale de l’UE avec des pertes agricoles individuelles supérieures à 20%).

Le coût de la réassurance des outils de stabilisation des revenus pour les produits laitiers coûterait 135 millions d’euros par an (pour couvrir la crise du marché tous les 12 ans, couvrant 70% de la production laitière totale de l’UE). Doté au total de 1,7 milliards, le Fonds serait également en mesure de réassurer d’autres secteurs que les produits laitiers, par exemple le secteur du sucre qui a manifesté un intérêt particulier envers les ISR.

Enfin, le Fonds devrait rapidement mobiliser des ressources pour intervenir rapidement en cas de crise du marché, comme cela a été le cas avec succès lors de la dernière crise laitière (malheureusement après avoir gaspillé des ressources précieuses dans un soutien non guidé). Rééquilibrer l’offre et la demande sur le marché réduirait les coûts globaux de la lutte contre la crise du marché et réduirait éventuellement les montants nécessaires pour assurer le relai utile des outils de stabilisation du revenu.

 

Le secteur est confronté à une grande incertitude, notamment en raison du Brexit et des conditions et accords commerciaux internationaux, ainsi que du changement climatique. Au lieu de réagir tardivement à grands frais et à la peine, l’UE devrait maintenant établir les mécanismes et consacrer les ressources nécessaires pour anticiper et surmonter la crise à venir.

NOTE POLITIQUE Une filière Betterave sucrière prête à relever ses défis

Résumé

L’Union européenne produit environ 50 % du sucre de betterave consommé dans le monde, ce qui en fait le premier producteur mondial de sucre de betterave. Toutefois, le sucre de betterave ne représente que 20 % de la production mondiale de sucre ; le reste est produit à partir de canne à sucre. L’UE se place ainsi le 3ème producteur mondial de sucre.

Les betteraves sucrières sont cultivées essentiellement dans le Nord de l’Europe, là où le climat et le sol sont les mieux adaptés. Les régions les plus productrices sont le Nord de la France, l’Allemagne, la Pologne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Belgique. L’UE possède également un secteur de raffinage du sucre de canne brut importé.

Afin de soutenir les producteurs et les transformateurs européens, le secteur du sucre a été initialement soumis à des quotas de production et à des prix minimums. Toutefois, le régime des quotas a pris fin le 1er octobre 2017, immédiatement accompagné d’un boom de la production intérieure.  C’est dans ce cadre tout à fait nouveau que s’inscrit le secteur betteravier de l’Union européenne.

Le marché mondial du sucre est caractérisé par la présence de concurrents extrêmement compétitifs, comme le Brésil et la Thaïlande. La production mondiale 2017 s’est établie à un niveau historique de 190 Mt (pour une consommation mondiale de 180 Mt), ce qui a conduit à un effondrement des cours de 50% depuis 2017. L’exposition aux prix actuellement très bas du marché mondial du sucre plonge le secteur betteravier européen en situation de crise.

Le Brexit, les accords du Mercosur, l’interdiction des néonicotinoïdes, la pression sociétale quant à la consommation de sucre constituent autant de menaces supplémentaires sur la filière betterave à sucre de l’UE. Ceci alors qu’une réforme de la PAC est en incubation.

Pour autant, il existe des leviers d’action qui pourraient positivement être employés pour pérenniser la production dans les zones les plus compétitives de la filière. La digitalisation de l’agriculture, les travaux d’amélioration génétique, la promotion de la filière biocarburants d’origine « UE » et un marché unique renforcé ont chacun des bénéfices à apporter.

Face aux nombreux défis, et pour actionner les leviers d’action existants, la filière Betterave à sucre de l’UE doit pouvoir s’appuyer sur une PAC qui soutienne les producteurs des zones les plus compétitives pour répondre aux défis de la concurrence mondiale, et qui accompagne les producteurs des zones moins compétitives vers une reconversion.

 

Table des matières

Introduction

I- La filière Betteraves de l’UE : caractéristiques et défis

A La filière Betterave de l’UE

a/ Données générales

b/ Importance des filières sucre, élevage et éthanol 

B Les défis extérieurs

a/ Un marché sous tension

b/ L’accord UE-Mercosur

c/ Le Brexit

C Les défis intérieurs

a/ Faire face à une plus grande volatilité

b/ Le pouvoir de négociation des planteurs au sein de la filière

c/ Disponibilité des produits phytopharmaceutiques

d/ Divergence des marchés

e/ Baisses de la consommation intérieure

f/ Réforme actuelle de la PAC

II-Réussir au coeur d’une âpre concurrence

A Attentes des marchés

a/ Rester un acteur de 1er plan au niveau mondial

b/ Ne pas perdre de poids sur le marché UE

B Les leviers d’action

a/ L’équilibre de pouvoir au sein de la filière

b/ La digitalisation de l’agriculture

c/ Les traitements phytosanitaires

d/ L’amélioration génétique

e/ La directive RED II 10

f/ Une cohérence communautaire

III- Définir une stratégie gagnante adaptée au contexte

A Dans les zones réputées historiquement compétitives

a/ Recommandation du 1er pilier

b/ Recommandations du 2d pilier

B Dans les zones réputées historiquement peu compétitives

a/ Recommandation du 1er pilier

b/ Recommandation du 2d pilier

C Dans les deux types de zones

a/ Recommandation liée à l’OCM unique

b/ Recommandation du 1er pilier

c/ Recommandation hors pilier

Tableau récapitulatif

D Quelle PAC pour la filière Betterave de l’UE ?

 

Introduction

I– La filière Betteraves de l’UE : caractéristiques et défis  

A La filière Betterave de l’UE

a/ Données générales

Etat des lieux en 2017 

Avec plus de 140 millions de tonnes, l’Union européenne est le premier producteur mondial de betterave sucrière devant la Russie et les Etats Unis d’Amérique. La France, l’Allemagne et la Pologne sont les premiers producteurs de l’UE.

1,68 millions d’hectares sont dévolus à cette culture, avec un rendement moyen de 85 tonnes par hectare. Cette production est totalement transformée sur le territoire de l’UE, pour obtenir du sucre, du bioéthanol, et des pulpes.

Tendances 2000 – 2016

La production a connu une chute non linéaire de presque 20% entre 2000 et 2016. Les surfaces ont diminué, principalement entre 2000 et 2008 avec une baisse de 38,5%, puis la sole s’est stabilisée autour de 1,5 millions d’hectares entre 2008 et 2016. Ceci s’explique par la réforme de l’UE en 2006 faisant suite aux injonctions de l’OMC qui ont limité les volumes exportés, et qui a opéré une réduction des quotas, parallèlement à l’ouverture progressive du marché intérieur aux importations en provenance des Pays les Moins Avancés (PMA) et l’octroi de contingents à droit réduit concédés au Brésil. Cette réforme comportait également un plan de restructuration européen financé par le prélèvement de cotisations sur la filière sucrière de l’UE elle-même.

Durant cette même période, les rendements moyens sont passés de 55 t/ha à 75 t/ha soit une augmentation de 34,6%.

Zoom sur les 3 dernières années

La production est passée de 102 à 141 millions de tonnes depuis 2015 (+38%), et les surfaces cultivées de 1,42 à 1,68 millions d’hectares (+18%). La fin du régime des quotas, décidée en 2016 et officiellement entrée en vigueur en octobre 2017 explique cette croissance subite. Les rendements sont également en hausse sur la période.

b/ Importance des filières sucre, élevage et éthanol

Les débouchés de la betterave sucrière sont multiples. Le principal d’entre eux est la production de sucre, pour laquelle l’UE se place en première position mondiale (et 3e producteur mondial de sucre, canne et betterave confondues, derrière le Brésil et l’Inde).

La production annuelle européenne en 2016-17 a notamment permis la production de :

-16,7 millions de tonnes de sucre blanc (dont 250 000t provenant des cannes à sucre des DOM français), équivalant à 93% des 17,9 millions de tonnes consommées,

-5 millions de tonnes de pulpe déshydratée pour alimenter le bétail, soit 2% des 267 millions de tonnes d’aliments composés consommés par le bétail dans l’UE,

-1,6 millions de tonnes de sirops de sucre pour la production d’éthanol ; cela correspond à 11 millions de tonnes de betteraves, soit 45% de la biomasse utilisée pour produire l’éthanol de l’UE en 2017

– et 0,8 millions de tonnes de sirops de sucre pour l’industrie chimique.

La fin des quotas, avec la levée des contingents d’exportation, permet également à la filière de contribuer à l’excédent commercial de l’Union, estimé à environ 1 milliard d’euros pour le seul produit que représente le sucre.

B Les défis extérieurs

a/ Un marché sous tension

En 2006, l’Organisation Commune des Marchés avait été fortement réformée pour s’adapter aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Cela s’était traduit par une réduction des quotas de 30%. Parallèlement le marché communautaire s’est ouvert aux importations en provenance des Pays les Moins Avancés (PMA) et de la zone Afrique Caraïbes Pacifique (ACP). D’excédentaire, la filière sucre est devenue déficitaire : 20% du sucre consommé dans l’Union était alors importé.

Depuis le 1er octobre 2017, suite à la réforme de la PAC de 2013, le régime des quotas de production et des prix minimums garantis pour la betterave sucrière a été supprimé. La libéralisation du marché sucrier se traduit notamment par la possibilité pour les fabricants de sucre d’exporter librement vers les pays tiers sans être contraints par un plafond imposé par l’OMC. Si le marché mondial est en croissance, la concurrence est extrêmement sévère avec des cours mondiaux actuellement très bas.

A l’importation, l’UE reste l’un des marchés les plus ouverts, avec un accès libre pour le sucre en provenance des PMA et des pays de la zone ACP et des contingents à droits nuls ou réduits pour un grand nombre de pays, notamment d’Amérique du Sud et Centrale (dont Brésil), des Balkans et d’Europe de l’Est.

b/ L’accord UE-Mercosur

Le Brésil est le premier exportateur mondial de sucre, avec 27,6 millions de tonnes en 2016-17. C’est aussi le second producteur mondial d’alcool et d’éthanol, avec 289,5 millions d’hectolitres en 2016 (24% de la production mondial). Aujourd’hui, alors que les quotas de production betteraviers ont été supprimés dans l’UE, qui se retrouve dès lors en situation excédentaire, tout volume de sucre et d’éthanol supplémentaire négocié dans le cadre des accords avec le Mercosur viendrait perturber immédiatement et profondément le marché européen dans un contexte de marché mondial déprimé. Au stade actuel d’une négociation qui n’est pas finie, il est fait mention d’une ouverture du marché UE à 100 000 tonnes de sucre à raffiner de plus, qui viendraient s’ajouter aux 900 000 tonnes[1] déjà négociés avec des droits de douanes réduits. Ce sont 140 000 agriculteurs et les 30 000 employés dépendant du secteur qui risquent d’être impactés par de tels accords.

