Après la présentation des propositions de la Commission européenne sur les stratégies Green Deal et Farm to Fork, il a trop souvent été entendu, y-compris de la part du Vice-Président Timmermans, que tout impact négatif sur les revenus des agriculteurs pouvait être compensé par la Politique agricole commune (PAC).
Le dernier exemple en date de cet argument se trouve dans la proposition de la Commission pour un Règlement sur l’Utilisation Durable des Pesticides (SUR). La Commission indique explicitement que les coûts réglementaires supplémentaires pourraient être compensés par le budget de la PAC. Le financement de l’ambition nouvelle de RePowerEU sur le biométhane pourrait aussi être mentionné.
Cependant, il y a deux problèmes avec cette approche “la PAC payera tout”.
Le premier est que le budget de la PAC est déjà alloué, donc le transfert de fonds vers de nouveaux soutiens implique nécessairement de retirer des fonds à des soutiens existants.
Un problème moins évident, mais plus considérable encore, est la diminution rapide du budget de la PAC. Le responsable est l’inflation importante, qui réduit la valeur réelle du soutien apporté.
Lorsque le nouveau budget de la PAC a été adopté, le scenario était encore celui d’une inflation basse, le taux maximum escompté étant l’objectif annuel de 2% de la BCE. Mais aujourd’hui l’inflation moyenne en UE est proche des 10%, et la BCE s’est vue obligée de revoir ses prévisions d’inflation à la hausse.
Et pour ne rien arranger, l’inflation dans un certain nombre de pays se trouve bien au-dessus de la moyenne. Quant aux pays dont l’inflation est sous la moyenne de l’UE, celle-ci reste importante, bien au-dessus de l’habituel objectif des 2%.
En considérant les données de la BCE et les prévisions de l’inflation, qui pourraient être sous-estimées compte tenu de leurs récentes prévisions trop optimistes, la réelle valeur du budget de la PAC diminuera de 84,57 milliards d’euros en termes réels au cours de la période 2021-2027 par rapport à 2020. Pour mettre cela en perspective, la valeur réelle totale du budget de la PAC pour la période 2021-2027 diminuera de 21,95% par rapport à 2020. Plus d’un tier de soutien réel en moins en 2027.
Le soutien direct perçu par les agriculteurs est directement, et lourdement impacté. Les aides à l’investissement sont, elles-aussi, impactées car les montants totaux disponibles diminuent avec l’inflation. Le premier pilier perdra 68,60 milliards d’euros, et le second pilier 15,97 milliards d’euros.
Dans ces conditions, il est urgent de trouver une nouvelle voie politique pour réaliser le Green Deal en se basant sur une stratégie de croissance verte pour le secteur de l’agriculture, en passant d’une stratégie basée sur la réglementation visant à réduire les leviers traditionnels de productivité, à une stratégie d’investissement appropriée favorisant les approches agronomiques systémiques et l’innovation, et encourageant réellement les agriculteurs à se lancer sur une voie positive, pour l’économie et le climat.
Le remède pour un financement de la PAC qui fond comme neige au soleil est de réévaluer le budget de la PAC en terme réel, c’est-à-dire de l’ajuster annuellement avec le niveau de l’inflation. Et parallèlement de construire un fonds d’investissements approprié à l’échelle de l’UE, ciblé sur les secteurs stratégiques qui ont besoin de transition, comme l’agriculture et l’énergie, au lieu de rester sur une approche désordonnée basée sur les aides de l’Etat.
Les co-législateurs ajusteront-ils le budget sur l’inflation ? Les taxes perçues par les Etats Membres augmentent avec l’inflation, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les soutiens?
Au cours de l’été, le comité scientifique chargé de NutriScore, le système d’étiquetage nutritionnel sur le devant des emballages utilisé dans six pays de l’UE, a décidé de modifier l’algorithme qui sous-tend le système de notation. Les changements concernent le calcul des graisses et des oléagineux, ainsi qu’une règle spécifique pour la viande rouge. Parallèlement, l’Italie a amélioré l’étiquetage nutritionnel national, Nutinform, en y ajoutant une version numérique. En préparation du paquet de révision des règles relatives à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (qui devrait être présenté dans les premiers mois de 2023), le Centre commun de recherche a publié des études sur l’étiquetage nutritionnel, l’étiquetage d’origine et l’étiquetage des boissons alcoolisées. Ces études serviront de base à la Commission pour rédiger ses propositions législatives.
