Christophe Hansen : dépasser la fragmentation des politiques agricoles européennes 

Au cours des cinq dernières années, les messages contradictoires adressés au secteur agricole par les régulateurs ont constitué l’un des principaux défis pour la crédibilité des politiques publiques au niveau européen. L’analyse des lettres de mission remises par la présidente Von der Leyen au commissaire désigné à l’Agriculture et à l’Alimentation, Christophe Hansen, ainsi qu’aux autres membres du collège, montre qu’assurer l’homogénéité et la cohérence de l’action publique reste l’un des principaux défis à relever pour le nouveau commissaire, qui devra coopérer étroitement avec plus de douze de ses collègues afin de concrétiser les priorités agricoles de la nouvelle Commission.

Ci-dessous un aperçu des “12 travaux d’Hercules” qui attendent le nouveau commissaire désigné à l’agriculture.

1- Le dossier le plus urgent que le futur commissaire devra traiter au cours des 100 premiers jours de son mandat est l’élaboration d’une Vision pour l’Agriculture et l’Alimentation, dans le but d’assurer « la compétitivité et la durabilité sur le long terme [du] secteur agro-alimentaire ». Il se déroulera sous la supervision étroite d’Ursula Von der Leyen et de Raffaele Fitto. Il lui faudra, dans le même temps, travailler en grande proximité avec son collègue en charge du budget, Piotr Serafin. 

2- Un second défi, étroitement lié au précédent, concerne la mise en œuvre efficace et clairvoyante de la Politique Agricole Commune, en coopération avec le vice-président Fitto, dans le but de fournir un soutien adéquat aux agriculteurs et de s’assurer qu’ils reçoivent des revenus suffisants. Cette mission est directement liée à l’ambition de se doter de « zones rurales prospères » dans toute l’Europe.

3- Une autre mesure pour protéger la communauté des agriculteurs consiste à travailler en collaboration avec le commissaire au Commerce et à la Sécurité économique, Maroš Šefčovič, afin de « promouvoir la réciprocité commerciale et des conditions de concurrence équitables au niveau international », ainsi que de réduire les dépendances des importations étrangères. Stéphane Séjourné, le Vice-président français chargé de la Prospérité et la Stratégie industrielle, devrait suivre le dossier de près.

4- De son côté, la Vice Présidente exécutive pour une transition propre, juste et compétitive devra travailler avec M. Hansen pour protéger les agriculteurs contre les pratiques commerciales déloyales,  notamment en lien avec ses prérogatives en matière de politique de la concurrence. 

5- En ce qui concerne l’un des aspects les plus sensibles du portefeuille agricole – les investissements – le commissaire à l’Agriculture et à l’Alimentation devra coopérer avec la commissaire aux Services financiers et à l’Union de l’épargne et de l’investissement pour encourager l’investissement et l’innovation dans le secteur, en particulier en renforçant la finance durable et en « exploitant et réduisant les risques des capitaux privés ». Cela passera également par une coopération avec son collègue Piotr Serafin chargé du budget. 

6- En ce qui concerne la résilience et la durabilité, mots clés de la lettre de mission de Christophe Hansen, il travaillera avec le commissaire pour la Santé et le Bien-être animal afin de « soutenir le secteur de l’agriculture biologique, prévenir le gaspillage alimentaire, améliorer la sécurité et l’accessibilité de la production et de la consommation tout au long de la chaîne alimentaire ».

7 & 8 – Avec les commissaires Jessika Roswell et Wopke Hoekstra, et sous la direction de Mme Ribera, M. Hansen poursuivra les objectifs du « Green Deal », tout en réalisant un Référentiel de durabilité du secteur agroalimentaire à l’échelle de l’UE, comme le suggèrent les conclusions du Dialogue Stratégique.

9 & 10 – Leur collaboration portera également sur la préparation d’un Plan d’adaptation au climat, ce qui implique une contribution indirecte à la Directive sur les Energies Renouvelables (RED) et à l’approche technologiquement neutre des e-carburants, ainsi qu’à la transition sociale et équitable de l’UE (y compris le Fonds social pour le climat et le Fonds pour une transition juste).

11- De plus, il contribuera à la Stratégie européenne de résilience de l’eau coordonnée par la commissaire à l’Environnement, à la Résilience en matière d’eau et à l’Économie circulaire compétitive.