A cela s’ajouterait un contingent de 600 000 tonnes d’éthanol. Alors que cette production est financièrement et règlementairement subventionnée par le Brésil, ce contingent viendrait concurrencer la production européenne de bioéthanol, pourtant précieuse aux agriculteurs pour soutenir leurs revenus dans le contexte actuel de baisse des cours du sucre. Ce sont aussi les bénéfices environnementaux de la filière bioéthanol européenne, en termes de réduction des émissions de CO2 – de l’ordre de 66% en moyenne européenne par rapport à l’essence – et d’oxyde d’azote (NO)- de l’ordre de 30% par rapport à l’essence – , qui sont dénigrés par de telles prévisions d’importations.

Les modes de production de la canne à sucre (autorisation de cannes OGM, application de glyphosate en maturation) semblent également contradictoires avec les objectifs de l’Union sur son propre territoire.

Enfin, la volatilité de la monnaie brésilienne est un risque supplémentaire. Le Réal a perdu 30% de sa valeur depuis février 2017 : en 20 mois, l’exportateur brésilien a ainsi gagné 30% de compétitivité. Prévoir les conséquences économiques d’un accord dans ce contexte est totalement hasardeux.

c/ Le Brexit

Jusqu’à présent, la balance des échanges de sucre et d’éthanol entre l’UE27 et le Royaume-Unis est déficitaire pour ce dernier. Pour le sucre, les exportations vers l’UE27 atteignent 324 millions d’euros en 2017, lorsque les importations en provenance de l’UE s’élèvent à 968 millions. La possibilité réclamée par le Royaume-Uni même dans le cadre d’un Brexit négocié de conclure des accords de libre-échange avec des pays tiers changerait la donne, ouvrant le marché britannique largement aux sucres d’importation d’Amérique du Sud par exemple, et en réduisant substantiellement les parts de marché européen au RU, sans compter des risques de commerce triangulaire en cas de non maîtrise totale des règles d’origine ou des risques d’importations au RU de sucre non-issu de l’UE pour le marché britannique, et d’exportation dans l’UE de sucre produit au RU. La réflexion est identique pour l’éthanol.

Un hard Brexit et la mise en place de barrières tarifaires entre l’UE et le Royaume-Unis auraient encore un impact plus négatif du fait d’une perte quasi-totale, dans ce cas de figure, du marché britannique.

C Les défis intérieurs

a/ Faire face à une plus grande volatilité

La fin des quotas s’accompagne d’une plus grande volatilité des prix sur le marché européen, qui s’alignent sur les prix mondiaux. Or, le marché mondial du sucre est l’un des plus volatiles, variant d’un facteur 1 à 3,5. Sans adaptation face à cette volatilité, le risque est que le betteravier ajuste sa surface de manière drastique en période de prix déprimé, mettant ainsi en péril son usine de transformation. Car l’industrie de transformation de la betterave est une industrie lourde, qui n’est pas en mesure de gérer de telles fluctuations de volumes.

b/ Le pouvoir de négociation des planteurs au sein de la filière

La betterave est un produit non stockable, et dont les coûts de transport rendent illusoire un approvisionnement moyen pour une usine au-delà d’une quarantaine de kilomètres. Le planteur et l’industriel sont ainsi contraints de s’entendre sur les modalités d’achat des betteraves. Sous période de quota, le prix minimum de la betterave était associé à un partage de la valeur, entre planteur et fabricant, négocié au niveau national.

La fin des quotas a renvoyé toute forme de négociation sur les prix au sein des entreprises avec la seule possibilité de convenir éventuellement de clauses de partage de la valeur. Les agriculteurs se retrouvent isolés et avec un pouvoir de négociation très affaibli.

c/ Disponibilité des produits phytopharmaceutiques

Comme toute culture, celle des betteraves sucrières impose de se prémunir contre les ravageurs et de favoriser la culture contre les adventices. Les agriculteurs UE sont aujourd’hui confrontés à une raréfaction des substances homologuées, à une augmentation de la pression due au changement climatique. Ils se trouvent face au défi de trouver rapidement des alternatives efficaces.

En ce qui concerne les insecticides, le défi actuel pour les agriculteurs concerne la classe des néonicotinoïdes, qui a connu un véritable boom depuis la découverte en 1985 de l’imidaclopride. Ce dernier permet de prémunir les betteraves de la jaunisse virale, maladie véhiculée par les pucerons pouvant réduire de moitié le rendement racinaire. Ces insecticides ont pris la place des organochlorés et organophosphorés tels le DDT et sont devenus les insecticides les plus utilisés dans le monde. Employés majoritairement en enrobage des semences, de manière prophylactique, ils permettent d’éviter la diffusion liée aux épandages aériens. Mais ils sont accusés notamment d’être la cause d’une importante mortalité chez les insectes pollinisateurs. L’EFSA a confirmé dans ses conclusions en février 2018 qu’il n’y avait pas de risque dans le cas des cultures betteravières car elles ne fleurissent pas pendant le cycle de production. Elle a toutefois indiqué un risque potentiel sur la culture suivante sans l’étayer.

Le 27 avril 2018, la majorité des Etats de l’Union européenne a voté l’interdiction de trois néonicotinoïdes, la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame, à partir de 2019 pour toutes les cultures en plein champ dans l’UE, avec pour seule exception les usages en serre. Une dérogation pour les betteraviers à sucre, dont la récolte est faite avant floraison, peut-être proposée par les Etats membres.

Dans le cas de la France, l’impact sur les rendements betteraviers de l’interdiction des néonicotinoïdes a été évalué à 12% en moyenne, mais pouvant aller jusqu’à 50%. Les producteurs de betteraves se trouvent dans une impasse technique, en l’absence d’alternative non chimique, et en présence d’alternatives chimiques qui représentent un risque plus grand pour la faune auxiliaire.

En ce qui concerne les herbicides utilisés pour la culture de la betterave, le défi actuel des agriculteurs de l’UE est lié aux débats sur le glyphosate et, en France, à l’interdiction annoncée du glyphosate après 2022. Alors que la licence d’exploitation de la molécule (découverte dans les années 50) arrivait à son terme en décembre 2017, les Etats membres ont voté en novembre pour une prolongation de 5 ans. La question de la toxicité du glyphosate, l’herbicide le plus utilisé dans le monde du fait de sa grande efficacité et de son faible coût, reste un sujet faisant débat. Aujourd’hui, une interdiction pousserait les agriculteurs européens à employer des herbicides plus coûteux et parfois plus dangereux, et davantage de main-d’œuvre pour un désherbage par le travail du sol. Le surcoût serait réel. Son utilisation moyenne est pour la Belgique de 1,81 kg par hectare de SAU, les Pays-bas, de 1,56 kg, contre 1,10 pour la France ou 1,00 pour l’Allemagne.  A titre de comparaison, le surcoût a été évalué pour l’agriculture française à 2 milliards d’euros par an.

d/ Divergence des marchés

La betterave est le 7ème secteur de production qui bénéficie le plus des aides couplées. 11 pays de l’Union européenne sur les 22 produisant de la betterave ont décidé de mettre en place des aides couplées pour la betterave à sucre. L’enveloppe 2017 est de 177 millions et concerne près de 516 000 hectares soit près de 30 % des surfaces européennes. Pour ce secteur, les aides couplées sont versées sous forme d’aides annuelles à l’hectare et non pas proportionnellement aux quantités produites.

Globalement, les aides couplées s’appliquent dans des régions où les rendements sont plus faibles que dans les principales régions betteravières d’Europe.

La Pologne représente près de 45 % du budget global des aides couplées à la betterave et 40 % des surfaces concernées.

Les aides couplées à la culture de la betterave sont critiquées à l’extérieur et à l’intérieur de l’UE. Une étude publiée par l’Université de Wageningen en février 2018, commanditée et financée par l’association interprofessionnelle du sucre allemande, conclut que les aides couplées à la betterave ont eu un impact sur le marché en ayant entrainé une hausse de la production de 1,3% et une baisse des prix de la betterave de 4,5%. Les aides couplées renforceraient ainsi le prix d’intérêt de la betterave par rapport aux autres cultures alternatives (colza, blé) et donc la propension à produire de la betterave en dehors de la considération du marché.

e/ Baisses de la consommation intérieure

Dans le monde, la consommation de sucre est en hausse constante depuis de nombreuses années. Mais depuis quelques années, cette tendance n’est plus généralisée. La croissance de consommation ne concerne plus que les marchés des pays émergents, notamment en Asie et en Afrique. Ailleurs, comme aux Etats Unis ou en Europe, la tendance est à la stagnation voire même à une légère diminution de la consommation. Cela est dû à un changement d’habitude de consommation alimentaire, le sucre étant désormais perçu comme un facteur de l’obésité.

Face à ces nouvelles attentes des consommateurs, l’industrie agroalimentaire a déjà commencé à modifier ses formulations, en proposant de plus en plus de produits allégés en sucre pour réduire l’apport calorique[2].

Le ralentissement de la consommation de sucre par habitant pourrait se généraliser au monde entier d’ici une quinzaine d’année, selon un rapport de la Rabobank paru en août 2017.

f/ Réforme actuelle de la PAC

Dans le contexte actuel de crise du secteur betteravier, les propositions budgétaires et celles de réforme de la PAC présentées le 1er juin par la Commission accentuent les menaces qui pèsent sur la filière Betterave. Elles entraineraient de façon cumulée une baisse moyenne du revenu des agriculteurs européens comprise entre 16 et 20%.

D’une part, l’impact de la baisse de 12% du budget de la PAC (euros constants), provoquerait une chute des revenus agricoles de plus de 8% en moyenne communautaire, avec des effets négatifs particulièrement forts pour les secteurs des grandes cultures, où les paiements directs représentent une part importante du revenu. Pour le secteur betteravier, l’étude d’impact de la Commission évalue à 15% la baisse de revenu dans le cas de l’option 3a (la plus performante sur le plan purement économique).

Une telle stratégie provoquerait inéluctablement la sortie de nombreux agriculteurs avec l’abandon de territoires, ainsi qu’une course à l’agrandissement des exploitations. Elle freinerait la capacité d’investissement et le renouvellement des générations, malgré les outils en faveur des jeunes agriculteurs qui ne pourraient compenser la baisse de revenus, annoncée par ailleurs.

Quant au nouveau mode de mise en œuvre proposé dans la réforme de la Commission européenne, une telle évolution – qui ouvre la voie à une renationalisation, avec un transfert majeur de responsabilité pour le premier pilier aux Etats membres – mettrait sévèrement en compétition leurs cadres règlementaires, avec naturellement des avantages en matière de compétitivité pour les moins-disants en matière environnementale. Cette évolution serait aussi un glissement de la PAC vers un programme principalement géré dans une relation bilatérale entre les administrations agricoles nationales et les services de la Commission européenne, au détriment de la relation directe entre les co-législateurs de l’UE et les bénéficiaires c’est-à-dire les agriculteurs.