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Au cours de la réunion informelle des ministres de l’agriculture qui s’est tenue à Prague, le commissaire Wojciechowski a évoqué la nécessité pour l’UE d’avoir une stratégie en matière d’engrais, notamment en cette période de crise des prix agricoles.
En ce qui concerne la révision de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, un nombre certain de délégations, menées par la délégation polonaise, a demandé avec insistance une révision de la proposition de la Commission, jugée « dépassée » et hors contexte, à la lumière des événements en Ukraine et du fait que l’évaluation d’impact n’a pas pris en compte les conséquences sur la sécurité alimentaire. Dans le même temps, la Commission a adopté de nouvelles règles pour accélérer la procédure d’adoption de nouveaux pesticides biologiques.
En ce qui concerne le transport des animaux, l’Agence européenne pour la sécurité alimentaire a publié des rapports sur le sujet. Ceux-ci seront utilisés par la Commission comme base pour ses propositions législatives (attendues pour le quatrième trimestre de l’année prochaine). Les rapports constatent que la fourniture de plus d’espace, l’abaissement des températures maximales et la réduction de la durée des trajets sont autant d’éléments nécessaires pour améliorer le bien-être des animaux d’élevage pendant le transport.
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Lors du conseil informel Agri qui s’est tenu à Prague à la mi-septembre, les ministres de l’UE ont semblé particulièrement ouverts aux nouvelles modifications des législations de l’UE sur les OGM, demandant une évaluation d’impact solide et la sécurité comme priorité absolue.
En Autriche, une ONG a lancé une pétition paneuropéenne en ligne pour maintenir le statu quo sur les réglementations relatives aux OGM, craignant qu’une éventuelle modification ne permette à ce qu’elle appelle les « nouveaux OGM » d’être vendus sur le marché sans respecter les mesures de sécurité nécessaires.
De l’autre côté de l’Atlantique, alors que l’USDA a approuvé une tomate génétiquement modifiée riche en nutriments, le gouvernement américain a approuvé un décret fixant les lignes directrices de la future coopération entre les organismes gouvernementaux afin de stimuler l’industrie américaine de la biotechnologie et de la bioproduction. Dans le même temps, un juge fédéral a affirmé que les règles actuelles d’étiquetage des OGM ne garantissent pas la sécurité des consommateurs car elles empêchent certains d’entre eux d’accéder à l’information.
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Cette semaine le Parlement européen a posé deux jalons importants pour l’utilisation durable des ressources naturelles et la mobilisation de l’agriculture européenne pour relever le défi climatique, rendre l’économie européenne plus souveraine et résiliente.
Premièrement, avec le vote sur la directive sur les énergies renouvelables aujourd’hui. Le Parlement européen confirme la place des biocarburants, y compris de première génération en rejetant les arguments à l’emporte pièce du type « food versus fuel ». Les députés confirment que le secteur européen peut contribuer à la fois au défi de sécurité alimentaire ET de sécurité énergétique. La biomasse dans son ensemble représente d’ailleurs une pièce maitresse des énergies renouvalables en Europe aujourd’hui – près de 60% – et reste un gisement prometteur à exploiter pour l’avenir.
Les députés procèdent à plusieurs ajustements importants de la proposition initiale de la Commission européenne. Ils revoient à la hausse l’objectif de réduction des émissions dans le secteur des transports – et les biocarburants liquides et gaz peuvent y contribuer offrant une solution de mobilité bas carbone abordable pour les familles européennes. Ils rappellent d’ailleurs que le débat sur l’utilisation des terres ne se limite pas à l’agriculture, mais touche également, par exemple, le photovoltaïque. Ils maintiennent le plafond de 7% de cultures alimentaires pour la production de biocarburants, mais accélèrent l’élimination des biocarburants à partir d’huile de palme qui génèrent de la déforestation à grande échelle. Ils ajoutent le soja à cette catégorie, ce qui constitue une avancée positive et offre des perspectives de mobilisation des biocarburants à partir de matières premières européennes plus grandes. A ce titre, les élus appellent la Commission à renforcer la base de donnée, et à lutter résolument contre la fraude dans le secteur des huiles usagées qui constituent une voie de contournement évidente pour l’huile de palme. On peut regretter cependant que les députés maintiennent un multiplicateur caché pour l’électricité renouvelable dans les transports jusqu’en 2030. Il n’est plus temps d’avoir des résultats de décarbonation fictifs. L’enjeu climatique appelle à des réalisations concrètes et réelles plus qu’à des réductions d’émissions virtuelles visant à promomouvoir une technologie plutôt qu’une autre. L’Union européenne devrait appliquer son engagement à la neutralité technologique de ses règlementations, ce qu’elle ne fait pas jusqu’à présent et qui fait peser une menace sur l’émergence de solutions innovantes.