12 – L’élargissement de l’UE à l’Ukraine sera une autre question centrale du mandat de la prochaine Commission, qui représente également un défi à fort enjeu pour le secteur agroalimentaire européen. Cela amènera le commissaire à l’Agriculture à participer aux examens des politiques préalables à l’élargissement avec la future commissaire Marta Kos.

Au final, Christophe Hansen pourra s’appuyer sur son sens politique, sa riche expérience des questions agricoles et sa connaissance approfondie des institutions européennes pour vaincre l’hydre à douze têtes que sera son prochain mandat. Toutefois, le caractère général de plusieurs tâches énumérées dans sa lettre de mission lui laisse une marge de manœuvre conséquente pour développer sa propre vision de l’avenir de l’agriculture européenne. 

Dans cette optique, la structure de la nouvelle Commission européenne peut représenter un pas en avant prometteur pour ouvrir un nouveau chapitre de la politique européenne dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation, à condition que M. Hansen bénéficie d’un soutien fort de la part de la présidente de la Commission et d’une approche coopérative de la part de ses collègues au sein du nouveau collège.

Commissaire à l’agriculture : tous les ingrédients pour un nouvel élan positif

La structure de la nouvelle Commission européenne proposée ce jour par Ursula von cer Leyen est un pas prometteur pour ouvrir un nouveau chapitre de la politique européenne dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation. Le champ annoncé du portefeuille donnera potentiellement au futur commissaire en charge de l’agriculture et de l’alimentation la marge de manœuvre nécessaire pour fournir un cadre politique cohérent, dépassant l’approche fragmentée du mandat précédent qui a généré une polarisation inutile conduisant à des manifestations massives d’agriculteurs dans 17 États membres.

Le commissaire désigné Christophe Hansen devra travailler en étroite collaboration avec le vice-président exécutif Raffaele Fitto, responsable de la cohésion et des réformes. Dans sa lettre de mission, M. Fitto est chargé de guider les travaux du collège de la Commission « notamment pour renforcer la compétitivité, la résilience et la durabilité du secteur agricole et alimentaire, pour veiller à ce que (l’UE) soutienne les agriculteurs qui en ont le plus besoin, pour promouvoir des résultats environnementaux et sociaux positifs et pour soutenir le droit à des conditions propices ». 

Dans une certaine mesure, on peut regretter que le commissaire désigné pour l’agriculture et l’alimentation ne soit pas plus haut placé dans le protocole de la Commission européenne et qu’il ne lui est pas conféré une autorité sur les sujets alimentation. Cela ne reflète pas l’importance stratégique de ce portefeuille. Toutefois, cela est compensé par le profil du poste de vice-président exécutif et par le fait que M. Christophe Hansen possède toutes les compétences nécessaires pour réussir dans ses nouvelles fonctions. En tant qu’ancien député européen très respecté, dont l’influence s’étend bien au-delà de son groupe politique PPE, il est bien placé pour diriger les dossiers économiques et environnementaux de son portefeuille.

La lettre de mission remise par le président élu von der Leyen à M. Hansen est générale sur de nombreux points, laissant une grande marge de manœuvre au futur commissaire. Il devra respecter l’agenda de simplification et renforcer la compétitivité , la résilience et la durabilité du secteur. L’une de ses principales tâches consistera à veiller à ce que la future politique agricole commune soit adaptée à l’objectif visé, ainsi qu’à trouver des moyens de mobiliser des fonds privés. La capacité à se préparer aux risques climatiques et le développement d’outils de gestion de crise sont soulignés.

L’un des principaux tests sera sa capacité à faire preuve d’autonomie et à prendre ses distances par rapport aux conclusions du dialogue stratégique qui est proposé comme base de référence au commissaire désigné. Il devra façonner sa propre vision et la mettre en œuvre, en intégrant également les recommandations du rapport Draghi et les besoins urgents du secteur en matière de compétitivité. Il s’agira très probablement d’un des principaux points d’attention et de contentieux potentiels lors des auditions, en particulier si l’on considère les réactions d’hier du Parlement européen à ce rapport (voir ci-après). 