II-Réussir au coeur d’une âpre concurrence  

A Attentes des marchés

a/ Rester un acteur de 1er plan au niveau mondial

L’Union européenne est spécialisée dans la production de sucre blanc provenant de la betterave, ou de la canne et raffiné. Environ 8% de la production 2016-17 a été exportée ; ce sera 15% en 2017-18, avec plus de 3 Mt de sucre exportées. Mais un certain nombre de pays, et notamment de partenaires commerciaux du pourtour méditerranéen ont investi, et investissent actuellement dans des sites de raffinage de sucre brut, provenant notamment d’Amérique du Sud. N’étant plus contrainte pour ses exportations par le régime des quotas, la production de l’UE devra cependant affronter la concurrence, notamment brésilienne et thaïlandaise à l’international. La filière betteraves de l’UE n’a donc d’autre choix que de gagner en compétitivité pour affronter la concurrence sur les marchés internationaux.

b/ Ne pas perdre de poids sur le marché UE

Actuellement, le sucre de betterave produit dans l’UE y est majoritairement consommé (85% environ de la production), aux côtés d’importants volumes importés en provenance des pays émergents ou en voie de développement et qui sont raffinés dans l’UE, notamment au Royaume-Uni. Ici encore, sur ce marché interne, l’enjeu d’une compétitivité croissante est primordial, et ce d’autant plus que les accords avec le Mercosur et le Brexit risquent de conduire à une pression de concurrence extérieure accrue.

B Les leviers d’action

a/ L’équilibre de pouvoir au sein de la filière

La betterave est une production non stockable et peu transportable. Le planteur doit savoir la manière dont le prix de sa betterave est calculé par celui à qui il le livre. Une obligation de résultat dans le processus de négociation des prix entre une entreprise et les planteurs qui le livrent devrait être garantie.

b/ La digitalisation de l’agriculture

Pour gagner en compétitivité et en durabilité avec une augmentation de leurs rendements accompagnée de la diminution de leurs charges opérationnelles, les producteurs de betteraves de l’UE disposent d’une solution privilégiée: la digitalisation de l’agriculture.

La digitalisation de l’agriculture est un moyen pour optimiser l’usage des traitements réalisées sur les cultures. Il s’agit de recourir aux technologies numériques et à la géolocalisation afin de caractériser au mieux les sols de l’exploitation agricole pour pouvoir prendre en compte l’hétérogénéité intra-parcellaire et ainsi apporter « la bonne dose d’intrants –eau, fertilisants, produits phytosanitaires – au bon endroit et au bon moment ».  Parmi les intrants, les traitements phytosanitaires représentent un enjeu fondamental tant sur le plan économique qu’environnemental. Il s’agit donc d’un poste absolument central pour atteindre l’objectif de double performance des exploitations agricoles.

Des études menées dans un réseau de fermes sur le blé tendre et le maïs montrent déjà des résultats tangibles et prometteurs, en termes de bénéfices à l’hectare (de 80 à 200 euros/ha) et de réduction des intrants (de 30 à 70%) (Fermes Leader, InVivo). En Grèce, une expérimentation menée sur 9 sites pilotes – 3 dévolus à l’arboriculture et 2 aux cultures arables – a évaluée que les économies moyennes réalisables pour les produits phytosanitaires pouvaient s’élever à 63%.

c/ Les traitements phytosanitaires

Dans le cadre de la culture de la betterave, un autre recours peut y être associé à la digitalisation de l’agriculture, pour accroître encore les performances de l’exploitation : le biocontrôle.

Les infestations de pucerons, ce ravageur porteur de la jaunisse virale de la betterave, peuvent être partiellement prévenues et leurs impacts limités en utilisant des auxiliaires de culture, prédateurs du puceron. On favorise la présence des auxiliaires par un aménagement paysager qui leur offre un habitat – chemins enherbés, haies, bosquets – à proximité des cultures où se trouvent les parasites dont ils vont se nourrir.

Ces deux stratégies ne sont pas exclusives et peuvent être combinées avec profit pour réduire significativement le recours aux traitements phytosanitaires. Cela apporte certes de la complexité pour l’agriculteur, mais aussi la satisfaction de réduire ses coûts de production ainsi que les impacts de sa production sur l’environnement.

d/ L’amélioration génétique

Depuis 2000, les rendements betteraviers moyens dans l’UE ont augmenté de 35%. Si on estime que ceci est pour moitié du au changement climatique[3], c’est aussi le fruit d’un important travail d’amélioration génétique par la sélection variétale, qui a notamment permis l’obtention de variétés résistantes ou tolérantes aux bio-agresseurs (rhizomanie, nématodes, rhizoctone…). Le programme AKER initié en 2012 est un exemple de démarche visant à améliorer la performance de la betterave quant à sa productivité et sa résistance aux stresses biotiques et abiotiques.

En termes de méthodes disponibles pour réaliser les travaux d’amélioration, la possibilité du recours aux nouvelles techniques de sélection variétale au sein de l’UE reste un sujet d’interrogation auquel la Commission et les co-législateurs doivent avoir le courage de s’atteler à la suite de la lecture de la réglementation actuelle faite par la Cour de Justice de l’UE fin juillet.

           e/ La directive RED II

La filière bioéthanol de l’UE est assurément un levier de soutien pour la filière betterave. 7% de la production en 2016-17 – soit 9,8 Mt sur un total de 141 Mt – furent utilisés pour produire de l’éthanol, et représentèrent 45% de la biomasse utilisée à cet effet.

Dans le cadre de la révision de la directive sur les énergies renouvelables dite « RED2 », les récentes discussions en trilogue ont conduit, dans le contexte d’une pression de la Commission qui visait à éliminer la filière des biocarburants de 1ère génération, à garantir la production de biocarburants d’origine « UE » au niveau 2020 + 1%, ou maximum 7% de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique des transports.

Même si c’est un statu quo qui a été obtenu, au terme d’âpres échanges, il serait cohérent que la contribution de la filière européenne éthanol, tout comme celle de la filière biodiesel à base de colza,  soit davantage reconnue dans la décarbonisation du secteur des transports, et qu’une marge de progression dans les objectifs d’incorporation soit envisagée. Les débats sur l’intérêt des biocarburants d’origine UE pour réduire les émissions et développer l’agriculture doivent être objectivés, et permettent d’atteindre un large consensus sur les bénéfices de l’éthanol produit dans l’UE d’un point de vue environnemental – par rapport aux carburants issus d’énergies fossiles ou de biomasse agricole source de « déforestation importée » – mais aussi économique, par la réduction du déficit commercial énergétique de l’Union occasionnée.

f/ Une cohérence communautaire

Une cohérence communautaire dans les outils de soutien aux agriculteurs et les objectifs environnementaux liés est essentielle. D’une part, elle permettrait d’éviter une concurrence qui tournerait à l’avantage des moins regardants quant au respect de l’environnement. D’autre part, elle permettrait d’éviter la concentration d’aides sur des secteurs ciblés dans le but de concurrencer ceux des autres états membres.

 

III- Définir une stratégie gagnante adaptée au contexte

L’agriculture européenne est confrontée à des défis communs qui ne peuvent être résolus efficacement que si l’Europe est cohérente et solidaire, en particulier en ce qui concerne les questions environnementales.

Le niveau excessif de subsidiarité et de flexibilité, la fragmentation du cadre politique, ainsi qu’un niveau d’ambition réduit en ce qui concerne le budget de la PAC, sont autant d’éléments qui pourraient transformer le marché agricole de l’UE en un champ de bataille. Celui–ci verrait 27 stratégies agricoles différentes se mesurer entre elles, voire même s’affronter.

Par l’adoption du rapport du Parlement européen sur l’Avenir de la Politique Agricole Commune le 16 mai 2018, les députés européens ont fait le choix d’une approche équilibrée appelant à un « niveau raisonnable de flexibilité dans un cadre commun solide de règles européennes, de normes de base, d’outils d’intervention, de contrôles et d’allocations financières convenus au niveau européen par le co-législateur pour garantir des règles du jeu équitables pour les agriculteurs ». Ils ont souligné la nécessité de sécuriser la relation directe entre les co-législateurs de l’UE et les bénéficiaires – les agriculteurs – et de ne pas transférer la majeure partie de la gestion du premier pilier aux États membres.

La stratégie gagnante pour la filière Betterave de l’Union européenne se doit de garder cette base solide au niveau communautaire, au sein du premier pilier, tout en conservant une flexibilité nécessaire pour les ajustements au niveau local.

Cette stratégie communautaire gagnante, portée par la réforme de la PAC, devrait être l’ambition d’emmener toutes les agricultures européennes vers la double performance sur les 7 prochaines années.

La Commission estime concernant la filière betterave de l’UE, que « il n’est pas exclu que la production continuera de se concentrer dans les régions les plus productives et que, si certains producteurs réussiront à s’assurer de nouveaux débouchés – à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE – d’autres réduiront encore leur production. »[4] Etant donné l’importante disparité des rendements betteraviers au sein de l’UE[5], il paraît opportun d’adopter une approche stratégique différenciée, qui apporte le soutien adapté aux producteurs dans les zones réputées historiquement compétitives et dans celles réputées historiquement peu compétitives.

Des recommandations déclinées en fonction des différents défis et visant à incarner la double performance dans les différents types de zones et dans les piliers de la PAC sont présentées ci-après.

 A Dans les zones réputées historiquement compétitives

Pour déterminer ces zones, le choix s’est porté sur celles où les rendements betteraviers moyens sur la période 2011-2015 étaient supérieurs à 70 t/ha.

Les conditions pédoclimatiques, les équipements logistiques ainsi que les travaux d’amélioration variétale et les rendements sucriers permettent d’envisager la pérennité des filières betteraves de ces zones dans le nouveau marché sucrier inauguré par la fin des quotas et des prix minimums garantis. Par ailleurs, le fait que ces zones parviennent à ces performances élevées – en termes de rendements betteraviers et sucriers – tout en étant située pour la majorité d’entre elles dans des EM qui ne recourent pas aux paiements couplés constitue une assurance supplémentaire de leur capacité de résilience – et donc de leur pérennité – dans le nouveau cadre de marché.

            a/ Recommandation du 1er pilier

Recommandation n°1

La promotion de l’agriculture digitalisée au sein du premier pilier, en inscrivant une aide forfaitaire d’incitation à la transition vers la double performance dans l’Eco-Scheme, devrait être une priorité de la politique communautaire pour l’agriculture. Ce moyen est à privilégier pour atteindre la double performance et donc relever les trois défis suivants : celui de la concurrence à l’export sur le marché mondialisé, par les gains de compétitivité obtenus, de la durabilité environnementale et de la pression règlementaire sur les produits phytosanitaires, par l’optimisation des apports d’intrants.

            b/ Recommandations du 2d pilier

Recommandation n°2 

1- La dotation d’Outils de Stabilisation des Revenus au sein du second pilier doit être actée pour faire face au défi que représente la concurrence à l’export sur le marché mondialisé et l’exposition aux cours très volatiles de ce marché.

2- La mise en place d’un fonds européen de gestion des crises en agriculture, financé par une réserve de crise pluriannuelle dotée de façon adéquate, doit être réalisée et prendre le relai des outils IST dès lors que les risques deviennent des crises profondes (voir note Farm Europe afférente).

Recommandation n°3 

Prioriser dans la mobilisation des outils MAEC, d’investissement et de formation – au sein du second pilier – les agriculteurs réalisant la transition vers la double performance est la condition indispensable à une large expansion de l’agriculture digitalisée, car une telle révolution technologique ne peut se produire qu’avec un accompagnement humain à la hauteur des changements occasionnés. 