Deuxièmement avec le vote, hier, sur la lutte contre la déforestation importée. Ce texte ne résout pas tout. Mais il est un pas en avant positif pour la crédibilité du green deal, et son volet importations, y compris dans le contexte de la directive RED. La structuration de chaines de valeur durables exige de la cohérence entre les différentes politiques. Les efforts des opérateurs européens pour renforcer les critères de durabilités ne peuvent être balayés d’un revers de main par des importations moins disantes, ce qui vaut pour les agriculteurs, comme pour les acteurs industriels. Il en va de l’ambition de garder une base productive solide en Europe et de notre capacité à produire mieux, sans exporter les émissions que nous ne voudrions plus chez nous.
Dans ce cadre, on peut se féliciter de l’ambition portée par la position du Parlement européen. Elle intègre des outils clefs comme la géolocalisation et la mobilisation des outils d’observation satellite pour lutter de façon effective contre le fléau de la déforestation, en particulier dans les forêts tropicales qui sont des réservoirs de carbones à préserver de toute urgence. La Commission européenne devra construire des outils accessibles aux opérateurs économiques s’appuyant sur l’imagerie sattellite leur permettant d’analyser l’impact de leur chaine d’approvisionnement, ce qui constitue un outil inclusif et concret pour lutter de façon tangible contre la déforestation. Il s’agit d’une avancée concrète qui devra être reprise dans les négociations avec les Etats membres.
La liste des produits couverts par la proposition de la Commission est étendue à des matières premières, et à leurs co-produits, ce qui est un pas en avant, par exemple les dérivés de l’huile de palme (POME & PFAD). Et la définition de l’élevage est améliorée, permettant de s’assurer que l’ensemble du processus soit bien couvert et non pas seulement la dernière étape. On peut regretter que la canne à sucre doive attendre une révision de cette règlementation avant d’être couverte.
Ces deux textes portent une ambition commune: construire les jalons pour une utilisation durable de la production agricole. L’ambition du Green Deal ne revient pas à mettre l’environnement sous cloche, ni à transférer la production européenne ailleurs dans le monde, mais à mobiliser de façon durable nos écosystèmes agricoles, en résistant aux arguments simplistes de la décroissance, et en offrant des outils règlementaires concrets aux acteurs économiques pour avancer sur un chemin de progrès. Ces avancées positives doivent être prises en compte, par la Commission européenne, pour les prochaines étapes de la Farm to Fork, qui doit tourner le dos à la tentation de la décroissance, mais au contraire ouvrir la voie à une mobilisation durable des capacités de production de l’Union, notamment par une optimisation des cycles du carbone.
Face à la guerre en Ukraine et au blocus russe des ports ukrainiens, l’ONU a lancé l’initiative « Black Sea Grain » en coordination avec des représentants de la Turquie, de la Russie et de l’Ukraine, afin de contribuer à la sécurité alimentaire mondiale en permettant l’exportation de céréales et de denrées alimentaires à partir de trois ports ukrainiens clés (Odesa, Chornomorsk et Pivdennyi). Depuis le 1er août 2022, cet accord est en place et permet le transport de céréales dans le monde entier.
Cependant, le mercredi 7 septembre 2022, le président russe a déclaré qu’il avait l’intention de limiter la destination des céréales à certains pays, affirmant que seuls deux des 87 navires partis transportaient 60 000 tonnes de produits à destination des pays pauvres. Selon Poutine, « si nous excluons la Turquie en tant que pays intermédiaire, alors presque toutes les céréales exportées d’Ukraine ne sont pas envoyées vers les pays en développement les plus pauvres, mais vers les pays de l’Union européenne ».