Il faut également s’attendre à des tensions en ce qui concerne l’agenda commercial. Alors que les négociateurs s’efforcent de finaliser un accord, les paroles du commissaire désigné concernant la lutte contre la déforestation et, plus généralement, la réciprocité des normes dans la stratégie commerciale de l’UE seront écoutées attentivement par les décideurs du Parlement européen. La lettre de mission souligne clairement que le commissaire chargé de l’agriculture et de l’alimentation travaillera en étroite collaboration avec le commissaire chargé du commerce en vue d’assurer la réciprocité et des conditions de concurrence équitables au niveau international. 

Réactions mitigées des élus européens au rapport du dialogue stratégique

EP Plenary session – Commission statement – Outcome of the Strategic Dialogue on the Future of EU Agriculture

Le Parlement européen a tenu une session plénière, le 16 septembre, pour discuter du dialogue stratégique sur l’agriculture et de son document final. La commissaire Mairead McGuinness, représentant la Commission européenne, a présenté les résultats du dialogue, soulignant qu’il s’agissait d’une initiative utile qui a rassemblé toutes les parties prenantes concernées, contribuant à combler le fossé qui est apparu ces dernières années entre l’agriculture et les préoccupations environnementales. Toutefois, M. McGuinness a précisé que le document final issu du dialogue stratégique n’est pas une proposition formelle de la Commission, qui s’est au contraire engagée à publier une vision pour l’avenir de l’agriculture dans les 100 premiers jours du mandat de la commission Von der Leyen II.

De nombreux députés européens ont participé au débat, y compris ceux des commissions autres que celle de l’agriculture. Si la plupart d’entre eux ont reconnu les aspects positifs du document et se sont accordés sur l’importance de consulter tous les acteurs concernés, plusieurs ont émis des critiques importantes. Cristina Maestre (ES, S&D) et Céline Imart (FR, PPE) ont toutes deux souligné que le document ne mettait pas suffisamment l’accent sur la compétitivité et que la rentabilité et la productivité de l’agriculture devaient être au cœur des politiques futures.

Le coordinateur S&D de la COMAGRI, Dario Nardella (IT), a également souligné l’importance de la compétitivité dans ses remarques, en reliant ce point au rapport Draghi et en soulignant le besoin d’innovation et de ressources pour assurer une transition juste dans le secteur agricole. De même, Herbert Dorfmann (IT, coordinateur AGRI du PPE) et Veronika Vrecionova (ECR, présidente de la COMAGRI) ont souligné le rôle crucial du Parlement européen dans l’élaboration de la prochaine réforme de la PAC, en insistant sur le fait que le dialogue stratégique sert de première base pour des discussions plus approfondies.

Plusieurs députés, dont Carlo Fidanza (IT, ECR, coordinateur de la COMAGRI) et Céline Imart (FR, PPE), ont critiqué le document pour avoir simplement reflété les objectifs de la stratégie « de la ferme à la table », sans apporter le changement de paradigme attendu en réponse aux récentes protestations des agriculteurs. Benoit Cassart (BE, Renew) a axé son intervention sur le secteur de l’élevage et sur la nécessité de clauses miroirs dans les accords commerciaux internationaux.

Enfin, certains députés ont exprimé leur soutien à de nombreux éléments du document, en particulier en ce qui concerne la transition écologique essentielle dans l’agriculture. Maria Noichl (DE, S&D), Camilla Laureti (IT, S&D) et Thomas Waitz (AT, coordinateur des Verts au sein de la COMAGRI) ont notamment souligné l’importance de prendre en compte les préoccupations environnementales pour façonner l’avenir du secteur agricole.

Construire la feuille de route stratégique d’une agriculture à la croisée des chemins.

L’agriculture européenne est confrontée à un défi de triple performance. Trois défis en un, indissociables :

  • retrouver une compétitivité économique qui a décliné depuis plus de deux décennies, tourner le dos à une crise des installations,
  • réussir une transition écologique au profit à la fois de l’agriculture et de l’ensemble de la société européenne
  • relever le défi social de retrouver une alimentation équilibrée et de qualité pour tous les Européens, mais aussi de la valorisation des métiers agricoles et du lien fort entre activités agricoles et dynamique des territoires ruraux.

Chercher à répondre à seulement une partie de ces défis en obérant les réponses à apporter aux autres aboutit irrémédiablement à une impasse.