Recommandation n°4

La mise en place, au sein du second pilier, des investissements dans la recherche et le développement pour l’amélioration variétale des betteraves est une mesure complémentaire pour faire face aux défis extérieurs et à la disponibilité décroissante des produits phytopharmaceutiques.

B Dans les zones réputées historiquement peu compétitives 

Pour déterminer ces zones, le choix s’est porté sur celles où les rendements betteraviers moyens sur la période 2011-2015 étaient inférieurs ou égaux à 60 t/ha.

Etant données l’ampleur et la vitesse du changement qu’impose le nouveau cadre du marché sucrier inauguré par la fin des quotas et des prix minimums garantis, avec des cours mondiaux qui ont chuté de 50% depuis 2017, la probabilité que la crise provoquée par des besoins d’adaptation soit sévère au point de mettre en péril de nombreuses exploitations ne peut pas être ignorée. Cela pourrait conduire au dépôt de bilan d’industriels et contraindre de nombreux producteurs à abandonner cette production, pour se reconvertir vers d’autres actuellement plus rentables, telles que les céréales ou le colza. Cela pourrait aussi conduire à une situation extrême où la part des aides couplées dans le revenu des producteurs deviendrait déraisonnablement importante, alors qu’une gestion stratégique de ces fonds communautaires privilégierait de les allouer de manière plus économiquement durable à d’autres secteurs.

            a/ Recommandation du 1er pilier

Recommandation n°5

Adopter des démarches de stratégies intégrées de filières agricoles pouvant mobiliser 15% du 1er pilier PAC et permettant de sortir des raisonnements d’acquis s’agissant des paiements couplés betteraves. L’efficience économique suggèrerait de mobiliser ces fonds pour des actions plus pertinentes au sein de la filière voire pour la dynamisation de filières de reconversion.

            b/ Recommandation du 2d pilier

Recommandation n°6 

Un soutien à la reconversion des producteurs de betterave dans les zones réputées historiquement peu compétitives doit être prévu, parmi les outils du second pilier, afin que les Etats membres concernés puissent accompagner la reconversion que l’évolution actuelle du marché impose.

C Dans les deux types de zones

            a/ Recommandation liée à l’OCM unique

Recommandation n°7

Les particularités de la betterave, produit non stockable et peu transportable, doivent être pris en compte dans le cadre de l’Organisation Commune des Marchés. La négociation entre une entreprise sucrière et les planteurs qui la livrent doit avoir une obligation de résultat.

            b/ Recommandation du 1er pilier

Recommandation n°8

La garantie d’un minimum de 60% des fonds 1er pilier affectés dans chaque Etat membre au financement des aides découplées de base est une mesure nécessaire face aux défis extérieurs et à la baisse du revenu des betteraviers inhérente, étant donné l’importance de ces aides dans le revenu des exploitations. Sans quoi l’assolement en betteraves risque de reculer très fortement au profit d’une réaffectation à d’autres cultures.

            c/ Recommandation hors pilier

Recommandation n°9

Le maintien de la dotation budgétaire de la PAC au niveau actuel de l’UE-27 est une mesure essentielle pour participer, avec la digitalisation de l’agriculture et une gestion adéquate des risques et crises, à la construction d’un secteur agricole betteravier européen fort, compétitif et relevant efficacement les défis de la durabilité.

 

Tableau récapitulatif

Le tableau ci-après résume les défis auxquels la filière est confrontée, et les recommandations de Farm Europe consécutives pour les zones réputées historiquement compétitives, puis les zones réputées historiquement peu compétitives et enfin les recommandations concernant les deux types de zones.

 

Défis Recommandations zones historiquement compétitives
-Défis extérieurs (marché mondialisé, accord Mercosur, Brexit)

-Disponibilité des phytopharmaceutiques

-Durabilité environnementale

1-Promouvoir l’agriculture digitalisée en inscrivant dans le pilier 1, à travers l’Eco-Scheme, une aide forfaitaire d’incitation à la transition vers la double performance
-Défis extérieurs (marché mondialisé, accord Mercosur, Brexit)

-Plus grande volatilité

2.1- Doter financièrement les Outils de Stabilisation des Revenus dans le pilier 2

2.2- Mettre en place un fonds européen de gestion des crises en agriculture

-Défis extérieurs (marché mondialisé, accord Mercosur, Brexit)

-Disponibilité des phytopharmaceutiques

-Durabilité environnementale

3- Prioriser dans la mobilisation des outils MAEC, d’investissement et de formation dans le pilier 2 les agriculteurs réalisant la transition vers la double performance
-Défis extérieurs (marché mondialisé, accord Mercosur, Brexit)

-Disponibilité des phytopharmaceutiques

 

4- Mettre en place au sein du pilier 2 des investissements dans la recherche et le développement pour l’amélioration variétale des betteraves
Défis Recommandations zones historiquement peu compétitives
-Divergence des marchés 5-Adopter des démarches de stratégies intégrées de filières agricoles pouvant mobiliser 15% du 1er pilier PAC et permettant de sortir des raisonnements d’acquis s’agissant des paiements couplés betteraves.
-Défis extérieurs (marché mondialisé, accord Mercosur, Brexit) 6-Soutenir financièrement à la reconversion des producteurs de betteraves vers d’autres cultures
Défis Recommandations pour les deux types de zones
-Pouvoir de négociation des planteurs au sein de la filière 7- Adopter une obligation de résultat dans la négociation entreprise sucrière-planteur
-Défis extérieurs (marché mondialisé, accord Mercosur, Brexit)

 

8- Garantir une enveloppe minimale de 60% du 1er pilier pour les aides découplées de base
-Défis extérieurs (marché mondialisé, accord Mercosur, Brexit)

 

9- Maintenir la dotation budgétaire de la PAC au niveau actuel UE-27 (prix constants)

D Quelle PAC pour la filière Betterave de l’UE ?

C’est d’une PAC véritablement commune dont l’Union européenne a besoin aujourd’hui pour conserver une filière Betterave forte dans les zones où la compétitivité actuelle permet de manière réaliste une pérennité, capable d’affronter les défis économiques et environnementaux actuels.

Il s’agira d’abord de consolider une contractualisation équilibrée au sein de la filière betterave-sucre. Il s’agira ensuite de mettre à disposition de la filière les outils de gestion des risques adaptés au nouveau contexte économique et de production.

Ensuite, la révolution numérique que représente une généralisation progressive de l’agriculture digitalisée et que nécessitent les défis intérieurs et extérieurs actuels ne peut se faire qu’avec un socle commun fort, promouvant l’investissement dans les équipements nécessaires.

C’est aussi au moyen d’un socle commun fort qu’il est possible de soutenir dans toute l’UE les revenus des agriculteurs, en garantissant la cohésion entre les filières, en préservant les aides de base au sein du premier pilier, ce qui offrira la résilience économique nécessaire pour permettre la révolution numérique.

La PAC doit encore assurer un niveau de subsidiarité raisonnable, permettant aux Etats membres d’adapter la formation des agriculteurs à l’usage des outils de l’agriculture digitalisée, ou encore les travaux d’amélioration variétale à leurs contextes particuliers, et surtout d’adopter les mesures de soutien financier nécessaires pour accompagner la reconversion des producteurs de betteraves des zones les moins compétitives vers une ou d’autres productions.

Protéger les revenus des agriculteurs et conserver une PAC réellement commune passe également dans le contexte actuel de réforme qui propose une renationalisation de la PAC, par la préservation de l’équilibre de ces deux piliers, où l’un représentant 70% des aides est élaboré au niveau communautaire et l’autre représentant 30% des aides permet la prise en compte des spécificités locales dans les Etats membres.

 

[1] Ces 900 000 tonnes représentent l’ensemble des quotas négociés par l’UE avec des droits de douanes réduits, et non pas seulement ceux négociés avec des pays du Mercosur.

[2] Un gramme de sucre contient toujours 4 kilocalories.

[3] Le réchauffement climatique permet un accroissement de la photosynthèse par l’augmentation des température moyennes au printemps et une augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère. Il s’en suit un semis plus précoce, une augmentation de la biomasse produite et du sucre stocké par les betteraves.

[4] Commission Européenne – Fiche d’information, La fin des quotas de production de sucre dans l’Union européenne, 29 septembre 2017

[5] Les rendements betteraviers moyens sur la période 2011-2015 s’échelonnent de 37 à 90 t/ha en fonction des Etats membres.

NOTE POLITIQUE Une filière Céréales prête à relever ses défis

Résumé

La production de céréales dans l’Union européenne a connu un véritable boom grâce à la Politique Agricole Commune, pour se hisser aujourd’hui au troisième rang mondial, avec 306 millions de tonnes prévus en 2018, soit 14,6% de la production mondiale.

Présente sur le marché international – avec 33,5 millions de tonnes exportés soit 11% de sa production – dans un contexte de demande croissante du fait d’une consommation de céréales en hausse de 40% en 15 ans, cette production n’est pas actuellement dans une posture « confortable et installée ».

La concurrence sur les marchés internationaux traditionnels est rude, depuis la récente explosion des exportations dans la région de la Mer Noire : elle se stabilise à 60 millions de tonnes, soit un 1/3 des échanges mondiaux. Les défis sont également présents au sein même de l’UE, à commencer par la stagnation des rendements à l’Ouest, l’impact de la règlementation sur les produits phytopharmaceutiques, et la pression exercée par les aléas climatiques, telle que la sécheresse historique de cet été 2018.

Pour que la filière évite un décrochage et parvienne à relever ces défis, de multiples leviers d’action sont disponibles. Adopter une céréaliculture digitalisée permettra d’optimiser les performances environnementales et économiques des céréaliers. Se doter d’un fond européen de gestion de crise en agriculture efficacement pourvu et généraliser les assurances climatiques permettra de faire face aux conséquences du changement climatique et de la haute volatilité des marchés. Abandonner le travail du sol et adopter le semis direct pourrait soutenir les performances agronomiques et économiques des céréaliers, dès lors que les moyens techniques sont ou restent au rendez-vous.

Dans un tel contexte, la filière devra pouvoir s’appuyer sur une PAC qui protège mieux le revenu des agriculteurs dans un contexte de grande volatilité des prix, et qui soutienne davantage l’investissement dans l’innovation pour une transition vers des modèles performants. Cette note présente les défis et les recommandations pour moderniser la filière et façonner une PAC dotée d’outils communs forts, associés aux flexibilités nécessaires et ciblés afin de bâtir une stratégie ambitieuse articulant efficacement outils communautaires, et mesures nationales ou régionales.

 

Table des matières

I – La filière céréales européenne : caractéristiques et défis. 