Analyse de Farm Europe
Selon les données compilées par Farm Europe sur ce sujet, un total de 96 navires sortants ont exporté des céréales dans le cadre de l’accord de l’ONU, selon les mises à jour opérationnelles du Centre de coordination conjoint reçues jusqu’au 6 septembre, qui comprenaient également les bateaux qui devaient partir le mercredi 7 septembre 2022 (le jour de la déclaration de Poutine). En outre, le tonnage total de céréales et d’autres denrées alimentaires exportées par les trois ports ukrainiens avant cette déclaration s’élevait à plus de 2 171 936 tonnes métriques. Voici les pays spécifiques qui ont reçu des céréales des ports ukrainiens dans le cadre de l’accord des Nations unies, ainsi que les quantités reçues :
Pays
N° de navires reçus
Quantité de céréales (Tonnes métriques)
Royaume-Uni
1
13 041
Irlande
1
33 000
Turquie
37
439 490
Italie
7
128 368
Iran
1
60 150
Roumanie
4
73 596
Corée du Sud
2
74 000
Pays-Bas
4
109 198
Égypte
8
230 991
Grèce
3
16 279
Libye
1
16 500
Allemagne
1
58 510
Israël
4
51 810
Soudan
1
65 340
Inde
3
82 100
France
2
21 750
Chine
2
111 840
Espagne
7
344 481
Bulgarie
1
9 835
Kenya
1
51 400
Indéterminé
5
180 257
Ces chiffres indiquent que les pays membres de l’UE ont reçu 795 017 tonnes métriques sur les 2 171 936 tonnes métriques de céréales exportées depuis les ports ukrainiens. Cela signifie qu’environ 1 376919 tonnes métriques de céréales et de denrées alimentaires ont été exportées vers des pays non membres de l’UE. Néanmoins, si l’on soustrait de cette quantité les chiffres des céréales perçues par la Turquie, il reste un total d’environ 937 429 tonnes métriques d’exportations disponibles pour les pays tiers.
La quantité de céréales envoyée aux pays les moins avancés, selon la classification des pays les moins avancés de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, s’élevait à 125 840 tonnes métriques de céréales : le Soudan a reçu 65 340 tonnes métriques de céréales tandis que l’Éthiopie et le Yémen (déclarés dans la catégorie indéterminé car ils ont transité par d’autres destinations intermédiaires) ont reçu un total de 60 500 tonnes métriques des navires Brave Commander et Karteria dans le cadre du Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies.
En août, la sécheresse et les vagues de chaleur record se sont poursuivies, obligeant les producteurs de vin à commencer les vendanges en avance dans toute l’Europe. L’Italie a prévu une baisse de 10 % de sa production, tandis que la France semble se situer autour d’un volume d’année classique, après les résultats de l’année dernière. En France, les discussions se sont poursuivies durant ce mois autour de la question de l’irrigation.
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La crise russo-ukrainienne continue d’avoir de fortes retombées sur les marchés agricoles. Coincés entre la flambée des coûts de production et la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, les éleveurs et producteurs d’aliments pour animaux européens se projettent difficilement.
Les épizooties prolongées et l’augmentation des prix des céréales provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine, devraient réduire la demande d’aliments composés dans l’UE.
Les fortes températures et la sécheresse ont lourdement impacté les pâturages et les récoltes de fourrages et de céréales, menaçant encore davantage le secteur animal européen.
Tous ces facteurs ont fait grimper les prix des produits d’origine animale de l’UE. Toutefois, le risque de décapitalisation face aux coûts de production et d’alimentation induit un risque d’inversion de tendances des cours de viande
En raison de la crise russo-ukrainienne et du manque de protéines végétales, les éleveurs de poulets et de porcs biologiques pourront utiliser des aliments protéinés non biologique grâce à une dérogation temporaire adoptée pour toute l’UE.
Le premier débat du Parlement Européen sur la viande de synthèse s’est tenu mi-juillet. L’UE a été appelée pour les acteurs de ce secteur à investir davantage dans la R&D publique sur ces produits.
Cinq pays de l’UE demandent une révision de la législation actuelle sur le transport des animaux qui remonte à 2005.
Un climatologue propose des changements dans le calcul des émissions de GES du secteur de l’élevage, les calculs conventionnels pourraient être trompeurs lorsqu’ils sont appliqués aux émissions de méthane, en particulier lorsqu’il s’agit de réduction d’émissions.
Les ministres de l’environnement des États membres ont soutenu la proposition de la Commission européenne de réglementation sur les chaînes d’approvisionnement sans déforestation.