Le rapport Draghi est à cet égard très clair, étayé par des analyses pointues :

  • l’Union européenne ne pourra pas réussir la transition de son économie et demeurer une grande puissance mondiale si elle ne préoccupe pas en même temps de sa compétitivité, voire si cela ne devient pas une priorité. Ce constat vaut pour l’économie agricole.
  • Le rapport Draghi souligne le besoin de beaucoup augmenter les investissements dans l’économie pour accroitre la compétitivité et répondre aux défis climatiques. Ce constat vaut aussi pour l’agriculture.
  • Le rapport Draghi plaide pour une vraie simplification règlementaire qui réduise les couts et enlève les blocages au développement économique. Ce constat vaut aussi pour l’agriculture.

Inversement, c’est l’une des grandes faiblesses des conclusions du Dialogue stratégique lancé par la Commission européenne en réponse aux manifestations :

  •  Aucun de ces trois constats clefs du rapport Draghi n’y est réellement développé pour arriver à des propositions d’actions efficientes.  Aucune analyse chiffrée de la situation de l’agriculture, de la souveraineté européenne dans ses différentes dimensions (économique, environnementale, sociale, bio-économie) n’est présentée.
  • Si le processus d’échange du dialogue stratégique devait avoir la vertu de renouer le dialogue entre les différentes parties présentes, il engage avant tout les personnes sélectionnées intuitu personae et retombe dans les travers de la Farm to Fork.
  • Il promeut une réorientation des moyens de la PAC en direction d’une plus grande ambition environnementale sans traiter sérieusement du volet ambition économique qui est pourtant indispensable à cette transition.
  • Il plaide pour un fonds hors PAC à créer et dont la création est sujette à interrogation alors que les grandes priorités européennes affichées – de défense notamment – sont loin d’être financées. Il convient plutôt de garder l’ambition d’une PAC intégrée, répondant à l’ensemble des défis de façon cohérente et simple pour les agriculteurs.
  • S’il appelle à plus d’innovation, les moyens d’en faire une réalité dans les fermes manquent. Par contre, il souligne la nécessité de mieux faire face aux risques et crises dans climatiques que de marché et reprend la proposition du Parlement européen de 2019 de refonder la réserve de crise agricole pour en faire un outil de réassurance d’assurances climatiques et fonds mutuels de gestion des risques des marchés.

La proposition de mise en œuvre du Green Deal pour le secteur agricole par la Commission précédente s’est focalisée avant tout sur l’atteinte d’objectifs environnementaux par la norme et des contraintes, sans se préoccuper d’allier à cette démarche l’obtention d’un regain de rentabilité en agriculture ou des incitants réels.

Ce déséquilibre s’est additionné à une PAC dont les moyens sont en recul substantiel : sous l’effet de l’inflation, la valeur économique des aides PAC a plongé de 30% en 20 ans, de 18% sur la période 2021-2027, alors que la promesse de montée en gamme sur les marchés européens ne s’est jamais matérialisée. Le prix demeure la composante principale des actes d’achats des consommateurs ; la crise économique actuelle ne saurait inverser cette tendance à moyen terme.

Pour autant, l’objectif d’une plus grande souveraineté européenne par son agriculture reste un impératif.