A Panorama de la filière européenne. 

a/ Données générales. 

b/ Importance de la filière pour la compétitivité des filières élevage et éthanol 

B Les défis extérieurs

a/ La montée de l’Ukraine

b/ Le boom russe

c/ La demande mondiale, l’enjeu de la sécurité alimentaire

C Les défis intérieurs

a/ Baisse du revenu des agriculteurs

b/ Volatilité du marché

c/ Risques climatiques

d/ Disponibilité des produits phytopharmaceutiques

e/ Durabilité environnementale et rendement des cultures

f/ Réforme actuelle de la PAC

II-Réussir au cœur d’une âpre concurrence

A Attentes des marchés

a/ Redevenir un acteur de 1er plan au niveau mondial 

b/ Ne pas perdre de poids sur le marché UE

B Les leviers d’action

a/ La digitalisation de l’agriculture

b/ Outils assurantiels de gestion de la volatilité, fond européen de gestion des crises majeures en agriculture

c/ L’amélioration génétique pour répondre aux attentes sociétales et s’adapter aux enjeux climatiques

d/ Les méthodes culturales

e/ Les aspects logistiques : stockage et transports

III- Conclusion : une stratégie gagnante pour la filière céréales de l’UE

A Le premier pilier

B Le second pilier

C Hors pilier

I – La filière céréales européenne : caractéristiques et défis

A Panorama de la filière européenne

a/ Données générales

Etat des lieux en 2017-2018  

En considérant ensemble les trois principales céréales produites à savoir le blé, l’orge et le maïs grain (85% de la production céréalière de l’UE en 2016), l’Union européenne, avec une production de 275,2 millions de tonnes soit 14% de la production mondiale, s’érige au 3 rang, derrière la Chine et les EUA. Presque 48 millions d’hectares sont mis en culture pour cela, soit 27% de la SAU de l’UE. 33,4 millions de tonnes seront exportés au cours de cette année, soit presque 1 tonne de céréales sur 8. Le poids économique de la production céréalière est d’environ 46,8 milliards d’euros.

Avec 151,2 Mt de blé (dur et tendre), l’UE est 1er producteur mondial devant la Chine et la Russie. 27 millions d’hectares sont mis en culture, avec un rendement moyen de 5,6 t/ha (blé tendre). 24,4 millions de tonnes seront exportés au cours de cette année.

L’UE se situe également au 1er rang mondial des producteurs d’orge, avec 58,8 Mt, devant la Russie et l’Australie. 12,3 millions d’hectares sont mis en culture, avec un rendement moyen de 4,8 t/ha. 8 millions de tonnes seront exportés au cours de cette année.

Enfin en ce qui concerne le maïs, avec une production de 65,2 millions de tonnes l’UE se situe au 4eme rang mondial, derrière les EUA, la Chine et le Brésil. 8,6 millions d’hectares sont mis en culture, avec un rendement moyen de 7,6 t/ha. 1 million de tonnes seront exportés au cours de cette année.

Tendances depuis 2000

En passant de 246 à 277 millions de tonnes (Mt), la production européenne de céréales – blé, orge et maïs – a cru de 12,5% dans l’UE à 28. L’assolement a diminué de 2,2 millions d’hectares (-4,5%), mais les rendements moyens ont augmenté de 1,25t/ha (+25%). C’est dans les Etats membres d’Europe centrale (UE-13) que cette augmentation s’est produite, avec une moyenne de 92,5%. Alors qu’en Europe occidentale (UE-15), cette augmentation ne fut que de 5,6% en moyenne. Quant aux exportations, elles sont passées – entre 2012 et 2017 – de 28 Mt à 33,5 (+21%), soit de 13,5 à 12,1% de la production.

Depuis 2000, la production européenne de blé est passée de 133,4 à 152,3 Mt (+14,2%), et les superficies sont passées de 26,8 à 26 millions d’hectares (-3%). Les rendements moyens sont passés de 5,3 à 6,1t/ha (+14%), mais cela cache une nette disparité. Les rendements (blé tendre) ont stagné dans l’UE-15, passant de 6,7 à 6,8 t/ha (+1,5%), et fortement cru dans l’UE-13, passant de 3,2 à 5,1 t/ha (+59%). Quant aux exportations, elles ont augmenté de 19,2 à 23,5 Mt (+22%), entre 2012 et 2017.

Depuis 2000, la production d’orge a stagné en passant de 60,3 à 59,3 Mt (-1,7%), sur des surfaces en recul de 15%, de 14,2 à 12,1 millions d’hectares. Les rendements ont cru de 15,3%, en passant de 4,25 à 4,9 t/ha, avec ici encore une forte disparité géographique. Ils ont plutôt stagné dans l’UE-15 en passant de 4,8 à 5 Mt (+4,2%), et cru dans l’UE-13, de 2,5 à 4,4 Mt (+76%). Le volume des exportations fut également en croissance, de 10,4%, de 6,7 à 7,4 Mt (2012-2017).

Enfin, c’est le maïs qui a connu la plus forte croissance sur la période dans l’UE. Si les surfaces ont décru de presque 14%, de 9,7 à 8,4 millions d’hectares, les volumes produits et exportés ont connu de fortes croissances, respectivement de 24,6% – de 52,7 à 65,5 Mt – et 45,4% – de 1,8 à 2,6 Mt – grâce à l’amélioration franche des rendements, passés de 5,4 à 7,8 t/ha (+44%). Ici encore, c’est dans l’UE-13 que les rendements ont le plus progressé, passant de 2,6 à 6,3 t/h (+142%), alors que la croissance fut de 11% dans l’UE-15, de 9,1 à 10,1 Mt.

b/ Importance de la filière pour la compétitivité des filières élevage et éthanol

Avec 157,4 millions de tonnes consommés en 2016-17 (57% de la production), les céréales produites dans l’UE occupent la 1ère place dans le régime alimentaire protéiné de la filière élevage de l’UE (59%). Viennent ensuite les 84,1 millions de tonnes de co-produits issus des cultures de céréales et d’oléo-protéagineux, (31,5%) et les 18,3 millions de tonnes de céréales importées (6,9%).

Remarque : parmi les 84,1 millions de tonnes de co-produits, 18,3 millions de tonnes (22%) étaient des tourteaux de soja importés d’Amérique (Nord et Sud).

Sur les 25,8 millions de tonnes de matière première agricole consommées par la filière éthanol en 2016-17, les céréales produites dans l’UE représentaient 13,2 millions de tonnes (51%) et la betterave sucrière 12,6 millions de tonnes (49%). 4,5% de la production européenne de céréales ont été consommés par la filière éthanol.

B Les défis extérieurs

Le bassin de la Mer Noire s’est considérablement développé au cours des cinq dernières années, Ukraine et Russie en tête, pour représenter actuellement 1/3 des échanges mondiaux de céréales (60 millions de tonnes sur 180).

a/ La montée de l’Ukraine

Après un effondrement suite au démantèlement de l’URSS, l’Ukraine est en passe de redevenir le « grenier » à blé de l’Europe. En effet, les réformes de son secteur agricole donnent aujourd’hui à l’Ukraine les moyens de valoriser pleinement des avantages naturels considérables.

Il y a tout d’abord la remarquable fertilité des fameuses « terres noires » ou « tchernoziom », riches en potasse, phosphore et oligo-éléments du fait d’un fort pourcentage d’humus.  S’y ajoute un avantage topographique notable – de très grandes plaines cultivables qui représentent 90 % de la superficie nationale – et un climat favorable à la culture des céréales. La Surface Agricole Utile s’élève à 70 % du territoire, soit 42 millions d’hectares.

Puis il y a l’effort considérable consenti pour remettre en marche l’appareil de production. L’indépendance de l’Ukraine en 1991 s’est accompagnée d’un démantèlement de l’appareil soviétique tombé en désuétude suivi d’un effondrement complet de l’appareil de production agricole. En 1999, une loi a jeté les bases du renouveau, permettant la liquidation quasi-totale des kolkhozes et les premiers pas vers une privatisation des terres. Des loyers annuels très bas, un système fiscal très avantageux pour les entreprises agricoles institué en 1998, un affranchissement virtuel de la TVA en 1999, ainsi qu’une panoplie d’aides étatiques aux fermes ukrainiennes ont attiré les investisseurs étrangers. Ils trouvent en Ukraine des coûts de production bas (2 à 3 fois inférieurs à la France par exemple) grâce notamment à des charges fixes très basses et une règlementation sur l’emploi des pesticides moins stricte que celle de l’UE.

L’augmentation des volumes produits et exportés a également été favorisée par le soutien conjoint de la FAO et de la BERD. Celui-ci a permis de faciliter le dialogue entre les secteurs public et privé, facilitant la création d’un environnement politique plus favorable à l’arrivée d’investisseurs étrangers. Ce soutien conjoint a également permis la formation de nombreux agriculteurs ukrainiens pour une meilleure gestion de la protection des cultures et un meilleur stockage des récoltes.

Enfin, la baisse de la consommation nationale de céréales accroît ces dernières années les volumes disponibles à l’export. Les façades maritimes sur la Mer Noire et la Mer d’Azov favorisent quant à elle l’activité d’exportation.

C’est ainsi une véritable révolution agricole que connaît le pays depuis 20 ans, et qui l’a conduit en 2009 au 1er rang mondial d’exportation d’orge et de tournesol, au 2d rang pour le colza, au 4e pour le maïs, 6e pour le blé et 8ème pour le soja. Depuis 2010, la production de céréales a augmenté de 55 %, pour atteindre 64 millions de tonnes en 2017 (dont 26 de blé) et les exportations de 284 %. 50% des volumes exportés le sont à destination de l’Asie, et 30% de l’UE, avec laquelle l’Ukraine a conclu un accord d’association entré en vigueur en septembre 2017.

A noter toutefois que ce pays, tout comme la Russie dont l’évolution est analysée ci-après, est particulièrement soumis aux impacts des aléas climatiques, générant des variations très fortes des quantités produites d’une année sur l’autre.

b/ Le boom russe

L’agriculture de la Russie est également en plein essor. Ici aussi, il repose sur des atouts naturels. La partie occidentale de cet « état-continent » est une vaste plaine, où sont également présentes les terres noires, en particulier dans la partie méridionale. Mais si la production agricole russe a explosé au cours des 3 dernières années, c’est principalement par volonté politique. Suite aux sanctions économiques des Etats Unis et de l’UE visant le secteur énergétique russe en 2014, la Russie a riposté avec des sanctions sur une large gamme de produits alimentaires d’importation. La sanction s’est étendue aux denrées alimentaires de Turquie après la destruction d’un avion russe en Syrie. Les sanctions ont été accompagnées de l’annonce de l’objectif national d’autosuffisance alimentaire d’ici à 2020.

Pour atteindre cet objectif, les investissements locaux et étrangers sont grandement favorisés, par des mesures fiscales incitatives. Les technologies modernes, l’approvisionnement en machines et en engrais ont été largement déployés. En plus d’avoir dépassée quantitativement la récolte des EUA depuis 2015, la production de blé russe est favorisée à l’export par un taux protéique supérieur. Ceci est dû notamment aux efforts de sélection variétale en Russie, pour obtenir aujourd’hui des variétés de blé d’hiver adaptées aux rigueurs climatiques, et disposant d’un taux protéique allant jusqu’à 15 à 18%, tout en conservant des rendements élevés, de l’ordre de 100-120 q/ha.

L’espace disponible est également un atout pour que la Russie atteigne son objectif d’autonomie alimentaire. Elle a entrepris la reconquête de millions d’hectares de terres agricoles abandonnées depuis la chute de l’URSS.