Le bœuf et le soja, ainsi que d’autres produits, ne pourraient plus être importés dans l’UE si leur production a causé de la déforestation.
Une enquête révèle que 70% des agriculteurs gallois ont l’intention de réduire leur production l’année prochaine en raison de l’augmentation des coûts et d’autres facteurs (rendements insuffisants du marché, impact des réglementations du gouvernement, etc….). Plus de la moitié des éleveurs de bovins pourraient réduire leurs stocks au cours de l’année, avec une réduction moyenne du nombre de bovins estimée à -10%.
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Depuis près de trois ans maintenant (depuis le début de la crise Covid), l’agriculture européenne est confrontée à un défi après l’autre et à une crise après l’autre. Les conséquences cumulées de ces défis se poursuivent et, même, s’amplifient, alors qu’ils ne font plus la Une des journaux. Et cela constituera une menace sérieuse pour l’agriculture européenne – et pour la sécurité alimentaire mondiale – dans les mois à venir sans réaction de la part des institutions communautaires.
Pendant la pandémie de Covid, les agriculteurs se sont organisés pour assurer un approvisionnement de qualité, en quantité et en temps voulu à tous les Européens ainsi qu’aux pays tiers. Afin de rebondir après la fermeture des marchés liée à cette période, la Commission européenne avait proposé d’inclure une enveloppe de 20 milliards d’euros pour l’agriculture dans son plan de relance européen. Mais les chefs d’État et de gouvernement ont finalement opté pour une enveloppe étroite, réduite de plus de la moitié du montant initial (8 milliards). Cette enveloppe limitée laissait une assez grande souplesse d’utilisation aux États membres. En fait, une très faible partie a été utilisée pour financer des investissements de relance.
Néanmoins, les effets économiques de la crise sanitaire ont persisté pour les acteurs économiques avec une augmentation du coûts des intrants et des consommations intermédiaires sous le double effet d’une reprise de la consommation mondiale et de goulots d’étranglement chez les fournisseurs, principalement en Asie. Cette hausse des coûts de production n’a été que très partiellement répercutée sur le secteur aval. Elle a affaibli les marges des filières agricoles et des agriculteurs.
A partir de l’automne 2021, la dégradation de la situation entre la Russie et l’Ukraine a créé des tensions sur les prix de l’énergie. Elle s’est transformée en une crise profonde avec l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Le blocus des ports ukrainiens et les craintes sur la sécurité alimentaire ont entraîné des flambées de prix des produits agricoles. Ces hausses de prix agricoles n’ont été que marginalement répercutées sur les agriculteurs, car la majorité de la production de grandes cultures avait déjà été vendue ou sous-traitée auparavant. Les négociants ont été les principaux bénéficiaires. En ce qui concerne la production animale, la hausse des prix des denrées alimentaires a annihilé tout effet positif potentiel des augmentations de prix.
Aujourd’hui, les prix agricoles tendent vers les niveaux d’avant l’invasion de l’Ukraine. Toutefois, les prix des intrants, notamment des engrais, restent extrêmement élevés, en raison des incertitudes sur le marché du gaz. Ni celles-ci, ni l’annonce de la fermeture d’usines d’engrais en Europe, ne laissent présager une détente de la situation. Si la baisse des prix agricoles mondiaux peut détourner les projecteurs des fondamentaux des marchés agricoles, la crainte d’une agriculture européenne aux prises avec les conséquences d’une telle compression des prix est réelle.
Afin de limiter l’impact de la crise ukrainienne sur la production agricole européenne, l’Union européenne a permis aux États membres d’agir de manière désordonnée, en fonction de leur capacité à mobiliser des ressources budgétaires nationales. 9 États membres ont présenté des mesures d’aides d’État pour leur agriculture depuis avril 2022 (Allemagne, Pologne, Italie, France, Estonie, République tchèque, Slovénie, Autriche, Bulgarie) avec des écarts importants dans le niveau de soutien, générant des frictions sur le marché intérieur.
Ces mesures, pour ceux qui ont pu en bénéficier, sont de nature à atténuer une partie des difficultés actuelles, mais elles n’anticipent pas le scénario qui se dessine d’une baisse des prix de marché et d’un maintien des coûts de production au plus haut.