  • Il sera possible dès lors que nos politiques européennes s’ancreront dans la réalité et privilégieront les moyens concrets de progrès aux coûts normatifs et seront porteuses d’une véritable vision stratégique des opportunités réelles qui se présente à ce secteur pour contribuer à la transition de l’économie européenne dans son ensemble.
  • La souveraineté agricole de l’UE passe par sa capacité à fournir 20 à 25% de plus de biomasse d’ici à 2050, faute de quoi la transition environnementale de notre économie dans son ensemble ne pourra se faire ou elle se fera par une dépendance aux importations. L’Union européenne ne ferait qu’échanger une dépendance aux fossiles pour d’autres dépendances – comme cela se matérialise actuellement par l’explosion des importations d’énergies biosourcées faute d’encouragement volontariste en Europe.
  • S’agissant de la souveraineté dans toutes ses dimensions (production, économie, alimentation-nutrition, environnement, bio-économie) :
  • l’Union européenne demeure un producteur de premier plan grâce à la dynamique de pays de l’est de l’UE, qui, jusqu’à présent, compense le repli dans nombre de pays de l’UE15 ;
    • les consommateurs européens disposent d’une offre alimentaire de qualité et y consacrent une part toujours moins importante de leurs revenus ;
    • les progrès en matière d’environnement (carbone, biodiversité, eau, réduction des intrants) n’ont pas attendu le Green Deal pour se matérialiser avec, certes, des différences entre pays. Ils doivent se poursuivre et se réaliser à travers une dynamique de l’ensemble des territoires de l’UE.
    • En revanche, le géant agricole européen a trois talons d’Achille :
      • une capacité qui s’amoindrit à répondre à la demande des marchés mondiaux, qui constitue un risque géostratégique tant pour l’UE que pour les pays tiers structurellement importateurs, tout particulièrement africains et nord-africains.
      • une bio-économie qui se développe en recourant massivement à l’importation ;
      • une capacité qui s’amoindrit à répondre à la demande des marchés mondiaux, qui constitue un risque géostratégique tant pour l’UE que pour les pays tiers structurellement importateurs, tout particulièrement africains et nord-africains.

Que cela soit pour son alimentation, sa santé, son environnement, sa transition énergétique, son commerce, l’agriculture est ou devrait être au centre des priorités européennes. Il en va de la capacité de l’Union européenne de continuer à décider souverainement de son avenir en offrant une vision d’avenir enracinée  et forte de nos cultures européennes.

Dans un tel cadre, toutes les politiques européennes devront être mises en cohérence avec la politique que l’Europe adoptera pour son agriculture. Au sein de la Commission européenne qui se forme, le Commissaire européen doit avoir non seulement droit de regard mais de co-décision sur l’ensemble des domaines et politiques traitant de l’agriculture et l’agro-alimentaire.

A cet égard, les premiers dossiers qui se présenteront dès 2025 seront clés et devront tous être négociés sur la période 2025-27 :

  • Le budget pluriannuel et celui de la PAC en particulier qui, a minima, devrait être ré-indexé sur l’inflation ;
  • Réforme de la PAC pour une agriculture de triple performance en croissance et une capacité à valoriser réellement les efforts en matière environnementale par une mise en cohérence entre les mesures environnementales et les allégations faites auprès des consommateurs ;
  • Achever la construction d’une véritable stratégie européenne de gestion des risques et des crises à travers une réserve de crise à la hauteur des enjeux et une approche véritablement commune à l’échelle européenne des enjeux de résilience des exploitations ;
  • En cohérence avec cette orientation, la relance des initiatives en matière d’environnement (gestion des intrants, bien être) dans une approche systématique d’association entre performance économique et environnementale ;
  • Une véritable approche incitative dans la politique climat/agriculture carbone (séquestration et réduction des émissions, dispositif d’incitation et non un principe initial de pollueur-payeur qui paralyse tout progrès). L’EST agri doit reconnaitre pleinement les spécificités sur secteur en sortant l’agriculture des dispositifs prévus pour les industries polluantes, et comme le rapport Draghi le souligne, ne pas aggraver les coûts qui découleraient du différentiel d’ambition environnementale avec nos principaux concurrents ;
  • Avancer réellement sur les outils à mobiliser pour innover, en particulier NGTs ;
  • Mettre en cohérence la taxonomie, pièce essentielle pour l’investissement avec le volet vert de la PAC et rejeter une approche idéologique de celle-ci ;
  • Préserver les acquis de la discussion sur la réciprocité des normes du commerce international, en particulier le texte portant sur la déforestation. Pour celui-ci il convient de procéder à un ajustement très limité de la procédure simplifiée pour que la collecte des données se limite à l’origine du pays dès lors que le produit provient d’une zone à faible risque pour éviter la collecte de données et des coûts disproportionnés.
  • Avancer résolument dans la bioéconomie, valorisant le potentiel des bio-raffineries (souveraineté européenne de bio-économie) et bio-énergies, mais également de l’ensemble des opportunités qui se présentent à l’agriculture pour décarboner le reste de l’économie (bâtiment, textile, chimie, énergie, etc.). Ces nouvelles demandes peuvent être un moteur pour la santé économique du secteur et sa contribution positive aux enjeux environnementaux de l’économie de l’UE dans son ensemble, en plus d’une alimentation de qualité.