Les résultats sont patents : le montant des exportations de blé russe en 2015 s’élevait à 20 milliards de dollars[1]. Parallèlement, la part des EUA sur le marché international du blé est passée de 50% dans les années 1970 à 15% en 2017. Et la Russie a diminué ses achats internationaux de produits alimentaires de 40% entre 2013 et 2015.

Initialement évaluée à 85 millions de tonnes, la récolte de blé russe 2018-19 sera moindre mais devrait néanmoins atteindre 70 Mt, et les exportations 35 millions de tonnes.

c/ La demande mondiale, l’enjeu de la sécurité alimentaire.

Les crises alimentaires que le monde a connues depuis 2007, les impacts d’ores et déjà constatés du changement climatique, ont rappelé que l’enjeu alimentaire n’appartient pas au passé, mais qu’il constitue bien un enjeu actuel que des organisations telles que la FAO rappellent régulièrement avec force et raison.

Celui-ci doit être une préoccupation d’actualité pour l’Union européenne qui doit :

  • produire pour assurer une indépendance suffisamment effective aux citoyens européens ;
  • produire de façon responsable et durable dans un monde où les ressources naturelles sont fragiles et limitées. Responsable : en refusant de sous-traiter à d’autres parties du monde nos devoirs en matière de gestion de ressources. Durable : car nous sommes redevables aux générations à venir de leur capacité à se nourrir et à évoluer dans des espaces de qualité ;
  • contribuer à la sécurité alimentaire mondiale tout à la fois en développant les agricultures régionales à travers la politique de développement et en étant un fournisseur fiable des marchés mondiaux. En effet, seule grande zone agricole au monde bénéficiant de conditions de production relativement stables, l’Union européenne a une responsabilité particulière : contribuer à approvisionner avec régularité des marchés mondiaux structurellement demandeurs. Et ce, d’autant plus que la stabilité des marchés mondiaux est un élément décisif :
    • du développement des agricultures des régions les moins développées dans un monde ouvert.
    • De la stabilité géopolitique des régions structurellement déficitaires par leur capacité à assurer à leurs populations une alimentation en quantités suffisantes et à un prix abordable
    • De la capacité à contribuer à limiter les crises migratoires.

L’union Européenne et ses filières agricoles doivent se mettre en position de répondre durablement à la hausse de la demande mondiale alimentaire, et tout particulièrement en ce qui concerne les céréales à destination de l’alimentation humaine, source incontournable et souvent de base de l’alimentation de régions entières, mais aussi d’avoir la capacité à être présent sur les autres segments de marché où la demande croît (amidonneries, malteries et alimentation animale). C’est une responsabilité économique, c’est aussi une responsabilité politique majeure.

C Les défis intérieurs 

a/ Baisse du revenu des agriculteurs

Plusieurs facteurs sont responsables de la baisse du revenu que connaissent les producteurs céréaliers de l’UE depuis quelques années.

Il y a tout d’abord l’influence exercée par les paramètres du marché mondial. En ce qui concerne le blé tendre, l’offre mondiale légèrement supérieure à la demande depuis 2015 conduit à des prix bas face aux coûts de production et pour rémunérer les producteurs. Les faibles rendements de cette année 2017-18 dans l’UE, mais aussi en Russie, en Australie et aux Etats Unis ont inversé la tendance et donc permis au cours du blé tendre de remonter à plus de 200 euros la tonne à Rouen.

Parallèlement, les coûts de revient croissant de la céréaliculture se sont accrus, principalement du fait des produits phytosanitaires. Dans certains Etats membres, ce poste de dépense a augmenté pour les agriculteurs de 40% en 20 ans, du fait de coûts d’homologation de plus en plus élevés, et de taxes croissantes pour la pollution diffuse occasionnée.

L’augmentation du coût de l’énergie, ainsi qu’un nécessaire équipement en matériel de plus en plus précis et sophistiqué viennent s’ajouter.

Sur le plan des aides communautaires, la baisse provient d’abord d’une érosion progressive de la valeur des paiements directs au cours des dernières années, accentuée dans les Etats membres qui ont fait le choix de transférer des montants importants d’aides du 1er vers le second pilier.  Les céréaliers sont également affectés par les choix des EM d’opter pour des bonifications des aides découplées PAC pour les premiers hectares, ce qui impacte particulièrement les exploitations de grande taille, situées dans les zones intermédiaires, à l’équilibre économique déjà fragile.

 b/ Volatilité du marché

Il y a encore quelques années de cela on pouvait qualifier le marché des céréales de « plat » et de relativement prévisible. Les prix réagissaient surtout aux soubresauts de la météo. L’accroissement de la demande, le renchérissement des coûts du pétrole et du fret, la financiarisation des marchés ont ramené leur lot de volatilité́. Quant aux soubresauts de la météo, ils se font désormais plus fréquents et d’amplitude plus importante du fait du réchauffement climatique, avec des réactions plus fortes de marchés largement financiarisés.

Les variations de prix se caractérisent dorénavant par leur soudaineté et leur brutalité. D’environ 15 euros par tonne sur une campagne, l’amplitude peut désormais dépasser les 100 euros la tonne.

c/ Risques climatiques

Le changement climatique actuel provoque une augmentation de la fréquence des « évènements extrêmes », qu’il s’agisse de précipitations, de températures, ou de vents inhabituels. Pour l’agriculture, cela se traduit généralement par une réduction des rendements et une plus grande variabilité de ceux-ci.

Les céréales, en particulier le blé dur et l’orge d’hiver, sont notamment sujet au phénomène de verse, que les pluies orageuses ou battantes favorisent, et qui provoque une perte de rendement, une baisse de la qualité des grains et un rallongement du temps de récolte.

Les précipitations inhabituellement importantes provoquent une saturation des sols en eau, ce qui perturbe l’extension et le fonctionnement du système racinaire.

A l’inverse, les rendements sont également impactés par la sécheresse, en particulier dans les zones ou les sols sont superficiels avec une faible réserve utile, et au cours de la montaison des céréales. La sécheresse que connaît une partie de l’Europe en cet été 2018 en est un exemple.

Face à ces menaces d’ampleurs croissantes, les agriculteurs sont actuellement démunis, notamment du fait d’un développement qui reste faible des assurances climatiques.

d/ Disponibilité des produits phytopharmaceutiques

Comme toute culture, celle des céréales impose de se prémunir contre les ravageurs, qu’ils soient des micro ou des macro organismes, et de favoriser la culture contre les adventices. Mais les agriculteurs sont aujourd’hui confrontés à une raréfaction des substances homologuées, à une augmentation de la pression due au changement climatique, et donc placés face au défi de trouver rapidement des alternatives efficaces.

En ce qui concerne les insecticides utilisés pour protéger les cultures, le défi actuel pour les agriculteurs concerne la classe des néonicotinoïdes, qui a connu une large diffusion depuis la découverte en 1985 de l’imidaclopride. Ces insecticides ont pris la place des organochlorés et organophosphorés tels le DDT et sont devenus les insecticides les plus utilisés dans le monde car, étant employés majoritairement en enrobage des semences, de manière prophylactique, ils permettent d’éviter la diffusion liée aux épandages aériens. Mais du fait de leur faible biodégradabilité et de leur toxicité pour les insectes, ils se concentrent dans les réseaux trophiques et sont mentionnés comme cause de mortalité chez les insectes pollinisateurs. L’EFSA a confirmé dans ces conclusions en février 2018 cette dangerosité pour trois types d’abeilles évaluées.

Le 27 avril 2018, la majorité des Etats de l’Union européenne a voté l’interdiction de trois néonicotinoïdes, la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxamesur, à partir de 2019 pour toutes les cultures en plein champ dans l’UE, avec pour seule exception les usages en serre.

Le coût de l’interdiction des néonicotinoïdes pour la culture du colza dans l’UE a été récemment évalué à 900 millions d’euros par an. Sur le blé et l’orge, l’imidaclopride permet d’éviter des pertes de rendements de l’ordre de 20 à 30% causées par la jaunisse nanisante.

Et en ce qui concerne les herbicides utilisés pour la céréaliculture, le principal sujet est en lien avec les débats qui existent au sujet du glyphosate. Alors que la licence d’exploitation de la molécule (découverte dans les années 50) arrivait à son terme en décembre 2017, les Etats membres ont voté en novembre pour une prolongation de 5 ans. En octobre 2017, le Parlement européen s’était prononcé –de manière non contraignante – en faveur d’une disparition progressive du glyphosate d’ici 2022.

A ce jour, une telle interdiction pousserait la plupart des agriculteurs européens à employer des herbicides plus coûteux et parfois plus dangereux, et revenir à un désherbage par le travail du sol, avec ses conséquences environnementales. Le surcoût serait réel. L’utilisation moyenne de ce produit est pour la Belgique de 1,81 kg par hectare de SAU, les Pays-bas, de 1,56 kg, contre 1,10 pour la France ou 1,00 pour l’Allemagne.  A titre de comparaison, le surcoût a été évalué pour l’agriculture française à 2 milliards d’euros par an.

e/ Durabilité environnementale et rendement des cultures

En matière d’agriculture, les principaux compartiments des écosystèmes concernés par la durabilité sont le sol cultivé et l’eau.

Certains sols de zones céréalières dans l’UE souffrent d’hypofertilité[2]. Plusieurs causes sont invoquées pour expliquer cette évolution, telles que le raccourcissement des rotations, la diminution du recours aux amendements organiques, des apports en azote excessifs, qui favorisent la minéralisation du carbone organique, ainsi que le labour profond, qui perturbe la vie microbienne du sol et donc la synthèse des nutriments assimilables par les plantes. En 2008, la Commission Européenne estimait que 45% des sols européens avait un taux de matière organique très faible, avec moins de 2% de carbone organique, dans les pays d’Europe du Sud mais également en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique[3].

Dans plusieurs pays céréaliers de l’UE, et notamment de l’UE-15, les rendements en céréales ont tout au moins stagné au cours des 15 dernières années. Il y a en la matière davantage d’hypothèses que de certitudes. La reconversion de bonnes terres céréalières en zones urbanisées, et parallèlement à cela, le retournement de prairies dans des zones moins optimales pour la céréaliculture est une hypothèse.  L’appauvrissement de certains sols en carbone organique en est une autre[4].

Quant au recours aux herbicides dans le cadre de la lutte contre les adventices, il fait l’objet d’une attention de plus en plus forte du fait du risque de ruissellement lié à ces produits surfaciques.[5].

f/ Réforme actuelle de la PAC

Dans le contexte de recul de la rentabilité du secteur, les propositions budgétaires et celles de réforme de la PAC accentuent les menaces qui pèsent sur la filière Céréales. Elles entraineraient de façon cumulée une baisse moyenne du revenu des agriculteurs européens comprise entre 16 et 20%. D’une part, l’impact de la baisse de 12% du budget de la PAC (euros constants) provoquerait une chute de plus de 8% en moyenne communautaire, avec des effets négatifs particulièrement forts pour les secteurs des grandes cultures, où les paiements directs représentent une part importante du revenu. Pour le secteur des céréales et oléoprotéagineux, l’étude d’impact de la Commission évalue à 6% la baisse de revenu dans le cas d’une réduction de 10% des aides au revenu. D’autre part, de l’aveu même de la Commission européenne, dans son étude d’impact, les propositions de réforme présentée le 1er juin génèreraient une baisse supplémentaire comprise entre 8 et 10% du revenu agricole selon les options retenues par les Etats membres.