Dans le même temps, l’Union européenne a connu l’une des pires sécheresses. 14 des 27 États membres ont été sévèrement touchés (Portugal, Italie, Espagne, France, Irlande, Belgique, Luxembourg, République tchèque, Slovaquie et Croatie). Outre la production de colza, d’autres cultures sont en baisse, ce qui fragilise encore plus les comptes des exploitations. Quant à la production de fourrage, elle est dans un état très préoccupant et menace la survie de nombreux agriculteurs. Déjà confrontés à la hausse des prix des aliments pour animaux et à d’autres facteurs de production dus à la guerre en Ukraine, ils doivent maintenant faire face à un besoin en fourrage qu’ils risquent d’avoir beaucoup de mal à satisfaire d’ici l’automne. Dans ces conditions, des décisions de décapitalisation accélérées sont à prévoir, avec pour corollaire un déséquilibre entre l’offre et la demande qui pourrait conduire à un retournement des prix et à une spirale descendante grave.
Source: JRC, European Commission
En ce qui concerne la production en 2022/23, aucun secteur ne semble à l’abri d’une baisse du chiffre d’affaires et d’une hausse des coûts de production ; ni le secteur animal, ni le secteur végétal. En effet, c’est dans les prochaines semaines que se joue la capacité de l’agriculture européenne à assurer le bon fonctionnement des marchés (européens et pour sa part de responsabilité dans l’approvisionnement des marchés mondiaux) pour les 18 prochains mois. Les décisions de paiement anticipé des aides de la PAC constituent une aide ponctuelle de trésorerie, mais ne suffiront pas à casser la spirale, loin de là. Face à une situation comme celle que nous connaissons, le maintien du potentiel productif européen et des agriculteurs au premier rang de notre sécurité alimentaire passe nécessairement par des baisses de charges et des aides financières (sur fonds frais) à décider et à mettre en œuvre de manière urgente.
La rentrée du Parlement et de la Commission européenne après l’été doit être le moment d’agir, d’agir pour une Europe solidaire, aux côtés de ses agriculteurs.
L’interruption des exportations, notamment de céréales, à la suite du déclenchement de la guerre d’Ukraine en février 2022 par la Russie, a gravement affecté les chaînes d’approvisionnement mondiales. En réaction, l’Union européenne et les Nations unies ont organisé une série d’initiatives visant à garantir la sécurité alimentaire mondiale, de crainte que les chiffres croissants de la faim et de la famine ne se propagent dans le monde entier. Un mois après le déblocage des ports Ukrainians, tour d’horizon de la situation.
En réponse au blocage des ports ukrainiens par l’armée russe, l’Union européenne a lancé les « Solidarity Lanes » afin de trouver d’autres moyens d’exporter les produits agricoles ukrainiens via des voies terrestres alternatives et les ports européens. Ces Solidarity Lanes ont pu débloquer 2,8 millions de tonnes de céréales en juillet, 2,5 MT en juin, 2 Mt en mai et 1,3 MT en avril (soit un total d’environ 8,6 millions de tonnes de céréales). Toutefois, selon la dernière réunion tenue entre les commissions de l’agriculture et des transports du Parlement européen le 11 juillet, l’initiative n’a pas réussi à atteindre les pays tiers.
Le fait de cibler les pays tiers qui dépendent considérablement des céréales ukrainiennes continue pourtant d’être une priorité. En effet, les pays les plus dépendants des importations de blé ukrainien et russe, et donc les plus vulnérables aux perturbations du marché, sont : la Somalie (100%), le Bénin (100%), le Laos (94%), l’Égypte (82%), le Soudan (75%), la République démocratique du Congo (69%), le Sénégal (66%) et la Tanzanie (64%). Comme indiqué le 11 juillet, seules 138 000 tonnes de blé ont été exportées par la Roumanie et la Pologne, ce qui a appelle à des mesures d’urgence supplémentaires.
L’ONU a relevé ce défi en lançant l’initiative en faveur des céréales de la mer Noire, en coordination avec des représentants de la Turquie, de la Russie et de l’Ukraine. Le premier navire qui a pu quitter l’Ukraine après des mois de blocus dans le cadre de cet accord a été le Razoni, le 1er août 2022, transportant un total de 26 537 tonnes de maïs. Par la suite, de nombreux autres navires ont suivi sous l’égide du Centre de coordination conjoint (CCC), établi dans le cadre de l’initiative sur les céréales de la mer Noire le 27 juillet 2022.