Au final, il reviendra à la prochaine Commission européenne de sortir de l’idée que les transitions seraient par nature porteuses de mauvaises nouvelles pour l’agriculture, et de travailler sérieusement à une stratégie positive pour son agriculture, seule à même de tracer la voie d’une attractivité retrouvée du secteur, tout en répondant aux besoins croissants en matières premières agricoles à moindre impact environnemental. 

RAPPORT STROHSCHNEIDER : UNE OPPORTUNITÉ MANQUÉE POUR DONNER UNE NOUVELLE DIRECTION À FARM TO FORK

Le groupe de dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’Union Européenne, institué par la Commission, vient de finaliser ses recommandations après plus de six mois de travail. 

Farm Europe s’est félicité du lancement d’un tel dialogue stratégique qui donnait la capacité à poser les vrais sujets et construire une vision d’avenir pour un secteur essentiel à l’Union Européenne.

Aujourd’hui, le constat le plus apparent est celui d’une proposition de continuité des lignes passées avec :

1) Un volet économique largement obéré si ce n’est pour reconnaitre des déséquilibres dans la chaine alimentaire, pour souligner que la réserve de crise doit être revue pour être plus ciblée (sans parler ni de dimension ni de cohérence avec gestion risques), que la transition doit faire appel à des financements publics-privés et aux banques, que l’accent doit être mis sur la formation, la recherche et l’innovation mais sans mention de la nécessité et du comment franchir le mur d’investissements à réaliser dans les fermes, que les aides économiques à l’agriculture doivent être plus ciblées vers les petites structures, les jeunes et les zones sous contraintes naturelles.

2) Un appel à un renforcement substantiel de la dimension environnementale de la PAC et de la répartition des financements liés.

3) Les sujets carbone et un éventuel EST agricole sont renvoyés à des travaux à venir ; l’enjeu de la compétitivité européenne n’est pas adressée. 

4) Un appel à une réduction de la consommation de viande dans l’Union Européenne par utilisation d’outils fiscaux et d’incitations financières, avec en parallèle une proposition de plan d’extensification, de réduction des émissions de l’élevage et d’un redimensionnement de la filière. 

5) Un constat d’une incohérence entre politiques européennes environnementales et politiques commerciales avec un appel à faire mieux à l’avenir.

6) La suggestion de pérenniser ce groupe de dialogue stratégique dans un board consultatif qui interviendrait sur les évolutions des politiques et les cohérences entre elles ; suggestion qui supposerait d’être plus précis sur les contours d’un tel board par rapport aux responsabilités d’orientations des co-législateurs et au travail technique des services de la Commission européenne et son pouvoir d’initiative règlementaire. 

Au total, à l’issue de ces six mois de travaux, demeure intacte la question de savoir si et comment l’Union Européenne entend : 

– compter sur son agriculture pour réussir la transition de son économie (qui nécessite de disposer de plus de 20 % de biomasse en plus),  

– affirmer sa souveraineté alimentaire,

– conduire l’agriculture européenne sur un chemin vertueux conjuguant en même temps rentabilité économique retrouvée, durabilité renforcée et performance sociale au profit de nos territoires.  

Hors l’engagement réaffirmé en faveur des nouvelles techniques génomiques, les recommandations du groupe de dialogue civil permettent-elles d’écrire une nouvelle page européenne pour une agriculture de triple performance revigorée ? Permettent-elles de répondre aux cris d’alarme lancés par les agriculteurs de toute l’Union Européenne ?

La mention du ciblage des moyens est un leitmotiv, et permet d’escamoter la question du dimensionnement de ces moyens. 

Les conclusions de ce groupe ne tournent pas le dos aux recettes avancées par la commission sortante pour sa Farm to Fork et son orientation vers toujours plus de flexibilités qui se rapproche d’une renationalisaiton de la PAC. 

La question demeure de comment construire une politique qui prépare l’avenir plutôt qu’elle ne préserve le passé, sans dresser les différents secteurs et acteurs les uns contre les autres. Une approche réussie nécessite des stratégies sectorielles spécifiques, s’éloignant des contraintes normatives qui conduisent à la décroissance pour aller vers des incitations qui promeuvent l’investissement et la modernisation en profondeur dans les secteurs européens.