Une telle stratégie provoquerait inéluctablement la sortie d’agriculteurs avec l’abandon de territoires tout particulièrement en zones intermédiaires, ainsi qu’un agrandissement des exploitations. Elle freinerait la capacité d’investissement et le renouvellement des générations, malgré les outils proposés en faveur des jeunes agriculteurs qui ne pourraient compenser la baisse de revenus, annoncée par ailleurs.

Quant au nouveau mode de mise en œuvre proposé dans la réforme de la Commission européenne, une telle évolution – qui ouvre la voie à une renationalisation, avec un transfert majeur de responsabilité pour le premier pilier aux Etats membres – mettrait sévèrement en compétition leurs cadres règlementaires, avec naturellement des avantages en matière de compétitivité pour les moins-disants en matière environnementale. Cette évolution serait aussi un glissement de la PAC vers un programme principalement géré dans une relation bilatérale entre les administrations agricoles nationales et les services de la Commission européenne, au détriment de la relation directe entre les co-législateurs de l’UE et les bénéficiaires c’est-à-dire les agriculteurs.

 

II-Réussir au cœur d’une âpre concurrence  

A Attentes des marchés

a/ Redevenir un acteur de 1er plan au niveau mondial

Alors que les concurrents de la Mer Noire sont en pleine conquête des marchés d’exports de céréales, notamment en ce qui concerne la première céréale exportée à savoir le blé, l’Union européenne a fortement reculé au cours des trois dernières années. Toutes céréales confondues, ses exportations ont chuté de près de 30%.

La part du blé tendre d’origine UE dans les importations a reculé de 19% au Maroc, 49% au Cameroun et 52% au Sénégal entre les années 2015-16 et 2016-17.

Pour les producteurs céréaliers de l’UE, s’il existe bien un enjeu en termes de qualité des grains, lié aux exigences de la panification, un enjeu substantiel réside dans la quête d’une compétitivité croissante.

En effet, les taux protéiques et de gluten inférieurs des blés de l’UE peuvent à faible coût être corrigés dans les pays importateurs. C’est en fait par leurs prix très bas que les producteurs russes et ukrainiens font largement la différence, et gagnent très rapidement les marchés à l’export. Le défi est tel que pour être relevé, il nécessite de la part des producteurs de l’UE une augmentation des rendements accompagnée d’une baisse des charges opérationnelles.

b/ Ne pas perdre de poids sur le marché UE

La première zone consommatrice des céréales d’origine UE est l’Union européenne elle-même. Il y a donc également un fort enjeu de compétitivité des céréales de l’UE en son sein même. Et cet enjeu est décuplé par l’offre extérieure de plus en plus abondante et de qualité.

Les importations de l’UE toutes céréales confondues ont augmenté de 137,5% entre 2009-10 et 2016-17.

La compétitivité des céréales européennes sur le marché même de l’Union Européenne pose inévitablement la question des règles s’appliquant aux importations.

L’Union Européenne a adopté un des niveaux d’exigence les plus forts du monde en matière de règles tant sociales qu’environnementales. Qu’en est-il des importations ?

L’ouverture des marchés communautaires suppose, pour être positif, que les mêmes règles s’appliquent aux productions européennes et aux importations. Il en va certes de la compétitivité relative des agriculteurs européens, il en va aussi du respect des consommateurs de l’Union Européenne qui estiment légitimement que les importations acceptées sur le territoire européen présentent un niveau équivalent d’exigences.

Or, il doit être constaté que ce n’est pas le cas. L’exemple des productions réputées biologiques importées est frappant. Les cas répertoriés récents dans le secteur animal pour des produits d’Amérique du Sud sont présents à l’esprit. Dans le secteur végétal et des céréales, les divergences en matière d’itinéraires culturaux autorisés ou non, de variétés autorisées ou non …. tendent à s’accentuer, alors qu’en parallèle les négociations commerciales y prêtent peu, voire pas attention.

B Les leviers d’action

a/ La digitalisation de l’agriculture

Pour gagner en compétitivité et en durabilité avec une augmentation de leurs rendements accompagnée de la diminution de leurs charges opérationnelles, les producteurs de betteraves de l’UE disposent d’une solution privilégiée : la digitalisation de l’agriculture.

La digitalisation de l’agriculture est un moyen pour optimiser l’usage des traitements réalisés sur les cultures. Il s’agit de recourir aux technologies numériques et à la géolocalisation afin de caractériser au mieux les sols de l’exploitation agricole pour pouvoir prendre en compte l’hétérogénéité intra-parcellaire et ainsi apporter « la bonne dose d’intrants –eau, fertilisants, produits phytosanitaires – au bon endroit et au bon moment ».  Parmi les intrants, les traitements phytosanitaires en particulier ont des coûts élevés tant sur le plan économique qu’environnemental. Il s’agit donc d’un poste absolument central pour atteindre l’objectif de double performance des exploitations agricoles.

Des études menées dans un réseau de fermes sur le blé tendre et le maïs montrent déjà des résultats tangibles et prometteurs, en termes de bénéfices à l’hectare (de 80 à 200 euros/ha) et de réduction des intrants (de 30 à 70%) (Fermes Leader, InVivo). En Grèce, une expérimentation menée sur 9 sites pilotes – 3 dévolus à l’arboriculture et 2 aux cultures arables – a évaluée que les économies moyennes réalisables pour les produits phytosanitaires pouvaient s’élever à 63%.

b/ Outils assurantiels de gestion de la volatilité, fond européen de gestion des crises majeures en agriculture.

Dans le cadre de l’actuelle réforme de la PAC, il n’y a pas de nouvelle avancée en ce qui concerne les outils nécessaires pour assurer la résilience des exploitations agricoles face aux aléas climatiques. Les avancées offertes par l’Omnibus – le taux de perte pour le déclenchement des fonds mutuels et assurances climatiques porté à 20% (au lieu de 30%), et le cofinancement des primes porté à 70% (au lieu de 65%) –  sont récentes et butent sur les arbitrages budgétaires nationaux des moyens PAC à allouer ou non à la gestion des risques. Cette gestion doit devenir une priorité pour assurer effectivement la résilience économique des exploitations agricoles.

La réforme de la réserve de crise pour la rendre pluriannuelle et donc plus opérationnelle est proposée, mais aucun moyen suffisant n’est prévu pour constituer un fonds doté de ressources suffisantes. Il y a là aussi une importante lacune que le législateur communautaire se doit de combler.

La mise en place d’un fonds européen de gestion des crises en agriculture, financé par une réserve de crise pluriannuelle dotée de façon adéquate, doit être réalisée pour alléger le coût de la réassurance des assurances climatiques et prendre le relai des outils IST dès lors que les risques deviennent des crises profondes (voir note Farm Europe afférente).

Parallèlement, il convient que la prochaine PAC reconnaisse l’intérêt d’encourager les agriculteurs à mettre en place des épargnes précaution. Si l’incitation fiscale liée à un tel dispositif est du ressort des Etats membres, il serait opportun que la PAC cale au niveau de l’Union européenne ce que constitue juridiquement et en comptabilité une telle épargne de précaution, ainsi que quelques principes de base simples de reprise de cette épargne.

c/ L’amélioration génétique pour répondre aux attentes sociétales et s’adapter aux enjeux climatiques

Dès la fin des années 60, un programme d’amélioration génétique du blé tendre visant à remplacer les traitements fongicides par l’utilisation de variétés résistantes aux maladies a permis d’augmenter la diversité génétique du blé en introduisant la résistance aux rouilles et piétin-verse.

Aujourd’hui, les travaux de sélection se portent sur une approche globale de la rusticité, en travaillant sur la résistance aux maladies, sur une meilleure valorisation de l’azote disponible, sur la compétitivité vis-à-vis des adventices, ou encore la tolérance à la sécheresse.

En termes de méthodes disponibles pour réaliser les travaux d’amélioration, la possibilité du recours aux nouvelles techniques de sélection variétale au sein de l’UE reste un sujet d’interrogation auquel la Commission et les co-législateurs doivent avoir le courage de s’atteler à la suite de la lecture de la réglementation actuelle faite par la Cour de Justice de l’UE fin juillet.

d/ Les méthodes culturales

Les pratiques culturales et notamment le travail du sol sont une piste pour tenter de retrouver une croissance des rendements. Une méta-analyse parue en octobre 2017 et s’appuyant sur des travaux menés dans 62 régions a confirmé au niveau mondial que le non-travail du sol engendre davantage de biodiversité microbienne, elle-même permettant une meilleure fertilisation du sol en éléments minéraux assimilables par les plantes[6].  Une autre étude, menée en Suisse de 1994 à 2004 a révélé des rendements de légumineuses et de céréales significativement plus élevés en semis direct[7].

Cependant, le non labour suppose une gestion des adventices et la destruction du plus grand nombre avant les semis, sans quoi les agriculteurs n’auront aujourd’hui d’autres solutions qu’un retour au labour profond.

e/ Les aspects logistiques : stockage et transports

Chaque semaine, ce sont environ 4 millions de tonnes de céréales et oléo protéagineux pour une valeur d’1 milliard d’euros qui circulent au sein de l’UE. D’où l’importance d’assurer un fonctionnement optimal du stockage et du transport de ces marchandises, afin d’éviter les défauts d’approvisionnement et une volatilité accrue des prix.

Le stockage

Moins de 15% des céréales produites sont autoconsommés à la ferme. Tout le restant est commercialisé auprès des entreprises en aval, qu’elles soient de transformation ou d’export, et il dépend donc des centres de collecte et de stockage. Le stockage représente un maillon essentiel de la chaîne logistique qui permet à l’UE de jouer son rôle de stabilisation des approvisionnements alimentaires dans le monde.

Les capacités de stockage pour les COP dans l’UE ont augmenté de 20% entre 2005 et 2015, atteignant 359 millions de tonnes, alors que les productions augmentaient de 11%, atteignant 346 millions de tonnes. Cependant, un risque demeure par endroits, appelant de nécessaires investissements. Ils sont d’autant plus nécessaires que la volatilité des prix impose une gestion stratégique des stocks et donc des capacités accrues. En Europe Centrale, les déficits se sont estompés (de 3,9 Mt en Pologne), se sont transformés en surplus (de 5,3 Mt en Roumanie), voire des surcapacités se sont accrues (en Hongrie et Bulgarie). En Europe de l’Ouest, seule l’Espagne est parvenue à obtenir un substantiel surplus de capacités (3 Mt). C’est au Danemark, au Royaume-Uni et en Allemagne que les déficits de capacités se sont le plus dégradés.

Pour remédier aux goulots d’étranglement, l’emplacement approprié de la capacité de stockage supplémentaire (par exemple dans les centres de transport clés ou les terminaux d’exportation) et l’accès à une infrastructure logistique adéquate sont d’une importance critique. L’accès à des fonds publics plus diversifiés que seulement ceux du FEADER apparaît nécessaire pour cela.