Departure, Port Départ, Port
Destination Destination
Name Nom
Cereal Céréales
Quantity (in Metric Tonnes) Quantité (en tonnes métriques)
August 1st, Odesa
Turkey/Egypt
Razoni
Corn
26,537
August 5th, Chornomorsk
Teesport, UK
Rojen
Corn
13,041
August 5th, Odesa
Ringaskiddy, Ireland
Navistar
Corn
33,000
August 5th, Chornomorsk
Karasu, Turkey
Polarnet
Corn
12,000
August 8th, Pivdennyi
Ravenna, Italy
Sacura
Soybeans
11,000
August 8th, Chornomorsk
Iskenderun, Turkey
Arizona
Corn
48,459
August 9th, Chornomorsk
Republic of Korea/Singapore
OceanLion
Corn
64,720
August 9th, Chornomorsk
Istanbul, Turkey
Rahmi Yagci
Sunflower meal
5,300
August 12th, Pivdennyi
Bandar Imam Khomeini, Iran
Star Laura
Corn
60,150
August 12th, Chornomorsk
Istanbul/Tekirdag, Turkey
Sormovskiy 121
Wheat
3,050
August 13th, Chornomorsk
Iskenderun, Turkey
Fulmar S
Corn
12,000
August 13th, Chornomorsk
Tekirdag, Turkey
Thoe
Sunflower seeds
2,914
August 16th, Chornomorsk
Constanza, Romania
Propus
Wheat
9,111
August 16th, Pivdennyi
Djibouti to Ethiopia
Brave Commander
Wheat
23,000
August 16th, Chornomorsk
Mersin or Iskenderun, Turkey
Osprey S
Corn
11,500
August 16th, Chornomorsk
Karasu, Turkey
Ramus
Wheat
6,161
August 16th, Pivdennyi
Incheon, Republic of Korea
Bonita
Corn
60,000
August 17th, Chornomorsk
Amsterdam, The Netherlands
Petrel S
Sunflower meal
18,500
August 17th, Odesa
Istanbul, Turkey
Sara
Corn
8,000
August 17th, Odesa
Gubre, Turkey
Efe
Sunflower oil
7,250
August 18th, Chornomorsk
Istanbul, Turkey
I Maria
Corn
27,982
August 20th, Chornomorsk
Venice, Italy
Zumrut Ana
Sunflower oil
6,300
August 20th, Chornomorsk
Marmara, Turkey
Ocean S
Wheat
25,000
August 21st, Chornomorsk
Kunsan, South Korea
Da Liang
Sugar beet
14,000
August 21st, Odesa
Turkey
Kubrosli Y
Wheat
10,000
August 21st, Chornomorsk
Aliaga, Turkey
Filyoz
Vegetable oil
5,000
August 21st, Pivdennyi
Mersin, Turkey
Foyle
Vegetable oil
4,300
August 22nd, Chornomorsk
Egypt
Great Arsenal
Wheat
25,500
August 22nd, Chornomorsk
Greece
Maranta
Corn
5,300
August 23rd, Chornomorsk
Turkey
Kafkam Etler
Corn
2,437
August 24th, Odesa
Libya
Ganosaya
Corn
16,500
August 24th, Odesa
Rotterdam, The Netherlands
Zhe Hai 505
Rapeseed
29,600
August 25th, Pivdennyi
Germany
Ascanios
Corn
58,510
August 25th, Odesa
Israel
Mohamad Y
Wheat
11,000
August 25th, Odesa
Haifa, Israel
Bellis
Soybeans
6,000
August 26th, Pivdennyi
Tekirdag, Turkey
Oris Sofi
Sunflower oil
5,900
August 26th, Chornomorsk
Mersin, Turkey
Zelek Star
Peas
3,700
August 26th, Chornomorsk
Port Sudan, Sudan
Seaeagle
Wheat
65,340
August 26th, Chornomorsk
El Dekheila, Egypt
Pretty Lady
Corn
45,000
August 26th, Chornomorsk
Cochin, India
Aviva
Sunflower oil
19,100
Le déblocage des exportations ukrainiennes par voie maritime était essentiel pour libérer les plus de 20 millions de tonnes de céréales (environ 6,6 millions de tonnes de blé, 13,6 millions de tonnes de maïs et 400 000 tonnes d’orge) qui étaient bloquées dans les ports ukrainiens, pour une valeur d’environ 10 milliards de dollars.
La situation actuelle indique que l’initiative « Black Sea Grain » a déjà exporté un total de 1,3 millions de tonnes de céréales et de denrées alimentaires depuis les ports d’Odessa, de Chornomorsk et de Pivdennyi. Par conséquent, depuis le lancement des initiatives de l’ONU et de l’UE, un total cumulé d’environ 10 millions de tonnes de céréales et d’oléagineux a été exporté, ce qui représente approximativement la moitié des céréales bloquées au début de la guerre.
La production de la nouvelle saison devrait diminuer en Ukraine, affectée par la perte de terres due à la guerre et une réduction de 40% des rendements en raison du manque de disponibilité et d’accès aux intrants agricoles, ce qui affectera la sécurité alimentaire mondiale. L’Association ukrainienne des producteurs de céréales (UGA) estime que la production de la saison de récolte 22/23 restera autour de 66,5 millions de tonnes de céréales et d’oléagineux (contre 84,6 millions de tonnes pour la saison 21/22) tandis que l’USDA a estimé qu’environ 52,2 millions de tonnes seront produites (25 millions de tonnes de maïs, 21,5 millions de tonnes de blé et 5,7 millions de tonnes d’orge).
Le stockage et le développement de nouvelles voies logistiques avec l’arrivée de la nouvelle récolte restent une question essentielle. Les agriculteurs ukrainiens peuvent compter sur une capacité de stockage de 75 millions de tonnes dans des circonstances normales. Selon les dernières estimations de la FAO, 30% de ces capacités de stockage sont remplies par les céréales de la dernière récolte, tandis que 14% des installations de stockage n’étaient pas fonctionnelles en raison de dommages ou de destruction, et 10% supplémentaires en raison du contrôle russe dans les zones envahies, ce qui signifie qu’il reste des capacités de 35 à 45 millions de tonnes, et un déficit de capacité de stockage pour couvrir les besoins entre 10 et 20 millions de tonnes, qui ne sera que partiellement couvert par l’initiative conjointe lancée par le Japon, le Canada et les Nations unies.
Par conséquent, la mobilisation des agriculteurs ukrainiens, avec le soutien des couloirs de solidarité et d’autres initiatives internationales sous la coordination des Nations unies pour maintenir le secteur agricole ukrainien opérationnel et en mesure d’exporter au moins une partie de ses capacités, ainsi que les efforts pour augmenter la production dans l’Union européenne – malgré les conditions climatiques dramatiques – et les diverses initiatives internationales à l’échelle mondiale comme les initiatives FARM et Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire sont en mesure à court terme d’atténuer les impacts de la perturbation des systèmes alimentaires mondiaux déclenchée par la Russie.
Néanmoins, la mobilisation dans les mois à venir sera essentielle pour surmonter la menace persistante sur la sécurité alimentaire pour les pays importateurs les plus touchés. Ceci appelle à renforcer la logistique et à améliorer le mécanisme de coordination, y compris pour les voies de solidarité, en maintenant l’effort pour accroître la résilience et la capacité de production au sein de l’Union européenne tout en intensifiant l’effort structurel dans les pays en développement pour développer leur capacité à produire des aliments localement. Une attention particulière aux intrants agricoles, notamment les engrais, sera nécessaire.
Avant que les initiatives de l’UE et des Nations unies ne débloquent les exportations ukrainiennes, 22 millions de tonnes de céréales prêtes à être exportées étaient bloquées. La libération rapide des céréales de la saison 21/22 encore stockées en Ukraine devra continuer à être gérée par ces initiatives dans les mois à venir, avec des mécanismes logistiques et de coordination renforcés pour garantir l’efficacité, notamment en canalisant mieux les céréales en fonction de leur qualité et en gérant l’impact du stockage dans des conditions difficiles, stockage qui doit encore être augmenté de 10 à 20 millions de tonnes.
Selon le gouvernement ukrainien, 3 millions de tonnes de céréales en septembre et 4 de plus en octobre seront exportées par les ports ukrainiens. Cependant, il est également important de considérer que l’Ukraine pourrait percevoir moins de navires entrants en raison de la peur de voyager dans des eaux non sécurisées et des difficultés à trouver des assurances ou, en fait, de l’évolution inattendue du conflit.