Le transport

Les routes, les voies ferrées et les voies navigables intérieures jouent des rôles différents dans le transport des COP, et sont souvent combinées. Pour les trois types de transports et les 4 couloirs principaux de circulation des COP (Rhin-Danube, Rhin-Alpes, Baltique-Adriatique et Mer du Nord-Mer Baltique), des goulets d’étranglements persistent.

L’amélioration des conditions de chenal des voies navigables intérieures, en particulier le long du Danube – 18 goulets y ont été identifiés – présente d’importantes opportunités d’investissement, notamment pour que les productions croissantes roumaines, hongroises et bulgares soient mieux valorisées. Les investissements futurs devraient également porter sur l’amélioration de l’interopérabilité des chemins de fer afin d’améliorer l’efficacité et de réduire les temps d’attente dans les terminaux transfrontaliers, notamment en Allemagne et en Autriche. Les investissements futurs devraient également viser à améliorer la connectivité régionale des transports, afin de résoudre les problèmes de congestion routière sur les autoroutes et les voies ferrées grâce à l’extension des capacités aux emplacements et sections critiques – tels que les passages alpins vers l’Italie – et à la construction d’itinéraires de contournement.

 

III- Conclusion : une stratégie gagnante pour la filière céréales de l’UE

L’agriculture européenne est confrontée à des défis communs qui ne peuvent être résolus efficacement que si l’Europe est solidaire. Une cohérence communautaire dans les outils financiers de soutien aux agriculteurs et les objectifs environnementaux associés est donc essentielle. D’une part, elle permet d’éviter une concurrence qui tournerait à l’avantage des moins regardants quant au respect de l’environnement. D’autre part, elle permet d’éviter la concentration des aides sur des secteurs ciblés dans le but de concurrencer ces secteurs dans les autres états membres.

Le niveau excessif de subsidiarité et de flexibilité, la fragmentation du cadre politique, ainsi qu’un niveau d’ambition réduit en ce qui concerne le budget de la PAC, sont autant d’éléments qui pourraient transformer le marché agricole de l’UE en un champ de bataille. Celui–ci verrait 27 stratégies agricoles différentes se mesurer entre elle, voire même s’affronter.

Par l’adoption du rapport du Parlement européen sur l’Avenir de la Politique Agricole Commune le 16 mai 2018, les députés européens ont fait le choix d’une approche équilibrée appelant à un « niveau raisonnable de flexibilité dans un cadre commun solide de règles européennes, de normes de base, d’outils d’intervention, de contrôles et d’allocations financières convenus au niveau européen par le co-législateur pour garantir des règles du jeu équitables pour les agriculteurs ». Ils ont souligné la nécessité de sécuriser la relation directe entre les co-législateurs de l’UE et les bénéficiaires – les agriculteurs – et de ne pas transférer la majeure partie de la gestion du premier pilier aux États membres.

La stratégie gagnante pour la filière Céréales de l’Union européenne se doit de garder cette base solide au niveau communautaire, au sein du premier pilier, tout en conservant une flexibilité nécessaire pour les ajustements au niveau local.

Cette stratégie communautaire gagnante, portée par la PAC, devrait être l’ambition d’emmener toutes les agricultures européennes vers la double performance sur les 7 prochaines années.

Des recommandations, déclinées en fonction des différents défis et visant à incarner la double performance dans la PAC sont présentées ci-après.

A Le premier pilier  

Recommandation n°1

La garantie d’un minimum de 60% du 1er pilier (avant transfert) consacré au financement des aides découplées de  base est une mesure nécessaire face au défi de la baisse du revenu des céréaliers, étant donné l’importance des aides PAC dans le revenu des exploitations céréalières. Sans quoi l’assolement en céréales risque de reculer fortement – jusqu’à 7% d’après l’étude d’impact de la Commission – au profit d’une réaffectation à d’autres cultures voire d’une déprise agricole

 Recommandation n°2

La création et la dotation adéquate d’un fond européen de gestion de crise pluriannuel est un point essentiel, aux côtés des assurances climatiques, des IST et de l’épargne de précaution, pour relever efficacement les défis des aléas climatiques et de la volatilité des prix.

Recommandation n°3

La promotion de l’agriculture digitalisée au sein du premier pilier, en inscrivant une aide forfaitaire d’incitation à la transition vers la double performance dans l’Eco-Scheme, devrait être une priorité de la politique communautaire pour l’agriculture. Ce moyen est à privilégier pour atteindre la double performance et donc relever les trois défis suivants : celui de la concurrence à l’export sur le marché mondialisé, par les gains de compétitivité obtenus, de la durabilité environnementale et de la pression règlementaire sur les produits phytosanitaires, par l’optimisation des apports d’intrants.

Recommandation n°4

Reconnaître au sein du 1er pilier les actions menées en matière de transition agro-écologique de systèmes d’exploitation qui permettent de maintenir et développer la capacité de production de l’Union Européenne.

B Le second pilier

Le deuxième pilier de la PAC devrait être mobilisé en priorité pour soutenir l’investissement et la formation des agriculteurs engagés dans la transition de double performance.

Recommandation n°5

Prioriser dans la mobilisation des outils MAEC, d’investissement et de formation – au sein du second pilierles agriculteurs réalisant la transition vers la double performance. Il s’agit d’une condition indispensable à une large expansion de l’agriculture digitalisée. Une telle révolution technologique ne peut se produire qu’avec un accompagnement humain à la hauteur des changements occasionnés. 

Recommandation n°6

Reconnaître au sein du 2nd pilier de la PAC la complémentarité et le nécessaire équilibre entre environnement et économie en adoptant une double règle d’au moins 30 % des fonds vers des mesures environnementales (mesures en faveur des zones défavorisées comprises) et d’au moins 30 % des fonds vers des mesures économiques (investissements, formation, conseil, gestion de risques).

Recommandation n°7

La dotation des outils assurantiels de gestion des risques climatiques et des Outils de Stabilisation des Revenus doit être une priorité des EM dans leur mise en œuvre de la PAC, pour faire face au défi de la volatilité croissante des prix, que la financiarisation des marchés et les aléas climatiques favorisent.

Recommandation n°8

La mise en place, au sein du second pilier, des mesures fortes en faveur des investissements dans le développement pour l’amélioration variétale des céréales, dans les investissements d’innovation du numérique, de la robotique et du bio-contrôle, est une mesure complémentaire pour faire face aux aléas climatiques.

Recommandation n°9

La promotion de la coopération entre les acteurs de la filière Céréales et les pouvoirs publics dans les EM des Alpes, du Danube ainsi qu’entre la France et le Benelux est nécessaire pour solutionner les défis logistiques qui menacent la fluidité de circulation des céréales.

C Hors pilier

Recommandation n°10

Le maintien de la dotation budgétaire de la PAC au niveau actuel de l’UE-27 est une mesure essentielle pour participer, avec la digitalisation de l’agriculture et une gestion adéquate des risques et crises, à la construction d’un secteur agricole céréalier européen fort, compétitif et relevant efficacement les défis de la durabilité.

Recommandation n°11

Mettre comme préalable à tout accord commercial l’exigence de respect des règles et standards de production européens (environnementaux et sociaux) par les produits importés.

Recommandation n°12

Revisiter la directive (EC) 18/2001 au regard des évolutions scientifiques réalisées depuis 2001 en matière de sélections variétales et définir clairement, sur des bases scientifiques, le cadre juridique devant s’appliquer aux techniques traditionnelles de mutagénèse, aux techniques de transgénèse (OGMs) et aux nouvelles techniques de mutagénèse dirigée.

Le tableau ci-après résume les défis auxquels la filière est confrontée, et les recommandations de Farm Europe consécutives.

 

Défis Recommandations
Baisse du revenu des céréaliers 1- Consacrer a minima 60% du pilier 1 au financement des aides découplées de base
-Aléas climatiques

-Volatilité des prix

2- Mettre en place un fonds européen pluriannuel de gestion des crises en agriculture
-Concurrence à l’export

-Durabilité environnementale

-Produits phytosanitaires

-Baisse du revenu des céréaliers

3- Promouvoir l’agriculture digitalisée en inscrivant dans le pilier 1, à travers l’Eco-Scheme, une aide forfaitaire d’incitation à la transition vers la double performance
-Durabilité environnementale,

-Baisse du revenu des céréaliers

4- Reconnaître au sein du 1er pilier les actions menées en matière de transition agro-écologique de systèmes d’exploitation                     
-Concurrence à l’export

-Durabilité environnementale

-Produits phytosanitaires

-Baisse du revenu des céréaliers

5– Prioriser dans la mobilisation des outils MAEC, d’investissement et de formation du pilier 2 les agriculteurs réalisant la transition vers la double performance

6- Consacrer au moins 30 % du 2nd pilier à des mesures économiques (investissements, formation, conseil, gestion de risques).

Volatilité des prix 7- Doter financièrement les outils assurantiels de gestion des risques climatiques et les Outils de Stabilisation des Revenus du pilier 2
Aléas climatiques 8- Mettre en place au sein du pilier 2 des investissements dans la recherche et le développement pour l’amélioration variétale des céréales
Logistique 9– Promouvoir la coopération entre les acteurs de la filière Céréales et les pouvoirs publics dans les EM des Alpes et du Danube + mener à bien le canal Seine-Nord
Baisse du revenu des céréaliers 10- Maintenir la dotation budgétaire de la PAC au niveau actuel UE-27
-Durabilité environnementale

-Baisse du revenu des céréaliers

11- Mettre comme préalable à tout accord commercial l’exigence de respect des règles et standards de production européens
-Concurrence à l’export

-Durabilité environnementale

-Produits phytosanitaires

-Baisse du revenu des céréaliers

-Aléas climatiques

12- Revisiter la directive (EC) 18/2001 au regard des évolutions scientifiques réalisées depuis 2001 en matière de sélections variétales

 

 

[1] Ce montant représente un tiers des bénéfices liés à l’exportation du gaz.

[2] Certains sols ont perdu jusqu’à 2 gr/kg/an entre 1978 et 2003. Rapport The State of soil in Europe, Agence Européenne de l’Environnement, 2012, pages 13 et 14

[3] Rapport The State of soil in Europe, Agence Européenne de l’Environnement, 2012, page 10

[4] Agreste Primeur, Numéro 210 – mai 2008

[5] « En France métropolitaine, les molécules retrouvées dans les nappes et les rivières sont majoritairement des herbicides. Ils cumulent à eux seuls plus de 80% des détections dans les cours d’eau ! » Guide phytosanitaire, Edition 2017.

[6] Stacy M.Zuber, María B.Villamil, Meta-analysis approach to assess effect of tillage on microbial biomass and enzyme activities, in Soil Biology and Biochemistry, Volume 97, June 2016, Pages 176-187

[7] Andreas Chervet et al., Rendements et paramètres du sol après 20 ans de semis direct et de labour, Recherche Agronomique Suisse 7 (5) : 216–223, 2016.  La teneur en carbone organique dans la couche superficielle du sol était nettement plus importante en semis direct qu’en labour.